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Jacques a dit : les chaises sont comme Facebook

 
En ce moment, Jacques nous dit que  « Les chaises sont comme Facebook »
On admettra que sur le coup tout cela laisse un peu perplexe !
Cette précieuse information n’est autre que le message délivré par la toute première campagne publicitaire du célèbre réseau social. Elle a suscité beaucoup de réactions sur Internet mais pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqué, Facebook propose, depuis le 4 octobre dernier, de partager un très beau clip d’une minute et demi à la gloire des objets de tous les jours, des éléments qui nous lient : les sonnettes, les pistes de danse, le basketball…
« The things that connect us », c’est d’abord la représentation d’un monde paisible, où tout le monde s’aime et partage. Mais c’est surtout un message, et quel message ! Les chaises sont comme Facebook.
Audacieuse, ridicule, absurde, exagérée… la formule ne laisse pas indifférent.
En capitalisant sur le symbolisme, Facebook se réaffirme comme un partenaire du quotidien , fédérateur, créateur de lien et gardien de valeurs essentielles telles que  l’amitié, l’amour, la fraternité…  Souvenez-vous du slogan d’origine :
« Facebook vous permet de rester en contact avec les personnes qui comptent dans votre vie ».
Cette démarche inédite de l’entreprise américaine interroge sa place auprès du public. Aujourd’hui plus que jamais, celle-ci reste ambiguë. Entreprise ? Outil ? Réseau ? Média? L’hyperprésence du site Internet a tendance à masquer son identité ou du moins à la rendre floue.
Facebook, qui profite certainement de ces zones d’ombre, se trouve aujourd’hui à une étape décisive de son histoire. Cette campagne officielle semble définir le positionnement adopté par le média. Après une actualité mouvementée (une entrée en bourse décevante, des tentatives hasardeuses pour séduire les investisseurs et un scandale touchant au tabou de la confidentialité), la rentrée  est l’occasion de soigner image et cote de popularité.

Pour ce faire, la marque Facebook nous raconte des histoires.
Le réseau nous dit qu’il est un média sans dire qu’il est un média. Lorsque l’on regarde cette vidéo attentivement, on remarque rapidement une absence totale des dispositifs de communication modernes. Ordinateurs, mobiles, écrans sont proscrits. Le spot effectue une série de métaphores in absentia qui viennent minimiser la présence des NTIC mais sont tout autant de références aux media au sens premier du terme.  Le mot et le logo Facebook n’apparaissent respectivement qu’une seule fois.
Pendant longtemps, les concepts marketings ont seriné combien la répétition de la marque ou du produit avaient leur importance dans la publicité. Ici tout est dans la substitution. Cette vidéo ce n’est pas l’histoire du média Facebook, c’est une histoire des hommes et des objets. Presque à la manière d’un récit mythologique, elle nous raconte, nous explique pourquoi tous ces objets sont là, et dans quels maux universels ils trouvent leur origine :
« L’univers : il est vaste et sombre ce qui nous fait nous demander si nous sommes seuls. Alors peut-être que si nous construisons toutes ces choses c’est pour nous rappeler que nous ne le sommes pas. »
Pour qualifier la stratégie adoptée par le réseau : des histoires et non pas une.  Le storytelling n’est pas seulement au centre de ce clip ; il est au cœur de toute la stratégie de visibilité déployée par Facebook. En août 2012, le réseau social lançait www.facebookstories.com, une plateforme indépendante destinée à recueillir et diffuser les récits de personnes utilisant Facebook de manière extraordinaire. C’est à ce jour le seul site Internet – en dehors du réseau – où la marque communique sur elle-même.
Là encore, le propos est ambitieux. Un mot d’ordre : viralité.
Tout en masquant son hyperprésence, le réseau se présente comme un point de contact. Plus d’un milliard d’individus forment désormais l’immense constellation qu’est Facebook. La marque illustre cela par le néologisme « virality » ou la capacité de pouvoir toucher différemment les individus, immédiatement et en tout lieu :
« We’re tackling a phenomenon that dense network of connections creates: the ability for an idea, a song, a picture — anything — to spread nearly anywhere, nearly immediately ».
Jacques ne sait pas si les chaises sont comme Facebook. Mais une chose est sûre, le réseau veut s’imposer durablement comme un médiateur, le ciment qui unit les individus en dedans et, – comme l’illustre par exemple sa participation à la gay pride de San Francisco  – en dehors du média.
 
