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Société

Moi, le sida : quand la communication devient vraiment virale

« Je suis là ». C’est tout simple, et pourtant, il a raison. On ne l’a pas oublié, mais à force de campagnes, d’émissions, de manifestations… il est devenu presque banal. On n’en parle plus autant qu’avant. C’est vrai, il fait partie du paysage, aujourd’hui. Puisqu’on parle moins de lui, l’agence WNP pour l’association AIDES, a décidé de redonner la parole au SIDA dans une toute nouvelle campagne. Le sida y parle de lui, de vous, de ses soirées… Personnage virtuel envahissant, et même assez flippant, il s’immisce dans votre vie virtuelle comme il le fait dans la vraie vie, sans prévenir, sans crier gare. L’objectif  de cette campagne de communication est clair : débanaliser le sida, et rappeler qu’il fait toujours 35 millions de victimes.
 
Le sida s’exprime – Il faut le faire taire.
La campagne se déroule en deux phases : du 1er mai au 8 juin, le sida est sur les réseaux sociaux. À 32 ans (pour rappel, il a été identifié en 1983), il est sur Facebook, Twitter, Instagram, Linkedin, Grindr, Tinder… Et il se fait connaître. Sur Facebook, il commente, like, raconte sa vie. Sur Twitter, nombreux sont ceux qui ont reçu la notification (pas forcément rassurante) « Le sida vous suit ». Le sida tweete, retweete, partage… Sur Tinder et Grindr, grâce aux étudiants du groupe ISEG, il est géolocalisé partout en France, et son profil peut apparaître dans votre périmètre. Sur Linkedin, il parle de son parcours professionnel, sur Intsagram, vous pouvez découvrir ce qu’il mange, ce qu’il voit, où il sort… Il évoque sa vie sexuelle dans le courrier du cœur des magazines féminins, et sur Leboncoin, il vend des boîtes de préservatifs périmés.
En somme, le sida est partout, et il le dit : canicule, Eurovision, bac 2015, affaire Carlton, Festival de Cannes… Tous les sujets d’actu le concernent. #Jesuislà.

Et depuis le 8 juin, il n’est plus seul à s’exprimer. Pour la deuxième partie de la campagne AIDES prend aussi parole : vidéo diffusée à la télévision et sur internet, spot radio, affichage, pétitions… Le message est simple : le sida est là, il parle, avec la voix de Gaspard Proust. Alors, « Pour le faire taire : AIDES.org ».

 

Une campagne innovante
L’atout principal de cette campagne se trouve dans son analyse du sujet lui-même : ses piliers sont la viralité, la parole, et l’intrusion… Comme le sida ! Aujourd’hui, pour continuer à sensibiliser sur le virus et les risques de transmission, il fallait qu’il s’exprime, et l’analyse faite par WNP est sur ce point se révèle pertinente. Tout le monde a déjà évoqué ce sujet, il fallait donc trouver un nouveau moyen innovant pour lui donner la parole. De plus, les campagnes de communication et de sensibilisation se développent de plus en plus aujourd’hui via les réseaux sociaux, outils de communication qui permettent une diffusion virale du sujet… Evidemment, le parallèle créé avec le VIH n’est pas innocent.
Enfin, l’intrusion dans la vie des gens organisée par cette campagne permet une prise de conscience individuelle. C’est bien le fait d’être suivi, liké ou d’avoir sa publication partagée ou commentée par le sida qui rappelle à chaque individu que le sida est toujours là, autant sur les réseaux sociaux que dans la vraie vie : le sida frappe à votre porte, le sida vous a « en ami », le sida « vous suit », personnellement.
En outre, le storytelling de cette campagne se construit au jour le jour, selon les réactions des gens sur les réseaux sociaux, selon l’actualité… L’objectif est donc double : sensibiliser les individus pour qu’ils se protègent eux-mêmes, et les inviter à faire taire le sida sur AIDES.org grâce à la pétition illustrée par Pénélope Bagieu (en rappelant les principes fondamentaux que l’on nous répète depuis 32 ans, mais qu’il est toujours nécessaire de rappeler) :

 
En somme, inviter chacun à être acteur de sa propre prévention et de celle des autres, et à être solidaire des personnes touchées… Une ambition renouvelée donc, à l’heure où le combat contre le VIH continue : un nouveau président pour l’association AIDES, Aurélien Beaucamp (qui, comme le sida, a 32 ans, puisqu’il est né le jour de la publication de l’article de l’équipe de l’institut Pasteur dévoilant la découverte d’un rétrovirus à l’origine de la maladie – ça ne s’invente pas !), une nouvelle forme de dépistage disponible dès la fin du mois de juin (il ne faut qu’un doigt, une petite goutte de sang et 30 minutes d’attente), des avancées sur un potentiel vaccin… Et si l’on parvenait à le faire taire, pour de bon ?
FastNCurious veut aussi faire taire le sida, et vous invite à visiter aides.org pour plus d’informations, pour signer la pétition et pour faire un don.
 
