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Jacques a dit c'est encore Lui

 

La semaine dernière, un magazine à la fois tout neuf et déjà vintage sortait dans les kiosques. « Lui », relancé cette rentrée par Frédéric Beigbeder, c’était le mensuel des vrais hommes dans les années 70 : moitié macho, moitié intello, alternant entre rubrique ciné signée François Truffaut et pin-up nue en page centrale, avec un petit côté BCBG gentiment subversif. Mais le ton particulier de cette ligne éditoriale, à l’époque assez anodin, aura-t-il la même résonnance dans une époque où la guerre des sexes a repris du poil de la bête ?

Le cap fixé par Beigbeder et son équipe semble à la fois très simple et difficile à tenir. « Lui » s’adresserait donc au vrai mâle qui sommeille en chaque métrosexuel à la virilité malmenée. Il faut dire que le contexte s’y prête. Entre « La fin des hommes » d’Hanna Rosin et «Le premier sexe »  d’Eric Zemmour, l’heure est à la proclamation de la domination féminine, que ce soit pour la déplorer ou la célébrer. Le magazine se présente donc comme l’alternative à une presse masculine trop aseptisée, paralysée par cette inversion des rapports de force. Or, pour siphonner le lectorat de GQ et compagnie, rien de plus simple : il suffirait de combiner la nudité et les articles cash pour stimuler l’inconscient archaïque de ces messieurs.

Le problème, c’est que le magazine de charme a pris un sacré coup de vieux. Avec internet les filles nues sont désormais à portée de clic, donc plus besoin de les associer à des articles de fond pour légitimer l’achat du lecteur. Il en a résulté une totale dissociation entre revues pornographiques estampillées « beauf », et une presse plus sérieuse où les rubriques géopolitique et culture ne laissent plus de place à un intermède coquin. Le challenge sera donc de fédérer ces deux types de lectorat en n’étant ni trop vulgaire ni trop pointu. Pari plutôt réussi avec ce premier numéro, auquel Léa Seydoux apporte sa caution bobo « film d’auteur », ce qui ne l’empêche pas de montrer ses seins. Mais l’équilibre est précaire, et le parti pris dangereux : si on ferme aisément les yeux sur l’objectification de la femme dans tous les journaux féminins, il est très probable que les censeurs ne seront pas aussi indulgents avec ce mensuel à la réputation déjà sulfureuse.

 

Marine Siguier 

 

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