Esther Pondy

Société

Le jeu vidéo : un produit culturel pas comme les autres

 

L’an dernier, à cette même date, ils étaient 180 000. 180 000 à se presser aux portes du salon Paris Games Week, dont la 3ème édition s’est déroulée cette année à la Porte de Versailles du 31 octobre au 4 novembre. Un chiffre impressionnant pour un produit culturel qui ne cesse de croître : le jeu vidéo.
En effet, si autrefois le jeu vidéo était synonyme de repli sur soi et si jouer était une activité marginale,  l’industrie vidéo-ludique se retrouve à présent propulsée sur les devants de la scène. Le jeu vidéo sur l’année 2011 représente 2,7 milliards € de chiffre d’affaire, et ce seulement en France. Le produit culturel le plus vendu en 2011 n’est ni un livre, ni un film… mais un jeu, Call of Duty : Modern Warfare 3, qui a récolté en 5 jours de commercialisation la bagatelle de 775 millions de dollars. Mais ce qui attire l’attention, ce n’est plus seulement l’importance que prennent ces grosses franchises du jeu vidéo. Ces dernières années, en effet, le jeu vidéo traverse de profonds changements. De plus, on ne vend pas un jeu vidéo comme on vendrait un autre produit : les enjeux sont différents, les techniques également.
L’évolution des joueurs est manifeste, et bat en brèche tous les clichés. Tout d’abord, on peut noter que tout le monde joue. 63 % des Français de 10 ans et plus ont joué aux jeux vidéo. L’âge moyen des joueurs est de 35 ans et est en constante augmentation. Il va donc falloir apprendre à s’adresser à de nouveaux joueurs, plus vieux, et qui ne rentrent donc plus dans la cible visée par la communication traditionnellement plus orientée vers les adolescents. C’est ce qu’a compris avant les autres le japonais Nintendo, avec sa Wii, dont les multiples programmes pour garder la ligne et un esprit vif (Dr Kawashima) ont rencontré un franc succès chez les joueurs plus âgés.

La deuxième évolution dément elle aussi un préjugé depuis longtemps ancré. En effet, 52% des joueurs sont… des joueuses. Le public masculin n’est plus prédominant, et les développeurs et éditeurs l’ont compris : il s’agit de produire des jeux qui plairont aux filles ! Plaire aux petites filles donc, avec beaucoup de jeux « girly » estampillés Barbie ou Littlepetshop, mais aussi aux plus grandes : le contenu des jeux ne mise plus tout sur la violence, et s’enrichit de cette nouvelle identité du public. Cela se traduit dans les jeux même par l’apparition de personnages féminins principaux aux personnalités fortes, qui change des stéréotypes sexualisés qu’ils endossaient auparavant. Toutefois, la sexualisation du marché est toujours forte, et les efforts ne sont que des pistes qu’il faut continuer à explorer. Par exemple, Jade de Beyond Good and Evil, est une journaliste-reporter-aventurière qui va dévoiler à ses lecteurs un bien sombre complot… Bien loin d’une Lara Croft dont le seul intérêt sont ses atours  qui attirent la gente masculine.

Au delà de ce changement de public, le jeu change aussi de pratique. On ne joue plus de la même manière. Tout d’abord, on ne joue plus seul, on joue en réseau. 73% des joueurs pratiquent le jeu en ligne. Cette mise en commun du jeu contribue à créer de véritables communautés qui échangent et influent sur le jeu avec un pouvoir colossal, parfois même trop important. L’année passée le studio Bioware, et son jeu Mass Effect 3 en ont fait les frais : les fans, déçus devant la fin de la trilogie qui ne tenait pas toutes ses promesses, ont tenu à faire entendre leur voix. Ces fans, par leurs actions sur les forums du jeu, sur les réseaux sociaux et sur ces outils « online » mis à leur disposition, ont fini par obtenir gain de cause. En effet, le studio a décidé de modifier son jeu en ligne pour en changer la fin ! Cela pose d’énormes questions : à qui appartient l’œuvre vidéo-ludique ? Ce comportement et cet engouement semble là encore propre au jeu vidéo : il est peu concevable d’aller voir un réalisateur pour aller lui demander de modifier la fin de son film !

Mais le changement de pratique vidéo-ludique se ressent par dessus tout sur l’évolution des supports. Le jeu traditionnel est amené peu à peu à disparaître.

