Invités

Demain à la Une

 
Le journal satirique Charlie Hebdo a récemment publié son dernier numéro, aussi sulfureux que les précédents. Après s’être attaqué aux religions juive et musulmane, c’est au tour du christianisme. En effet, les Unes de presse sont de plus en plus chocs et agressives et l’exemple de Charlie Hebdo n’est plus un cas isolé. On constate, dans les unes de la presse française, une recrudescence des sujets chocs et des titres accrocheurs, le tout sur un parfum de scandale : le Figaro, le Point, Marianne ou encore le Nouvel Observateur… Tous ces journaux ont un point commun : l’utilisation du scandale et une agressivité latente des titres proposés. On se souvient du désormais célèbre « Casse-toi riche con » de Libération.
Le scandale serait-il devenu le nouvel opium du peuple ?
 
En effet, ce besoin de se montrer, voire d’exister puise ses sources dans la crise que vit actuellement la presse. La baisse du nombre de lecteurs oblige la presse à redoubler d’efficacité au niveau éditorial. Choisir un sujet polémique et  faire une Une « trash » est aujourd’hui devenu banal, que cela soit dans la presse quotidienne ou dans les magazines. Certains en ont même fait leur marque de fabrique. Charlie Hebdo fait encore et toujours parler de lui grâce à ses caricatures qui font polémique. De son côté, le magazine les Inrockuptibles traite l’information de façon décalée et  rock’n’roll, en assumant ainsi ce côté sulfureux. Le scandale fait couler beaucoup d’encre, notamment du côté des journalistes « bien-pensants », des philosophes ou mêmes des associations, qui s’insurgent, attaquent et ne font qu’alimenter la polémique.
Malgré les critiques, il semblerait que la recette fonctionne puisque ces titres accrocheurs tendent à maintenir la presse à flot. En effet, selon l’OJD les Inrocks se sont vendus  à 55 000 exemplaires par mois en 2011. Quant à Libération, le quotidien enregistre une forte progression de ses ventes la même année (5,3%).  « Casse toi riche con » s’est écoulé à 56 000 exemplaires, et le numéro de Charlie Hebdo caricaturant le Prophète musulman était épuisé en kiosque quelques heures après sa parution. L’audace et le scandale font donc bien recette.
En somme, l’audace, et l’agressivité des Unes françaises ne seraient qu’un moyen comme un autre d’attirer un lectorat de plus en plus friand des sujets polémiques. Les articles sont toujours des articles de fond, qui traitent de tous les aspects du sujet en donnant la parole aux avocats et aux détracteurs, comme en témoigne l’article du Point, du 1er novembre, qui titre « Cet islam qui gêne ».
Mais au-delà de cela, on peut également se demander si cette ligne éditoriale n’est pas simplement une volonté pour la presse de rassurer ses lecteurs sur son rôle de contre-pouvoir. En effet, dans un monde où Internet et les réseaux sociaux se proposent comme les médias de la libre parole, de la transparence et de la liberté, le rôle de la presse est mis à mal. On ne pense plus le journaliste comme garant de la liberté d’expression, de l’éthique et de la vérité, mais comme des hommes et femmes embourgeoisés dans leur rôle confortable auprès des personnes de pouvoir.
Cependant, on le voit, celui qui fut auparavant appelé le Quatrième pouvoir insiste, persiste, montrant ainsi qu’il a encore et toujours sa place dans un monde où Internet voudrait la loi.
Enfin, les opposants de ces Unes sont eux-mêmes pris au piège dans leurs contradictions puisque la polémique rend les sujets attrayants.  Ces mêmes personnes s’intéressent à la polémique et lisent ces articles.
La presse est désormais devenue adepte du célèbre adage : « Qu’on en parle en bien ou en mal, le principal c’est qu’on en parle ».
Reste à ne pas tomber dans le piège des bruits de couloirs et des rumeurs qui pourrait entacher le métier de journaliste. Affaire à suivre…
 
Laetitia Aïred
 
Sources

http://www.liberation.fr/medias/2012/09/19/les-caricatures-de-charlie-hebdo-suscitent-des-reactions-embarrassees_847323
http://lci.tf1.fr/politique/liberation-assume-sa-une-choc-sur-arnault-7512682.html
http://electronlibre.info/archives/spip.php?page=article&id_article=01245
http://www.ozap.com/actu/en-2011-les-inrockuptibles-est-le-magazine-d-actualite-qui-a-le-plus-progresse/439201
http://www.ozap.com/actu/les-ventes-du-quotidien-liberation-ont-explose-en-2011/439145
 

