Consommation collective
Société

La consommation collective ou le Human to Human

 

Qu’elle concerne la mutualisation des biens, ou des savoirs, la consommation collaborative, autrement dit le human to human, pèserait aujourd’hui plus de 3 milliards d’euros, d’après une estimation annuelle de Forbes en 2013. Fort d’une croissance de près de 25% en 2013, ce phénomène porte désormais un nom: la consommation collaborative (la sharing economy). Et en voici le nouveau messie : il s’appelle Jeremy RIFKIN, et avec son dernier ouvrage La nouvelle société du coût marginal zéro, il poursuit son œuvre sur « la troisième révolution industrielle ».

Aujourd’hui, un marketing hyper-puissant, des informations envahissantes et une publicité omniprésente nous incitent à nous remettre en question : qu’est-ce qui au juste, compte vraiment à nos yeux?  Posséder était, jusqu’il y a quelques années, le moyen ultime de manipuler les univers de signes véhiculés par les objets, ce qui nous permettait de nous affirmer au sein de notre société. Mais en remettant en question cette échelle de valeurs, beaucoup d’entre nous, dépassés par ce dictat fétichiste, avons reconsidéré nos priorités. Oui, nous sommes de plus en plus nombreux à considérer  que l’expérience prévaut sur la possession en tant qu’accomplissement ultime de notre singularité. Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que peut-être il avait été nécessaire de remettre en question nos modes de consommation affolés, pour se rendre compte que d’autres possibilités s’offraient à nous.

Emmène-moi, aidons nous, partageons nos projets

Tous les domaines de notre vie quotidienne sont touchés, depuis la consommation la plus basique de biens alimentaires (réseau des AMAP, La Ruche qui Dit Oui), en passant par les transports (Blablacar), au financement de projet (KissKissBankBank, Ulule, Kickstarter…), aux services, et à la remise en cause des institutions et des monopoles du marché. Pour des exemples concrets de projets collaboratifs, c’est ici que ça se passe.

L’émergence de cette économie s’accompagne d’un nouvel élan dans les métiers de la communication. Il s’agit désormais de recréer du lien entre les humains, de remettre en avant les qualités et les avantages des objets : oui, ces derniers ont le droit à une deuxième vie, et grâce à eux, nous aspirons à de nouveaux contacts humains.

La fin du gratuit ?

Attention cependant ! La consommation collaborative reste avant tout une nouvelle manière de consommer. Le futur envisagé est fondamentalement différent de celui que notre génération et celles qui nous ont précédées  ont, jusqu’alors, imaginé. Mais certains penseurs nous mettaient déjà en garde : pourrait-on envisager que dans une société où tous les services sont optimisés, connectés et payants, les gens ne soient plus capables de se rendre service gratuitement ? C’est une interrogation intéressante. A moins que l’évolution de  l’économie ne laisse place à une autre forme de monnaie d’échange ou de troc (comme c’est déjà le cas dans des réseaux spécifiques ou il s’agit d’échanger des biens et des services similaires), les discriminations purement d’ordre financier n’en seraient que prolongées. Et la problématique de l’accès à cette nouvelle forme d’économie deviendrait la principale barrière à l’ouverture de ces méthodes de consommation au plus grand nombre.

Comment s’adaptent les industriels face à ce nouveau pan de l’économie ?

Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est la réaction des industries actuelles face à la menace que constitue pour elles l’économie du partage. En encourageant la mise en commun des connaissances et des savoirs cette économie du partage  créé de nombreuses opportunités, mais du même coup, réduit les débouchés sur le marché du neuf. A court terme, le constat est alarmant pour les entreprises installées, et il faut réagir vite. C’est pourquoi, les firmes ont d’ores et déjà commencé à riposter, parfois en encourageant les start-up prometteuses (Start’inPost à La Poste), ou en constituant au sein de leur entreprise un laboratoire d’innovation, comme pour l’entreprise Castorama avec Les Troc’Heures . C’est donc un nouveau défi dont les marques se sont saisies.

CastoramaTrocHeures
Le site Les Troc’Heures lancé par Castorama permet de s’échanger des services de bricolage.

Des thinks-tanks spécialisés dans le conseil stratégique et l’accompagnement de ces firmes dans leur transition vers cette nouvelle économie (tel que Crowd Compagnies) sont apparus. Ce bouleversement concerne tant les produits et leur distribution que les méthodes de recrutement au sein des entreprises, le management – qui tend à devenir plus participatif-, les nouveaux modes de communication et l’expression positive de la marque envers les consommateurs. En effet selon les sondages, beaucoup de consommateurs pensent avoir trop de matériel, et se sentent encombrés par pléthore d’objets inutiles. En somme, nous voulons consommer en accord avec nos valeurs.

En ce qui les concerne, les marques n’ont pas seulement à faire face à un changement au niveau des débouchés, mais elles doivent se légitimer au sein de la Cité, auprès des consommateurs, qui cherchent désormais à donner du sens à leurs actes d’achat.

Cela passe essentiellement par la promotion de leur démarche environnementale au cœur de campagnes publicitaires grand public, au prix d’un green washing généralLa marque Le Chat a justement récemment fait les frais de cet excès de respect envers la nature, accusée de promettre des vertus écologiques non tenues.

Le Chat Pub
La campagne « Le Chat ECO efficacité » a fait polémique et a été accusée de Greenwashing.

Quoiqu’il en soit, l’économie collaborative serait un bon pas à franchir vers une économie plus respectueuse de l’environnement et socialement plus généreuse. Cependant, nous devons veiller à ce que les valeurs de départ ne soient pas systématiquement instrumentalisées, et détournées pour masquer une finalité mercantile. L’économie collaborative, c’est encore un système d’hyperconsommation qui marquera, dans le meilleur des cas, une étape vers l’autonomisation des citoyens. Affaire à suivre…

 
Lucie Jeudy
 
Sources :
 
Jean Baudrillard, La société de consommation, Folios, collection Essais, 1970, 316 pages.
Rachel Bosman What’s mine is yours: the rise of collaborative consumption.
Anne-Sophie Novel, La vie share mode d’emploi : consommation, partage et modes de vie collaboratifs, Manifestô, 2013
liberation.fr
legroupe.laposte.fr
observatoiredelapublicite.fr
influencia.net
influencia.net
 
Crédit photos : 
 
web-strategist.com
2.bp.blogspot.com
observatoiredelapublicite.fr
Pour aller plus loin :
Reportage « Global Partage » :

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