Le nouveau marché est axé autour de deux supports principaux : les réseaux sociaux, et les smartphones et tablettes.
En ce qui concerne les réseaux sociaux, Facebook a pris une longueur d’avance, avec une application dédiée aux jeux, appelée Games Feed. Le succès est au rendez-vous : Sur Facebook, 350 millions de joueurs jouent ensemble, soit 53 % des utilisateurs.
Le marché des jeux sur portable est en pleine expansion. Ce seul marché a dégagé 5,2 milliards  d’euros de chiffre d’affaire dans le monde en 2011. Et certains « hits » en récoltent les fruits : les petits oiseaux énervés d’Angry Birds se sont plus vendus en 3 ans que Mario en 30 ans.
Les effets, prenant une telle ampleur, ne pouvaient rester circonscrits au seul milieu des jeux vidéo. La communication elle-même lorgne de plus en plus du côté du jeu, via l’ « advergaming ». Il s’agit de divertir, tout en faisant passer un message ou en vendant une marque. Cela peut se faire en introduisant le message dans un jeu (très présent dans les jeux sportifs ou automobiles), ou en faisant passer le message via une forme vidéo-ludique. (Cela est très présent sur Internet, notamment sur Facebook.)
Au vu de toutes ces évolutions, le marché culturel étrange et grandissant du jeu a probablement encore de beaux jours devant lui…
 
 Clément Francfort
 

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Invités

Le goût du vin

 
Nous avons tous (ou du moins la plupart d’entre nous) cinq sens bien distincts… L’ouïe, la vue, le toucher, l’odorat, et le goût. Ces deux derniers sont ici ceux qui nous intéressent puisque nous parlons de vin, et le vin, ça se sent et ça se boit !
La « fabrication » du vin, est un travail qui demande du temps et de l’assiduité. Pour qu’un vin soit bon, deux facteurs majeurs entrent en jeu : la qualité du terroir et du raisin, mais aussi, le travail de l’homme, travail de vinification. Il est alors possible de juger de la qualité intrinsèque du vin, et depuis plusieurs siècles maintenant des dégustateurs les notent et les classent afin que l’on puisse savoir lesquels sont les meilleurs. Qui n’a jamais vu sur une bouteille la mention « 1er Cru », « Grand Cru », ou même « Appellation d’origine contrôlée » ? Chacune de ces mentions participe de la hiérarchisation qualitative du vin qui a pour but de donner au consommateur des repères, et également, d’une certaine manière, justifier les prix.
Seulement, ne peut-on pas également dans une certaine mesure analyser l’effet inverse, prendre les choses dans l’autre sens ? Et ainsi ne pas simplement analyser ce rapport comme univoque mais réciproque ?
Une forme de cercle vertueux (vicieux ?) se dessine alors progressivement, car si la qualité même du vin influence sa place dans une hiérarchie, le classement et l’image qui pourvoient un certain gage de qualité, ne peuvent-ils pas altérer de manière concrète notre perception du vin ? Un vin de très bonne qualité pourrait acquérir une renommée et une place dans les classements qui donnent au goût du vin une dimension supplémentaire. L’importance de cette dimension dans le vin ne peut pas être négligée.
Au fil du temps, par ce cercle vertueux, certains vins acquièrent une aura quasi-légendaire, je pense notamment aux grands châteaux du Médoc, tels que Lafite ou Latour, dont les prix dépassent l’entendement. Ces vins sont certes intrinsèquement d’une qualité exceptionnelle, mais proportionnellement de nombreux châteaux du Médoc font des offres plus intéressantes. Il est aisé de voir ici que ce n’est pas cette qualité intrinsèque qui est exclusivement prise en compte. Un verre de vin peut offrir des goûts et arômes par milliers, et son histoire s’étend sur des milliers d’années.
C’est l’histoire ici qui nous intéresse, ce n’est pas simplement le raisin qu’il faut cultiver, mais l’histoire. La légende de nombreux vins ne se construit pas uniquement sur la qualité qu’ils produisent, mais aussi sur l’imaginaire qu’ils ont réussi à construire autour de la bouteille.
Le siège du goût est dans notre système cérébral, or la culture et l’imaginaire y ont eux aussi fait leurs quartiers.  Le goût est un phénomène culturel, or le vin qui procure du goût, offre à étudier une culture qu’aucun autre aliment ou boisson ne saurait offrir. L’histoire, les terroirs, les cépages, la couleur, les paysages… Le vin se prête de par sa nature même à l’évocation d’imaginaires, de légendes et d’histoires. Lorsque l’on connaît l’histoire d’un vin dont on tient un verre entre les doigts, lorsque l’on prend conscience de son histoire, sa réputation et même son prix, on ne boit pas la même chose que si c’est le même sans la connaissance artificielle, certes, que l’on peut en avoir. Cet artifice apporte beaucoup au vin. Vous ne ressentirez pas la même chose en buvant une flûte de Krug en sachant que c’en est que sans le savoir. Vous le savourerez beaucoup plus. Il est possible de jouer là-dessus.
C’est à ce moment que la communication et le marketing entrent en jeu. La mise en valeur, voire même la construction d’un patrimoine historique s’avère importante dans la production d’un vin.
Il s’agit de développer la marque, l’image et le nom de par une association forte à l’histoire et au patrimoine d’un producteur.
Il s’agit d’en faire un art, une fabrication humaine complexe à la fois technique et créative. A la fois sensible et intellectuelle.
Ce n’est plus simplement boire pour s’abreuver, mais bien goûter pour pénétrer un monde offrant de multiples paysages, cultures, et source d’émerveillements sous-estimés.
Ceci n’est qu’une simple introduction qui ne se veut d’aucune manière d’une quelconque forme de prosélytisme, je souhaite simplement rendre compte d’un domaine d’analyse de la communication très intéressant qu’est le vin. Il est notoire que le goût est culturel, mais il est toujours bon de le rappeler, et de souligner que le vin plus que tout autre chose se prête à une telle assertion.
Gardez bien en tête, cette idée qui justifie et résume tout ce que je viens de dire. On ne boit pas pour oublier, on goûte pour se souvenir.
 