Léa Lecocq
Sources :
aides.org
cbnews.fr
metronews.fr
metronews.fr
huffingtonpost.fr
Crédits images :
tetu.com
Captures d’écran Facebook, Twitter, Instagram, Youtube…
Captures d’écran du dossier de presse : http://www.aides.org/node/2935
 

 

sébastien thiery fastncurious molières
Agora, Com & Société

Cachez ce sexe que je ne saurais voir !

Qu’on se le dise, Fleur Pellerin en a pris pour son grade ce 27 avril 2015 lors de la 27ème Cérémonie des Molières. Et pour cause, rappelons nous du sujet qui fait débat, qui enrage le milieu culturel et dérange la sphère politique : la question du statut des intermittents du spectacle. Pour faire simple, le chômage des intermittents du spectacle, qui leur garantit une rémunération (précaire) pendant les périodes d’accalmie, est menacé de suppression. Rien de tel pour remettre les points sur les « i » que de profiter des Molières pour passer un savon à la digne représentante étatique de la culture.
Le nu : le nouveau pouvoir contestataire et la coqueluche des médias ?
L’apparition sur scène de l’auteur dramatique et comédien Sébastien Thiery dans le plus simple appareil a fait son effet. L’impudique monsieur s’est littéralement trimballé fesses et roubignolles à l’air dans le but d’interpeller du haut de son podium le pouvoir politique et lui demander des comptes. Sébastien Thiery fait un putsch, certes préparé, mais un putsch quand même dans la mesure où il met le public et la ministre face à une nudité qui n’était ni prévisible, ni souhaitée par l’auditoire. Le comédien prend la parole « au nom de la « fédération CGT du spectacle ».

Tous les médias ont parlé de cette fameuse séquence dans les heures et les jours qui ont suivi l’événement, provoquant ainsi un véritable buzz médiatique. La séquence a d’ailleurs été immédiatement commentée et relayée sur les réseaux sociaux divisant la twittosphère.

 
 
 
 

On s’attendait à un discours quelconque, ponctué de petites blagues, et on se retrouve soudain, involontairement, témoin d’un véritable règlement de compte. On assiste à une leçon de morale. Bon et après ? Ça reste une paire de fesses, et des paires de fesses, on en voit bien souvent au théâtre. C’est pratiquement monnaie courante. Pour clamer leur mécontentement (justifié !), des intermittents du spectacle avaient déjà joué la carte de la nudité devant Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture.

Le corps, un instrument contestataire comme un autre ?
Le fait est que le corps, une fois débarrassé de ses oripeaux, devient un instrument contestataire au service de l’action politique. Le corps nu est en soi une petite révolution en ce qu’il casse les codes sociaux. Rien de plus percutent que de se dénuder pendant une cérémonie officielle et institutionnelle où les codes ne demandent qu’à être distordus. On peut ainsi penser aux Femen qui, pendant le discours de Marine Le Pen le 1er mai, brandissaient leurs deux banderoles « Heil Le Pen ! », le tout seins nus.

