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Making people scream…. and buy

 

«Achetez ou mourrez». C’est le message délivré par la marque japonaise de pneus Autoway dans son nouveau spot publicitaire mis en ligne le 19 Novembre dernier. Cette vidéo est précédée d’une mise en garde envers les personnes cardiaques, ce qui vous laisse très vite imaginer le topo. Conçu comme un mini-film d’horreur, le spot nous plonge à l’intérieur d’une voiture circulant sur une route de campagne enneigée, au beau milieu de la nuit. Apparait alors brusquement le fantôme effrayant d’une petite fille au loin. Cette dernière, le visage zombifié, la taille enserrée par un pneu, vient frapper contre le pare-brise. Le conducteur (nous) est terrifié et s’enfuit en marche arrière. Au loin, le zombie tient un ordinateur portable avec une phrase inscrite sur l’écran, que l’on pourrait traduire par « achetez des pneus d’hiver ou vous mourrez». Bien que le sens soit assez difficile à saisir, il semblerait qu’Autoway nous conseille d’acheter des pneus d’hiver pour éviter l’accident et ne pas finir en zombie décomposé.
Ainsi, la compagnie de pneumatiques a intelligemment repris les codes narratifs et esthétiques des films d’horreur japonais tels que The Ring ou Dark Water. Cheveux longs noirs, fantôme de petite fille, caméra amateur, visibilité réduite : le pari est réussi. Mais pourquoi utiliser le registre de l’horreur alors que d’autres marques comme Michelin utilisaient il y a quelques années de sympathiques personnages de dessin animé ? L’horreur ferait-elle vendre?

Bien qu’à première vue cela semble loufoque, ce postulat n’est en réalité pas si décalé. En effet, si l’on regarde de plus près les tendances actuelles, on voit très vite émerger un nouveau marché, celui du gore, de la peur et du paranormal. Depuis une dizaine d’années s’enchainent les succès cinématographiques appartenant au registre de l’horreur ou de l’épouvante, comme REC, Saw ou encore Paranormal Activity. A la télévision, on retrouve le même engouement aussi bien dans les émissions de TV réalité comme Fear Factor que dans les reportages insolites de Vice. Les séries TV sont quant-à-elles plus que révélatrices: les zombies de The Walking Dead, les vampires de True Blood et les sorcières de American Horror Story font désormais partie de l’univers culturel de toute une génération.

Certaines entreprises sont donc arrivées à la conclusion qu’effrayer faisait vendre. Face à une génération en permanente quête de dépassement et de sensations fortes, le marketing de la peur se présente en effet comme une arme potentiellement intéressante. En 2011, la marque américaine Phone 4U lançait une publicité inspirée des films d’horreur, si effrayante qu’elle avait été interdite à la diffusion. Malgré cela, ce spot dont le slogan menaçant était «missing our deal will haunt you» a marqué le début d’une nouvelle tendance qui n’a cessé d’aller crescendo depuis. Récemment, elle s’est matérialisée sous la forme de caméras cachées, qu’il s’agisse de l’opération de télékinésie totalement ficelée par l’équipe du film Carrie, la vengeance, ou encore du canular mis en place pour la promotion du dernier film Chucky au Brésil. Souvenez vous, la vidéo de la poupée Chucky en chair et en os venant terroriser des passants assis sous un abribus avait fait le buzz et généré plus de 11 millions de vues sur Youtube.

Si les publicitaires ont su exploiter de main de maître le filon, une agence de communication est allée jusqu’à en faire son mot d’ordre.  La célèbre agence St John repousse les limites de « l’experiential marketing » en inventant « l’ exFEARiential marketing ». Dans un petit reportage mis en ligne sur son site, l’agence explique en quoi la peur a un potentiel marketing exceptionnel. La peur étant un sentiment qui reste longtemps imprégné dans la mémoire du spectateur, au même titre que la musique ou la joie, elle serait donc un outil communicationnel hors pair. Dans sa vidéo, l’agence vante les mérites des canulars (émeutes, agressions ou encore babynappings), ces derniers ayant théoriquement le pouvoir de pousser à la consommation.

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Le marketing de la peur est-il alors une véritable tendance ou une nouvelle idée farfelue destinée à faire le buzz ? Difficile à dire. Ce qui est certain c’est qu’aujourd’hui, le client ne veut plus simplement consommer, mais aussi vivre une expérience lorsqu’il achète. Le consommateur du XXIème siècle ne se contente plus uniquement de publicités centrées sur le produit, il veut plus que ça. Les marques se battent alors pour être celles qui offriront l’expérience la plus forte, la plus inventive. Qu’il s’agisse de l’amour, du désir, du bonheur ou de la beauté, les sentiments majoritairement invoqués sont positifs.  Et pourtant rien ne nous dit qu’ils ont davantage d’impact que les sentiments négatifs. En s’alignant sur le goût certain des nouvelles générations pour l’horreur et la peur, « l’exFEARiential » s’inscrit dans l’ère du temps grâce à une logique osée et innovante. Cependant, la route paraît encore longue avant qu’une publicité comme celle de la marque japonaise Autoway fonctionne indépendamment du buzz qu’elle a  provoqué.
 
Hélène Carrera
Sources
FranceInfo
LeGeekC’estChic
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