Pour ce faire, il est aussi proposé aux étudiants du CELSA d’être initiés à la dégustation et à la découverte du vin, que l’on soit déjà érudit ou bien que l’on présente la curiosité et l’intérêt nécessaires à l’apprentissage. C’est en tout cas la mission que s’est donné Wine Not ?, un groupe formé d’étudiants du CELSA avides de découverte pour certains, et enthousiastes à l’idée de partager et faire partager leur passion pour d’autres, qui tâche de se réunir régulièrement afin de déguster des vins.
Ce club de dégustation est ouvert à tous ceux qui témoignent l’envie de découverte et d’apprentissage, dans le respect du vin et du patrimoine culturel qu’il constitue.
La prochaine dégustation aura lieu le mercredi 28 Novembre dans la salle de dégustation de l’agence SOWINE. Les places étant limitées, l’événement est déjà complet, mais tous les intéressés peuvent contacter Wine Not ? pour être sur liste d’attente ou/et pour plus d’informations au sujet de futures dégustations.
N’hésitez pas à vous joindre à nous !
 
François Philipponnat
 
Crédits photo : 

Flops

Un pas en avant, deux pas en arrière…

 
Entre chili con carne, nucléaire, cannabis, les membres du jeune gouvernement Ayrault s’expriment à leur guise au détriment de sa cohérence et de sa crédibilité.
Six mois après la victoire de François Hollande, une suite de maladresses donne l’impression que le nouveau gouvernement a bien du mal à donner l’image d’une équipe forte et soudée.
Prenons le cas Peillon. Dès le 17 mai 2012, soit 24 heures après sa nomination, le tout nouveau ministre de l’Éducation crée la polémique en annonçant sans crier gare le retour de la semaine de cinq jours pour les élèves du primaire, prenant de court ses nouveaux collègues.
Difficile de savoir si Vincent Peillon avait prévu l’impact de sa déclaration. Mais, sa détermination à vouloir faire passer une loi sans que parents et professionnels du secteur n’aient été consultés a eu son petit effet. Et le Premier ministre de corriger le tir le lendemain : « la méthode, c’est la concertation » . Apparemment, les élans de Vincent Peillon ne plaisent pas… bien qu’ils entrent dans la logique des propositions de campagne du candidat Hollande. Le ministre n’irait-t-il pas un peu trop vite ?
L’annonce soudaine de cette réforme arrive alors comme un cheveu sur une soupe pas tout à fait prête. Elle inaugure surtout la série de couacs dans la communication du gouvernement.
En bon chef, Jean-Marc Ayrault veille et semble toujours là pour rattraper les écarts de ses ministres. C’est ainsi que le 14 octobre dernier, le même ministre de l’Éducation affirme au micro de France Inter (Tous politiques) qu’il était favorable à l’ouverture d’un débat sur la dépénalisation du cannabis. Encore une fois, les réactions ne se font pas attendre, notamment sur les réseaux sociaux… Là où le ministre affirme plus tard qu’il ne faisait qu’émettre un avis personnel indépendant de la politique du gouvernement, la rapide et virulente réaction d’ Ayrault laisse entrevoir la profondeur du problème communicationnel qui sclérose son équipe.
« Lorsqu’ils sont à la radio et la télévision, ils doivent défendre à la fois la politique de leur ministère et la politique du gouvernement, et rien d’autre »
D’autant plus que le Premier ministre avait déjà du subir les foudres de la droite lorsque, le 5 juin dernier, la ministre de l’Egalité des territoires et du Logement Cécile Duflot laissait également entendre ses positions quant au statut pénal du cannabis . Au-delà du recours récurrent au joker de « l’opinion personnelle qui n’engage personne d’autre », ne faut-il pas voir dans les déclarations de l’ex-secrétaire nationale d’Europe Écologie les Verts une tentative d’insuffler ses idées au sein du gouvernement au profit de son parti d’origine ? Faut-il voir à travers les « bourdes » dans la politique du gouvernement l’absence d’une cohésion et d’une cohérence ?
Ces dissonances entre membres du gouvernement créent une véritable cacophonie qui met en doute la crédibilité du premier gouvernement socialiste depuis 2002. L’opposition UMP ne se garde pas d’ailleurs de le souligner comme si la perche lui était constamment tendue.
Le désordre ministériel semble alors arriver à son paroxysme lorsque le 24 octobre dernier le Premier ministre lui-même devient un « élément perturbateur ». En effet, ce jour-là Jean-Marc Ayrault devance les Sages et annonce un jour avant la prise de décision du Conseil Constitutionnel le sort de la loi Duflot sur le logement social. L’UMP profite de cette nouvelle fausse note pour dénoncer ce qu’elle considère comme une « négation de l’indépendance de l’institution ». Notons que le Premier ministre présentera ses excuses le lendemain à l’Assemblée : « Je me suis peut-être trompé en anticipant un peu ». Peut-être…
Libération sanctionne ce nouveau faux pas avec sa une « Les Apprentis » du 25 octobre 2012. La photographie rend encore plus claire la référence au film de Pierre Salvadori. Faut-il donc considérer les fautes du gouvernement comme de simples erreurs de jeunesse ?
En outre, le Premier ministre semble être la cible d’un « Ayrault bashing ». Il répond à ses détracteurs en dénonçant des « chroniques de démolition quotidienne ». Jean-Marc Ayrault précise tout de même que tout cela ne l’intéresse pas. Mais, son intérêt devrait peut-être (justement) se porter sur les problèmes de communication et le manque de cohésion de son équipe ? Surtout si on prend en compte sa mauvaise cote de popularité sans cesse mise en avant dans les médias.
 