Pourquoi utiliser le nu pour communiquer son désaccord et comment le nu réussit-il à défier le pouvoir politique au point de provoquer gêne et même violence ? La théâtralité du corps nu, en cela qu’il est clairement mis en scène, dé-range le politique. Et pour cause, des corps nus, libres, en mouvement, s’opposent aux corps inertes, embourbés dans leurs tissus, regroupés en masse passive. Le corps théâtralisé, une fois nu, conteste de lui même. Il dit non à l’ordre imposé et représenté par le pouvoir politique, à savoir un ordre lissé, institutionnel et législateur. D’où la confusion que sèment les Femen, d’où la gêne que provoque Sébastien Thiery. La gêne et le rire. Mais le rire est parfois le plus sûr moyen d’expier sa gêne.
Le théâtre comme tribune
Lors de la soirée des Molières, il y a eu affrontement entre le théâtre et le politique. Le théâtre est cette déclaration de guerre que Brecht s’évertuait à organiser encore et encore et que, peut-être, Sébastien Thiery a perpétué. Théâtre et politique ont toujours eu quelques affaires ensemble. Le théâtre est cet art qui sait si bien mettre en jeu la question du commun et de la communauté ; question largement discutée et réfléchie par le politique.
Le théâtre est cet art qui fait avouer au politique sa défaillance, sa contradiction et son mutisme. Et pour preuve, une Fleur Pellerin gênée, qui ne sait ni où poser ses yeux, ni comment réagir face à ce qui s’impose la nudité crue du réel, autrement dit la paire de fesses de Sébastien Thiery. Et pourtant, dieu sait que nous en avons tous une de paire de fesses.
Jeanne Canus-Lacoste
Crédits photos :
Youtube
Twitter
Le Courrier Picard
Sources :
Le Figaro
Libération
francetvinfo.fr

téléréalité crimes fastncurious
Médias

Un crime parfait pour la télé

Ce soir, découvrez l’histoire de la petite Marguerite, enterrée par ses parents dans un bloc de béton, celle de la veuve noire de Floride qui tue ses maris en mettant des sangsues dans leur bain ou bien celle de l’employé de fast-food fou empoisonnant ses clients avec leurs hamburgers. Programme alléchant : 100% vraies, 100% glauques, les émissions d’enquêtes et de crime ont la côte !
Si “Faites entrer l’accusé” – avec ses 15 ans d’existence – fait partie des vieux meubles télévisuels du crime, l’émission a depuis été massivement déclinée : “Enquêtes criminelles” sur W9, “Crimes” sur NRJ12 ou encore “Les enquêtes impossibles” sur NT1.
Et appelons un chat, un chat. Malgré quelques variations, de la plus métaphorique – “Faites entrer à l’accusé” – à la plus littérale – “Crimes”, les titres restent évocateurs : de l’hémoglobine, des empreintes digitales compromettantes, des alibis douteux et des rebondissements judiciaires, voilà ce qui nous attend, on le sait et c’est pour cela que l’on regarde.

Du point de vue de la construction du programme, rien de bien extraordinaire : il s’agit de retracer une enquête du début à la fin, soit du crime à sa résolution. Un peu comme un épisode des Experts en somme : qui a tué et pourquoi ? Le récit de l’enquête policière et de l’instruction judiciaire est généralement étayé par des archives télévisuelles ou photographiques, des entretiens avec des experts-psychiatres, des journalistes, des enquêteurs, des avocats ou des témoins mais aussi par des prises de paroles des proches de la ou des victime(s) et, parfois même, par les suspects et les coupables de l’affaire en question.
A mi-chemin entre la série policière américaine (ou française d’ailleurs) et l’émission d’information judiciaire et policière, ces émissions attirent indéniablement les publics. Enquête express sur ce mystère non-résolu.
Tutoriel pour une enquête réussie ou délectation morbide ?
Si les séries télévisées policières foisonnent sur toutes les chaines télé, elles ne sont pas parvenues à endiguer l’apparition de ces programmes hybrides que sont les émissions d’enquêtes criminelles : quelle est la clé de ce succès ?
La réponse semble évidente : la réalité. De vrais meurtres, de vraies victimes, de vrais tueurs, de vrais lieux, de vrais policiers, de vraies enquêtes, un florilège de réalité-vraie-qui-a-réellement-eu-lieu.

