Blackberry
Société

Vendre la peau de l’ours (canadien) ?

Au terme de deux ans de difficulté, l’entreprise anciennement nommée RIM, rebaptisée BlackBerry à l’occasion, a présenté le 30 janvier la nouvelle version de son système d’exploitation (OS, pour Operating System), BlackBerry10, qui équipe d’ores et déjà deux nouveaux terminaux, le Z10 et le Q10.
Comment la firme, leader incontesté des smartphones il y a encore 3 ans, en grande difficulté face à la montée en puissance de Samsung et d’Apple, a-t-elle mis en scène son retour et pour quel résultat ?
La question est d’importance, parce que c’est une bonne part de l’avenir de BlackBerry qui s’est jouée dans la présentation du 30 janvier, du moins pour ce qui est de sa portée symbolique.
C’était une présentation du directeur général Thorsten Heins, retransmise sur internet en direct, une présentation telle que les a popularisées Steve Jobs sous le nom de keynote ; un exercice dans lequel on a pu voir Xavier Niel au lancement de Free Mobile et plus récemment Stéphane Richard pour la mise sur le marché de la nouvelle Livebox.
Pour BlackBerry, il s’agissait de rassurer d’une part les marchés, de l’autre les utilisateurs, sur sa capacité à être à la pointe de l’innovation et d’assurer le service fiable qui a beaucoup contribué à son succès premier. Il s’agissait également de montrer que l’on avait pris acte des déboires de ces deux dernières années, et de redonner à BlackBerry une unité, une cohésion lui permettant de reconquérir les marchés.
En ce sens, la prestation de Thorsten Heins a été exemplaire : il n’a eu de cesse de saluer et de remercier ses quelques 12 000 collaborateurs. De même la décision de donner un nom unique à l’entreprise, à sa marque et à son système d’exploitation est une façon exemplaire de mobiliser autour d’un objet unique : BlackBerry. On a pourtant senti le directeur général peu à l’aise dans cet exercice particulier, inséparable désormais de toute annonce relative aux nouvelles technologies.
C’est que l’image de BlackBerry a toujours été du côté de la discrétion, comme il se doit pour une marque dont le marché principal a été l’entreprise : rien à voir avec le charisme d’un Steve Jobs ou, plus tonitruant, d’un Xavier Niel.
Un lourd travail a été accompli pour moderniser des terminaux et un OS largement distancés par ses concurrents : des photographies de piètre qualité, une navigation internet bien en deçà de ce qui est proposé aujourd’hui, un catalogue d’applications bien trop pauvres face aux 700 000 applications d’Apple ou au 800 000 d’Androïd… Autant de points critiques sur lesquels BlackBerry a insisté au cours de cette présentation. Rattraper le temps perdu, parfaire le présent, anticiper l’avenir, tels étaient les mots d’ordre : le clavier, tactile dans le cas Z10, physique pour le Q10, a fait l’objet d’un soin particulier en tant qu’étendard de la marque, mais on a pu découvrir des fonctionnalités intéressantes comme le partage d’écran au cours d’un appel vidéo, toute une panoplie de gestes pour interagir avec son terminal, ou encore la possibilité d’accéder à ses messages sans avoir à repasser par un menu centralisé.
À noter également, l’intégration poussée de Twitter, Facebook ou encore LinkedIn, désormais réunis avec les mails et les sms.
On a retrouvé dans cette présentation tous les gènes de BlackBerry : la rigueur, la fiabilité, l’efficacité, mais également une certaine vision de l’avenir sur nos smartphones.
Par ailleurs, émanait de cette présentation un parfum de sincérité : un peu du relatif inconfort de Thorsten Heins et beaucoup de cette belle marque aujourd’hui acculée qui a joué sa dernière carte.
Mais dans ce monde technologique où les évolutions sont fulgurantes et les déclins tout autant, il serait mal avisé de vendre la peau de l’ours (canadien), d’autant que BlackBerry10 et ses deux terminaux sont alléchants, et anticipent la grande versatilité que l’on exige déjà de nos appareils en termes de manipulation, d’usages et d’efficacité.
Parce que c’est toujours un crève-cœur de voir partir à la dérive une belle entreprise, on ne peut que lui souhaiter une année 2013 dynamique, qui, à l’image de son nouveau baptême, tirera un trait définitif sur le passé.

Oscar Dassetto

CRÉDIT PHOTO Justin Sullivan/Getty Images

Flops

Briques racistes

 
Jabba The (Dead) Terrorist
Dans la foulée de Django Unchained, voici que de nouvelles (et succulentes) accusations de racisme viennent frapper un grand nom de la culture mainstream.
Il était prévisible que l’usage répété du mot « nègre » dans un film de Quentin Tarantino soit voué à faire des remous. En revanche, il y avait plus de quoi créer la surprise le 19 janvier, lorsque Lego a été visé par une plainte de la Communauté Culturelle des Turques d’Autriche, à la fois dans leur pays mais également en Allemagne et en Turquie.
Quel était donc le grief de la communauté ? Le set « Star Wars 9516 » sorti l’été dernier et représentant le palais de Jabba the Hutt de Star Wars VI « Le Retour du Jedi ».

Les plaignants voyaient en effet une nette incitation à la haine raciale dans la structure du jouet et dans son packaging, avec en bloc : une architecture reproduisant à l’identique (sic) celle de Hagia Sophia (Sainte Sophie) à Istanbul, une tour de garde qui ne pouvait être que l’un des quatre minarets de la même Grande Mosquée et un mercenaire alien placé au sommet de la tour et étant à l’évidence une grossière caricature d’un muezzin à l’heure de la prière. La Communauté Culturelle poursuivait en mettant en garde contre un amalgame potentiel par les enfants entre les musulmans et les criminels sadiques habitant le palais de Jabba – le jouet étant conçu pour les 9-14 ans. On se retiendra de demander quelles conséquences ils associent au film lui-même sur la jeunesse d’hier, Star Wars VI montrant un palais nettement plus réaliste et frappant.

Probablement en raison d’une certaine perplexité, Lego a mis cinq jours à réagir pour finalement délivrer un communiqué le 24 janvier. On y lit en substance et sans grande surprise que la marque n’a jamais compté offenser qui que ce soit, que le palais ne représente que des personnages fictionnels, etc.
Déjà vu
Le communiqué ne faisait nulle mention du possible retrait du set, sans doute à cause du côté anecdotique de l’évènement. Mais, il n’en est pas toujours ainsi. On se souvient des cas de Resident Evil 5 (Capcom, 2009) et Thor (Paramount et Marvel, 2011).
Le premier avait subi les foudres du New Black Panthers Party américain, car la séquelle de la célèbre série de jeux de zombies se déroulait en Afrique, menant à la dénonciation d’ « un Blanc qui tue des Noirs en Afrique ». Malgré une communication de crise réactive, Capcom avait fini par régler la question en ajoutant une héroïne d’origine africaine, qui visiblement n’avait pour sa part rien de choquant dans sa pratique du massacre vidéoludique.

