Dossiers et conférences

Les Revenants envahissent FastNCurious, Introduction

 
Fort de plus d’une année d’articles, FastNCurious veut aller plus loin dans la curiosité en proposant une série de dossiers qui analyseront un objet de communication sous différents angles spécifiques à l’enseignement du CELSA.
Pour la première édition notre regard s’est tourné vers Les Revenants, dernière création originale de Canal +. Entre fiction et réalité, série et cinéma, tradition française et international, cette série a tout d’un OVNI culturel et communicationnel. Quatorze rédacteurs volontaires ont proposé d’étudier la série sous les angles marketing, médiatique, culturel et symbolique.
La série Les Revenants, adaptée du film éponyme de Robin Campillo, débute avec une idée simple : quelles pourraient-être nos réactions face à l’inconcevable ? Comment réagir si un jour nous apprenons que les morts reviennent à la vie ? Et comment, eux, pourraient vivre à nouveau une vie normale ?
D’emblée, un constat récurent apparaît : la série Les Revenants est toujours située dans un entre-deux. D’abord dans le contenu : que ce soit au niveau de l’histoire, du symbolique et du culturel, le spectateur est toujours perdu entre réalité et fiction, vivants et morts. De manière plus surprenante, ce jeu entre des dimensions opposées se retrouve également dans tout ce qui est extérieur à la série : que ce soit d’un point de vue marketing ou médiatique, elle hérite d’un modèle sériel américain qu’elle applique aux traditions sérielles françaises, créant un objet hybride. Bref, Les Revenants ne sont jamais noirs ou blancs, tout l’un ou tout l’autre, mais dans un entre-deux.
Le second élément qui frappe est la dimension assumée des emprunts culturels et stratégiques de la série présente sous tous les angles d’analyse. Bien loin d’être un simple plagiat, le génie des Revenants est de composer avec cet héritage multiple, revendiqué et de proposer un nouveau modèle, une empreinte en devenir sur le paysage télévisuel français. Les Revenants incarnent le renouveau de la série française.
Voici ce que nos Curieux tenteront de vous démontrer cette semaine. Lundi sera consacré à la stratégie marketing mise en place par l’agence BETC, suivie par l’analyse de la stratégie médiatique Mardi. L’aspect culturel sera à l’honneur Mercredi, la symbolique des Revenants sera scrupuleusement analysée Jeudi. Enfin, Vendredi, un invité nous réserve son point de vue particulier.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture.
 
Camille Sohier
Arthur Guillôme

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Flops

Ta pilule elle est 3G ou 4G ?

 
L’histoire d’une médiatisation
Le 14 Décembre 2012, Manon Larat publie dans Le Monde un témoignage poignant sur l’handicap qui la touche depuis son AVC.  Elle porte la pilule responsable de ses maux, survenus trois mois après le début de sa prescription. Ce lien est ensuite confirmé par les autorités. Suite à ce témoignage, on apprend l’existence de trente autres victimes. Toutes portent plainte le 1er Janvier. On pointe du doigt certaines molécules présentes dans une poignée de modèles de troisième et quatrième génération. Je ne rentrerai pas dans les détails scientifiques – mais je vous invite à lire cet article.
De la médiatisation à la crise
En l’espace de quinze jours on assiste à une très forte médiatisation de l’affaire qui culmine lors des fêtes.
Analysons un peu. Comme souvent lors de la médiatisation d’événements qui touchent à la science, peu d’articles traitent en profondeur du problème en lui même. Les explications scientifiques sont mises de côté au profit de témoignages poignants de proches des victimes ou de victimes rescapées. Par exemple, Le Monde titre « Ce Noël que Sophie, 21 ans, a failli ne jamais fêter ». Dans un premier temps l’accent est mis sur le pathos, le sentiment et non sur une explication scientifique et approfondie des risques encourus. Les explications sont ici pour appuyer les témoignages, mais il s’agit de faits. Le silence est total du côté des statistiques.
Il s’agit donc d’une médiatisation rapide. Un vent de méfiance se lève alors envers l’ensemble des pilules. Par conséquent, des articles davantage scientifiques sont écrits. On apprend que le risque d’AVC, de 0,02 % pour les pilules de première et seconde générations (soit deux femmes sur dix mille), est de 0.04 % pour les deux dernières générations (soit quatre femmes sur dix mille). Mais, de la même manière que la grippe H1N1 avait apporté son lot d’inquiétudes, la machine est lancée. L’amalgame entre risque réel et pilule est fait. C’est à ce moment là que les autorités décident de réagir.
La gestion de la crise
L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) va convoquer une réunion extraordinaire le 14 Janvier prochain pour mettre au point une campagne de prévention sur les risques de la pilule. Le Planning-Familial, lui, invite à ne pas diaboliser la pilule -en rappelant le pill-scare de 1995, autre grande crise de panique à propos de la pilule qui avait fait considérablement augmenter le nombre d’IVG en Angleterre.
On rappelle vite que ces 23 des 27 sortes de pilules de 3ème et 4ème générations ont déjà été enlevées de la liste des pilules remboursées en Septembre 2012. La date d’arrêt, fixée au 31 Septembre 2013 sera avancée au mois de Mars, nous annonce Marisol Touraine, Ministre de la santé. Elle met aussi en garde les médecins qui ne doivent plus prescrire aussi abusivement ces générations de pilules qui n’enlèvent aucun effet secondaire par rapport à ceux des premières générations.  Cette gestion de la crise par le gouvernement a vite été critiquée par les journalistes et professionnels de la santé.
Santé publique et médiatisation ne font pas bon ménage
Pourtant, cette gestion de la crise par l’État est-elle vraiment critiquable ? S’agirait t-il d’un nouveau flop en terme de gestion de polémiques de santé ? Comme le rappelle le Planning-Familial, il faut soit interdire ces pilules, soit les rembourser selon le principe d’Etat Providence français qui se doit d’être neutre. Le problème est le suivant : ces réponses tentent principalement d’apaiser l’opinion publique et de calmer une médiatisation alarmiste. Les risques liés à la pilule sont connus depuis longtemps. L’ANSM en 2011 avait mis en garde l’Etat contre les risques supplémentaires apportés par les dernières générations de pilule suite à un rapport américain. Mais aucune action n’avait suivi.
Finalement, la réaction de l’Etat traduit deux éléments : la peur d’un risque sanitaire est extrêmement implantée chez les Français et la panique est facile à atteindre. La santé fait peur, car elle concerne tout le monde et c’est grâce à cela qu’elle est un objet de médiatisation si efficace. Lorsqu’une jeune femme témoigne des risques, elle touche d’autant plus les lectrices que cette affaire pourrait leur arriver. Même si cela a vite été démenti par les explications scientifiques. C’est ainsi que l’on peut expliquer le nombre d’articles consacrés au témoignage de Manon Larat au tout début de l’affaire. De plus, le risque sanitaire permet le développement d’un discours fondé sur le pathos, appuyé par des témoignages de victimes, favorisant d’autant plus l’identification du lectorat. L’opinion publique souhaite alors un arrêt complet de ce qui est à l’origine de la polémique.  L’Etat tente alors de répondre à ces peurs.
Pour la grippe H1N1 c’était un grand nombre de vaccins non testés. Pour la pilule, ce sont de petites mises en garde. Évidemment, ces mesures sont prises dans l’urgence et seront complétées par des mesures plus efficaces  comme des campagnes de prévention.  Cependant, face à cette médiatisation, l’Etat devait agir vite s’il voulait entériner la panique. La réponse rapide de ce dernier était donc nécessaire.
Et pourtant, il y a un deuxième élément à analyser : un risque de santé publique ne peut pas être réglé aussi rapidement. Il demande des études, des concertations. Sa gestion est profondément anti-médiatique dans la mesure où il ne peut répondre aux impératifs de rapidité propres à la sphère médiatique. Une réponse rapide est donc nécessairement peu efficace.
Cette gestion de crise vivement critiquée met donc en lumière le dilemme au centre de la communication sur les risques de santé publique. Elle est aussi nécessaire que critiquable puisqu’elle est peu efficace, étant fondée sur la rapidité.
Espérons que les prochaines semaines apportent des réponses plus solides, voire, qui sait, une campagne de prévention sur les risques de la pilule.
 