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Invités

Les Umpardonnables

 
Désunion. Immobilisme. Guerre des chefs pour le pouvoir.
Voilà l’exact contraire d’une union pour un mouvement populaire. Et pourtant c’est bien l’image que véhiculent les prétendants à la présidence de l’UMP depuis maintenant plus d’une semaine et demie.
Une semaine et demie où la communication a montré plus que jamais son importance vitale, puisqu’au fond, c’est un enchaînement de faux pas, d’actions, et de déclarations hasardeuses qui met en péril l’avenir politique de Jean-François Copé, François Fillon, et de leur parti. Comment l’image d’un parti qui a gouverné la France durant les dix dernières années a-t-elle plus voler en éclats en quelques jours à peine ? Et surtout quels enseignements en tirer ?
La crise était prévisible : du fait des tensions internes travaillant l’UMP depuis des mois et aiguisées par les défaites cumulées des présidentielles et des législatives, du fait de la guerre d’influence qui avait déjà lieu entre Messieurs Copé et Fillon par le biais des motions, du fait enfin de l’ombre de Nicolas Sarkozy qui plane toujours au-dessus du parti.
Du reste, face aux multiples sondages réalisés auprès de sympathisants UMP donnant à penser une large victoire de François Fillon (prenons en exemple le sondage BVA publié le 16 novembre, annonçant que  67% des sympathisants UMP préféraient Fillon à Copé pour diriger l’UMP), les fins observateurs n’étaient pas dupes : tout simplement parce que les sympathisants ne sont pas les militants.
Les scores s’annonçant serrés, des deux côtés, on jouait la carte de la confiance : l’un pouvant s’appuyer sur de « bons » sondages, et l’autre sur la force de frappe de ses militants et ses réseaux d’influence. Aussi la soirée électorale du 18 novembre commençait bien : on avait tous en mémoire des scrutins indécis, comme l’élection présidentielle américaine de 2000, ou plus récemment le congrès de Reims du PS en 2008. Quand tout à coup, peu avant minuit Jean-François Copé prend la parole : « Les militants et militantes de l’UMP viennent aujourd’hui de m’apporter la majorité de leurs suffrages, et ainsi de m’élire président de l’UMP ». Alors, c’est l’engrenage : quelques minutes plus tard François Fillon prend la parole et revendique à son tour la victoire !  S’en suit un jeu où par seconds couteaux (on parle en communication de crise de « fusibles ») interposés le but consiste à renvoyer la balle dans le camp de l’autre à coup d’accusation de fraudes par ci, de magouille par là. Tout ceci pour apprendre que la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales (COCOE) aurait oublié de prendre en compte les voix de l’Outre-Mer… La Twittosphère et les internautes se déchaînent, faisant de l’UMP la tête d’orage de tous les nuages de tags.
Superbe exercice de démocratie dans un contexte où le désaveu des Français pour le système politique atteint déjà un seuil alarmant : 60% disent que la démocratie ne fonctionne pas très bien ou pas bien du tout ; 52% ne font confiance ni à la droite ni à la gauche pour gouverner le pays (CEVIPOF–Baromètre confiance en politique – Octobre2011).
La violence de ce combat de personnes – qui a, vous le noterez, annihilé tout semblant de débat d’idée – aura au moins eu le mérite de mettre à nu François Fillon et Jean-François Copé : on a rarement l’occasion de voir les responsables politiques poussés à ce point au bout d’eux-mêmes, de leurs doutes, de leurs ambitions.
Mais qu’avons-nous découverts au bout du compte ? Des « présidentiables » prêts à tout sacrifier, y compris la démocratie, pour conquérir un pouvoir en lambeaux.
La proposition d’un référendum pour savoir s’il faut revoter, un « vote sur le vote » ironise Libé le 28 novembre, ne peut même plus donner l’illusion des bonnes intentions. Le mal est fait. Les cotes d’avenir de Fillon et Copé sont en chute libre (au 28 novembre, ils perdent six points chacun par rapport au mois dernier), et certains responsables de l’UMP commencent à lorgner du côté de l’UDI…
Un accord en amont pour une communication unie, transparente, et surtout prudente était pourtant possible.  Il aurait permis à l’UMP de donner une remarquable image d’unité, d’assurer sa survie, de garantir à son président la légitimité nécessaire, et de se prémunir contre le risque d’une élection façon « congrès de Reims ».
Au lieu de ça, nous avons vu les leaders de l’opposition devenir les meilleurs alliés du gouvernement.
 