Thor avait quant à lui souffert d’une méfiance semblable au moment de son annonce : une rumeur s’était répandue sur Internet et avançait que la mise en image des dieux nordiques serait une occasion d’exalter le « White Power ». Engageant Idris Elba, dans le rôle de l’être divin Heimdall pour couper court aux critiques, Marvel avait alors ouvert la porte à de nouvelles joyeusetés. Cette fois, le coup était venu de divers groupuscules néo-nazis américains. Ces derniers clamaient que « Marvel continue sa campagne radicale, anti-blanche » en engageant un acteur à la peau noire (lequel ne s’était d’ailleurs pas gêné pour mettre cette accusation en charpie). Au reste, l’offensive continue encore à ce jour en parallèle de la production de Black Panther, nouveau film de super-héros cette fois sans aucun rapport avec l’organisation éponyme.

Jeunesse en danger
Tout cela étant dit, ne mélangeons pas tout. La Communauté Culturelle Turque a été alertée par les craintes sans doute sincères d’un père de famille autrichien. Il avait initialement reçu le jouet de sa sœur pour son fils et l’avait considéré dans cette optique. Rien à voir donc avec l’hystérie néo-nazie vue plus haut. En outre, la crise relativement récente autour de Innocence of Muslims est probablement une raison, parfaitement compréhensible au demeurant, de cette paranoïa.
Il est en revanche remarquable que les producteurs et exploitants de licences fictionnelles aient de plus en plus à se dépêtrer d’amalgames immédiats et faciles et par suite, de condamnations contradictoires. Quentin Tarantino lui-même se défendait avec cet argument dans son interview pour Slate. Il remarquait en effet que The Legend Of Nigger Charley (1972), traitant de l’esclavage comme Django Unchained, avait à l’époque été boudé pour ne pas être allé assez loin dans la dénonciation. On observe la même inversion absurde que pour le cas de Marvel, à tel point que la promotion de ce type de productions semble maintenant devoir prendre en compte la moindre interprétation déplacée.
Alors, comment éviter des Flops plus ou moins graves, comme ceux que nous avons passés en revue ? Il est évident que le classique « il s’agit d’une œuvre de fiction » n’a plus beaucoup d’efficacité. L’interconnectivité d’Internet est certes incontrôlable par les marques, mais elle ne peut être le seul coupable. Le bouche à oreille fonctionnait tout aussi bien par le passé pour créer des effets d’indignation. Mais ce sont les causes de ces indignations qui prennent des formes inédites : les jouets, le jeu vidéo…
Les exploitants de licences fictionnelles sont peut-être face à un choix draconien : aplanir leur propos et leur créativité selon une logique inexorable, ou devenir assez tentaculaires sur les réseaux pour pouvoir combattre de telles crises.
 
Léo Fauvel
Sources :
7sur7
Purepeople.com
Ozap.com
Le communiqué de la Communauté Culturelle des Turques d’Autriche

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Agora, Com & Société

Le pouvoir communicatif de la bande-annonce

Pleinement intégrée dans notre quotidien, la bande-annonce est un outil de communication qui produit une réelle influence sur son audience. Analyse.
Comme base de cet article, le box-office français de 2012: Intouchables, Sur la Piste du Marsupilami, Astérix, Le Prénom, La Vérité Si Je Mens 3. La bande-annonce est l’outil publicitaire de base d’une bonne action communicationnelle autour d’une sortie prochaine en salle.
 
Fais ce que tu veux: ne lésine pas sur la crème !
Comme le khâgneux qui hésite à tout mettre dans son introduction de peur de griller toutes ses cartouches, tu dois choisir les meilleurs moments de ton film sans tout donner pour autant. Alors oui, tu vas mettre la meilleure blague d’Omar, la punchline de Patriiiiiick Bruel et la larmichette de Marion Cotillard.
Voici la construction de la bande-annonce du Marsupilami: un plan pour présenter le cadre : musique latine et plages exotiques ; l’Amérique du Sud. L’acteur principal, Jamel Debbouze. La situation initiale donc. Une blague! Puis l’élément perturbateur. Ensuite le début de la quête : Chabat et Debbouze sur un bateau. Une autre blague. Le méchant. Les péripéties : gros plan sur la fille restée au pays, mais aussi les tribus effrayantes, les bêtes sauvages. La brochette d’acteurs passée au peigne fin: Jamel Debbouze, Alain Chabat, Fred Testot, Lambert Wilson (déjà là on se dit “waaaaouw le casting, trop cool”), Géraldine Nakache, Patrick Timsit. Puis du bruit, des pleurs, des rires, un crachat de lama, des rires et à la toute fin: le fameux marsupilami! Pour finir, tu colles ce qu’on appelle un “carton” (d’invitation): “Au cinéma le 4.4.12 partout même en Palombie”.
Il n’est pas si fou de se demander si le matériel cinématographique, comme certaines catch-phrases ou scènes originales et hilarantes, n’est pas pensé en fonction d’une optimisation de la bande-annonce. Les premiers mots de la bande-annonce du film Le Prénom avec Patrick Bruel confirmeraient cette hypothèse: “La vie est dure parfois, vous avez eu une journée fatigante, des rendez-vous à la chaîne, des heures dans les transports en commun, c’est bon de se retrouver en famille.” Adresse directe au spectateur, promesse de détente, de bien-être et intégration du public dans l’intrigue.
 

 
Fais comme tu veux : l’essentiel c’est de vendre ton film comme un petit pain
Contrairement à une idée reçue, la plupart des bandes-annonces ne sont pas réalisées par les studios mais par des sociétés spécialisées comme « Bande-Annonce Productions ». On nage en plein advertainment qui mêle message publicitaire et moment ludique. La bande-annonce souligne tous les points forts et les atouts d’un film: le casting, le cadre, le réalisateur, le scénariste, les partenaires médias et j’en passe. S’il s’agit d’un deuxième ou d’un troisième volet, on cible ce qui a fait le succès des premiers films. Ainsi la bande-annonce de La Vérité si je mens 3 est une compilation de toutes les fois où les acteurs lancent leur fameux “La vérité!”. Le spot du dernier Astérix fait quant à lui, une énième allusion, à l’interdiction d’Obélix de prendre de la potion magique.
 
Où tu veux : l’impact de la bande-annonce diffère selon le lieu de visionnage
Au cinéma, c’est l’occasion d’offrir aux spectateurs une petite revue de l’actualité cinématographique du moment. D’ailleurs, qui n’a jamais commencé ses pop-corn à ce moment là? Les producteurs profitent, intercalent leurs spots promotionnels entre la publicité Ben & Jerries, que tu connais maintenant par cœur, et les spots Miko et M&M’s. Alors lorsqu’une bande-annonce arrive, on se réjouit, on rit plus que d’habitude, on s’émeut plus facilement. Bref, on joue la comédie. Ici, tu cherches à attraper les gens qui se déplacent au cinéma, à donner des idées pour une sortie prochaine.
 