Arthur Guillôme
Merci à Judicaëlle Moussier et Virginie Béjot pour leur précieux aiguillage.
Sources :
Risques et dangers de l’interdiction de la pilule de troisième et quatrième génération sur le Huffington Post
La gestion de crise sur Slate.fr
H1N1 et Roseline Bachelot sur Libé.fr
Témoignages sur Le Monde.fr

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Agora, Com & Société

Les discours de Newtown

 
La fusillade de Newtown du 14 décembre 2012 relance le débat autour des armes à feu aux Etats Unis et en fait l’une des préoccupations majeures de la politique d’Obama. La surmédiatisation de l’évènement entraîne de nombreuses analyses qui mettent en avant les chiffres effrayants des victimes d’armes à feu (selon demandaplan.org, 33 personnes meurent chaque jour sous le coup d’une arme à feu aux États-Unis).
Cependant il semble que le traitement médiatique en lui-même échappe aux réflexions, tant il s’insère dans la construction généralisée du fait divers. En tant qu’objet d’étude, celui-ci a été établi depuis longtemps comme la résultante d’un besoin primaire du public, agissant sur les foules comme un catalyseur d’angoisse et d’empathie. Pourtant une brève analyse du traitement médiatique de la tuerie de Newton et de ses effets sur le public nous conduit à penser les limites possibles de ce storytelling de l’information.
À l’instar des fusillades de Columbine, Virginia Tech ou Aurora, le traitement de la figure du tueur devient le centre névralgique du récit construit autour de la tragédie de Sandy Hook. Son identité et son passé sont longuement commentés et alimentent une fascination bien connue du public pour les figures transgressives. Cette prise de position des médias peut néanmoins s’avérer problématique : d’une part, elle reflète souvent l’ambition du tueur de sortir de l’ombre, et de l’autre elle peut entrainer des mouvements pervers. Ainsi dans le cas du meurtre commis par Luka Rocco Magnotta, la révélation de l’identité du meurtrier à entrainé la naissance de nombreux blogs de fans lui vouant un culte. Mieux encore, il a été nommé fin décembre “NewsMaker of the Year 2012” par The Canadian Press. Cette distinction a provoqué de vives réactions, obligeant les jurés à justifier leur choix par l’omniprésence du tueur dans les médias et le traitement médiatique dont il a bénéficié. Ce prix ne serait que l’illustration de choix éditoriaux qui, dans la course à l’audience, misent sur les ressorts passionnels du fait divers plutôt que sur l’analyse raisonnée, qui est alors relayée au second plan.
Face à ce triste constat, force est d’admettre la puissance marchande du fait divers et son impact émotionnel sur le public. Nécessaire donc, mais dans une certaine limite. Si elle n’est pas précisément encadrée, l’exposition des faits divers les plus violents comme la tuerie de Newton, présente un risque fort pour le public comme pour les médias. Il peut conduire à une désensibilisation des publics, mais aussi à un effet de défiance pour l’appareil médiatique.
Dans le cas de Sandy Hook, l’attention est détournée des problèmes sociaux au profit d’une lutte d’influence politique, menée de front par la NRA. En proposant de poster des policiers armés dans chaque école, Wayne LaPierre élude le problème des motivations psychologiques du tueur. L’inquiétante porosité des frontières entre fiction et réalité n’entre pas dans le combat politique. Ainsi, la fusillade et le discours d’Obama ont eu pour conséquence une hausse notable de la vente d’armes à feu et la prolifération des discours “pro-guns”. La vision ironique d’Art Spiegelman, représentant des enfants armés pour aller à l’école sur une couverture du New-Yorker en 1993, pourrait devenir réalité.

Pour s’opposer à cette spirale infernale 800 maires américains ont constitué l’association demandaplan.org, qui souhaite obtenir de l’administration Obama un contrôle plus règlementé de la vente d’armes à feu. Cette campagne bénéficie d’une large médiatisation, en partie due au soutien d’Hollywood. Dans un clip qui dépasse les 6 millions de vues, acteurs et entertainers nous invitent à rejoindre leur action contre la violence des armes. Dans cette lignée, comment ne pas proposer une réflexion « de l’intérieur » sur l’influence des produits culturels, qui font le succès d’Hollywood, auprès des jeunes générations. Une telle vidéo n’en serait que plus pertinente.
Cette question cruciale nous renvoie ainsi au rôle des médias dans notre manière d’appréhender les événements comme celui de Newton. Phénomène récent, le commentaire du fait divers s’émancipe de la sphère médiatique officielle et gagne les réseaux. Face à la prolifération de ces discours anonymes, la police d’État du Connecticut menace de poursuivre les utilisateurs qui répandraient volontairement de fausses informations concernant la tuerie. Le citoyen, par tous les biais, cherche à s’approprier ces récits.
L’intense médiatisation de la tuerie de Newton donne à cet évènement tragique un poids politique fort, susceptible d’influencer le vote citoyen. Ancré dans une société, le fait divers en révèle bien souvent les pires travers, et finit peut-être par l’incarner s’il occupe une place trop grande dans notre hiérarchie de l’information.
 