Grégoire Noetinger

Flops

Eye See You

 
Tremblez, pudiques, voici venir l’EyeSee !
Internet va peut-être perdre sa place de meilleur fournisseur d’informations aux marques sur leurs clients, face à ces mannequins dont un œil abrite une caméra et un logiciel de reconnaissance faciale. Cette technologie, initialement conçue pour intercepter des criminels en vadrouille dans les aéroports, a été reprise par l’Italien Almax. Elle a été ajoutée à sa gamme de luxueux présentoirs dans un tout récent modèle à 4000 euros (5130 dollars).
Les rapports varient, mais l’on parle de quelques douzaines d’EyeSee déjà commandés par une clientèle dont Almax préserve jalousement l’anonymat. Elle engloberait cinq marques de luxe, une américaine et quatre européennes.
Le constructeur précise à travers son PDG Max Catanese que les capacités de l’EyeSee se limitent à la collecte de données sur la tranche d’âge, le sexe et l’ethnie des clients qui passeront à sa portée. La vidéo elle-même, et avec elle l’identité des visiteurs, n’est pas conservée – ce qu’assurent des mesures de sécurité inclues à la fois dans le hardware et le software de la caméra. L’objectif serait précisément de protéger la vie privée des clients, tout en obtenant leurs profils pour des adaptations rapides des stratégies marketing, et plus directement de l’aménagement des boutiques. Rappelons que l’industrie du luxe n’a aucune raison de refuser un moyen de relancer sa croissance, divisée par deux depuis l’année dernière (selon des prédictions à 5% en 2012 par Bain & Co.). Almax cite ainsi l’exemple d’un gérant ayant remarqué grâce à l’EyeSee que l’une des entrées de son magasin voyait passer une clientèle pour un tiers asiatique après 16h. Il y a donc posté un vendeur sinophone pour mieux l’accueillir.
Enfin, il est prévu de donner une dimension auditive à la capacité d’observation du mannequin. Il pourra ainsi reconnaître des mots dans les commentaires faits sur sa tenue, et en faire un rapport exploitable.
Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour parler d’un Flop avéré, malgré la tiédeur des premières réactions. Les commentaires de professionnels sont pour le moment à l’équilibre entre l’admiration devant les perspectives qu’Almax ouvre en matière de marketing – Uché Okonkwo de Luxe Corp. a par exemple encensé le procédé – et l’évidente inquiétude qui les accompagne. Luca Solca, chef de recherche sur les produits de luxe à Exane BNP Paribas Londres, a eu cette simple formule : « It’s spooky »(1).
Il n’est pas anodin que le groupe Benetton ait initialement nié avoir commandé des EyeSee chez Almax, prétendant s’être limité aux modèles plus conventionnels, pour ensuite reconnaître l’achat. Leur service de communication a probablement craint de provoquer le dégoût chez les consommateurs, comme c’est déjà majoritairement le cas sur Twitter.
Pourtant, la collecte d’informations est monnaie courante sur Internet. Mais chacun a le choix d’utiliser les réseaux sociaux et de renseigner ses informations personnelles, comme le souligne Christopher Mesnooh du cabinet parisien Field Fisher Warehouse, ajoutant que ce n’est pas le cas lorsque l’on se contente de déambuler dans une boutique.
Certes, les caméras de sécurité de la moindre épicerie sont bien plus à même de divulguer des identités que l’EyeSee. D’ailleurs, ce type de technologie a déjà été utilisé pour des caméras de plafonds sans causer d’émotion particulière. Mais reste le fait simple que ce mannequin regarde le visiteur en plein visage, relevant des données qu’il est absolument impossible de vérifier pour un particulier. Au reste, rappelons que ces nouvelles pratiques rencontreront plus d’obstacles dans l’Hexagone. En France, l’installation d’un dispositif de surveillance requiert une autorisation préfectorale, et un motif qui ne soit rien d’autre que l’amélioration de la sécurité du lieu. Cela étant, cette technologie peut très bien être justifiée comme un moyen de prévenir le vol à l’étalage.
Le plus marquant est simplement que dorénavant, les mannequins-espions existent, presque dans la même veine que l’androïde interactif du Dr. Hiroshi Ishiguro. Certes, Almax rassure sur sa capacité à éviter les abus de sa technologie. Mais rien ne dit que d’autres entreprises ne montreront pas de plus maigres scrupules. La fonctionnalité de mémorisation des visages par l’EyeSee est par exemple déjà opérationnelle – notamment pour identifier les employés et ne pas les confondre avec la clientèle. Elle requiert cependant l’autorisation des sujets.
Si abus il y a, ou si l’EyeSee génère effectivement un renouvellement du marketing sur le terrain, FastNCurious sera au rendez-vous pour examiner ce sujet avec plus de recul.
 
Léo Fauvel
(1) « c’est sinistre »
Sources :
Bloomberg
Twitter
Le Monde – Big Browser
La plaquette du EyeSee sur le site d’Almax
Crédits photo : © Almax

Agora, Com & Société

Twitter, land of the dead ?