À la télé, c’est l’occasion de s’insérer dans un programme de divertissement type “Les Enfants de la télé” ou “Le Grand journal”. Omar Sy et François Cluzet y font un petit speech de deux minutes puis la bande-annonce met tout cela en image. À ce moment là, le spectateur ne distingue plus vraiment la publicité cinématographique car elle s’inscrit dans son émission du samedi, elle fait partie du show. C’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart des bandes-annonces diffusées à la télévision sont des comédies : pas question de miner le moral du spectateur. Ici, tu cherches plutôt à toucher le grand public.
 
 

 
Et puis, il y a la toile, énorme espace de communication cinématographique où la bande-annonce devient virale, où elle peut provoquer le buzz des mois avant la sortie du film en salles. Elle est également accompagnée de trailers.
Commence d’abord sur Allociné et après tu innoveras. L’idéal de la communication online est de créer une communauté d’internautes au sens large, qui va être la première représentante du film. Ici, tu cherches à toucher des porte-paroles et des ambassadeurs de ta marque et de ton film.
 
La bande-annonce est donc devenue un moyen de soutenir son film avant et après la sortie en salles. Elle est faite pour tenir toute seule et constitue une véritable réalisation qui s’adresse au plus grand nombre. Représentative du film, elle doit donner envie de passer à l’acte de consommation. Mais son objectif actuel est quand même de comptabiliser le maximum de vues sur Internet.
À quand une cérémonie pour récompenser les meilleurs spots?
Steven Clérima
 
Sources
Revues
PINO Michaël, Pourquoi est-on déçu par un film au cinéma ? Microsociologie et typologie de la déception, éditions Connaissances et Savoirs, 2008, p.42.
VIVIANI Christian, Entretien avec Axel Brucker, Evolution de la bande-annonce, dans Positif, n° hors-série « La bande annonce », octobre 1996, p.3.
 
Web
http://www.labande-annonce.fr/news/lart-de-la-bande-annonce-loutil-marketing-quest-la-bande-annonce-au-cinema-est-en-train-au-fil-des-ans-de-gagner-ses-titres-de-noblesse/
http://www.culturecrossmedia.com/digital-marketing/comment-susciter-la-curiosite-des-fans-pour-assurer-la-promotion-dun-film-serie/
http://alterrealites.com/2011/09/14/la-bande-annonce-une-approche-du-voirmontrer-1/
 

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Société

La déprime à l’affiche

Faites le test : parlez de la 1ère Nuit de la déprime à quelqu’un et vérifiez qu’il répond bien : «ah oui, j’ai vu ça dans le métro, mais c’est quoi en fait ? ». Alors c’est quoi en fait cette Nuit de la déprime ?
Si nous sommes nombreux à avoir remarqué ces affiches c’est 1. Parce qu’il y en a dans presque toutes les stations de métro parisiennes, 2. Parce qu’elle n’est pas comme les autres publicités qu’on a l’habitude de voir.
Un dessin, voire un gribouillis, des couleurs gris-noir, trop de texte étalé partout: cette affiche ressemble à s’y méprendre au dessin d’un enfant. Mention spéciale au canapé et au chat, dont les traits grossiers auraient pu être réalisés lors d’une partie de Pictionnary. Et pourtant, c’est bien cette médiocrité assumée qui attire l’œil et l’attention. Dans un univers publicitaire où règne la perfection, le souci du détail et l’esthétique, une telle affiche ne peut que se démarquer. Elle n’est pas sans rappeler les pubs cinéma des assureurs militants Maïf qui, en représentant monsieur et madame tout le monde en bonhomme bâtons, souhaitent s’adresser au plus grand nombre. C’est le message que fait passer l’affiche : on a tous le droit de déprimer, hommes ou femmes, petits et grands. C’est mieux d’être triste à plusieurs, rassemblés autour d’un même évènement.
Et si on assumait de déprimer ?
Si on ne comprend pas tout de suite de quoi il s’agit, c’est 1. Parce que la profusion de textes noirs sur l’affiche rend l’information moins visible, 2. Parce qu’un tel évènement est peu courant,
« A quoi sert de courir après le bonheur alors que la déprime est à portée de main ? ». Drôle de paraphe encore une fois pour promouvoir un évènement  Proposée par Raphaël Mezrahi, cette soirée aux Folies Bergères a pour but de servir de « pieds-de-nez à la morosité ambiante », comme il l’explique lui-même. Contrairement aux nombreux magazines féminins ou à Lorie, l’humoriste ne nous propose pas d’adopter la « positive attitude », mais bien de se complaire dans un état de déprime et de partager ce moment. Et si c’était le moment de philosopher sur cette « morosité ambiante » ? La question est de savoir si nous subissons bien la société individualiste dans laquelle nous évoluons, et la perte de sens qui s’en suit, à laquelle croient nombre de philosophes, notamment Jean Baudrillard. Maintenant il faut choisir : être triste et déprimé du monde dans lequel nous vivons, ou rire (même jaune) de la situation et ne pas se prendre au sérieux, comme le propose Raphaël Mezrahi.
Au-delà de la question sociétale (oui rien que ça !) que soulève cette affiche, on ne peut que saluer un coup de com’ évènementiel bien maîtrisé. Associer à l’évènement des marques notoires, telles que Kleenex et Nutella, ou Ben&Jerry’s pour le côté Bridget Jones, est un pari réussi et surprenant. Ces marques ont accepté d’être les symboles des moments de déprime. Plutôt que de subir une réputation construite dans les films, elles assument leur rôle de remontants et se montrent présentes dans les moments difficiles de notre vie. Elles sont de plus bien mises en valeur, en couleurs sur une affiche à dominante noir et blanc. Bref, c’est le combo gagnant ! Et ce qui est vrai pour les marques l’est aussi pour les artistes participants à l’évènement, parmi lesquels Véronique Sanson, Catherine Lara, Thomas Dutronc, Alain Chamfort et Enrico Macias. En effet, c’est la crème de la chanson française qui sera présente pour nous chanter leurs chansons tristes. Car les musiques déprimantes font un peu partie de notre patrimoine national. Si Barbara et Brassens pouvaient interpréter « Dis, quand reviendras-tu » ou « Il n’y a pas d’amours heureux », la fête battrait son plein !
Alors rendez-vous le 18 Février pour une triste soirée !
 