Khady So

le cliché de Gérard Julien durant la manif Alliance Vita à Marseille
Agora, Com & Société

Papa trouve un slogan, Maman fait la banderole…

 
Sur les réseaux sociaux et les journaux en ligne le débat est lancé. Ou plutôt que le débat, c’est la fustigation de manifestations qui fait rage.
Les militants et membres de l’association Alliance Vita, créée en 1993 par la célèbrissime Christine Boutin, particulièrement réputée pour ses prises de positions radicales sur des sujets allant de l’avortement au Pacs en passant par un avis expert sur les causes du 11 septembre, ont choisis de reprendre le titre d’une chanson du Soldat Rose pour illustrer leur revendications récentes. « Un papa, une maman : on ne ment pas aux enfants », un slogan explicite pour des revendications que nous n’allons pas ici remettre en cause. Essayons de nous limiter à porter un regard le plus objectif possible, sur le phénomène communicationnel lancé par les manifestants et sur les réseaux sociaux. Un échec, un bide et de l’autre côté du miroir un succès croissant auquel doivent faire face les militants contre le projet de loi du mariage pour tous initialement prévu pour novembre.
Des « mêlées symbolisant un œuf », selon l’organisation, ont été formées avant de s’ouvrir pour laisser sortir un jeune portant des ailes, sur lesquelles figuraient les mots « papa » et « maman ». Alors oui un effort créatif a été produit, dans 75 villes de France la chorégraphie a été reprise simultanément. Une mise en scène qui ne fait pas tout à fait l’unanimité, un homme en latex qui vacille entre un groupe rose (les mamans) et un groupe sombre, vert bouteille (les papas), un oiseau qui cherche à prendre son envol grâce aux soutien de son papa et de sa maman qui scandent à tour de rôle « papa, papa… », « maman, maman… » le tout sur fond de « Mamma mia » de Queen, et Abba. Une anecdote qui fait sourire. Et c’est précisément ce à quoi doivent faire face les anti-mariage et adoption pour tous, une reprise spontanée des marqueurs qu’ils souhaitaient mettre en jeu. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #unpapaunemaman n’a pas desservi bien longtemps la cause de l’association Alliance Vita, il est repris instantanément par leurs opposants et la plupart du temps c’est le second degré qui prime. Les internautes sympathisants de la cause gay et favorables au projet de loi du mariage pour tous, réutilisent le hashtag pour discréditer et tourner en ridicule leurs opposants. Une stratégie payante qui reste pourtant spontanée contrairement à l’initiative lancée par Alliance Vita. Retournement de situation, le sérieux et le ton grave voir alarmiste des militants contre la nouvelle loi se font baffer par les utilisateurs des réseaux sociaux.
Pour le plaisir, voici un tweet à titre d’exemple « à l’origine #unpapaunemaman devait être #UnPapaQuiCoucheAvecLaBonneUneMamanQuiBaiseLeProfDeTennis, mais c’était trop long ».
Il n’y a pas que ça qui déstabilise la stratégie de l’association. C’est au cœur même de leur mouvement que les manifestants ont été le plus déstabilisés. Pendant la manifestation scénarisée, à Marseille, deux jeunes filles de 17 et 19 ans se sont embrassées pendant de longues minutes afin de montrer le plus spontanément du monde, leur soutien à la cause gay, et de ce fait, leur opposition aux manifestants d’Alliance Vita. Le cliché pris par Gérard Julien, photographe de l’AFP, fait déjà le tour de l’Europe et du monde sur internet par le biais des réseau sociaux. La spontanéité des jeunes filles concorde avec les mouvements d’internautes sympathisants de la cause homosexuelle. Dés sa parution sur Tweeter, l’image est ré-expédiée plus de 2000 fois, sans compter les re-tweets… Un joli pied de nez à une organisation bien rodée, une manifestation numériquement très forte au départ, que quelques secondes savamment partagées par deux personnes auront suffi à déséquilibrer. Certains journalistes la comparent déjà à la photographie de Robert Doisneau, « Le Baiser de l’hôtel de ville ». Une symbolique puissante qui suscite l’émoi sur les réseau sociaux, et n’a pas fini de perturber les récalcitrants au mariage pour tous.
 
