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Snapchat lance Discover (et sa monétisation ?)

Fin janvier 2015, l’application des 15-25 ans de partage de photo et de vidéo Snapchat a annoncé le lancement d’un nouveau service : Discover. Cette nouveauté permet aux utilisateurs de « switcher » depuis leurs partages personnels vers des contenus interactifs d’actualité ou de divertissement fournis par d’importants médias tels que CNN, National Geographic ou encore Vice. Chaque page propose tous les jours une nouvelle offre interactive actualisée (photos, vidéos, textes etc.). La firme qui ne générait jusqu’alors aucun revenu et qui a été valorisée à plus de 10 milliards de dollars serait-elle entrain d’enclencher sa monétisation en créant à travers Discover des espaces publicitaires potentiellement très juteux ?

Snapchat comme outil marketing prometteur

« Ce que nous vendons à Coca-cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Cette célèbre phrase de Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, résume bien les enjeux rencontrés par les annonceurs et les médias. En effet, ce qui intéresse les marques dans leur stratégie médias, c’est de trouver les supports les plus adaptés à leur cible : toucher le plus possible les consommateurs potentiels et de la façon la plus efficace.

Une étude récente menée par la chaîne de télévision anglaise Sky News a montré que 18% des 16-24 ans seulement utilisaient des médias dits « mainstream » (comprendre « médias traditionnels » tels que la presse écrite, la télévision et la radio) pour s’informer de l’actualité. En effet, les réseaux sociaux sont devenus en quelques années la première source d’information de cette tranche d’âge tant sollicitée par les marques.

C’est pour s’adapter à de telles mutations que les entreprises de médias classiques se sont de plus en plus imposées sur la toile, principalement sur Facebook et Twitter. L’information délivrée prend la forme de ce que l’on pourrait appeler des « digest news » : il s’agit d’une information « prémâchée » dans le sens où leur contenu est succinct, synthétique et ne pousse pas l’internaute à l’interprétation ou à des questionnements. Le but in fine étant encore et toujours d’attirer les annonceurs, la publicité étant leur source de revenu principale.

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Le format et le principe même de l’application Snapchat semble très attrayante en termes de publicité et de marketing. Les marques s’y intéressaient d’ailleurs de plus en plus en postant des vidéos ou des spots dans la rubrique « stories » de l’application. Cela leur permettait de toucher un public jeune (15-25 ans), très précieux et difficile à atteindre. Le principe de Snapchat repose sur le caractère éphémère des images et des vidéos qui disparaissent au bout de 3 à 10 secondes. Cela force l’utilisateur, potentiel consommateur, à délivrer de l’attention le temps de la visualisation : le caractère éphémère du contenu permet de focaliser efficacement l’attention de l’utilisateur.

Ce caractère éphémère se retrouve dans la nouvelle fonctionnalité de Snapchat, Discover. Les médias d’information présents proposent des contenus disponible pendant seulement 24 heures dans un format au sein duquel des insertions publicitaires semblent faciles. Bien que Snapchat ne s’en vente pas encore en ces termes, il y a de fortes chance que ce modèle économique ait été choisi pour amorcer la monétisation de l’application au petit fantôme déjà valorisée à 10 milliards de dollars.

Le risque d’une « ringardisation » et d’un détournement des utilisateurs

Snapchat est un réseau social et sa communauté risque de s’en détourner dans le sens où Discover n’a pas été conçu sur ce modèle. Parmi les avantages à s’informer à partir des réseaux sociaux, on trouve principalement le ciblage qui va être fait par les utilisateurs. En effet, les internautes peuvent choisir quels médias, quelles marques ils vont suivre selon leurs centres d’intérêts. Les données récoltées vont ensuite permettre une publicité ciblée de la part des annonceurs. L’offre s’adaptera aussi en fonction de ce que vous suivez, lisez, regardez. C’est le principe même de Facebook.

Or, Discover n’offre aucun ciblage. Le contenu est choisi par les partenaires financiers de l’application qui vont tenter de captiver une audience qui n’a pas choisi sur quoi elle allait « s’informer ». L’offre est la même pour tous les utilisateurs. Discover n’est pas « social » et l’équipe de Snapchat l’affirme « Discover n’est pas un média social. Les médias sociaux nous disent quoi lire à partir de ce qui est le populaire. Nous voyons les choses différemment. Nous comptons sur les rédactions et les artistes, pas sur les cliques et les partages, pour déterminer ce qui est important ». Il s’agit en quelque sorte d’un retour au modèle de la télévision des années 1950, où les téléspectateurs regardaient tous la même chaîne sans aucun choix possible.

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Le business model de Discover semble avoir pour but de capter du « temps de cerveau disponible » et non pas d’informer les internautes sur l’actualité en choisissant et en traitant des faits marquants de l’actualité. Il n’y a rien de social là dedans car aucune interaction entre les utilisateurs à lieu : pas de partages, pas de likes

Cette mutation d’un réseau à l’origine social en un média qui semble construit sur un modèle désuet dans un contexte où il est acquis que les internautes veulent choisir ce qu’ils voient, pourrait conduire à une « ringardisation » de Snapchat. D’autant que ses utilisateurs sont très jeunes, connectés et habitués aux pratiques des nouveaux médias.

Cependant, Snapchat n’est pas la première plateforme sociale à opérer une transition vers une fonction de publication de contenus et à capitaliser sur le storytelling. Les marques se servent par exemple, d’Instagram pour faire de la « native advertising » (publicité native). Il s’agit selon Charles Gros (expert des médias online) de la « descendante directe du publireportage sur supports journalistiques » qui propose « des contenus publicitaires littéralement intégrés au contenu des sites internet ».

Alice Rivoire

Crédits images :
adweek.com
theguardian.com
huffingtonpost.fr

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