Agathe Laurent
Sources :
Les Folies Bergères
Sortir à Paris

Com & Société

« Twitter pour les nuls », les leçons de Mario Monti

 
Avec Twitter, une barrière est tombée : le politique parait accessible. Nombre de responsables politiques ont désormais investi le terrain. On estime ainsi à 200 le nombre de comptes Twitter utilisés par des politiques.
Quand Twitter devient l’incontournable d’une campagne politique
Mario Monti a récemment décidé d’entrer dans le cercle de ces politiques « in ». En pleine campagne pour les législatives, télévisions, radios, réseaux sociaux, rien n’échappe à sa nouvelle stratégie de communication.
L’homme qui déclarait détester l’exercice des meetings politiques a trouvé l’alternative, en créant un compte sur Twitter (@senatoreMonti), actif depuis le mois de décembre, et qui a franchi la barre des 16 000 abonnés en seulement quatre jours.
Deux motivations principales sont apparues clairement :
Taxé d’homme sévère et austère, Monti a estimé que son apparition sur Twitter lui permettrait de troquer cette image contre celle d’un homme « cool », moderne, et par là, conquérir le vote des jeunes Italiens.
Deuxième motivation, l’envie irrépressible de se distinguer de son prédécesseur Berlusconi, réputé pour son mépris des nouveaux médias – et par la même occasion, s’émanciper de ces dits médias sur lesquels la main mise de Berlusconi n’est plus à démontrer.
Plus largement, les avantages perçus par les politiciens sont multiples :
– se faire connaître : la plupart des politiques sur Twitter sont des élus locaux, souvent absents des grands médias, à qui le réseau social permet une visibilité.
– la désintermédiation : s’adresser directement au peuple, sans passer par le filtre des médias. La prise de parole y est différente. Sur Twitter, on est à l’opposé du formatage du discours.
– Profiter de la vitesse de propagation de l’information et de l’instantanéité, par la diffusion en temps réel de son agenda, ses réflexions ou ses humeurs.
Monti a le tweet facile. Le jour de Noël, un premier message a salué sa propre action : «Ensemble nous avons sauvé l’Italie du désastre. A présent, on va rénover la politique. Se lamenter ne sert à rien, s’impliquer est utile. Relevons la politique ».
Dans cette dernière phrase, Monti a osé un jeu de mot, puisqu’en italien, « Saliamo » signifie autant « nous montons » que « nous salons ». Il veut donc à la fois relever le débat politique et mettre du sel dans ce dernier. La formule a plu, si bien qu’il l’a reprise dans un autre tweet « Ensemble, relevons la politique », et que ce terme lui est depuis largement attribué.

Le 5 janvier, il a même animé un « live » en direct intitulé « #Montilive » pour répondre aux questions des internautes.
N’est pas Twittos qui veut …
Quel a été l’impact de ce revirement ? Finalement, les effets escomptés n’ont pas eu lieu.
L’explication est d’abord numérique. Twitter reste globalement peu utilisé en Italie, notamment en politique ; on estime à seulement 6% le nombre d’utilisateurs italiens.
Par ailleurs, on lui a reproché d’avoir sélectionné les interlocuteurs de son « live » et d’avoir privilégié des journalistes ou des personnes influentes au détriment des citoyens, ce qui est contraire à l’esprit du réseau social.
Enfin, Monti s’est révélé être un piètre utilisateur du réseau social, renforçant l’image dont il avait voulu se débarrasser. En effet, après l’utilisation excessive de smileys et de ponctuation exacerbée (notamment un « WOW » très critiqué), cette surenchère d’émotion, trop décalée, lui a valu plus de moqueries que de reconnaissance. Un mauvais calcul d’image donc.
Un exemple qui relance les critiques concernant Twitter et les politiques
S’adresser directement aux citoyens peut être un atout, mais n’est pas toujours synonyme de meilleure communication politique.
Quelque soit l’utilisation de Twitter, pour que le message soit entendu, il faut qu’il soit repris. Si l’une de ses vertus est de jouer sur la désintermédiation, la parole n’y est pas complètement libérée des médias traditionnels. Les politiques n’y ont pas encore suffisamment d’autorité pour que leurs gazouillis se suffisent à eux-mêmes.
Pour Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication, « Une partie des politiques inscrits sur Twitter le sont par mimétisme. Il faut en être parce que ça fait moderne mais certains ne savent pas eux-même pourquoi ils y vont » (Médias et Opinions Publique). C’est en effet l’une des règles d’or du tweet politique, règle à laquelle Monti, aux vues du décalage entre son image « Twitterienne » et celle que l’Italie connaît, semble avoir dérogé.
Enfin, l’instantanéité de Twitter a ses limites, et Monti les a testées récemment. Ainsi, vendredi 18 janvier, il s’est vu enterré en un rien de temps par un tweet funèbre « Mario Monti vient de nous quitter. RIP. ». La rumeur a immédiatement enflammé la Toile, appuyée par un nouveau tweet une heure plus tard : « Décès de Mario Monti, les proches de l’économiste confirment ». L’intox est reprise par quelques radios italiennes puis par des médias du monde entier. Ce n’est que tard dans la soirée de vendredi que le porte-parole de Monti a démenti.
Mario Monti l’aura compris, Twitter est une arme … qui peut se retourner contre son utilisateur.
 
Bénédicte Mano
Sources :
La Tribune
Technorati.com
Lalibre.be
Journalismes.info
Courrier International

Archives

Jacques a dit : les nuages s'assombrissent

 
Nul ne peut ignorer l’ampleur qu’ont pris les réseaux et les données. On reconnaît aujourd’hui le Big data comme l’un des enjeux majeurs de la société numérique et de son économie. Les utilisateurs manipulent, s’échangent et créent des données mais celles-ci sont essentiellement traitées et détenues par des sociétés privées américaines à l’instar des géants que sont Google et Facebook.
Cette nouvelle économie est aussi vaste qu’elle est complexe. De nombreux acteurs aux profils bien différents s’y croisent. Google et Facebook, par exemple ont tous deux dû diversifier leurs activités de moteur de recherche et réseau social pour correspondre et s’adapter à ce nouvel univers dont ils ont aussi contribué à façonner les contours. Traitement, stockage, partage, transfert… L’industrie des données ouvre sur une multitude de métiers et d’acteurs que nous ne percevons qu’à travers de grands noms comme ceux qui viennent d’être cités mais dont il n’est pas aisé de saisir l’étendue.
La France et plus globalement l’Europe sont en retard dans cette industrie. À la rentrée 2012, deux géants des télécoms, SFR et Orange, annoncent qu’ils vont investir sur le marché du cloud. Une réaction qui se veut un peu tardive mais qui a le mérite de créer un bond de notoriété à ce marché qui prend de l’ampleur depuis déjà quelques années.
 
Le cloud : du schématique à l’abstrait

Le cloud est un service de stockage de données en ligne qui désigne un contenu dématérialisé rendu accessible depuis plusieurs ordinateurs et smartphones.
Le mot cloud est d’abord un terme graphique qui vient de la forme utilisée par les diagrammes pour représenter un ensemble disparates d’éléments. Ici, ces éléments sont les nombreux services du cloud computing.
Dans la pratique, il existe depuis très longtemps. À partir du moment où nous sauvegardons un document en l’envoyant sur une boîte e-mail par exemple nous faisons du stockage en ligne. Mais il ne s’agit que de l’un des multiples services compris dans ce nuage.