Clémentine Malgras
Sources
Sandy Hook Shooting: The Speculation About Adam Lanza Must Stop
http://www.demandaplan.org/
http://www.newyorker.com/online/blogs/hendrikhertzberg/2012/12/guns-in-banks-are-not-like-guns-in-schools.html
Howard Kurtz and Lauren Ashburn weigh in on the media's coverage of the Newtown shooting

Société

Google vous souhaite un Joyeux Noël… enfin presque

 
A chaque fin d’année, à l’approche des fêtes il est coutume de se souhaiter un « Joyeux Noël » ou de « très Bonnes fêtes », tout dépend du contexte, de l’endroit et des personnes auxquelles on s’adresse.
Google, le géant américain n’a pas dérogé à la règle. La veille de Noël, le moteur de recherche avait mis en place un Doodle intitulé « Google vous souhaite de joyeuses fêtes ! », qui mettait à l’honneur la recherche du jour « Joyeuses Fêtes » sur sa page d’accueil. Si vous êtes un adepte de Google, vous savez que le moteur de recherche n’hésite pas à remplacer son logo officiel par un Doodle. Il a même tendance à les utiliser à tout bout de champ pour communiquer sur des évènements particuliers, qu’ils soient nationaux ou internationaux, via sa page d’accueil. Ainsi, on peut se souvenir des 17 Doodles crées rien que pour les Jeux Olympiques cet été, par exemple.
En se connectant sur la page d’accueil le 24 décembre, on pouvait admirer un Doodle assez classique avec un Google au pays des jouets. Les jouets en file indienne qui suivent une majorette ou ce qui ressemble à un petit soldat, et qui se dirigent vers des caisses en bois entrouvertes sur lesquelles on peut lire les lettres du mot Google. Le lendemain, le Doodle du jour n’était que la continuité de celui de la veille. On retrouve la majorette ou le petit soldat, et les caisses en bois ne sont plus entrouvertes et font place à des cadeaux portant toujours les lettres du mot Google. Place au grand déballage des cadeaux de Noël. Du moins c’est l’idée qui en découle et Google ne pensait surement pas mal faire, et pourtant…
En effet, le moteur de recherche a quand même réussi à s’attirer les foudres de certains avec ce Doodle des plus innocents. Dans la journée du 25 décembre, une polémique a fait son apparition sur la toile à propos de la recherche du jour. Certains internautes chrétiens n’ont pas apprécié le fait que Google ait tout simplement choisi d’utiliser une expression religieusement neutre et n’ait pas plutôt mis en avant la recherche « Joyeux Noël », qui selon eux était plus de circonstance en cette période au lieu d’un simple « Joyeuses Fêtes » qui regroupe le réveillon de Noël et celui du Nouvel An. Cette pseudo polémique autour des fêtes de fin d’année et d’un des outils préférés de communication du géant américain a même eu droit à la création d’un sujet sur le forum de Google, à ce jour le sujet compte tout de même 161 messages de 98 auteurs différents qui reprochent à Google son ton trop neutre. Certains vont même jusqu’à l’accuser de détruire l’esprit de Noël. Si on a du mal à imaginer Google comme le nouveau Grinch, le moteur de recherche a quand même tenu à se justifier compte tenu de la situation. Ainsi Jessica Schwartz, en charge d’animer la communauté Google Search, a répondu via un message directement posté sur le forum : «Les Doodles de Google sont faits pour faire sourire les gens et je suis triste d’apprendre que cela perturbe gravement les gens sur ce fil de discussion, au point même de croire que cela « détruit l’esprit de Noël ». Nous serons ravis de faire passer le message aux Doodlers ».
Jessica Schwartz et Google font le choix de ne pas s’excuser et campent sur leurs positions, et si le choix des mots avait été fait prudemment dans le but de justement ne faire référence à aucune religion pour ne pas fâcher certains utilisateurs, Google a en fait rencontré l’effet inverse.
Malgré cela et en dépit de cette polémique des plus insolites, l’équipe de FastNcurious espère que vous avez passé un Joyeux Noël ET de très bonnes fêtes, nous vous souhaitons nos meilleurs vœux pour 2013.
 
