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Jakadi qu'il fallait tweeter

Jakadi que le “live-tweet” est l’avenir du journalisme

 

Le 30 novembre dernier, les chargés de communication du Prix Pulitzer ont laissé entendre sur leur site internet qu’il y aurait quelques changements pour l’année 2012…

Pour les non-initiés, le Prix Pulitzer est une récompense américaine décernée chaque année dans plusieurs grands domaines, dont le journalisme ; il s’agit d’ailleurs d’une référence au sein de la profession. S’il existe aujourd’hui 14 catégories relatives à la presse, allant du commentaire à la critique, en passant par la photoreportage, ou le dessin, celle qui devrait connaître les changements les plus profonds est la catégorie « Breaking news », ou « infos de dernière minute ». En effet, le communiqué mentionnait l’importance du « real-time reporting » : en clair, ce qui fait une bonne information, c’est sa fraîcheur, le fait qu’elle soit délivrée en temps réel. « The revised definition for Breaking News focuses on reporting that, « as quickly as possible, captures events accurately as they occur, and, as time passes, illuminates, provides context, and expands upon the initial coverage. »

A première vue, rien de particulièrement nouveau ni bouleversant. S’il reste difficile pour des journaux papiers d’actualiser leurs contenus à la minute, les chaînes de télévision d’information en continu telle que BFM ou itélé, ou même simplement les supports internet des grands journaux, font une place de plus en plus grande au « real time » : la toute primeur de l’info devient un gage absolu de qualité. Elle est ainsi livrée brute, ou à peine dégrossie ; et, comme pour les produits agricoles, le consommateur apprécie qu’elle lui soit fournie de manière aussi directe que possible : moins il y a d’intermédiaires entre lui et le producteur de l’information, sa source première, mieux c’est.

Résumons : une information délivrée brute, de façon quasi-immédiate, par des hommes et des femmes de terrain. Qu’est-ce que cela vous évoque-t-il, sinon Twitter ? L’avenir du journalisme résiderait-il donc sur le réseau social ? Le « live-tweet » serait-il la forme journalistique de demain ? Se peut-il qu’un journaliste soit récompensé du Prix Pulitzer pour son activité sur Twitter ?

A priori, la grande révolution ne serait pas pour tout de suite : si le réseau social lancé il y a seulement 5 ans par Jack Dorsey comptait en septembre 2011 plus de 100 millions d’utilisateurs actifs, il n’est peut être pas encore assez popularisé. Son fonctionnement et même simplement son langage, si particulier, restent obscurs pour une grande majorité de non-initiés. Beaucoup apparaissent découragés à leur première utilisation et abandonnent rapidement leur compte après l’avoir créé, sans vraiment prendre le temps de comprendre ; d’autres se contenteraient de suivre l’actualité de leurs abonnements sans rien communiquer eux-mêmes. Pour le moment, Twitter demeurerait trop sélectif pour que l’on puisse parler de bouleversement effectif dans la pratique qu’ont Monsieur et Madame Tout-le-monde de l’information.

Notons cependant que si 40% des utilisateurs actifs s’inscrivent uniquement pour « voir ce qu’il se passe autour », sans contribuer au flux, cela représente malgré tout un public non négligeable. En outre, Twitter note sur son blog qu’un nombre de plus en plus considérable de journalistes se sert du réseau pour supplémenter leur « reporting efforts », « partageant des histoires et des images directement du front ».  Et Twitter de prendre pour exemple Brian Stelter, ou @brianstelter, reporter pour The New York Times et followé – à l’heure où je vous parle… – par 97 764 personnes. Son tweet sur la tornade de Joplin illustre parfaitement cette nouvelle forme de journalisme : un court texte clair et frappant, accompagné d’une photo partagée via Instagram, une plateforme internet permettant de mettre en ligne et diffuser des images depuis son ordinateur ou son Iphone (et bientôt depuis son Smartphone Androïd). Notons qu’elle est également utilisée par Facebook et Flickr…

Cela nous donne-t-il à tous la possibilité de devenir des journalistes ? D’abord, ces nouvelles pratiques modifient-elles vraiment la donne ? Chacun avait déjà les moyens de s’improviser journaliste via un blog, et certains grands reporters d’aujourd’hui ont d’ailleurs débuté ainsi. Twitter bouleverse cependant par l’extrême brièveté de ses posts (140 caractères maximum !), et parce qu’il permet d’actualiser en temps réel l’information. Elle est toujours plus fraîche, et toujours plus proche de sa source.

Il convient néanmoins que nous nous demandions quelle valeur accorder à des news délivrées si brutes et immédiates : s’agit-il réellement de journalisme, ou simplement de témoignages ? Qu’apportent-elles réellement ? Pour le moment, Twitter reste un outil de complément ; on continue à chercher une information plus détaillée et analytique dans les journaux, sur des sites internet ou à la télévision – et la signature d’un professionnel, d’une personne de métier, demeure un gage de qualité.

Mais demain ?
 
Elodie Dureu
Sources et liens :
Pulitzer.org – Digital Entries
Blog Twitter – One hundred million voices

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