Depuis un moment l’image du cloud semble être activée à nouveau. Popularisée par l’iCloud d’Apple, la symbolique remotivée renvoie aujourd’hui à une autre dimension où pourraient être stockées nos données en toute légèreté. Les tablettes et autres smartphones seraient comme les fenêtres qui donnent sur cet univers souvent illustré par un ciel bleu, paisible malgré quelques petits nuages dans lesquels sont parfaitement bien rangés nos fichiers qui nous suivent en permanence.
 
L’ envers du cloud
Cet imaginaire qui est développé par les professionnels de l’image sont autant d’indicateurs des incertitudes qui règnent face à ce cloud dont on parle tant.
Le mot fait le buzz, l’image est claire, mais ne représente que très peu la réalité. Les datacenters, le lieu physique où se trouvent les données sont bien moins sympathiques et médiagéniques que le cloud. Le stockage prend de la place, le stockage coûte beaucoup en énergie, le stockage implique de faire confiance à l’entreprise qui traite les données, le stockage signifie la perte des données… Toutes ces inquiétudes justifiées ne sont que très rarement prises en compte par les acteurs dominants sur le marché. Il y a un véritable manque de transparence qui ne laisse aux consommateurs français que le choix de faire confiance et d’accepter les offres existantes les yeux fermés.

Avec le lancement de Numergy, une infrastructure fournissant de « l’énergie numérique » et de SFR business team, la première offre de service de cloud française pour les entreprises, SFR innove en intégrant ces inquiétudes grandissantes.
On parle de « cloud maîtrisé », de « cloud souverain » ou de « cloud à la française ». Cela traduit un effort remarquable pour redonner un cadre à ces limbes numériques. Des infrastructures françaises, un opérateur français, une entreprise française et le soutien financier de l’État français.
Esther Pondy

Société

Mega : le retour

 
C’était il y a près d’un an, le 20 janvier 2012. Le FBI fermait les portes du site qui représentait 4% de l’Internet, Megaupload. Conjointement, un raid mènera à l’interpellation de son propriétaire, Kim Dotcom, et à sa condamnation pour blanchiment d’argent, atteintes aux droits d’auteur, et actes de malveillance informatique. Ce n’était pas la première fois que Kim Shmitz, de son vrai nom était inquiété par la police pour ses actions remarquables et remarquées en ligne. Mais cette arrestation musclée dans son manoir d’Auckland en Nouvelle-Zélande a été pour lui un traumatisme. Tant et si bien que Dotcom a décidé d’organiser, d’orchestrer et de mettre en scène sa revanche.

 
Mega, ou la vengeance dans le spectacle
La date est bien évidemment restée. Le 20 janvier 2013, comme un pied de nez aux autorités, Kim Dotcom lance en fanfare la résurrection de ce qui est désigné comme « le nouveau Megaupload ». Et il faut reconnaître qu’outre sa mégalomanie, Mr Shmitz maitrise bien la communication de son nouveau bébé. Tout a commencé par une bannière sur son site, agrémenté d’une adresse qui ne pouvait qu’éveiller l’attention : kim.com/Mega.
Le teasing est maitrisé à la perfection : lorsque l’on passe la souris sur le bouton, on peut lire : « On January 20th, this button will change the world ». On nous propose également d’être tenu au courant des avancées du projets via une newsletter. Sur le facebook de Kim Dotcom, une cover picture affiche un compte à rebours jusqu’au lancement de ce mystérieux projet. Puis, peu à peu, souvent sur les réseaux sociaux, et Twitter que Kim affectionne particulièrement, des informations vont commencer à circuler. Mega sera bien le futur Megaupload. Ce que l’on sait en tout premier, ce sont les améliorations, avant même de connaître la nature du service : une clef que vous seul pourrez obtenir cryptera l’accès à vos données. Tous les types de fichiers pourront être stockés. Vous avez la possibilité de garder vos données pour vous si vous choisissez de garder la clef secrète. Bref, Kim prend des précautions : on ne l’aura pas deux fois.
 
Kim, le nouveau Steve Jobs ?
Puis la nature même du service nous parvient, à travers des captures d’écrans dévoilées presque comme lors d’une keynote à la presse par Kim.

Le service sera du cloud storage, un marché en plein développement actuellement, et Mega sera donc opposé à des géants comme Google Drive, ou Dropbox. Le cloud storage vous permet de stocker des fichiers et données sur un serveur, pour pouvoir ensuite les récupérer ou les utiliser à partir de n’importe quel ordinateur connecté à Internet. Mega offre donc à chacun de ses membres un espace de stockage de 50GO.
En parallèle, le matraquage continue sur les réseaux sociaux : le futur Mega est d’ores et déjà présenté comme le messie pour se cacher du Big Brother Internet, et sa sortie même est synonyme de beaucoup de réactions et tweets d’un revers pour ces grandes multinationales ou lobbies de l’industrie culturelle : MPAA (Motion Picture Association of America), RIAA (Recording Industry Association of America). C’était d’ailleurs elles qui avaient été attaquées par le groupe Anonymous, à la suite de l’annonce de la fermeture de Megaupload l’an dernier.
La cérémonie fut la plus grande mise en scène de la revanche : A mi-chemin entre concert, avec des artistes venus soutenir le projet de Dotcom, et conférence de presse en face d’un public. Jusque là tout ressemble à un lancement traditionnel. Mais le tout a été entrecoupé de reconstitutions du raid du FBI un an plutôt, avec Mr Shmitz dans le rôle de la victime bien évidemment.
Ensuite, les événements prirent une autre tournure. On cru d’abord assister au naufrage du projet tout juste mis à l’eau. Il fallut attendre 2 jours et demi avant que le site soit accessible, les problèmes d’accès se multiplièrent. Tant et si bien que Kim Dotcom dut prendre en charge un autre volet de son site : la communication de crise. Cela se fera via des informations données sur les réseaux sociaux, en incitant par exemple les futurs utilisateurs à se méfier de publication facebook qui leur promettait des accès « premium » au nouveau Mega, ces dernières étant fausses.
Mais une fois encore, le bateau (et son capitaine, souvent représenté comme un pirate) tint bon à travers la tempête et le beau temps arriva : 2 jours après son lancement, Mega déclarait avoir déjà récolté 2 millions de membres. Un diagramme a été publié la semaine dernière montrant l’envolée de Mega et la baisse inexorable de Dropbox, un de ses concurrents sur le marché du cloud storage.
Cependant, les ennemis cherchent toujours à sombrer le navire. La vidéo de la cérémonie de lancement a d’ores et déjà été supprimée de la chaine youtube suite à la demande de l’équivalent allemand de la SACEM, qui estimait que toutes les chansons utilisées lors de l’événement n’appartenaient pas totalement à Megaupload. Bref, le bras de fer entre le géant du net et les géants de l’industrie culturelle est loin d’être fini.
Clément Francfort