Le temps où l’on croyait naïvement que Twitter allait révolutionner nos pratiques numériques et sociales semble désormais révolu.
Quand la plateforme de microblogging a entamé son ascendance populaire auprès du commun des mortels, les retours étaient assez dithyrambiques. D’un côté, il y avait ceux, pragmatiques, qui considéraient Twitter comme un nouveau joujou à la mode, un concept sympathique mais un service finalement assez futile ; de l’autre, ceux qui ne tarissaient pas d’éloge sur ce nouveau média révolutionnaire, prêt à déboulonner les statues des tyrans et à porter la réflexion et la raison 2.0. au firmament du vingt et unième siècle.
Souvenez-vous, c’était en 2010, et Biz Stone, le directeur créatif de Twitter, déclarait lors d’une conférence à San Francisco: «Twitter ce n’est pas le triomphe de la technologie. C’est le triomphe de l’humanité.» Rien que ça.
On ne peut pas reprocher aux créateurs de Twitter d’avoir vu les choses en grand ; après tout, Steve Jobs et Mark Zuckerberg avaient aussi à leur façon l’intention de révolutionner le monde. Cependant, il y a une chose pour laquelle ils sont à blâmer : leur attentisme face à l’irruption – certes progressive –  de la sphère marchande dans le petit monde des gazouillis.
Et quand je parle de sphère marchande, je ne parle pas que de ces bots insupportables qui vous « follow » parce que ça leur fait de la pub : en effet, le fait que les entreprises intègrent dorénavant les médias numériques dans leur communication n’est pas si terrifiant, et, d’un point de vue économique et stratégique, c’est tout à fait compréhensible.
Non, ce qui est réellement révoltant dans tout cela, c’est que le fameux adage « avec de l’argent, tout s’achète » s’applique aussi à nos échanges de gazouillis. Qu’on se mette bien d’accord, pour moi, pauvre hère, la tentation de la célébrité n’existe quasiment pas. Mais je dois bien reconnaître que même moi je ne peux m’empêcher de tiquer quand je vois que l’un de mes followers, roturier de la célébrité numérique lui aussi, affiche une centaine d’abonnés de plus que moi.
 Ainsi, Twitter apparaît aussi comme un espace de compétition, où le personnal branding atteint des sommets de virtuosité. Et dans le cas de vraies personnalités, le constat n’est que plus criant. Dans le but d’atteindre des résultats mirifiques (mais surtout très virtuels) ils sont nombreux à recourir à des pratiques peu scrupuleuses via le marché noir du Web : journalistes, stars de la chanson, hommes politiques, nouvelles start-ups et même personnalités de la télé-réalité, tous achètent auprès de revendeurs spéciaux des followers, humains ou non.
Comme l’explique Seth Stevenson dans son article sur le site de Slate[1], il existe deux types d’abonnés que l’on peut acheter : ceux que l’on appelle les « abonnés cibles », qui sont de vraies personnes et que les sociétés de marketing s’évertuent à identifier par leurs intérêts pour qu’ils vous suivent ; ceux qui posent vraiment problème sont les « abonnés fantômes », qui en réalité sont de faux comptes créés gérés par des machines, et qui ont d’ailleurs l’intelligence de machines, à savoir qu’ils ne sont efficaces que dans la limite des actions pour lesquelles ils ont été programmés. Ces comptes fantômes, ces zombies virtuels, ne servent en réalité qu’à gonfler le nombre de followers affichés sur le profil : si vous comptiez vous faire plus d’amis et vous voir retweeté toute la journée, c’est râpé. Ce sont des fantômes au sens premier du terme : ils sont transparents et inactifs, donc inintéressants si l’on considère l’utilité première de Twitter, qui est de promouvoir l’interaction et l’interactivité.
On peut se procurer plusieurs milliers de nouveaux abonnés pour une somme tout à fait modique. Mais on l’a bien vu, cette stratégie n’est utile que pour venir gonfler des statistiques somme toute assez superficiels. Superficiels, pas tant que ça en fait…Twitter le reconnaît plus ou moins ouvertement, mais le nombre de followers fait partie des critères qui font que certains comptes vous sont suggérés dans un cadre à gauche de votre écran.
Et c’est là que le bât blesse : la réaction de l’équipe de direction du réseau social est pour le moins étonnante. Bien que le développement d’un tel marché noir soit en totale contradiction avec les règles d’utilisations du média, Twitter laisse couler et se montre plutôt indulgent envers ces comptes fantômes qui pourrissent le réseau. Les comptes sont peu souvent repérés et supprimés, et d’ailleurs on parle officiellement de « comptes inactifs ». Les vendeurs d’abonnés, pas inquiétés le moins du monde, continuent leur business ouvertement, et même, comble du comble, en s’affichant sur Twitter.
Résultat, Twitter se transforme peu à peu en un combat de coqs géant pour qui aura le plus d’abonnés. Dans la continuité d’un éternel débat entre l’être et le paraître, il semble que les aspirations de ce pauvre Biz et de ses comparses soient devenues trop utopiques pour une société comme la notre.
 
Laura Garnier

[1]   « Je me suis acheté 27.000 followers sur Twitter », publié le 17/10/2012

Société

Bonjour Madame, quelle est votre fleur préférée ?

