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Abercrombie : bad buzz ou technique de com’ ?

 

En excluant certaines catégories de personnes on reconnaît à d’autres catégories la chance, et la légitimité d’entrer dans la caste des « beaux », d’appartenir à la secte des mensurations Abercrombistement parfaites. Le CEO aux idéaux physiques tordus, Mike Jeffries, descendant direct de Biff Tannen (Retour vers le Futur), nous fait avaler de force sa conception de la beauté. Il revendique ses idées et les clame de bon cœur, sans gêne aucune. Avec une bonne dose de fierté et un soupçon d’arrogance, il se permet d’exclure de ses magasins et de ses T-shirts toutes les grosses du monde. Qu’à cela ne tienne, Greg Karber à choisit de lui répondre d’une manière hautement symbolique. Non pas en l’insultant ou en le fustigeant, la lapidation de critiques ne feraient qu’alimenter la croissante notoriété de la marque en formant un nuage de bruit autour du bad buzz. Alors il a choisi de s’attaquer directement à l’image d’A&F. Une image contestable et contestée, il a donc choisi de renverser la tendance.

Le but est de mettre à mal l’image d’une marque destinée aux beaux, riches et populaires en distribuant des vêtements d’A&F aux sans-abris. Ainsi ils deviennent gratuitement les ambassadeurs indésirables de la marque. Voir la vidéo ci-dessous.

#FitchTheHomeless

Si la réponse à la polémique est aussi cinglante c’est aussi parce que la mode est rarement irréprochable en matière d’éthique et de considération morale. La marque Abercrombie avait déjà fait preuve de pratiques sociales douteuses en 2011 et 2010 en détruisant directement les produits retournés par les clients, en dépit des demandes des associations pour les récupérer. La marque ne conçoit pas que ses vêtements soient accessibles aux plus démunis, les pauvres seraient donc trop moches… Mais le groupe du petit fils du vieux Biff avait également défrayé la chronique en Avril dernier avec sa marque Hollister et de sombres, mais non moins classiques, histoires de discrimination. Les « beaux gosses » paradent à moitié nus dans le magasin pour attirer les jeunes donzelles fraiches et pimpantes, pendant que les gros et moches sont relégués à l’arrière-boutique pour « gérer le stock » (comprenez plier les Tshirts).

Alors oui il s’agit d’un positionnement marketing et de stratégie de communication. Mais depuis quand une stratégie de communication peut se faire excluante et exclusive ? Peut-on vraiment choisir de sélectionner des cibles en intégrant dans cette sélection l’exclusion de tous les autres consommateurs ?

Stratégie à part entière, bien que le personnage de Mike Jeffries semble complètement naturel, ce choix d’exclusion des personnes « imparfaites » ne dessert pourtant pas directement la marque. En réalité on pourrait comparer cette stratégie avec celle mise en place par le site de rencontre Attractive World. Sur les sites de rencontres en ligne comme dans la vraie vie non virtuelle, il existe des exclus : les gros, les moches, les analphabètes etc. Ceux qu’on ne veut pas forcément voir dans sa boutique. Alors on instaure des filtres pour ne garder que les « célibataires exigeants ». Attractive World exclut donc les moches pour contenter sa cible haut de gamme. Si vous cherchez du prêt à porter et de la rencontre en ligne passez votre chemin, ici on parle haute couture. Exclure pour mieux cibler. Revendiquer pour mieux être contesté. Et en même temps c’est en se positionnant comme une marque sélective, réservée à une sorte d’élite de la beauté que l’on suscite l’envie d’appartenir à cette élite chez le consommateur. Les personnes correspondant aux mensurations de A&F se sentiraient donc comme faisant partie d’une classe supérieure, plus belle, plus musclée. Et tant pis pour les autres.

 « Dans chaque école, il y a les enfants cools et populaires et il y a les autres. Nous, on va chercher les enfants cools. Seules certaines catégories de personnes peuvent acheter et porter nos vêtements. Excluons-nous des gens ? Absolument »
La position de Mike Jeffries est entièrement décomplexée. Et si en tant que stratégie marketing elle peut fonctionner un certain temps, le bad buzz fini par nuire à la marque. L’initiative de Greg Karber en est la preuve, et si le mouvement continue à grossir via les réseaux sociaux (déjà 5 500 000 vue sur Youtube en 5 jours), le préjudice causé ne sera pas que symbolique. #FitchTheHomeless

 
Margot Franquet
Sources :
Le Vif
Le Point
Business Insider
La Voix du Nord
Le Nouvel Obs
Le Plus – Nouvel obs
Rue89
Métro

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