Dans un contexte de généralisation de la défiance du public où le soupçon du “fake” est une menace, ces programmes télé détournent une potentielle polémique en garantissant la “réalité” de leur contenu. Exit les “ce n’est pas crédible”, “c’est tiré par les cheveux”, “c’est tellement tordu que ça ne pourrait jamais arriver en vrai” : puisque cela s’est veritablement passé, le jugement du public quant à la validité et la vraisemblance des faits exposés n’a pas lieu d’être. Cette véracité des faits ouvre la porte à une plus forte compassion du public et au frisson de savoir que cela peut arriver. Les interventions de la famille et des proches qui parlent de la victime et de son passé ou la localisation précise du drame dans une zone géographique particulière (une ville, une région, une maison…) sont autant d’éléments qui ancrent les faits dans cette réalité inquiètante dont se délecte le téléspectateur.
Ces émissions s’inscrivent dans une tendance générale de l’amenuisement progressif de la frontière entre fiction et réalité, dont témoigne la multiplication de programmes hybrides dans le paysage télévisuel contemporain. Le néologisme “téléralité” illustre à lui seul cette extraordinaire ambiguité des contenus : comment faire cohabiter la télé – soit la fiction, le créé et le construit à destination d’un public – et la réalité – soit le fortuit, l’aléatoire et l’imprévisible ?
Et de cette grande question découle le problème posé par ces émissions d’enquètes criminelles : celui de parvenir à les qualifier. Si elles semblent chercher à nous faire découvrir les dessous du système judiciaire et policier, peut-on pour autant les rapprocher de programmes documentaires ? Certaines émissions qui insistent davantage sur les méthodes d’investigation et de résolution d’enquètes, à l’instar des “Enquêtes impossibles”, pourraient y trouver la justification de leur existence mais, dans la majorité des cas, le caractère instructif des programmes paraît largement surpassé par le sensationnel. Entre instruction et divertissement pervers, quelle finalité trouver à ces contenus médiatiques ?
De l’art de brouiller les pistes
Au terme d’une micro-investigation sur le fond et la forme des ces émissions d’enquètes criminelles, il apparait rapidement que la “réalité” ne joue que comme argument dans la construction d’un contenu médiatique aux fins davantage divertissantes qu’instructives.
Si le modèle fonctionne indéniablement du point de vue de l’audimat, c’est également un modèle efficace du point de vue économique. De la réalité donc peu de frais ! On oublie les acteurs et les scénaristes : l’enquète est servie sur un plateau avec tous les protagonistes et les rebondissements qu’il faut, pour peu qu’on la choississe avec soin. Compte tenu du nombre de faits divers des dernières décennies, la matière télévisuelle potentielle est considérable. La quantité d’histoires incroyablement sordides et originales est importante au point d’autoriser le luxe du choix. Car si le public veut de la réalité, il veut la crème de la réalité. De même qu’une maison de téléréalité se doit de fournir son lot de coucheries et de disputes pour échapper à la fadeur la plus totale, une enquète criminelle se doit de s’en tenir à certains critères. De l’inhumanité, de la trahison, des mobiles atroces…pourvu que ce ne soit pas banal. Il va sans dire qu’un simple homicide involontaire, un désaccord basique qui aurait mal tourné ou un réglement de comptes de voisinage ne sauraient trouver grâce aux yeux des téléspectateurs. L’”histoire” qui fonctionne est celle qui brise les règles établies et acceptées tacitement par la majorité du corps social, celle qui déplace les limites de l’humanité, celle qui pousse à essayer de comprendre l’incompréhensible : les cas d’infanticides, d’incestes ou de meurtres en série sont ainsi des perles télégéniques, par la charge émotionelle, terrifiante et révoltante qu’ils portent en eux.

Au delà de ce choix editorial du “meilleur crime” à raconter, le tiraillement entre fiction et réalité auquel sont confrontées les émissions d’enquètes criminelles se manifeste dans les choix, imposés par le média qu’est la télévision, de mise en scène, de cadrage et de narration.
Les titres des enquètes présentées – “Meurtre sur ordonnance”, “L’assassin habite au numéro 1”, “Cauchemar au fast-food” ou “Massacre en chambre froide” – donnent le ton et renvoient immédiatement à  l’imaginaire du polar de gare un peu “cheap”. Les mélodies à suspens sont de mise, les coupures publicitaires sont travaillées de manière à maintenir en éveil l’attention du téléspectateur, une musique bouleversante accompagne les temoignages larmoyants des proches éffondrés, les fondus au noir accentuent le caractère mystérieux de l’enquète tandis qu’une voix off semble nous narrer un roman d’Agatha Christie – entre reprises de souffle et silences angoissants. Autant d’éléments qui achèvent de faire basculer ces “histoires vraies” dans une pure logique narrative.
Ce recours massif à des mécanismes intimement liés au contenu de divertissement témoigne bel et bien de l’inscription de ce type de programmes dans la “romance télévisuelle” et en aucun cas dans le genre du “documentaire”. L’émission est travaillée afin d’être vendable aux chaines auxquelles elle se destine et consommable par son public. NRJ12, W9 ou encore NT1, chaines de la TNT, ont fait du divertissement leur crédo et des hybrides à mi-chemin entre la fiction et la réalité, leurs spécialités : il n’est donc pas étonnant que ces émissions d’enquètes criminelles s’inscrivent dans cette ligne éditoriale.
Proposé sous une forme proche de celle d’émissions comme “Tellement vrai” ou “Confessions intimes”, le fond du contenu médiatique reste cependant tragique : dans quelle mesure est-il convenable de proposer une expérience de divertissement autour de faits réels si dramatiques ?
C’est grave docteur ?
Si ces émissions fonctionnent, c’est qu’elles ont su trouver leur public : comment situer le téléspectateur au sein de ce phénomène ?