 
Torses nus, souriants et enjôleurs, cinq jeunes Apollons interpellent la passante : « Bonjour Madame, quelle est votre fleur préférée ? »
Surprenante et malicieuse, la nouvelle campagne de l’Office Hollandais des Fleurs met à l’honneur une large sélection de mâles – pardon, de fleurs – à offrir ou se faire offrir. C’est dans un jardin édénique que les séduisants garçons se font un plaisir de vous guider à travers des allées fleuries et ensoleillées. Il y en a pour tous les goûts : du blondinet frisé au grand musclor  à la peau d’ébène en passant par le beau gosse à la barbe de trois jours –sans oublier bien sûr l’incontournable brun aux yeux bleus. Accessoirement, cinq bouquets sont à l’affiche, qui mettent à l’honneur le Gerbera, la rose, le Freesia, la Gloriosa, le Lisianthus et l’Amaryllis.
Contre la morosité ambiante, c’est au moyen d’importants investissements médias que l’Office Hollandais des Fleurs compte remettre ces dernières au goût du jour. Du 8 au 21 octobre, au Royaume-Uni comme en France, des millions de voyageurs ont croisé quotidiennement dans le métro les affiches publicitaires déclinées en cinq visuels colorés et gais.
Horticulture et séduction
La campagne invite chacun à se rendre sur la page www.lajoiedesfleurs.fr afin de choisir sa fleur préférée. Là, avec de charmants gazouillis d’oiseaux en fond sonore, la cliente se voit chaleureusement accueillie par les fameux « gars », plus avenants et charmeurs que jamais. Dans une ambiance joyeuse et humoristique, ces derniers l’accompagnent étape par étape dans le choix de sa fleur préférée, avec force clins d’œil et moues aguicheuses. L’idée est de donner le sentiment d’un accueil personnalisé et unique : le client-roi pénétrant dans l’univers de la serre est reçu avec moult empressement : « Bonjour très chère, et bienvenue dans ma serre où je cultive quelques-unes des fleurs vedettes de la saison. »
Il s’agit d’assurer une visibilité maximum de la campagne aussi bien par affichage que via internet. Les réseaux sociaux, notamment Facebook, sont mis à contribution par le biais d’un jeu-concours, où les participants sont invités à trouver la fleur préférée de leurs proches, pour peut-être gagner un bouquet de ces fameuses fleurs. Et afin d’accroitre l’impact de la campagne, de nombreux fleuristes sont invités à participer à l’opération et sont fournis en matériel promotionnel dans le but d’attirer le public. De fait, l’opération « Ma fleur préférée » s’illustre avant tout comme une campagne de notoriété et d’image, l’objectif étant à terme de faire vendre des fleurs.
Mais cette campagne se distingue par son originalité, laquelle s’exprime dans le décalage entre l’univers traditionnellement plus conventionnel des fleurs et l’aspect sexy de la mise en scène des « gars ». Habituellement, les fleuristes tendent à communiquer sur des messages plus convenus ou pratiques, mettant en avant la facilité de la commande « en 2 clics », la rapidité de la livraison ou encore l’idée-cadeau pour la fête des grands-mères. Ici, la campagne s’adresse d’abord à celle qui désire des fleurs – et seulement de manière indirecte à celui/celle qui offre : pour une fois, ce n’est pas l’aspect commercial qui est mis en avant. En outre, la campagne met l’accent sur l’originalité : composer un bouquet, ce n’est plus simplement acheter un ensemble pré-fait et anonyme, c’est exprimer sa créativité et sa personnalité ! Car comme le susurre la voix de la vidéo, « leur beauté [celle des fleurs, pas seulement celle des « gars »] est originale et unique » – et donc la cliente aussi. CQFD.
Des fleurs pour illuminer le quotidien
A l’arrivée de l’automne donc, les fleurs deviennent le centre des intérêts et des sujets de conversation. Contre le temps maussade et la grisaille environnante, rien de tel qu’une bouffée de bonne humeur agrémentée d’une dose d’humour, servie par cette opération « Ma fleur préférée », dont la tonalité colorée et enjouée égaie les murs gris du métro.
Bon à savoir pour ceux qui projettent d’offrir un bouquet : à chaque fleur est rattachée une symbolique particulière liée aux couleurs notamment – gare donc aux choix de composition ! Plus une couleur est pâle et plus le sentiment se veut léger et discret, tandis que les couleurs vives traduisent au contraire l’intensité de l’émotion. Les messages et les significations varient aussi en fonction des types de fleur : une rose rouge exprime une passion ardente et un désir charnel, quand la violette exprime un amour pudique et timide. A bon entendeur…
 
Clara de Sorbay
Sources :
Agora Floris
Le Monde
Wikipedia
Lien :
LaJoieDesFleurs

Les Fast

700 mots de polémique

 
En à peine plus de 700 mots, tout y passe : l’économie, la politique, la société, la psychologie…
700 mots d’un article du Point avec un certain retentissement, sobrement intitulé : « Jeux vidéo : permis de tuer ». Au moins la couleur est annoncée.
Si l’on analyse l’article, on observe qu’en 700 mots sont abordés pléthore de sujets polémiques autour du thème de la violence vidéoludique. Et, heureuse coïncidence, les joueurs sont aussi souvent une population jeune, au fait des nouvelles technologies, active sur les réseaux, et prompte à réagir pour se défendre.
Cet article, moins qu’une charge violente, est en réalité un excellent buzz, puisque les mécontents relaient l’information bien plus vite et avec bien plus de force que des lecteurs satisfaits. Au bout du compte, Le Point fait parler de lui et amasse une quantité étonnante de commentaires sous l’article en question (120 en quelques heures, pour la plupart longs et appliqués). Autant de commentaires c’est autant de temps passé sur le site du Point, autant de clics, autant d’arguments convaincants pour les annonceurs.
La polémique : générateur de trafic, et ça, c’est tout bon.
À l’heure où les médias pâtissent d’une méfiance grandissante des publics, à l’heure où leur crédit est en berne, peut-on se permettre de torpiller ainsi la fameuse éthique journalistique ? Quid des recherches, des analyses, du sérieux, de l’objectivité ?
Distinguons les conséquences à long terme et à court terme. Dans le cas présent, l’immédiat s’avèrera sûrement rémunérateur, et le bénéfice d’audience peut-être non négligeable. Mais au temps long, les choses semblent moins évidentes : c’est tout un contrat tacite qui vole en éclat ; et gageons que ce ne soit pas un pari gagnant par les temps qui courent.
Le mélange des genres n’est pas toujours bénéfique ; en l’occurrence il est catastrophique parce qu’il contribue à décrédibiliser le travail d’analyse que sont supposés faire les medias. On ne se lassera pas de répéter que la plupart d’entre eux ont besoin des annonceurs pour vivre et continuer à produire du contenu, que l’achat au numéro ou les abonnements ne suffisent pas, que les annonceurs sont souvent vitaux ; mais si le lectorat, seul, n’est pas toujours suffisant pour attirer des annonceurs, il est certain que l’absence de lectorat n’en attire aucun.
Cet article, loin d’être le seul de son espèce, est symptomatique des maux du modèle économique des médias traditionnels. Il marque, comme d’autres avant lui, un processus lent de déclin d’un système qui survit  sans parvenir à se réinventer.
Informer et attirer des annonceurs ne sont pas inconciliables, pourvu que l’un ne se fasse pas aux dépends de l’autre.
 