Sabrina Azouz
Sources :
Lemondenumerique.com
Geek.com

Com & Société

La NRA versus Chasse et Pêche

 
C’est un autre monde que l’on découvre si l’on s’intéresse de plus près au débat qui fait rage aux États-Unis concernant la vente libre des armes à feu. C’est aussi une histoire complexe et des entrelacements entre les différentes sphères qui régissent cette société, car c’est un débat politique, économique et financier, mais aussi sociétal. Le  but n’étant pas ici de le résumer, de l’expliquer, ou de prendre parti, il est tout de même intéressant de constater les différences culturelles et communicationnelles entre la France et les États-Unis concernant l’univers des armes à feu.
Le 14 décembre dernier, la fusillade de Newtown a relancé le très vieux débat sur la vente libre et le port  des armes à feu aux USA. Ou plutôt, ce tragique événement (le 25e en cinq ans) a multiplié sa visibilité à l’international, comme on peut le voir notamment dans les médias français. Des pétitions de part et d’autres du conflit fusent pour ou contre le « Ban guns », et le président Obama se voit obligé d’intervenir.
Mais si le puissant lobby américain des armes, la NRA (National Riffle Association) reste plutôt silencieux après la tuerie de Newtown, malgré une proposition de poster un policier armé devant chaque école, ce sont les partisans du second amendement qui font entendre leur voix. Les dernières vidéos sur la chaîne Youtube de la NRA datent en effet de la dernière élection présidentielle américaine ou de plus de huit mois . C’est en fait sur les réseaux sociaux que tout se passe. Des associations « pro guns » postent quotidiennement des vidéos et images qui parlent d’elles-mêmes. Ainsi pour exhorter les américains à les rejoindre, ces dernières proposent, comme National Association for Gun Rights (640 000 likes), de gagner 600 dollars d’ « Ammo » (munitions) en s’inscrivant (non gratuitement) à NAGR, ou de recevoir des cadeaux tels que des autocollants d’armes, des « flashlights » à insérer sur une arme et autres gadgets spécifiques. C’est une communication que nous n’avons pas l’occasion de voir en France. Et cette communication porte ses fruits puisqu’une autre association, I love my Gun Rights, créée le 28 décembre dernier, compte aujourd’hui plus de 165 000 fans et partisans de la pétition en faveur du second amendement de la constitution américaine. On y trouve des publications telles que « Click « like » if you love your gun! » ou encore « We don’t blame cars for drunk drivers, why do we blame guns for violent criminals? ».
Les militants ne se cantonnent pas à Facebook ou Twitter, mais, et c’est encore plus parlant, on peut voir sur le site américain The Atlantic Wire une compilation de clichés pour la plupart d’Instagram, prises pendant les fêtes de Noël, du cadeau reçu sous le sapin, avec des commentaires tel que  « N’essayez pas d’entrer dans cette maison ». Des jeunes et moins jeunes Américains ont posé avec leur nouvelle arme devant le sapin de Noël. Ces photos ont fait l’objet de nombreux articles sur la toile commentés par des internautes français « choqués ». Ces photos révèlent en effet à quel point les armes à feu sont banalisées aux États-Unis, et font partie d’un quotidien loin du nôtre.
Si l’on devient curieux et qu’on visite le site officiel de la NRA, on est servi. Sans être naïf, le dépaysement est quand même conséquent. Les services proposés balayent tous les besoins d’un « porteur d’arme ». Un projet concernant une école intégrée à la NRA est en cours  The National School Shield proposant un « Education And Training Emergency Response Program » (un programme d’éducation et d’entraînement en réponse à une urgence). Mais la NRA organise aussi des compétitions, des événements, des réunions de clubs, des packs séjours dans des hôtels dédiés au tir, des interventions de la mascotte NRA dans les écoles…
Et si l’on ne fait plus tout à fait attention aux bandes de publicités défilantes sur Internet, celles que l’on peut voir sur les sites américains, ou dans les journaux, sautent aux yeux d’un Français. C’est en effet assez atypique de voir un Père-Noël offrant des réductions sur toute arme achetée dans un magasin (notons que cette publicité en question se trouvait sur la page traitant de la fusillade de Newtown dans le journal Rock Hill Herald, qui a présenté ses excuses par la suite).

C’est aussi étonnant de voir, sur le côté de notre page internet, des publicités pour bouchons d’oreilles préservant l’audition de tout tireur.

Les lois françaises sur le port d’armes sont tellement réglementées et restrictives qu’elles ne sont pas connues de tous. Divisées en huit catégories d’armes, seules quelques unes sont autorisées à la vente, et encore, sous contrôles psychologique, judiciaire et pour une durée de détention déterminée. Mais les lois françaises sur la publicité pour les armes à feu sont encore plus restrictives que cela. Car les armes à feux de catégorie autorisée, « ne peuvent être proposées à la vente ou faire l’objet de publicité sur des catalogues, prospectus, publications périodiques ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image que lorsque l’objet, le titre et l’essentiel du contenu de ces supports ont trait à la chasse, à la pêche ou au tir sportif » selon la Loi n° 85-706 du 12 juillet 1985 relative à la publicité en faveur des armes à feu et de leurs munitions. Mais en plus de cela, ces publicités ne peuvent être envoyées ou distribuées qu’aux personnes qui en font la demande.
Voilà un secteur économique très profitable pour les États-Unis, et presque absent sur le sol français. Comme il est difficile pour les Américains de se départir de cet amendement datant de 1787, il serait tout autant ardu pour les Français de voir leur paysage publicitaire devenir un champ de bataille. L’arme fait peur, mais son image grand public presque plus. Enfin, pas à tous.
Pour en savoir plus sur la surmédiatisation de la tuerie de Newtown, rendez-vous demain avec Clémentine Malgras pour Irrévérences.
 
Marie-Hortense Vincent 
Sources :
Didoune.fr
Le site de la NRA
Legifrance.gouv.fr
Bloomberg
Meltybuzz
La page Facebook de la NRA…
… et celle de la pétition anti-Ban Gun
Bigbrowser
 

Archives

Jacques a dit : tous mécènes !

 
Samsung, LVMH, Lagardère, Total…Tous ceux qui récemment se sont pressés au centre Pompidou pour assister à l’exposition Dali ont pu y apercevoir à l’entrée cette énumération de grands groupes, sobrement remerciés par la direction. Depuis quelques années, le mécénat d’entreprise est en plein boom. Alors quid de cette nouvelle pratique, à la fois manne financière pour les centres culturels et pain béni pour les entreprises qui cherchent à améliorer leur image ?
 
Une association tout bénef 
Le principal avantage de ce type de mécénat est qu’il profite largement aux deux parties. Les uns bénéficient d’importants financements  sans contreparties ou presque, tandis que les autres se refont une virginité éthique à grands coups de généreux dons défiscalisés à 60% depuis la loi Aillagon de 2003. Donnant-donnant donc. A demi-mot, les entreprises reconnaissent souvent que le mécénat est d’abord attrayant car il équivaut à une campagne de communication prestigieuse et relativement bon marché. Ainsi, dans une étude de L’Admical (2012), les entrepreneurs déclarent s’engager dans le mécénat culturel d’abord pour renforcer l’identité de leur entreprise et se différencier (35%), viennent ensuite la volonté de participer à l’attractivité du territoire dans lequel leurs entreprises s’inscrivent (26%), puis le goût personnel du dirigeant ou l’histoire de l’entreprise (26%).
 
