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Télé-crochets : en voie d’essoufflement ?

Né dans les années 50 avec l’Eurovision en 1956, le télé-crochet est la version télévisée du radio-crochet qui lui existe depuis les années 30. Depuis, de nombreuses émissions se sont succédées face au succès de la première en France, Le petit conservatoire de la chanson, diffusé dès 1960. On a vu émerger et se révéler des noms comme Françoise Hardy, Mireille Mathieu, Guy Lux ou encore Jacques Martin et son adorable Ecole des Fans où Vanessa Paradis a fait ses débuts.
Puis, plus aucun télé-crochet ne voit le jour jusque dans les années 90/2000 où l’on voit arriver en masse de nouveaux formats, sur le modèle télé-réalité avec des candidats récurrents. Depuis, il ne se passe plus un vendredi ou samedi soir sans croiser un de ces formats sur les chaînes françaises.

Trop, c’est trop

Star Academy, Pop Star, X factor, Incroyable Talent, The Voice, The Voice Kids, Rising Star, The Cover, Prodiges… la liste est longue des shows vocaux, revenus en force à partir du début des années 2000 avec la Star Academy. Lancée en 2001, l’émission annonçait une longue période de chant suite à de très bonnes audiences (11 872 000 téléspectateurs pour le soir de la finale de la première saison, soit 51,4% de part de marché).
Arrêtée en 2008 sur TF1, tout comme la Nouvelle Star sur M6 en 2010, on a cependant vu revenir ces deux derniers sur des chaines de la TNT (NRJ12 et D8, respectivement) en 2012, face au franc succès de The Voice qui lança cette année-là sa première saison et qui a redéfini les codes du concours de chant télévisé. Cette dernière a également réalisé le meilleur démarrage d’un télé-crochet en France avec une moyenne de 9 124 000 téléspectateurs (soit 37,9% de part de marché) entre 20h50 et 22h55.
Depuis, de nombreuses chaînes essayent d’en tirer leur épingle du jeu et ont sans doute cru à un nouvel attrait du public pour les télé-crochets, mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles feraient parfois mieux de s’en abstenir… La Star Academy n’a fait qu’une seule saison sur NRJ12, The Cover lancée sur D8 en octobre 2014 a été arrêtée en cours de diffusion face à son échec, tout comme Rising Star qui avait débutée sur M6 en septembre 2014 pour être arrêtée deux mois plus tard.

Un concept fédérateur et transgénérationnel

Mais alors pourquoi ce concept est-il tant réutilisé depuis plus d’un demi siècle ?
Pour Thierry Lachkar, patron de la société de production Shine France, « les concours de talent font partie des genres appréciés par le public » car ils sont « fédérateurs » et « transgénérationnels ». « Le concours de chant a quelque chose d’unique, il est compréhensible par tous et traverse les décennies ».
En effet, le télé-crochet n’exclue aucun téléspectateur et possède cet atout d’identification pour le public : les candidats sont dans la majorité des cas des inconnus avides de reconnaissance. Le candidat de télé-crochet vient de partout, n’a pas d’âge particulier et provient aussi bien de sa chambre, d’une comédie musicale à succès que des couloirs du métro.
Enfin, selon Alexandra Crucq, directrice du développement chez le producteur indépendant Newen (Plus belle la vie par exemple), c’est « un produit qui rassemble les familles et ne fait pas fuir la publicité. Ce genre bénéficie d’une mécanique éprouvée qui rassure les téléspectateurs et les diffuseurs ». Bénéfique pour tout le monde donc.
Mais il faut aussi, trouver le bon programme, à l’heure où beaucoup de formats sont des créations étrangères. Ainsi, quand TF1 a acquis The Voice il n’était diffusé qu’aux Pays-Bas et en France peu de professionnels y croyaient, alors que les producteurs se disputaient Rising Star qui était un énorme succès en Israël…
Le secret réside dans l’adaptation du format : « Nous vivons dans une période où des créations télévisuelles arrivent tous les jours. Cela implique de mettre à jour nos programmes, de les rafraîchir en nous appuyant sur les expériences des années précédentes, souligne Monica Galer, présidente de FremantleMedia France qui produit la « Nouvelle star ». Il faut prendre en compte les spécificités culturelles de chaque pays. Par exemple, un prime time en Angleterre dure une heure une heure trente, en France, deux heures trente. Nous devons faire preuve de créativité pour étirer un format d’un pays à l’autre. » Et selon Thierry Lachkar, « Il faut réfléchir par rapport à un format et non à un genre, chercher des améliorations pour surprendre le public, trouver de nouvelles épreuves, des procédés qui ne sont pas des gadgets. »
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Où en est-on aujourd’hui ?

The Voice a repris fin janvier sur TF1 pour une cinquième saison et le succès est toujours au rendez-vous : 7,25 millions de téléspectateurs (soit 36,5% de part d’audience, meilleure audience de la soirée) ont suivi les premières auditions à l’aveugle le 30 janvier dernier. Même si l’émission est leader le samedi soir, ce chiffre est cependant en baisse par rapport aux autres saisons qui enregistraient une moyenne de 9 millions de téléspectateurs.
Est-ce révélateur d’une nouvelle lassitude du public quant au concept ?
En tout cas pour Nouvelle Star, qui a repris le 16 février dernier, les audiences ne sont pas celles attendues (937 000 téléspectateurs soit 4,2% de part d’audience) avec un nouveau juré qui était pourtant prometteur : JoeyStarr. L’émission ne bénéficie plus non plus d’un animateur phare puisque c’est Laurie Cholewa qui prend le relai de Benjamin Castaldi. Pour les castings la production ne s’est déplacée que dans 4 villes de France, contre 7 entre 2008 et 2010 (meilleures années du programme).
Et cette tendance ne s’arrête pas là : W9 lance à partir du 22 février une émission quotidienne diffusée à 12h40 et qui portera le nom de : « Mon voisin est un chanteur ». Vous l’aurez deviné, des voisins se reçoivent chacun à leur tour chez eux pour se dévoiler leurs talents vocaux. Pour changer, les candidats vont se noter les uns les autres (sur les critères du charisme, de la mise en scène et de la voix) pour tenter de remporter le « micro d’or » et la somme de 1 000 euros. Un format repris et surtout usé.
Déjà diffusé entre le 27 octobre et le 10 novembre 2015 à 3h50 du matin, ce programme avait fait moins de 20 000 téléspectateurs, soit 2,1% de part de marché sur ce temps d’antenne.
Sur une case horaire pareille, on ne donnait pas beaucoup d’ambition à l’émission, pourtant la chaîne semble décidée à adopter une nouvelle stratégie en voulant concurrencer les jeux télévisés du midi. Néanmoins, on peut aussi la croire piégée face aux éternels JT  précédés de jeux déjà bien installés sur les chaînes concurrentes.

Sans surprises, l’échec est considérable : seulement 0,4% de part d’audience (53 000 téléspectateurs en moyenne) entre 12h36 et 13h23 sur les 4 ans et plus.
La question demeure : télé-crochets… à quand la fin ?

Capucine Olinger
LinkedIn 

Sources :
toutelatele.com
http://master-crdm.u-paris10.fr/evolution-des-tele-crochets/
nouveautes-tele.com
http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2015/02/21/le-tele-crochet-un-produit-renouvelable_4581003_1655027.html
Wikipédia
Crédits images :
infos.fr
wikipédia
telestar
huffingtonpost.fr

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