Oscar Dassetto
Crédits photo : © DR

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Never Say No To Panda Ad
Com & Société

Panda is the new cat

 
Entre les chats et les pandas, mon cœur balance… Quoi que ! Fini le succès des « funny cats » sur la toile, voici venu le temps « des rires et des chants », ou plutôt des… pandas ! Grosse peluche inoffensive au regard attendrissant, cet animal est devenu la star des réseaux sociaux et des nouvelles passions animalières. Oui oui, il y a bien des pandas partout sur Internet, mais ils font aussi l’objet de nombreux produits dérivés comme des bonnets ou encore des sacs à dos (la nouvelle folie des cadeaux d’anniversaire) : alors parlons-en !
Mais la vision du gentil petit panda ne semble pas faire l’unanimité partout dans le monde. Et c’est la campagne publicitaire pour un fromage égyptien de 2010  qui va nous l’illustrer avec ses très fameuses vidéos « Never say no to panda » que vous n’avez pas pu rater tellement le buzz fut énorme. Ces petites scénettes de la vie quotidienne montrent un panda plus que susceptible mais surtout violent et flirtant avec le politiquement correct lorsque l’on refuse de goûter son « Panda Cheese ». Le panda-mignon se transforme en enfant capricieux qui n’a sûrement pas été suffisamment frustré. Et c’est un véritable succès. La marque de fromage Panda voulait frapper fort… C’est réussi ! Et Internet a largement suffit à cette campagne de publicité à la foi hilarante et choquante, mais surtout à voir absolument. Petite précision pour les curieux : cette campagne a tout de même remporté le lion d’argent aux Lions de Cannes 2010 !
Vous allez donc peut-être arrêter (enfin !) de regarder des photos de pandas sur Internet et de les partager à tout va sur Facebook (autre cover et cie) après avoir vu cette vidéo qui va briser votre passion pour ces animaux.
Juste pour le plaisir, Never say no to panda, juste là…

Mais comme nous le savons, un panda a, certes, des tâches noires (sur son parcours notamment) mais il est aussi blanc, d’un blanc attendrissant et tout aussi innocent que les discours qui cachent ce que l’on appelle le « marketing de la rareté ». Mais ici, pas besoin de favoriser l’image de marque du panda et sa rareté réelle (c’est bien connu, ils sont en voie d’extinction), ni même de générer un buzz (yes, panda is already the new cat) : il s’agit bien de lancer une action communicationnelle pour leur défense. Et l’originalité du projet doit être soulignée : finies les campagnes choc WWF, qui avait déjà saisi le potentiel de l’animal avec son « Would you care more if I was a panda ? ». L’heure est au concours pour devenir Pambassadeurs !

Un petit point explicatif pour poser le contexte du propos : la « Chengdu Panda Base » (le Centre de recherche et de reproduction de pandas géants de Chengdu en Chine), en partenariat avec l’ONG WildAid, a lancé le 10 septembre dernier son programme mondial « Pambassadeurs 2012 » dont le but est de recruter trois représentants à la fois amoureux des pandas et passionnés par la protection des espèces menacées. Ces « Pambassadeurs de Chengdu » participeront au « Global Panda Protection Tour » en 2013, un tour du monde de cinq mois pour sensibiliser le public à la protection des pandas.
Cette campagne communicationnelle est le fruit de l’agence Ogilvy Public Relations, présente à la fois en France mais aussi à l’international, et se construit autour d’un territorial branding pour Chengdu plutôt réussi :
–          Le concours fut lancé uniquement sur Facebook avec le Panda Quest et une page plus qu’active, relayée par de nombreux tweets  (bref, vive les réseaux sociaux).
–          Le clip de Psy Gangnam Style, aujourd’hui mondialement connu, fut détourné pour un Gangnam Style Panda croustillant réalisé à Londres

–          Les rues de plusieurs capitales comme Bruxelles, Londres, Singapour ou Washington furent envahies par des pandas de peluche à la recherche de candidats pour le concours.

Les pandas sont partout et pourtant peu nombreux dans le monde : un paradoxe intéressant mais surtout un enjeu bien réutilisé par l’agence Ogilvy Public Relations à travers une campagne communicationnelle exclusivement réalisée sur Internet, jouant ainsi sur l’effet buzz des pandas sur la toile. Tout est donc passé par les réseaux sociaux et les vidéos promotionnelles – comme la vidéo officielle ci-dessous que nous pouvons rajouter à la liste  – s’insérant ainsi de manière efficace et discrète, dans la logique déjà existante de la « Panda-folie ». Les minous ont bien été détrônés.

Laura Lalvée
Sources :
Ledevdurable.com
KnowYourMeme
Lavenir.net

Archives

Jacques a dit : tweetez !

