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Le sport féminin : un combat perdu d'avance ?

 

Nous avons encore tous en tête ces magnifiques commentaires de Philippe Candeloro pendant les Jeux Olympiques de Sotchi : « Je connais un anaconda qui serait bien allé embêter cette Cléopâtre canadienne »,  « Vous pourrez lui dire que c’est pas la seule à être excitée, elle a un joli sourire cette patineuse »,  « Elle a des airs de Monica Bellucci, avec un peu moins de poitrine mais bon… ».

Blagues lourdes comme celle de l’oncle un peu éméché aux repas de famille ou propos sexistes ? La question est difficile à trancher, mais elle a le mérite de reposer une question extrêmement importante : celle de la place du sport féminin à la télévision.

La ligne de défense France Télévisions

Philippe Candeloro n’en démord pas et le président de France Télévisions non plus : ce ne sont pas des propos sexistes car le patinage artistique se juge aussi sur le physique. Le président ajoute : on aime Candeloro justement parce qu’il est drôle même si pas toujours politiquement correct. Philippe Candeloro affirme lui-même ne jamais donner dans le « trash ».

Bizarrement, par contre, les propos relevant du physique concernent toujours les femmes. Pourtant et, jusqu’à preuve du contraire, dans le patinage artistique, il y a aussi des hommes. Mais leur physique semble avoir moins d’importance.

Un certain regard sur le sport féminin

Ce qui est en cause avant d’arriver à des raisons toutes matérielles c’est le regard des gens sur le sport féminin. Qu’ils soient directeurs des programmes, commentateurs ou simples téléspectateurs, le regard des hommes sur le sport féminin n’est souvent pas un regard bienveillant. On se souvient encore des propos de Jean-Michel Aulas, président du club de football lyonnais, qui affirmait que les femmes devaient retourner à leurs casseroles, avant de s’occuper de football. Pourtant, l’équipe féminine lyonnaise est l’une des meilleures de France.

Les performances sont là, la plupart du temps, mais peinent à changer ce regard dévalorisant sur le sport féminin, qui est plus ou moins révélateur du regard porté sur la femme en règle générale. On regarde le sport féminin différemment, on compare les performances à leurs homologues masculins, on juge leur physique beaucoup plus qu’on ne juge celui des hommes. Et puis, surtout, les femmes trouvent leur place à la télévision dans des sports qui sont dits « adaptés » pour elles : danse, gymnastique, patinage… Pour ce qui est du football, milieu malheureusement machiste par excellence, les femmes peinent encore à trouver leur place, malgré de très bonnes performances du football féminin français au niveau européen.

Le regard est sûrement la chose la plus difficile à faire évoluer, et la diffusion du sport féminin sur les chaînes publiques serait peut-être un bon moyen de le faire. Mais là aussi, les obstacles sont nombreux.

La diffusion sur les chaînes publiques : mission impossible ?

Il faut toutefois faire attention à ne pas peindre un tableau trop sombre. Pendant Roland Garros ou les Jeux Olympiques, le sport féminin trouve une bonne place sur France 2 et France 3. La natation par exemple, grâce aux performances de Laure Manaudou et des nouveaux talents de l’équipe de France comme Camille Muffat, fait de bonnes audiences. C’est le cas aussi pour l’athlétisme. Enfin, la finale féminine de Roland Garros ne démérite pas au niveau de l’audience par rapport à la finale masculine.

Mais ce sont ici des exemples de sport réputés « adaptés » aux femmes et pendant des événements sportifs spécifiques. Quand il s’agit de football ou de rugby, beaucoup de barrières se dressent. La première raison invoquée par les chaînes est souvent le manque d’audience, mais certains chiffres tendent à prouver le contraire. Lorsque D8 diffuse la demi-finale de la Coupe du monde 2011, elle réalise un des plus beaux scores de la TNT avec 2,8 millions de téléspectateurs. Les rencontres de rugby féminin font des audiences assurément correctes sur France 4 avec une montée en puissance pour des évènements comme la Coupe de France.

Quelle est la raison alors si ce n’est pas le manque d’audience ? Peut-être est-ce le manque d’audace. Eurosport s’est positionné sur ce marché tout comme Sport + qui diffuse, par exemple, du handball féminin (autre sport où les femmes s’en sortent extrêmement bien, mais les grands médias nationaux ne parlent pas, par exemple, de la coupe du monde féminine. Mais ces deux chaînes sont pour l’instant assez seules. La prise de risque est difficile dans le monde de la télévision car elle se solde souvent par une sanction au niveau des audiences et donc au niveau de l’achat de temps publicitaire par les annonceurs.

Le CSA a tenté d’apporter sa pierre à l’édifice en organisant le 1er février la Journée internationale du sport féminin. La mesure était incitative, les chaînes qui ont décidé de ne pas prendre part à cet événement n’ont pas été sanctionnées. L’idée fait alors son chemin dans la presse nationale et au sein des directions de chaînes. Profitons de la proximité avec la Journée de la femme pour dire avec le sourire : messieurs, ayez un peu d’audace !

 
Paola Paci
Sources
LePoint
LeMonde
LeNouvelObservateur
LeMonde
Crédits photos : Bertrand Guay / AFP

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