Au delà du risque encouru (et mérité) de passer pour le fana de morbide de la bande, se pose véritablement la question de la distinction entre la production médiatique consommée et la réalité à laquelle elle renvoit. Regarder, à l’aune du divertissement, les témoignages de familles en deuil et les images de vraies scènes de crimes témoigne d’une insensibilité croissante du téléspectateur. L’étalonnage de tous les programmes télévisuels autour d’une considération indifférenciée – “c’est de la télé” – n’est pas sans risques. En effet, l’exposition répétée à des images violentes peut engendrer un phénomène d’acculturation – soit d’accoutumance du regard – mais aussi un potentiel manque de retour critique sur les contenus donnés à voir. Un autre effet néfaste à prendre en considération est que la surconsommmation télévisuelle d’émissions d’enquètes criminelles participerait d’une vaste tendance à la surrévalutation de la dangerosité du monde. Par leur contenu violent et anxiogène, ces programmes tendent à altérer la perception de l’environnement dans lequel on évolue, à surestimer sensiblement les risques réels et à accroitre la paranoia. Le fameux théoricien de la télévision et ses effets, Georges Gerbner, le montrait déjà il y a plusieurs d’années : la consommation d’images violentes et la crainte d’être victime de cette même violence dans la réalité sont corrélées. Une expérience menée avec des volontaires a ainsi permis de constater que les téléspectateurs les plus assidus surestimaient très largement la dangerosité de leur environnement, à partir de l’image faussée que leur en donne la télévision.
Alors, pour échapper aux insomnies chroniques, s’éviter des pics de stress en rentrant chez soi le soir et ne pas entretenir ce penchant naturel pour le morbide, le meilleur remède consiste encore à zapper sur un épisode des Chtits dans la brousse ou sur les confessions d’un drag-queen effrayé par les paillettes : autant de réalité, moins de lugubre.
Tiphaine Baubinnec
@: Tiphaine Baubinnec
Sources :
programme-tv.net
puretrend.com
Crédits photos :
blog.plaine-images.fr
“Enquêtes criminelles” – W9
“ Crimes” – NRJ12
“Les enquètes impossibles” – NT1

Société

Persona Synthetics: Quand la virtualité dépasse la réalité

« Persona Synthetics »
Cela ne vous dit peut-être rien mais, Outre-Manche, cette formule nébuleuse a semé la panique et le doute durant quelques jours sur les internets.
En effet, les twittos invétérés et autres cybernautes ont inondé les réseaux sociaux après la diffusion de ce spot, sur la chaîne britannique Channel 4:

Présentés comme des humanoïdes « multi-tasks » au service de l’Homme, dans un monde parallèle où technologie et quotidien s’entremêlent, ces Persona Synthetics sont la vitrine de la campagne de communication lancée à l’occasion de la diffusion prochaine d’une nouvelle « série console », produite par Microsoft et Channel 4, Humans.
Cette production est, en réalité, une adaptation de la série suédoise Real Humans dans laquelle l’usage d’androïdes à des fins domestiques et industrielles est devenu monnaie courante. Série destinée, au départ, à la plateforme internet de la Xbox.
Enfin, si Channel 4 et Microsoft se sont inspirés de l’intrigue du succès suédois, ils n’ont pas lésiné sur les moyens en ce qui concerne la campagne marketing afin de promouvoir ce nouveau TV show qu’elle diffusera en juin prochain sur les petits écrans.
Vous avez dit « buzz »?
Cette campagne est, en effet, digne de celle d’un blockbuster: ajouté aux canaux standards que sont le print et internet, le faux spot télé diffusé sur Channel 4, qui a mis le feu à Twitter, s’est vu complété d’un shop front en plein cœur de Londres annonçant l’ouverture prochaine d’une boutique Persona Synthetics. A cette occasion, les passants avaient la possibilité d’interagir avec les écrans installés à l’occasion via la technologie Microsoft Kinect.
De plus, les nombreux partenaires du projet ont, eux aussi, contribué à cette vague marketing, à l’instar d’e-Bay qui est allé jusqu’à mettre aux enchères deux « Synth », Charlie et Sally, sur son site internet. Un e-Bay shop sur lequel les internautes pouvaient, durant deux jours, « acquérir » les modèles d’humanoïdes, personnages phares de la série.
Les retombées de cette campagne ont été gargantuesques : plus de 100 000 recherches Google après la diffusion du spot TV et des milliers de tweets suivis du hashtag #Humans ont déferlé en quelques heures sur la toile.
Seule ombre au tableau : le buzz ne semble pas avoir dépassé les frontières britanniques malgré un dispositif 360.