Invités

Le prince (presque) charmant qui roulait en Renault

 
A priori, rien de bien méchant. Un prince (presque) charmant est un film français (réalisé par Philippe Lellouche) et, eu égard au titre et l’affiche, une comédie romantique. Premier plan, on suit une Audi TT (gris mât) lancée à pleine vitesse sur le périphérique. Jean-Marc (Vincent Perez) est aux commandes… et au téléphone, sa secrétaire, très angoissée par sa conduite, se propose alors de prendre le volant, ce que Jean-Marc refuse, en bon PDG macho et méprisant. Le sujet du film est posé. Il s’agit bien d’une histoire d’amour. Non pas entre Jean-Marc et sa secrétaire. Entre Jean-Marc et une autre femme alors ? Manqué ! La princesse du « prince (presque) charmant » est une voiture. L’Audi TT ? Encore raté. C’est une « Zoé », la petite dernière de chez Renault. Analyse.
Le consommateur est aujourd’hui devenu un ambassadeur publicitaire de premier choix en générant ce qu’on appelle du « earned media », c’est-à-dire une communication, souvent suscitée mais non contrôlée par la marque, notamment sur les réseaux sociaux. Tous les personnages du film, consommateurs fictifs et plus ou moins directs de « Zoé », Jean-Marc en tête puisqu’il en est l’heureux propriétaire, défendent ainsi unanimement ses bienfaits. Marie, ses parents et même le paysan du coin, à chaque fois, le même discours bien rodé : « c’est une voiture électrique, donc respectueuse de l’environnement, donc écologique ». Des louanges qui nous feraient presque oublier que l’énergie nucléaire (source n°1 d’électricité en France) n’est pas vraiment la princesse charmante des écologistes (des vrais)…
Jackpot donc. Renault se passe d’inventer un scénario pour vendre « Zoé » selon les règles du « story telling », Philippe Lellouche et Luc Besson (également scénariste) s’en chargent. Avec en prime, comme dans tout bon film publicitaire, des acteurs dont le capital séduction n’est plus à prouver, j’ai nommé Vahina Giocante et Vincent Perez. Toute l’intrigue se construit pour placer « Zoé » au premier plan. L’Audi TT de Jean-Marc tombe en panne d’essence et manque de bol, toutes les stations sont grève. Naturellement, Jean-Marc (qui est très riche) se rend chez un concessionnaire où il choisit et achète une nouvelle voiture dont il exige « le plein ». Amusé, le vendeur lui explique qu’il s’agit d’une voiture électrique, nommée « Zoé ».
A l’acquisition succède l’utilisation. Aux côtés de Jean-Marc, on découvre l’intérieur de « Zoé » (très design avec sièges inclinables et déodorisant senteur lavande) mais aussi comment la recharger (à l’aide d’un adaptateur branché sur le devant), quelle est son autonomie, etc. Surtout, on admire « Zoé » traversant de beaux paysages français, vue du dessus, de devant, de derrière, de l’intérieur. On renoue ici avec les codes esthétiques traditionnels de la publicité automobile lorsque, aussi étonnant que cela soit, voiture et nature rimaient ensemble (là on peut se le permettre à nouveau vu que « Zoé » est « écolo »).
Les avantages du produit « Zoé » sont mis en scène à plusieurs reprises, dans le jargon publicitaire on parle de « bénéfice produit ». Ainsi se construit la scène de la station d’essence en grève avec le routier qui dit à Jean-Marc « eh toi ! Tu fais la queue comme tout le monde ! » et ce dernier de lui répondre « Eh non ! Parce que MOI j’ai pas besoin de carburant, ma voiture elle est électrique ! » A travers ce qui semble être un gag, sont en fait comparés les bénéfices de la voiture essence avec ceux de celle électrique. On en retient qu’en cas de pénurie d’essence, Zoé est PLUS utile que n’importe quelle essence.
Les « bénéfices consommateurs » (ce que le produit promet d’apporter au consommateur) ne sont pas en reste. Grâce à « Zoé », Jean-Marc devient quelqu’un de bien (ou du moins passe pour tel). On retrouve l’idée, abondamment reprise dans les publicités de voitures, d’une consommation qui nous transforme, l’accent étant mis sur le bénéfice consommateur et sur la vente d’expérience qui l’accompagne. La preuve en est : lorsque Jean-Marc rencontre Marie, il est dans sa voiture, paumé dans la cambrousse, la batterie à plat, il pleut des trombes et Marie (qui passait par là) trouve refuge dans sa voiture.
Cette dernière est conçue à la fois comme un véhicule mais aussi et surtout comme un « espace » intime privilégié, « le seul endroit où je peux être moi-même » dit Jean-Marc qui y dort à plusieurs reprises et y petit-déjeune même avec Marie. Notons que depuis le lancement de l’« Espace », le groupe Renault a fait de cette notion un élément clé de son image de marque. Personnifiée, la voiture est à l’image de son propriétaire et apparaît comme une source d’affirmation de soi. Dès le début, avec son Audi TT, Jean-Marc s’affiche comme raide dingue de sa voiture, lui seul peut la conduire (« il faut être un sacré jockey pour la conduire »), « tu vas te marier avec ta voiture » se moquent même ses proches. Avec « Zoé », c’est une tout autre image qu’il renvoie à son entourage, celle d’un homme plutôt branché, écolo et attentionné. Poussons le vice jusqu’au bout, serait-ce là un petit message bien senti envoyé par Renault à ses concurrents via l’idée du « je consomme ce que je suis » à savoir, un connard en Audi TT gris mât, un mec bien en « Zoé » blanche ?
Soyons lucide, le cinéma français ne rime pas qu’avec « art et essai » et subventions publiques. Economiquement parlant cela serait impossible et la publicité aide régulièrement à financer des films de qualité (le programme Audi Challenge Award est en un bon exemple). Pour autant, quelques soit le produit vendu, écolo ou pas, moche ou beau, rose ou vert, l’indépendance et la qualité du cinéma français me semblent ici sérieusement menacées.
NB : Dialogues reproduits non contractuels.
 