Trop beau pour être honnête ?
Face à cette vision pragmatique, des voix s’élèvent parfois contre ce qui apparait comme une récupération mercantile et cynique de l’art. On crie au mélange des genres, on met en garde contre le risque de brouiller les frontières entre culture et opération marketing. Bref, on craint que le front de la Mona Lisa ne se retrouve bientôt tatoué du nom d’un des grands groupes du CAC 40. Cependant le mécénat d’entreprise reste, pour le moment, assez loin des reproches qu’on lui fait. Bizarrement, les entreprises ne communiquent pas tant que cela sur leurs actions de mécénat. Leur visibilité se limite souvent à l’association de leurs nom et logo aux supports de communication du projet soutenu. Serait-ce par peur qu’on les accuse de vouloir uniquement redorer leur blason ? De plus, à ceux qui craignent une collusion des intérêts économiques et artistiques, on rappelle que la loi interdit d’exploiter les actions de mécénat en vue de retombées commerciales, sans quoi on parle de sponsoring ou de parrainage.
Autrefois, le mécène faisait vivre l’artiste en lui commandant des tableaux. La coercition n’était-elle pas plus importante à l’époque? Désormais l’artiste a la liberté de représenter ce qu’il souhaite, et l’influence du mécène ne se manifeste guère plus que par la présence discrète d’une plaque au nom de l’entreprise  dans un coin du musée. Nuance importante : la mise en valeur ne se fait plus par l’œuvre elle-même, mais autour de ce qu’elle représente.  Le donateur ne cherche plus à bénéficier directement  de la création artistique,  mais des valeurs positives qu’elle véhicule, de l’enthousiasme qu’elle suscite, et du public qu’elle attire.
 
Marine Siguier

Société

Le discours des vœux présidentiels ou la communication républicaine normalisée

 
Depuis sa naissance, la Ve République est rythmée par un rituel républicain, mais surtout médiatique, hautement symbolique, auquel se prête chaque président de la République le 31 décembre au soir. Le discours des vœux présidentiels reste un rendez-vous télévisé annuel majeur, retranscris pendant les journaux de quatre chaînes historiques : TF1, France 2, France 3, et M6. Ce mélange public/privé témoigne d’ailleurs de l’engouement autour de cet événement politico-médiatique.
Ce rendez-vous constitue pour le chef de l’État un moment privilégié lors duquel il s’adresse aux Français en toute légitimité. Nul besoin en effet de quelque événement particulier, le 31 décembre est le rendez-vous traditionnel du président et de ses concitoyens. Valéry Giscard d’Estaing le rappelle dans son intervention du 31 décembre 1980 en ces termes :
« C’est (…) un de ces instants – bien rares en vérité – où je peux m’adresser à vous sans être tenu par un sujet particulier. »
Ce lundi 31 décembre, François Hollande a, à son tour, dû s’acquitter de cette tâche traditionnelle. Porté par une mise en scène télévisuelle très solennelle, debout dans la salle des fêtes de l’Elysée, le Président de la République a franchi une nouvelle étape de l’appropriation  d’une rhétorique présidentielle normalisée (plus que normale).
 
Le changement, pas maintenant
« Se plier à une tradition n’interdit pas d’y introduire un brin d’innovation » écrit le journaliste T. Wieder dans le Monde. Hollande ne semble pas en effet avoir eu l’intention de révolutionner le discours des vœux cette année. Il aura préféré suivre l’exemple de ses prédécesseurs, et notamment celui de Jacques Chirac, lors de son premier discours de vœux en 1995. Quand Hollande prévoit de résorber le chômage « coûte que coûte », ça n’est pas sans rappeler les paroles de Chirac : « Notre priorité depuis sept mois, c’est l’emploi ». Ils évoquent tous les deux la « responsabilité » des syndicats, les angoisses quant à la crise, et la nécessité de la « mobilisation de tous » pour garantir un avenir meilleur.
 
Le jeu présidentiel
Ces discours, malgré la stabilité apparente de la forme, peuvent révéler des ethos singulièrement contrastés et des conceptions souvent différentes de la fonction présidentielle.  Il s’agissait pour Hollande d’établir sa propre crédibilité par la mise en scène de qualités morales comme la bienveillance et la sincérité.
Lors de son discours, le Président de la République aura beaucoup employé la première personne du singulier, moins fréquemment la première personne du pluriel, rarement la seconde. Cette prédominance du « je présidentiel » suggèrerait deux choses. La première est l’affirmation dans ce discours de la tendance présidentialiste du régime. La seconde, néanmoins paradoxale, serait le sentiment que notre actuel Président rechercherait encore une légitimité face au Français.
A travers l’exposition et la justification des réformes accomplies lors de ce discours, on croirait voir s’exprimer un candidat qui défendrait son programme. Hollande évoque ainsi la « belle tradition »,  référence qui légitime sa prise de parole. Dans l’exorde toujours, il rappelle que son élection de Président de la République s’est effectuée au moment où s’épanouissent« une crise historique, un chômage qui progresse (…) et une dette record. ». Cet argument justifierait la difficulté de sa fonction et de ses pouvoirs. A l’heure où les sondages continuent de jouer en sa défaveur, cet exercice républicain semble être une belle occasion de redorer son image d’un peu de crédibilité et de légitimité. Légitimité par exemple, de son orientation sociale-libérale : « Voilà, le cap est fixé : tout pour l’emploi, la compétitivité et la croissance. »
 
Meilleurs aveux 2012 ?
François Hollande aura choisi pour ce discours de vœux un ton réaliste lorsqu’il avoue au début de son allocution : «  je n’entends pas vous dissimuler les difficultés qui nous attendent. Elles sont sérieuses. ». Quand le Président De Gaulle choisissait d’exulter la puissance économique et politique de la France, François Hollande a préféré la sincérité et l’argumentation technique. Quel étrange moment que le discours des vœux pour avouer les difficultés qui attendent la nation. Mais il contrebalance cette tonalité pessimiste par son optimisme (de nature plus que de circonstance) : « Ce soir je veux vous dire ma confiance en notre avenir. (…) Ma confiance, elle est surtout dans la France. » Ce flegme optimiste ainsi que l’appel républicain à la « mobilisation de tous » est solidaire du célèbre leitmotiv américain du Président Obama « Yes We Can ».
 