Margot F.
Vidéo bonus, Le Petit Journal du 24/10/2012
Sources :
Europe1.fr
Twitter
LeNouvelObs.fr
LePoint.fr
Crédits photo : © Gérard Julien / AFP
 

Com & Société

My name is…

 
En juillet dernier, James Bond et la reine Elisabeth d’Angleterre tombaient du ciel en parachute pour ouvrir les Jeux Olympiques de Londres. Moment mémorable qui marque bien l’ancrage du mythe James Bond dans la culture britannique et qui annonce implicitement le nouveau film de Sam Mendes. C’est dit, Skyfall est sorti le 23 octobre en avant-première à Londres. Ont alors commencé à pleuvoir les gadgets de communication du super-héros ou plutôt de sa super production.
Le 50e anniversaire des James Bond au cinéma constitue le discours d’accompagnement, le prologue de la campagne de communication pour promouvoir le film. Une campagne qui joue sur une reprise par lesannonceurs du personnage principal. Ou comment se parer pour la sortie du prochain film. Coca-Cola Zéro exhibe sur ses canettes collector ultra design la silhouette de Daniel Craig en smoking noir et blanc suivi du slogan « Unlock the 007 in you » comme pour inciter à l’action d’un super-héros, ou mieux, celle d’un super-consommateur.
Rien de mieux pour une marque que de revêtir le costume de l’agent secret pour fidéliser son public.
Certaines marques y voient aussi l’opportunité de lancer de nouveaux produits comme les vernis OPI avec ses nouvelles teintes intitulées « Golden Eye » dorée, « Casino Royale » violette et « Skyfall » aubergine. Bollinger, connu pour être LE champagne fétiche de Bond, a, quant à lui, créé un coffret spécial en forme de silencieux noir qui s’ouvre à l’aide du code 0, 0 et 7… Heureux hasard.
Si vous rêvez encore de devenir James Bond (ou James Bond girl), le site officiel du tourisme du Royaume-Uni exaucera vos 36 000 volontés. Visit Britain propose aux internautes une série de missions en ligne pour tenter de gagner un séjour à Londres sur les traces de l’agent secret avec des incantations telles « Live like Bond », « Accept your mission », ou un défi « Have you got what it takes ? ». Le site propose également un film publicitaire vantant les qualités de James Bond et de l’Angleterre, confondues et décrites comme «  emblématiques», « authentiques », « exaltants », « époustouflants » jusqu’au jeu de mot « You’re invited. Bond is Great… Britain ».Visit Britain mise sur un transfert de l’imaginaire des fans de James Bond sur le Royaume-Uni.
D’autres marques profitent même du film et y placent leurs produits, qui deviennent pour certains des symboles, comme l’Aston Martin ou la montre Omega présentes dans chaque film. Les symboles changent aussi au fil des annonceurs : désormais l’agent secret ne boit plus sa vodka martini « shaken not stirred » mais une bière Heineken ! Les temps ont bien changé ! Le personnage est utilisé à des fins publicitaires : en utilisant le nouveau smartphone X Peria T de Sony, il  incite le consommateur à faire de même.
Alors, y aurait-il un glissement du personnage mythique vers une marque à part entière ?
James Bond n’est plus un produit de la Guerre Froide ou une conséquence des Trente Glorieuses. Alors que ses gadgets annonçaient une société de consommation d’après-guerre et sa voiture l’essor de ce moyen de transport, James Bond évolue aujourd’hui plus vite que la musique et que les avancées techniques. Le personnage des romans et des films devient peu à peu une marque qui a une importance non négligeable sur le marché. Les atouts propres au  personnage et aux films deviennent des outils de marque. Par exemple le logo, le sigle 007, le slogan « My name is Bond », la musique, le générique qui se dessine toujours sur le même scénario (James Bond tire avec son pistolet et atteint sa cible), ses James Bond girls. On reconnaît un générique de James Bond comme on reconnaîtrait une publicité. Les valeurs véhiculées par cette marque sont sans cesse réaffirmées dans les films : James Bond incarne l’éternel gentleman au courage sans limites, son humour anglais capable de survivre à n’importe quelle situation.
Sa facilité de s’accommoder au fil du temps et de perdurer depuis 1962 est un accompagnement du spectateur, celui-ci a grandi entouré de l’univers de James Bond. Dans le monde fragile dans lequel nous nous trouvons, rien de mieux que de suivre les péripéties d’un homme d’action, voulant agir pour le bien de sa patrie tout en profitant des biens terrestres.
James Bond assure et rassure. God save communication.
 