Une « technolâtrie », symptôme de notre époque ?
Le succès de la série Real Humans confirme, par ailleurs, la folle obsession des Hommes pour ces machines, fabriquées à leur image
En attestent les propos de James Walker, responsable marketing de Channel 4 : « Le monde de Humans est peut-être plus proche qu’on ne le pense. Cette campagne cherche à faire réagir les gens au sujet de l’intelligence artificielle et toutes les questions que cette technologie soulève ».
En effet, les humanoïdes sont traités et marketés comme des objets de consommation standards et par là même appellent les consommateurs à s’interroger sur un futur déjà présent, celui d’un monde régi par l’omniprésente et omnipotente technologie.
On remarque aujourd’hui une plus grande utilisation des « robots » à des fins industrielles ; ils remplacent l’Homme dans un souci de gain de temps et d’argent.
Et c’est bien là le souci : l’arrivée des androïdes, robots et autres cyborgs peut, à terme, être l’alternative définitive au manque d’efficacité d’un simple être humain.
Certes, les avantages que présentent ces machines ne sont pas négligeables : vie quotidienne simplifiée, rendement et productivité plus importants, efficacité accrue. Cependant, les désavantages sont nombreux : tout d’abord le coût, leur utilisation industrielle aux dépens des hommes, la dépendance de nos sociétés aux nouvelles technologies mais surtout les questions d’ordre social, économique et éthique liées à cette révolution technologique.
En littérature et au cinéma, la « création à l’image de l’Homme » a été érigée en véritable mythe de la transgression: du fameux « Frankenstein ou le Prométhée moderne » à « Blade Runner » en passant par « Terminator », l’Homme a toujours appréhendé de manière pessimiste la cohabitation de l’espèce humaine et d’une forme d’intelligence artificielle. S’agit-il, au travers de fictions de plus en plus réelles, de nous faire réagir face à la place, de plus en plus prépondérante, que prend la technologie dans la société actuelle ?
Tout comme l’ont fait Fritz Lang ou encore Georges Orwell auparavant ?
« La technologie est l’opium du peuple »
Pour reprendre l’idée du magazine Humanoïde, la technologie tient une place plus qu’envahissante dans notre société. Cette dépendance est efficacement illustrée par leur campagne, lancée lors de la sortie du numéro 4 où l’on retrouve la notion d’addiction et le détournement des noms des « géants du secteur ».
Chaque époque a son vice : le nôtre est de totalement dépendre des gagdets et autres appareils qui nous simplifient la vie, nous rendant plus fainéants encore.
Jean-Marie Besnier, professeur à la Sorbonne, parle d’une « fatigue d’être libre et d’être soi » : se laisser peu à peu asservir par une nouvelle science dont la promesse d’une vie simplifiée est tenue.
A l’instar de Microsoft (plus précisément, Xbox Entertainment Studios) qui a, en réalité, racheté les droits de Real Humans afin d’en faire un remake, destiné, à la base, à la plate-forme internet Xbox : la plus grosse entreprise d’informatique au monde investit maintenant dans la production de séries télévisées afin de développer et d’offrir une « expérience virtuelle » augmentée.
Force est de constater qu’une certaine forme de posthumanisme alimente ce cercle vicieux et accompagne la révolution technologique qui est en train d’avoir lieu. Doucement mais sûrement.
Pour tous les fans de Sci-Fi et pour tous les autres, la série réalisée par Jonathan Brackley (MI-5) sera diffusée en juin sur Channel 4 et Xbox Live.
Toujours pas de nouvelles concernant l’arrivée de Humans sur les chaînes françaises. En attendant, voici de quoi vous donner envie ! Enjoy !
https://youtu.be/9zYQjR0wvxM
Alizé Grasset
Sources :
Laruche.com
Mirror.co.uk
Marketingmagazine.co.uk
Digitalspy.co.uk
Crédits Photos :
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i.ytimg.com
tfmainsights.com