Je te vois, tu me vois
Enfin, ce rituel républicain suggère le jeu très symbolique du regard réciproque, qui relève de la représentation politique. Quand le Président déclare « Je n’ignore rien de vos inquiétudes. Elles sont légitimes. » ; il rappelle aux Français qu’il peut les « voir », les connaitre, les comprendre. Or, eux-mêmes ont l’occasion lors de ce discours télévisé de « voir » le président dans une certaine transparence. Ce 31 décembre, 11,580 millions de Français ont suivi le  premier discours des vœux du Président François Hollande. 11, 850 millions d’électeurs ?
Margaux Le Joubioux
Sources :
INA- discours des vœux présidentiels sous la Ve République
Le Monde – 2janvier 2013
Le Point.fr
Site officiel de l’Elysée
FinnissBoursin Françoise, Les Discours De Voeux Des Présidents De La République – La France Au Fond Des Yeux
Jean-Marc Leblanc, Les messages de vœux des présidents de la Cinquième République : L’ethos, la diachronie, deux facteurs de la variation lexicométrique

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Edito

Quel est le mot de l'année ? (Suite)

 
L’illustre dictionnaire Oxford a souhaité commémorer les 25 ans du GIF en le consacrant « mot de l’année 2012 ». Et pour cause : ce dinosaure des Internets est devenu à lui seul un moyen de communication numérique. Influencé par la culture Troll, le GIF transmet une image, un extrait de film, une situation qui parle à l’énonciateur et au destinataire. En somme, une situation simple retirée de son contexte et insérée dans un nouveau et le remplit d’une nouvelle signification. Le digital viral est aussi mis à l’honneur par l’American Dialect Society (association d’académiciens linguistes) qui choisit comme mot de l’année 2012, le hashtag !
Alors, après les professionnels présents lors du forum des entreprises du CELSA, à notre tour de s’interroger sur les mots de l’année 2012 et sur ceux de 2013.
 
Le Fantôme
2012 fut l’année du fantôme. Le fantôme c’est le double revenu du passé, l’artefact d’un temps que l’on préférerait oublier mais qui nous hante. C’est la manifestation physique de cette absence. On a découvert, en 2012 que le fantôme était une entité autant bénéfique que néfaste. Culturellement, l’année 2012 a laissé une grande place à l’ectoplasme, sous toutes ses formes. Après les vampires, ce fut au tour des zombies d’occuper le centre de l’actualité culturelle. Il y a bien sûr The Walking Deads, série américaine de plus en plus populaire. Le zombie symbolise ici la nécrose de la société, l’élément qu’il faut tuer pour pouvoir recommencer sur de nouvelles bases, miroir plein de sens du regard occidental sur la crise qui ne semble jamais finir. Le zombie, c’est l’avatar d’un problème économique qui se transforme en crise de la civilisation. Le zombie, mort revenu à la vie a aussi trouvé un écho bien particulier dans la sublime création originale de Canal +, Les Revenants, dont nous allons beaucoup vous parler dans les prochaines semaines : ici le zombie est un fantôme, les morts deviennent vivants… Et les vivants, eux, plongés dans leurs problèmes, deviennent des morts.   Un peu comme ces zombies-walk qui ont marqué l’année. Ce qui est en jeu c’est la conception que nous nous faisons de la civilisation : le fantôme c’est un objet foncièrement passéiste, c’est-à-dire qu’il nous rappelle un passé érigé comme idéal, et voilà son aspect bénéfique. Il nous renvoie le reflet d’une société ancienne, loin du pessimisme caractérisant 2012. Ce retour vers le passé définit l’ensemble de la société de 2012. Il y a eu les hipsters, ces individus que tout le monde adore détester, affublés de vêtements vintage sortis de fripes hors de prix. A Hollywood on fait des remakes, on fait des reboots, on fait des revivals. On prend des photos avec un appareil numérique mais on l’instagramme pour que ça fasse plus ancien (). Comment s’en sortir ? La publicité nous en offre la possibilité : en 2012, il fallait consommer pour vivre mieux. Pour être plus beaux. Pour voyager plus vite. Pour faire des économies.
Espérons que 2013 marquera une remontée d’espoir et d’optimisme – après tout nous avons survécu à  la fin du monde. L’année qui se présente est lourde d’innovations et d’avenir, signe manifeste d’un renouveau.
 
La vie privée
2013 sera sûrement l’année de la vie privée. On l’a déjà bien segmentée cette vie privée. On râle contre Facebook, contre Google, contre Apple et plus récemment contre Instagram. La CNIL n’a cesse de nous mettre en garde [1]. La vie privée, concept inventé par Habermas dans les années 80 touche à sa fin. Créée par opposition à la vie publique, espace d’échanges avant tout politiques, elle s’est largement répandue lors de la démocratisation d’Internet. On y tient à notre vie privée, mais on poste des photos confidentielles sur Facebook pour avoir quelques moments de franche camaraderie. On ne veut pas se faire cambrioler mais on se géolocalise sur Foursquare pour montrer qu’on fréquente des lieux sympas. La problématique de la vie privée n’a rien de nouveau, mais 2013 y apportera son lot de changements. En France, l’arrivée de Poke – application célèbre aux Etats-Unis, permettant l’envoi de photos qui s’autodétruisent au bout de quelques secondes- va faire parler. Il y a aussi un modèle économique fondé sur la revente d’informations privées qui ne demande qu’à se développer. Facebook essaie en vain depuis des années. Et si ce modèle s’affirmait en 2013 ? Car il y a quelque chose qu’on regarde du coin de l’œil, ici, au CELSA : le Big-data. Ce concept, permettant le tri de la masse incommensurable de données que l’on crée en utilisant Internet, va s’ancrer peu à peu dans les mœurs. Le Big-Data c’est la psycho-histoire d’Asimov : on va pouvoir prédire les embouteillages, affiner les statistiques, mieux jouer sur l’élasticité des prix [2]. Mais on va surtout pouvoir prédire vos habitudes de consommation. Enfin, on détient la formule magique pour cibler individuellement et d’une façon terriblement efficace vos habitudes les plus secrètes. La vie privée sera, dans ce contexte, au centre des débats et polémiques de l’année qui vient de commencer. Jusqu’où iront les internautes dans le renoncement de la sacro-sainte vie privée pour bénéficier de nouveaux services révolutionnaires ? Nous verrons bien.
 