Félicia de Petiville
Sources :
Le Figaro et vous
The Guardian « The Skyfall’s the limit on James Bond marketing»
Stratégies « James Bond, une marque, une vraie ! »

Société

L'anticonformisme selon France 3

 
La rentrée 2012 a été riche en campagnes médiatiques et aujourd’hui on s’intéresse à celle de France 3. Si vous êtes passés à côté, elle ressemble à ça.
Créée par l’agence « Australie », cette campagne d’affichage, qui s’accompagne de supports radio et vidéo, a fait sensation sur les réseaux sociaux. Et pourtant, les afficionados de Twitter et Facebook ne sont pas le cœur de cible d’une chaîne qui traîne derrière elle une image « vieillotte ». Mais en 2012, France 3 se rebelle et décide de faire entendre sa voix à travers une campagne osée.
Problème : comment  parler, à une génération de trentenaires urbains, d’émissions pour la plupart regardées par nos grands-parents ? Et surtout, – même si l’agence ne le formule pas de cette manière dans son discours – comment faire passer l’idée que regarder France 3 est une activité socialement valorisante ? Tout simplement en jouant la carte de l’humour.
Avec des slogans faisant la part belle à l’ironie et au second degré la chaîne nous montre qu’elle n’oublie pas de prendre du recul par rapport à ses propres productions. Cependant, rajeunir l’image d’une marque est toujours une tentative périlleuse. Et dans le cas de France 3, le risque était grand de nier l’identité de la marque en cherchant à travestir ses valeurs. Or, l’intelligence d’ « Australie » a précisément été d’axer sa campagne sur six émissions phares de la chaîne parmi lesquelles  30 millions d’amis, Plus belle la vie ou Côté Jardin.
Faire preuve d’autodérision c’est bien, en profiter pour tacler la concurrence c’est mieux. Après D8, c’est donc au tour de France 3 de s’attaquer aux programmes de M6. Avec humour, un des visuels consacrés à  Des Racines et des Ailes  annonce « Quand on s’invite dans un lieu, ce n’est pas pour refaire la déco » — les intéressés apprécieront. De manière moins marquée, les autres chaînes du PAF en prennent pour leur grade avec des références à la télé-réalité ou aux émissions hyper-scénarisées.
Bref, à travers ces quelques affiches France 3 affirme son caractère décalé. Destiné aux jeunes urbains, leur message pourrait se simplifier en ces mots : regarder France 3 c’est bien car c’est anti-mainstream. La chaîne, plutôt que de se lancer dans une quête de reconnaissance, prend le contrepied des critiques. La 3 devient « tendance », précisément parce que ses programmes ne le sont pas.
Alors si vous souhaitez briller en soirée, n’oubliez pas, dites que vous regardez  Thalassa.
 
Angélina Pineau

N.B : et pour tous ceux qui s’intéressent au graphisme, une très bonne analyse de cette campagne est disponible ici sur le site d’OWNI.