 
Mardi 23 Octobre avait lieu la « soirée Bref » au Grand Rex. Le rendez-vous était donné pour suivre en direct la soirée à 20h précises sur le site de Canal +. Et pourtant, cinq minutes, 10 minutes passent et toujours rien. Enfin, pas vraiment. Pendant une demi heure étaient affichés sur l’écran de la salle de cinéma et sur nos petits écrans d’ordinateur des tweets envoyés par les spectateurs, après avoir été soigneusement sélectionnés.
Vous pensez sûrement : rien d’étonnant. Désormais Twitter a gagné sa place dans les médias, si bien qu’il paraît naturel de commenter en temps et en heure ce que vous voyez. Ce n’était pourtant pas gagné au départ, comme toujours la France est en retard sur ce point. En 2011, il est déjà fréquent de voir des émissions étrangères intégrer l’oiseau bleu, comme aux Etats Unis ou au Canada. En France, le CSA a établi des règles très strictes. Il est interdit de publier le nom de Facebook ou de Twitter. Les chaînes de télévision doivent être prudentes, d’où la prolifération uniquement des « hashtags » dans les émissions les plus populaires et interactives. Mais la contamination des médias français par Twitter devient davantage visible depuis peu. Les deux émissions C dans l’air (France 5) et Mots croisés (France 2) tournent déjà autour des commentaires Internet. Mais avec avec Danse avec les stars 2012 (TF1), les tweets font partie intégrante du scénario et l’arrivée de la chaîne D8 devrait changer la donne. On voit aussi avec Canal + que les sites Internet des chaînes font librement siffler l’oiseau bleu. On ne patiente pas seulement en Tweets pendant « la soirée Bref », sur leur page d’accueil Internet, on peut apercevoir une sélection de tweets humoristiques commentant l’émission du Grand Journal. Et c’est sans compter leur rubrique spéciale « tweets en clair ». Twitter contamine aussi bien le média télévision que son prolongement dans la sphère Internet.
En fait, cette prolifération de Twitter pourrait bien être le symptôme d’une contagion plus générale, celle de la « logique du commentaire » qui prend de plus en plus de place dans le processus de production d’un média. Désormais, pour qu’un programme fonctionne, pour qu’il soit regardé, il faut qu’il soit commenté. Plus un lancement d’émission de télévision qui ne s’appuie sur un dispositif social TV, généralement assuré par Twitter. Il est maintenant impensable de créer une émission sans compte Twitter afin de partager des informations exclusives, des photos, etc. Le but étant de fidéliser les spectateurs et de compter sur le bouche à oreille digital. Il faut dire que l’enjeu est de taille : la France compte 7 millions de twittos, tous susceptibles de relayer des informations précieuses.
L’apparition des tweets sur les écrans n’est que la partie émergente du « phénomène commentaire ». Prenez Secret Story. Tout ce qui est passé à la télévision est sélectionné à des fins de commentaires : les « engueulades », les coups de blues des candidats. Que le spectateur soit content ou non, il est un spectateur. C’est bien avec l’apparition du Loft sur les écrans en 2001 que s’est terminée l’ère de la « télévision uniquement pour plaire aux Français ». Dorénavant, il faut faire le buzz.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, le fait qu’une émission soit relayée sur Internet intéresse de plus en plus les annonceurs. Il est plus alléchant pour eux d’être associé à un « programme qui fait le buzz ». Evidemment, cela leur permet une plus grande visibilité. On peut alors comprendre pourquoi la télévision, en mal de ressources financières, chercher à incorporer Twitter. Ce dernier participerait à la légitimation des programmes au près des annonceurs. De son côté, selon son PDG Dick Costolo, le site a pour principaux objectifs de soutenir la croissance de ses utilisateurs et d’encourager l’activité des ses usagers. Deux objectifs particulièrement bien servis par l’apparition et le développement de tweets à la télévision. La « logique du commentaire » est donc bien aussi le fait d’une rencontre entre deux intérêts économiques compatibles. Le buzz fait vendre.
À un nouveau modèle économique correspond un nouveau spectateur. Ce dernier semblerait de plus en plus attiré par l’interactivité croissante des émissions. Désormais, il s’agit d’être celui sélectionné pour que son tweet passe à la télévision. Peut-être cela répond-il à un besoin de « devenir quelqu’un », ou en tout cas, un spectateur particulier parmi la masse.
Reste à savoir lequel des deux est dépendant de l’autre ? A priori Twitter ne ferait pas le poids avec ses quelques millions de comptes contre les dizaines de milliers de spectateurs quotidiens de la télévision. Mais dorénavant, une émission télé ne se fait plus sans Twitter. Les twittos, leaders d’opinion, ont une influence certaine.
 
Camille Sohier
 

Société

La Valls-mania : splendeurs et misères d’un virtuose de la communication

Camps de roms, émeutes, violences urbaines, tueries policières… L’effervescence politico-médiatique autour du Ministre de l’Intérieur révèle une fascination pour celui qui fut aussi le directeur de communication de la campagne de François Hollande,  à tel point que certains le rêvent déjà à Matignon.
 Comment ce virtuose de la communication parvient-il à incarner la figure du chef dans un gouvernement en recherche de leadership ?  Si l’actualité brûlante et le charisme du Ministre pèsent lourd dans la balance, M. Valls est toutefois parvenu à se tailler, seul,  un costume de leader du gouvernement.
Depuis l’été, les projecteurs sont braqués sur lui. Toujours  plus populaire, l’« hyperministre » ne cesse de séduire l’opinion et l’exécutif, et de s’attirer les sympathies de l’opposition. C’est à l’Université de la Rochelle que le  phénomène Valls s’est  déployé dans toute sa splendeur, à travers un discours ferme, aux accents sécuritaires : « Je continuerai à mener le démantèlement des campements là où il y a de la misère sociale et sanitaire, de l’insalubrité. » Manuel Valls, adepte des formules grinçantes, a même tonné que la gauche devrait rétablir l’ordre républicain dans les quartiers où il y a « un ordre de la jungle ».