Le marketing sportif
Avec les Jeux Olympiques, en 2012 le sport a été à l’honneur dans le marketing. La mode pour les entreprises a été de promouvoir des valeurs calquées sur le sport. Elles ont été de plus en plus nombreuses dans ce cas.
Prenons par exemple la Société Générale qui suite aux scandales dont elle a fait l’objet (affaire Kerviel notamment) et à la crise de confiance dans les banques, a choisi dès 2011 de redorer son blason en misant sur le rugby et ses valeurs avec l’aide de l’agence Fred & Farid. Leur nouveau slogan « Développons ensemble l’esprit d’équipe » et leurs efforts de sponsoring poursuivis en 2012 en sont les symptômes. Ou encore, il est difficile de dénombrer tous les fournisseurs officiels des Jeux Olympiques ou les campagnes de publicités axées sur cet événement. (Vous pouvez avoir un aperçu des 10 meilleures campagnes autour des Jeux Olympiques ici)
En 2012, malgré les contractions des budgets, le marketing sportif est resté une cible privilégiée. Il faut dire aussi que les valeurs sportives tombaient à pic dans ce contexte de crise. Rien de plus efficace que de recentrer sa communication sur l’équipe et la solidarité dans ces temps difficiles. L’événementiel sportif ou encore le sponsoring étaient les bienvenus.
Mais 2013 n’est pas une année phare pour le sport en France et ailleurs. Il y a toujours les rendez-vous habituels (Grands Chelems dans le tennis, coupes de France dans le rugby et les autres sports) mais pas d’événement assez exceptionnel pour marquer le coup. Cependant, si 2013 est une année plutôt creuse, en 2014 les coupes d’Europe et du Monde de Football ainsi que le Jeux Olympiques d’hiver devraient redonner de l’énergie au marketing sportif.
 
Responsabilité sociale
On le sait bien, dorénavant le consommateur n’est plus un simple acheteur. Il est aussi un citoyen responsable et actif. En conséquence, les entreprises sont de plus en plus surveillées, elles doivent maintenant rendre des comptes sur leur techniques de production au nom de la transparence. Ce phénomène touche tous les domaines de la responsabilité sociale : le respect de l’environnement, le respect des droits de l’homme, des conditions de travail, « les bonnes pratiques dans les affaires » (comme le respect de la concurrence), les droits des consommateurs, etc. En 2012, les débats sur l’obsolescence programmée (avec les nouveaux équipements liés au nouvel iPhone par exemple), le nucléaire (Areva tente justement de communiquer sur la transparence pour rattraper ses bourdes), l’écologie ou le dumping social sont les symptômes de cette responsabilité citoyenne grandissante.
Dorénavant, l’entreprise se doit d’assumer sa responsabilité sociale pour se prévenir de scandales et donc sans cesse se légitimer au près de ses consommateurs. A ce propos, elles choisissent de plus en plus de faire de la RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise). Par exemple, elles sont nombreuses à choisir de répondre à la norme ISO 26 000. Son but est de donner un cadre à cette nouvelle responsabilité des entreprises. Elle a été créée pour répondre aux attentes des consommateurs en terme de transparence et récompense les entreprises s’engageant à lancer des démarches de développement durable, de protection de la santé des personnes et d’encouragement au bien-être de la société (En savoir plus sur la norme ISO 26000 : http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/iso26000.htm) Le fait que la RSE est maintenant institutionnalisée montre bien son actualité et son importance grandissante.
Si les phénomènes autour de la responsabilité sociale existent déjà depuis quelques années, ils seront plus que jamais au cœur des débats en 2013, comme l’annonce le récent scandale autour d’Apple  et les conditions de travail de ses employés. Désormais, les mythiques entreprises ne sont pas épargnées. Si la RSE est une démarche volontaire de la part des entreprises, aujourd’hui les grandes firmes ont du mal à y échapper. On peut penser qu’en 2013, le phénomène s’étendra aux entreprises de plus petites tailles.
 
Arthur Guillôme (pour Fantôme et vie privée)
Camille Sohier (pour marketing sportif et responsabilité sociale)

[1] On vous conseille chaudement la lecture du rapport sur la vie privée (http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL-CAHIERS_IPn1.pdf)

[2]   A ce propos, un Américain a réussi à prédire les élections Américaines en devinant les résultats de 48 Etats sur 52. Pour plus d’informations lire cet article du Nouvel Obs (http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20130103.OBS4353/comment-le-big-data-va-revolutionner-2013.html)

Flops

Instafail

 
#BoycottInstagram. Voici le hashtag qui figurait en tête des tendances mondiales sur Twitter, les 16 et 17 décembre derniers, après que l’application de partage de photographies ait annoncé ses nouvelles conditions d’utilisation.
Le réseau social à succès avait déclaré qu’il s’octroyait le droit d’utiliser les photographies des utilisateurs à des fins publicitaires sans qu’ils ne soient avertis, encore moins rémunérés. Procédé déjà utilisé par Facebook, maison mère d’Instagram, depuis début 2012. On se souvient du scandale qui avait suivi la révélation par le bloggeur Chris Walter de la modification des conditions d’utilisation. En 2009, il avait dénoncé sur son site consumerist.com le droit de propriété de Facebook sur les contenus publiés et avait réussi à soulever un véritable débat sur la protection de la vie privée sur le net. Devant les réactions outrées des usagers, Facebook avait choisi de reculer dans un premier temps, avant que ces changements soient finalement rétablis.
Cependant, dans les coulisses d’Instagram, la leçon du tollé Facebook ne semble pas avoir été retenue. C’est donc une semaine avant les fêtes de Noël et de la Saint-Sylvestre, et donc avant le tsunami de clichés joliment filtrés de mets et de décorations, qu’ont été dévoilées les nouvelles règles de confidentialité. Si les conditions d’utilisation sont, avouons-le, rarement lues, quelques courageux internautes ont parcouru avec attention la nouvelle charte avant de la dénoncer sur Facebook et Twitter.
Le hashtag #BoycottInstagram a suscité la curiosité des utilisateurs lambda face au mouvement de protestation naissant. C’est notamment à l’initiative des « hacktivistes » d’Anonymous que la vague de désinscription a frappé les cotes du réseau social. Dans une vidéo postée sur Youtube, le groupe appelle au boycott du réseau et au sabotage, en publiant notamment des images « troll », inutilisables pour des fins publicitaires.
Selon le site AppData.com, le réseau Instagram aurait été en perte de vitesse, avec 22% d’utilisateurs connectés quotidiens en moins dans la semaine suivant le 16 décembre.
Comme pour Facebook en 2009, la direction s’est empressée de désamorcer la bombe. Dès le 17 décembre, un post explicatif du co-fondateur Kevin Systrom était disponible sur le blog d’Instagram.
Intitulé « Merci, nous vous écoutons », il y précise qu’il ne s’agit pas de vente de photographies mais de la possible utilisation des clichés non-privés pour la promotion du réseau. Exactement comme Facebook. C’est à l’utilisateur de gérer la confidentialité de ses données.
Malgré le communiqué, la nouvelle clause de confidentialité a été un coup pour Instagram, bien que le réseau ne veuille rien laisser paraître.
Les réactions des utilisateurs laissent tout de même apparaître un paradoxe dans la publication de contenus personnels sur les réseaux sociaux. Les conditions d’utilisation et de confidentialité sont acceptées, leurs applications beaucoup moins.
Il est néanmoins légitime et justifié de s’interroger sur le devenir de nos contenus une fois postés.
 