Flora Trolliet

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Flops

La France, tu l’aimes ou tu la quittes

« #JeDemandeLaNationalitéRusse Parce que les droits de l’Homme c’est quand même moins important que les éléphants ou les impôts! » (@Paul_da_Silva).
Depuis plusieurs semaines, les peoples français se sont découverts une passion pour la Russie et ce cher Vladimir Poutine. Le 3 janvier dernier, ce dernier accueillait le Cyrano français. Le lendemain, Brigitte Bardot, s’enflammant à son tour, menace de prendre la nationalité russe pour sauver deux éléphantes tuberculeuses. La Russie est-elle devenue en l’espace d’une semaine une «grande démocratie» (Gérard Depardieu) et son président un homme avec « beaucoup d’humanité » (Brigitte Bardot)?
En 2013, je sauve les éléphants ou je pars en Russie
Le 11 décembre 2012, le préfet de la région Rhône-Alpes autorise l’euthanasie de Baby et Népal, deux éléphantes potentiellement atteintes de tuberculose, une maladie transmissible à l’homme et encore mortelle. Les éléphantes obtiennent un sursis grâce la mobilisation générale, lorsque Brigitte Bardot prend l’affaire en main. Elle a menacé le 4 janvier de s’exiler en Russie, si les deux pachydermes ne sont pas confiés à sa fondation, position qu’elle a défendue dans son communiqué de presse publié le même jour…
En 2013, j’en ai marre de payer mes impôts
Grand martyr de la fin 2012, Gérard Depardieu n’en finit pas d’alimenter la chronique en ce début 2013. Faisant fi des qu’en-dira-t-on, n’écoutant que son courage  – et l’état de son compte en banque – l’acteur se refait maintenant une santé au pays de la vodka, après avoir reçu fièrement des mains du président son passeport russe, le 3 janvier dernier. La chroniqueuse de France Inter Sophia Aram lui a consacré un billet des plus croustillants le 15 janvier dernier.
En 2013, quoi qu’il en soit, je renie mes idéaux et je pars en Russie
Après avoir critiqué fortement Gérard Depardieu pour son amour de la corrida, ce « rituel sublime », Brigitte Bardot défend aujourd’hui l’exil de cette « victime d’un acharnement extrêmement injuste ». Quel bel esprit de contradiction, notre BB ! Mais ce n’est pas tout. Notre chère actrice dit avoir trouvé en la Russie une terre d’accueil pour ses convictions et en Poutine, un homme « plein d’humanité », prêt à écouter ses revendications. Lorsqu’elle affirme que sa nouvelle idole « a fait plus pour la protection animale que tous nos présidents successifs », oublie-t-elle que la Russie n’est pas un exemple en la matière? Rappelons qu’en 1994, elle haranguait la Russie contre le massacre des bébés phoques. Nous pourrions évoquer longuement la pratique du braconnage, le massacre (pardon la chasse) des ours bruns en pleine hibernation ou encore l’importance du marché de la fourrure. L’état de développement des droits des animaux devrait laisser à désirer pour une femme qui s’en dit fervente défenseure. Ne parlons même pas des droits de l’Homme, qui n’ont manifestement pas le même sens en France qu’en Russie. La démagogie a la mémoire courte…
Quant à Depardieu, il aime aussi à flatter ses nouveaux compatriotes, sans exception. Ne prenons qu’un de ses nombreux propos élogieux à l’égard de son pays d’accueil: “J’aime la Russie, Poutine et sa démocratie”. Voulait-il parler d’une vision proprement poutinienne de la démocratie?
En 2013, je soigne ma com’ (ou pas)
Le cas des deux acteurs de renom, suscitant mépris, désapprobation, résignation ou forts encouragements, n’a certainement pas laissé les tweetos français insensibles. Ils ont été nombreux à faire part de leurs petits désagréments quotidiens via le hashtag #JeDemandeLaNationalitéRusse. Ainsi, l’acte des deux acteurs, aussi symbolique puisse-t-il être à leurs yeux, nous a avant tout fait sourire par son grotesque et son décalage avec ce que nous croyions connaître de ces deux ex-pontes de la vie culturelle française.
Du côté des politiques, la tendresse n’est pas le maître mot. Depardieu voit son choix de l’exil fiscal traité de “minable” par un premier ministre remonté et sans doute inquiet pour les finances françaises. De son côté, BB est victime du sarcasme de Benoît Hamon. Sa proposition? Un mariage aux couleurs locales, avec son cher Gérard. La présidente de la fondation éponyme déchaîne même l’ironie de la très discrète Michèle Delaunay, ministre de la Santé, qui évoque sa liste des personnalités françaises qu’elle souhaiterait voir décamper en Russie.
Finalement, Brigitte et Gérard, nos “deux crétins finis” du moment, comme les appelle (certes peu affectueusement) Daniel Cohn Bendit, ont été très présents sur la scène médiatique ces dernières semaines. Difficile de croire qu’ils sauront redorer leur blason médiatique après tout le mépris que leurs actes ont récemment suscité. D’autant plus que cela ne semble pas être une priorité à leurs yeux.
Bref, en 2013, je revois mes idéaux (à la baisse)
Choisir de changer de nationalité, de se réfugier dans un pays par idéologie, par contestation politique est un projet noble s’il s’accompagne de la réflexion philosophique qui le justifie. Le malheur de nos deux protagonistes dans cette histoire, c’est de l’avoir fait par intérêt personnel ou chantage irréfléchi (choisir la Russie quand on défend les droits des animaux, c’est comme s’y réfugier pour manifester contre le nucléaire…). Nous déplorons le manque de valeurs et de morale dont font preuve nos symboles déchus du cinéma français, mais heureusement pour nous, des tweetos ont eu une idée des plus cyniques: et si on échangeait les trois Pussy Riots contre nos chers acteurs décadents? Offrir un passeport français à chacune de ces trouble-fêtes, emprisonnées pour leurs actes de rébellion politique contre le régime russe, serait faire à Vladimir Poutine un sacré pied de nez. Nous verrons si la pétition mise en ligne pour réaliser ce projet pour le moins original, va donner suite à cette folle histoire de transit patriotique.
Parce qu’après tout, c’est la période des soldes alors pourquoi ne pas brader ses convictions ! FastNCurious a entendu dire que la Russie faisait des offres sur les passeports. Jet-setteurs français, profitez-en!
 
Pauline St Macary et Sophie Pottier
Sources :
Lavie.fr
Echange Depardieu et Bardot contre Pussy-Riot
Contexte Baby et Népal
Bardot menace de s’exiler + tweets #jedemandelanationalitérusse

Agora, Com & Société

La scripted reality : le réel low-cost spectacularisé

 
Famille, argent, séduction, mensonge, injustice… Autant de sujets sociétaux dont se nourrit la scripted reality. La scripted reality ou fiction du réel, ce sont tous ces nouveaux formats qui pullulent sur nos écrans, des émissions ovnis qui retranscrivent des psychodrames de la vie quotidienne, des faits divers en tous genres. Entre télé-réalité, magazine et fiction, ces nouvelles émissions font débat en France, tant sur le fond que sur la forme de ce nouvel hybride. Leur plus lointain ancêtre français remonte sans doute aux années 1990, avec la diffusion sur la cinq puis sur TF1 de « Cas de divorce » qui narrait, sur le mode du réel, des divorces dans les tribunaux.
Le succès de ce genre d’émissions réside dans l’hybridation de différents codes et rapports de l’intimité au média télévisuel. Une hybridation qui pose problème, le CNC refuse d’apporter des subventions à un genre qu’il n’estime pas du ressort de la création, et le CSA quant à lui, hésitait jusqu’au 11 janvier dernier, à considérer ce nouveau genre comme des œuvres de création. Désormais les émissions comme « Le jour où tout à basculé » ou « Si près de chez vous », toutes deux diffusées respectivement sur France 2 et sur France 3, entrent donc dans le quota d’œuvres de création imposé par le CSA. Pour autant chaque émission sera étudiée au cas par cas avant de lui accorder un statut qui pèsera son poids dans la balance des négociations avec le CNC.
Malgré la reconnaissance du CSA et de l’audience, la scripted reality soulève des interrogations quant à la qualité réelle de ses conditions d’écriture, de production et du lien étroit qui s’établit entre le « nouveau » genre et son public.
 
