Flops

Google Reality

 

Vous en avez probablement entendu parler durant l’année passée. Et cela n’a peut-être pas été sans une petite pensée du style : « le monde devient une série Z ».
Le projet de Google, Glass, devient réel beaucoup plus rapidement que ce que même les plus passionnés des geeks auraient pu imaginer après le teasing de 2012.
De fait, le géant de Mountain View clôture en cette fin février une sorte de Beta ouverte, invitant des volontaires à commander le dernier prototype des lunettes. Un site dédié, racé, efficace et résolument circulaire, permet à ceux qui auront su montrer leur motivation via Twitter et Google+ de devenir des « Glass Explorers », des testeurs en avant-première. Pour la première fois, les rues des États-Unis vont être traversées par d’étranges visages barrés d’un appareil aussi élégant que dérangeant. Et la firme ne parle pas de le commercialiser en 2015 ou 2014. Mais en 2013.

…Verre ?

Pour ceux qui ont raté la vidéo « How It Feels » de Google, retenons que Glass aura plusieurs des fonctionnalités d’un Smartphone (photos, envoi et réception de SMS, recherches Google, suivi GPS…) uniquement activées par la direction du regard, les commandes vocales et les mouvements de l’utilisateur. L’une des fonctions les plus attendues offrira également la possibilité d’inviter ses proches à des « Google Hangouts », consistant en toute simplicité à leur rendre son propre champ de vision accessible en streaming.
L’idée, visant évidemment l’indigène urbain possesseur de Smartphone, est de permettre une immersion dans la vie de tous les jours que tout un chacun tend à perdre à force de passer ses trajets de métro à tapoter sur un écran. Et Google promet des mises à jour très régulières à la fois pour améliorer un système qui est encore loin de fonctionner à merveille et pour bien sûr étendre ses possibilités.

« God » too begins with « G »

Et ce sont ces dernières qui impressionnent. Nul ne tombera de sa chaise en lisant ici que Google est, pour la plus grande part, le prisme par lequel l’Occident (à tout le moins) voit le monde. Son moteur de recherche qui n’est jamais qu’un algorithme, ni omniscient sur le Web ni étranger aux interventions arbitraires sur son référencement, est utilisé par plus de 90% des gens qui ont une question à poser à Internet. Rien de nouveau ici, puisqu’il s’agit là de la toute première activité du géant.
Mais la firme a évidemment bien grandi. Si les réseaux sociaux n’ont pas été une piste très giboyeuse, les fils d’actualités l’ont été beaucoup plus. On se souvient de la récente illustration qu’en a faite le combat entre Google Actualités et les éditeurs de presse européens.
Youtube, pour sa part, est devenu une ouverture inestimable vers le secteur de la télévision. Les refontes successives de la plate-forme de streaming ont certes commencé, via une sorte d’effet diligence, par mettre en forme des suggestions de contenu qui ne faisaient que copier le concept d’une grille de programme télévisuelle. Mais elles sont promises à tellement plus au travers des 13 chaînes Google TV prévues pour la France seule et d’un parc de télévision connectée qui représentera probablement un marché exploitable d’ici fin 2013. Les chaînes traditionnelles, publiques comme privées, ont toutes les raisons d’avoir peur, très peur, du défi que va représenter leur expansion digitale face à un acteur qui nage dans ce secteur depuis sa naissance et pourra certainement éviter les déboires d’un Orange.
Et c’est sur ces bases que sera lancé un appareil bon marché à 1.500 $ en prix de vente annoncé. À comparer aux 125.000 $ du MREAL de Canon.
Bon marché donc, et plus proche des sens humains qu’aucun Smartphone ne l’a jamais été, prenant une terrifiante longueur d’avance sur l’Iwatch d’Apple. Ayant à peine commencé à batailler contre les Galaxy et autres Iphone avec le Nexus, Google passe donc à un produit dont le principal argument est précisément de faire paraître tous ces objets redondants et encombrants.

Le « tout-connecté », c’est « has-been »

Bref, vous savez probablement déjà où je veux en venir. Si l’on admet qu’Internet est devenu une manne et un succès mondial pour sa capacité à générer des communautés solides, et surtout, apparemment spontanées, que penser de Glass ?
Il ne s’agit plus, pour les annonceurs, de bombarder la Toile de discours d’escorte plus ou moins brillamment dissimulés, pour prendre un contact toujours plus fluide avec le consommateur. Il ne s’agit plus, pour ce dernier, d’accepter avec une vague gêne de consacrer chacun de ses instants d’oisiveté à liker, partager, twitter et allègrement diffuser de précieuses informations sur ses pratiques et ses habitudes. Enfin, il ne s’agit plus pour l’industrie des médias de trouver des moyens de garder sa validité tout en restant un vecteur indispensable à des stratégies de communication en refonte constante.
Glass pourra potentiellement faire intervenir tous ces acteurs, à chaque instant, avec une précision chirurgicale. Rendre le data mining ridiculement aisé car alimenté de façon proprement inconsciente. Créer autant de pratiques de consommation qu’il y aura d’occasions de regarder droit devant soi. La promesse de la réalité augmentée, en adaptant le mystérieux Ingress, équivaut même à une renaissance complète de ce que nous appelons communément la publicité.
Et aucun de ces moyens de contact, prodigieusement efficaces à n’en pas douter, ne sera possible sans Google. Ce doit être cela que les anglophones appellent brilliance.

 
Léo Fauvel
Sources :
The Verge
Doc News
The Register…
…et le brevet déposé pour Glass

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