Khady So
Sources :
Consumerist.com
Crédits photo : © Instagram

Agora, Com & Société

Le vintage-revival a enterré Kodak. Définitivement.

 
Kodak a annoncé le 22 décembre la vente de tous les brevets accumulés au cours de ses 131 ans d’existence. S’envole avec Kodak les débuts de la photographie amateur, les souvenirs de l’argentique, le plaisir de l’attente du cliché, le symbole de toute une génération. Pourtant la photo est loin d’être morte, et la photo vintage vit même son heure de gloire. La mode, qui a commencé avec le rush sur la lomographie, s’est poursuivie avec Instagram qui propose de vous faire revivre le caractère d’une photo à peine sortie de votre polaroid.
Nous semblons désormais être rentrés dans le règne sans partage du numérique sur le vintage mais avec tout de même cette étrange volonté de retrouver l’imperfection au travers de clichés saturés, flous et beaucoup trop contrastés. Alors que la science s’évertue à créer le capteur numérique parfait, le traitement d’image le plus fidèle à la réalité, l’utilisateur vient détruire ces clichés en les assaisonnant de telle sorte qu’ils deviennent les tristes témoins d’une photographique analogique aujourd’hui disparue. Le photographe actuel, est aussi créateur de l’imperfection, du bruit, et de la faiblesse technique de la photographie. Un tel grand-écart entre la recherche de la perfection photographique à coup de mégapixels et de sensibilité ISO et cette mode du vintage, souligne bien la recherche de l’émotion dans la photographie, dans le souvenir. L’aspect pratique vient comme adjuvant à la photographie, et non plus comme une motivation du cliché. Ersatz vulgaire d’une technologie passée qui ne recherchait pas la perfection, Instagram s’est révélé être une interface sociale du souvenir en lui apportant, l’émotion vintage du vécu.
Instamatic vs. Instagram.
Instagram devient donc un faire-valoir social qui illustre la capacité d’un individu à vouloir prouver l’authenticité de ses souvenirs, la puissance des instants passés et son souhait de les diffuser sur les réseaux sociaux. Alors que l’on passe de l’Instamatic de Kodak à l’Instagram, on développe la nécessité de partager son existence, ses moments de vie et d’émotion avec les autres. L’album photo thésaurisé se transforme alors en un flux direct d’une succession d’instants non-plus destinés à soi-même, mais à la multitude. Faussaire d’émotion et de vintage, Instagram s’impose donc aussi comme un objet puissant capable de combler les trois derniers étages de la pyramide des besoins de Maslow : reconnaissance par le groupe social, estime et réalisation de soi.
Le temps d’un instant.
Instagram s’est aussi imposé comme une double négation paradoxale du progrès et des « charges » qui s’imposent à celui qui recherche vraiment l’absolu dans la photographie. Faux puristes, les utilisateurs d’Instagram se sont libérés du temps de la photographie, de l’attente qui s’imposait à celui qui devait acheter la pellicule, la charger, prendre les 36 poses puis enfin attendre le développement. À présent, le message de la photographie n’est plus perturbé par le temps. Laswell nous montre que le message se caractérise principalement par l’impact sur le récepteur. Dans le cas d’Instagram, la vitesse de partage entre l’instant de la prise de vue et la diffusion est quasiment instantanée, ce qui renforce la notion de prise directe de l’information qui devient incontestable. L’utilisateur impose souvent son flux de photographie comme symbole d’une vie riche et remplie. Sommes-nous en train de faire dériver les média sociaux vers un monopole propagandiste de l’image au profit de la parole ?
La photographie argentique est indissociable de ces différents temps d’attente, de ces efforts qui amèneront au souvenir matériel d’un instant précis. Le rejet de la perfection est une part essentielle de la photographie amateur, car elle souligne les conditions de la prise de vue. Une plage trop ensoleillée conduisait à des clichés surexposés tandis que les photos de nuit prises avec l’aide d’un flash étaient souvent blanchies par la dure lumière. Ces problèmes techniques donnaient vie à la photo, en replaçant le contexte du cliché. Tout cela semble avoir disparu aujourd’hui. L’infra-ordinaire est omniprésent dans le travail photographique car le support, le matériel, les erreurs et réussites de prise de vue, conditionnent bon nombre d’informations qui font vivre le cliché au delà de la scène représentée. Que choisiriez-vous ? Une pellicule de 36 photos ayant toute une vie, une atmosphère, des ratés et des réussites non-escomptées ou une carte SD remplie de 8 Gb de photos parfaites ?
Clic-clac-fric ?
Cette question, les 80 millions d’utilisateurs d’instagram ne se la sont pas posée car l’application semble vouloir nous faire croire qu’elle a réussi à combler toutes les attentes artistiques et pratiques de la photographie amateur. Cependant, le scandale de la modification des CGU, Conditions Générales d’Utilisation, survenu le 19 décembre dernier a fait énormément jaser la sphère internet. Instagram s’est en effet donné le droit de monétiser les clichés des utilisateurs et de les vendre. Même après un rapide retour en arrière de la part de la société américaine, le scandale reste entier et pose la question de la propriété créatrice en photographie. Un tel choix d’Instagram semble s’inscrire parfaitement dans le fonctionnement de l’application : l’utilisateur se contente d’appuyer sur le déclencheur tandis que l’application va retravailler le cliché, le cadrer, resserrer les contrastes, appliquer le calque nécessaire qui permettra de créer à nouveau l’image. Le logiciel classe aussi le cliché, le thésaurise en le stockant en ligne et en le partageant. L’action de l’utilisateur est devenue faible par rapport au lourd traitement du logiciel. La balance du « qui a fait quoi ? » penche ici, du coté des ingénieurs d’Instagram qui semblent être les vrais créateurs de l’esprit de ces photographies retouchées.
Une photo en ligne appartient-elle toujours à celui qui a déclenché l’obturateur ? Le papier est-il plus durable que le Cloud ? Sommes-nous désormais de simples contributeurs d’une culture photographique mondiale et remasterisée sur des standards invariables ?
 
Emmanuel de Watrigant
Nous vous donnons rendez-vous demain dans la rubrique Flops à l’appui où Khady So reviendra en détail sur la polémique Instagram.

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