Une création mise en danger
L’audience est au rendez-vous et il faut admettre le succès de ces émissions auprès du public. « Au nom de la vérité » sur TF1 parvient à capter 20% des audiences auprès de la fameuse ménagère de moins de 50 ans. Une belle progression à un horaire creux (à 10 heures sur TF1 pour « Au nom de la vérité », 14 heures sur France 3 pour « Si près de chez vous », 16 heures sur France 2 pour « Le jour où tout a basculé », les audiences sont très bonnes, on compte entre 800 000 et 1 million de téléspectateurs chaque jour sur France 2, et niveau retour sur investissement les chaînes sont gagnantes. On peut même parler d’émission « low-cost », d’ailleurs les sociétés de production ne s’en cachent pas. Maxime Maton, directeur du développement de la Concepteria du groupe Julien Courbet Production, assume cette qualification qu’il ne voit pas comme un défaut. Le low-cost à la télévision c’est donc environ 30 000 euros par épisodes. En comparaison, un épisode de la série « Plus belle la vie » s’estime entre 100 000 et 200 000 euros, un coût multiplié par au moins quatre pour une série qui était déjà très décriée dès ses débuts. Le problème réside donc ici, dans les conditions de création et de production de la scripted reality.
Si Maxime Maton estime que cette nouvelle écriture « a beaucoup de bienfaits, au delà de répondre à une demande, que ça marche en terme d’audience, ça donne quand même du boulot à beaucoup de monde » ; elle n’offre pas aux auteurs et aux acteurs les conditions de travail idéales à la création. Pour un épisode de 22 minutes il faut compter 2 jours de tournage, une ou deux prises pas plus, et les scénarios doivent couler à flots. Le jeu des acteurs est assez aléatoire, avec ces moyens financier on ne peut effectivement pas s’assurer les services de Marion Cotillard, et en même temps on ne leur laisse pas le temps de développer leur jeu d’acteur. Pour le téléspectateur ignare qui ne parvient pas à suivre les dialogues, la voix-off est là pour lui ré-expliquer ce qui se passe. Un jeu d’acteur médiocre, peu de décors, une voix-off omniprésente, des plans douteux… autant de faibles moyens qui nuisent à la qualité créatrice.
Afin de rester dans cette logique de flux (magazines, jeux télévisés…), les chaînes délaissent la fiction traditionnelle, à commencer par les feuilletons quotidiens. Le PDG de France Télévision, Rémy Pflimlin vient d’abandonner l’une des promesses phares de son mandat : la déclinaison d’une série quotidienne sur France 2. Même réaction de rétropédalage chez TF1, trop de risques, on préfère éviter de se lancer dans un chantier à 25 millions d’euros qui risque fort de ne pas être concluant en terme d’audience. Les chaînes cherchent de nouveaux genres susceptibles de coller au comportement de zapping et à cette logique de flux, en s’inspirant notamment des émissions courtes déjà présentes depuis quelques années en Allemagne notamment. La fiction du réel donne une réponse efficace à tous ces impératifs économiques, sociaux et culturels.
 
 
La fiction du réel ou spectacularisation de l’intimité transformée
 La scripted reality s’inscrit finalement dans la continuité de la télévision de l’intimité, s’ajoutant à la liste des différents genres qui ont déjà fait évoluer le rôle de l’intimité au miroir des médias, reality-shows, talk shows et télé-réalité. On est passé d’un mode du divertissement dans les années 1980, qui consistait à la construction d’un monde fictif n’ayant pas de rapport direct avec la réalité, le quotidien du téléspectateur lambda, d’un mode de l’évasion à un mode de divertissement où l’intimité est mise au premier plan avec l’apparition dans les années 1990 dans premiers reality-shows. On ne cherche plus à sortir de la réalité, au contraire, on doit pouvoir se retrouver dans les individus que l’on observe dans ces émissions. Là où la variété divertissait en montrant ceux qui avaient réussi, la télévision de l’intimité nous divertit en montrant tout le monde et en particulier ceux qui risquent de perdre.
Les émissions de ce nouveau genre mettent ainsi en scène des faits divers, une scénarisation sommaire qui tend à reproduire la réalité et non à construire un univers fictif, et son esthétique propre. La scripted reality cherche à renvoyer au téléspectateur une image du réel et de l’intimité de personnages appartenant à la même réalité. Elle essaye ainsi de renvoyer une image menaçante et menacée de l’extérieur en projetant ces fictions du réel à l’intérieur du foyer, à l’abri de cette réalité. Tout se passe comme si on avait besoin du face à face avec l’évènement inquiétant, de toucher du regard le vertige du vécu alors que la création a pour principe de chercher à se départir de la réalité pour créer un monde à part dans lequel on peut se projeter. La fiction construit en effet un monde dans lequel on aimerait pouvoir entrer sans jamais y parvenir. À l’inverse la scripted reality se fait le miroir du réel que l’on cherche àfuir, dans lequel on ne veut aucunement se projeter. En un sens pourtant elle se fait donc le miroir de la réalité des téléspectateurs mais qui cherchent à s’en défaire. Les personnages sont issus de faits divers, de cette réalité partagée, tout comme la télé-réalité met en jeu des individus anonymes, la scripted reality nous montre ces individus qui pourraient être un voisin, un collègue, une tante…ou nous-mêmes. De ce point de vue c’est une partie de l’intimité qui est ainsi montrée, on cherche à spectaculariser le réel à  travers le médis télévisuel et le genre fictionnel. La scripted reality ne propose pas d’autre représentation du monde.
D’un syndrome de l’évasion, on est passé à un syndrome de la réalité, et la scripted reality renouvelle le rapport à la télévision de l’intimité en incluant une part consciente de fiction. Elle scénarise notre réalité comme le font certaines fictions en faisant dans le même temps la promesse de l’authenticité et de la vérité, à la manière d’autres genres de la télévision de l’intimité.
 
Margot Franquet
Sources :
Arrêt sur image, « Je suis une voyeuse et je m’en flatte », émission du 31/08/2012
Arrêt sur image, « Les fictions du réel, ou la recette de l’audience aux heures creuses », Sébastien Rochat, 13/09/201
Arrêt sur image, « Filippetti ne veut plus de fictions du réel sur France TV », le 29/10/2012
Médias le magazine, émission du 14/10/2012
Stratégie n° 1704-1705 20/12/2012, « Cachez ce programme que je ne saurais voir », Bruno Fraioli

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