Le Ministre de l’Intérieur a profité d’une actualité estivale ultra-chargée.  Des émeutes d’Amiens en août aux règlements de compte en série à Marseille, en passant par les manifestations islamistes ou le double meurtre d’Echirolles, Manuel Valls  a pu mettre en œuvre son art de  manier le verbe et de maîtriser l’image, revêtant le costume du tribun et séduisant les médias. Il aurait ainsi donc  tenu le pari de l’alchimie complexe qu’est la communication politique, alors que les courbes de popularité de l’exécutif s’affaissent.

Cet accomplissement scelle une longue métamorphose, si on se souvient des premiers pas de M. Valls en politique à la tête des jeunes socialistes européens. Toutefois, il ne suffit pas à étouffer certains paradoxes : il n’est en effet  pas rare de lire dans la presse que la femme du Ministre, Anne Gravoin, influence les prises de position de son mari avec, dernièrement, une sortie  sur la « tolérance zéro » envers les SDF “fleurissant” sur les trottoirs, suite à une brève agression de la violoniste dans la rue. Si le Ministère a assuré qu’il n’y aurait aucune mesure privative, on se souvient  des déclarations de Mme Valls cet été à propos de la femme de Jean-Marc Ayrault,  affirmant qu’il était plus glamour d’être violoniste que « prof’ d’allemand ». Autant de couacs qui pourraient finir par porter préjudice à l’image de son mari.

Dans un paysage politique où le Premier Ministre peine à incarner l’autorité auprès de ses ministres, Manuel Valls apparaît, d’une certaine manière,  comme son héritier naturel, se saisissant des valeurs de courage et de fermeté dans un contexte de violences urbaines. Il joue aussi le rôle de l’homme d’action dans  un gouvernement trop souvent taxé d’ « attentisme ».

 Danaé DM

 

Campagne Illettrisme DDB Paris
Invités

L'hôpital et la charité

 
C’est une histoire qui pourrait commencer comme une fable. Le rôle de l’hôpital serait tenu par une agence qu’on appellerait DDB Paris, et la charité, la bonne cause, ce serait l’illettrisme. Imaginez à présent des affiches, une femme sur une plage superbe, un tour de poitrine avantageux, un sourire espiègle, les ficelles de toujours pour nous vendre de la crème solaire, ce maillot de bain dont rêvent les dames, ou je ne sais quoi encore. Là, c’est un maillot de bain, ici c’est un club de vacances, un peu plus loin du mascara, une voiture, un film. Les suspects habituels donc.
D’un autre côté, la charité. C’est l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme, les « trois millions de français » qui ne savent pas lire ou très mal, et qui ne comprendront pas ce qui se joue sur ces affiches.
Le ressort est simple. Il y a des lieux communs de la publicité : comprendre, les femmes à poil, les cils ultra recourbés, la voiture façon packshot. Ces publicités sont partout : dans vos magazines, au coin de la rue ou à travers les fenêtres du métro. Quand on ne sait pas lire, ce qu’on voit c’est l’image du texte. La seule énonciation qu’on est à même de comprendre, c’est l’image. Cette même image d’Epinal qui sert de moule à la plupart des productions publicitaires. DDB (l’hôpital) s’amuse du moule (son gagne-pain) pour défendre sa bonne cause (l’illettrisme). Le regard réflexif est de bon aloi en ces temps de publiphobie, et en prime une belle morale : pauvres illettrés, si facilement trompés, et voilà la population française sensibilisée à ce problème.
Mais une fable n’est jamais simple. Car la mise en situation est intéressante : imaginer l’écart de sens perçu par ceux qui savent lire et ceux qui ne savent pas, entre celui qui comprend et celui qui ne comprend pas, entre celui qui est dupé et celui qui ne l’est pas. Pour achever sa démonstration, l’hôpital (DDB) a assigné à son affiche publicitaire une fonction singulière, et pour le moins étrange : berner (même un instant) celui qui la regarde. Une publicité pourrait-elle donc mentir ? Mais passons, puisqu’ici cela sert le propos.
Autre fiction. Imaginons à présent qu’au lieu du texte contre l’illettrisme on ait un autre genre de faux texte : « plus de 3 millions de françaises croient sincèrement que leurs cils ressembleront à ceux de la dame sur la photo avec notre produit » ou « plus de 3 millions de français croient sincèrement que ce smartphone est vraiment différent de celui qu’on a sorti il y a 1 an ». La ligne de démarcation se fait toujours entre ceux qui comprennent et ceux qui ne comprennent pas. Il n’est plus question de lecture mais d’intelligibilité. DDB (l’hôpital) avec ses affiches amorce une mise en situation à même d’introduire un soupçon de lucidité dans nos cerveaux.
Si la publicité a pu nous tromper pour faire passer son message sur l’illettrisme, que pour cela elle se sert des ressorts coutumiers dont elle a le secret, le reste du temps que fait-elle ? Pourrait-on donc nous tromper si facilement ?
L’hôpital se serait-il foutu de la charité ?
 
Rui Ferreira