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Jacques se repose

 
« Halte à l’invasion publicitaire dans le métro ! ». On le sait, les affiches sont les publicités les plus agressives. Il est impossible de s’y soustraire…sauf en fermant les yeux. Or pour trouver son chemin dans les labyrinthes de la RATP, avoir des yeux attentifs et grands ouverts est conseillé !
Impossible de se soustraire à la publicité dans le métro. En effet celle-ci est omniprésente : les couloirs, les quais, les métros semblent tapissés d’affiches. Chaque station contient en moyenne 144 m²de ces panneaux publicitaires. Les Parisiens le savent bien, les panneaux de 3 sur 4 mètres font partie du paysage souterrain. Que l’on soit de l’autre côté du quai ou placé de biais, la publicité s’impose à nous. Le métro parisien détient ainsi le record de la surface publicitaire. Ce phénomène tend à prendre de l’ampleur avec le développement des panneaux lumineux.
« La pub me fatigue ». Nous, grands habitués du métro, ne faisons plus guère attention à ces pubs. Elles font désormais partie de notre quotidien. Le groupe des Reposeurs, en disant leur désaccord avec ce modèle publicitaire, nous donne l’occasion de réfléchir sur ces panneaux. Ce groupe antipub mobilise principalement des jeunes qui se sont réunis tous les jours à 18h du 13 au 26 octobre, devant la Sorbonne.
Leur but : Faire réagir la RATP pour une réduction de la surface publicitaire. Selon eux, des affiches de 50 cm sur 70 sont suffisantes. Il s’agit là des dimensions des affiches associatives. Ils expliquent, en effet, que cette taille laisse le choix au voyageur de s’arrêter pour en savoir plus. De cette façon, il cesserait d’être la victime des annonceurs. L’affichage publicitaire serait ainsi réduit à 8m² par station.
Leur moyen : L’utilisation massive de papiers repositionnables, ou de feuilles A4. Encore une fois, il faut laisser le choix au voyageur de s’approcher pour en savoir plus. Ces affichettes sont constituées de slogans et donnent l’adresse du site : une information minimale. Par leur moyen-même, qui n’est pas agressif, les Reposeurs manifestent leur désir de lutter contre le « matraquage publicitaire ».
Leurs résultats : 57% des Franciliens sont favorables à une réduction de la taille des panneaux publicitaires et à une réduction de leur nombre.
Tel est le résumé de leur action. Cependant, le même sondage montre que 52% des personnes interrogées percevaient les affiches comme « dignes d’intérêt », non pas comme des « agressions visuelles ». Les Reposeurs restent tout de même optimistes. Notons que la RATP n’a toujours pas réagi… Il semble que l’année prochaine, nous aurons droit à une autre campagne à base d’affichettes !
En somme, les Reposeurs développent une campagne sympathique, qui amène le voyageur à sortir de sa torpeur. Mais, il faut le dire, ils ne sont pas près d’obtenir gain de cause… Le développement des panneaux lumineux, certes moins grands en surface, accroit l’agression publicitaire dans les métros. Il semble en effet que nous soyons dans un processus d’innovation des formes publicitaires qui deviennent toujours plus agressives. Eh oui, il faut réveiller la cible pour qui les panneaux publicitaires deviennent partie intégrante du quotidien. Les yeux glissent sur ces surfaces colorées, s’y attardant de moins en moins. Les Reposeurs ont d’ailleurs été un élément perturbateur dans la douce monotonie de nos trajets en métro, nous sortant de nos habitudes… On peut alors s’interroger sur cet ultime renversement : les agents publicitaires devront-ils utiliser la même méthode que les Reposeurs, à savoir réveiller les passagers et attirer de nouveaux regards curieux ?
 
Clothilde Varenne
Sources :
Le rapport du CSA
Le site des Reposeurs
Crédits photo : ©Les Reposeurs
 

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Société

Red Bull : la marque qui a fait le saut

 
Le 20 juillet 1969, 500 millions de personnes se réunissaient pour regarder les premiers pas d’un homme sur la Lune. Quarante trois années plus tard, c’est un saut qui cette fois rassemble à nouveau les individus, celui de Felix Baumgartner. Entre temps, les conditions ont bien changé. La mission Apollo 11, premier grand événement médiatique, fut organisé et relayé par le gouvernement américain ; le saut de l’autrichien par Red Bull. L’objectif était cependant le même : orchestrer une opération de communication impressionnante, et l’on peut dire qu’il a été rempli.
Ce n’est pas la première fois que Red Bull organise un événement sportif, au contraire, cela fait désormais partie de leur image : la marque autrichienne en organise 500 par an, ce qui représenterait 30% de leur chiffre d’affaire. Mais si ceux-ci sont suivis par les plus passionnés, c’est réellement le « live jump » qui a sorti Red Bull de sa niche.
Les retombées médiatiques furent en effet sans précédent. Dès le lendemain, le sujet a été traité au moins 2300 fois en France. Le jour même, ce sont 40 chaînes qui ont diffusé l’événement, dans 50 pays, dont BFM en France qui avait l’exclusivité et a battu son record à cet horaire, avec 1,7m de téléspectateurs (6,4% de part d’audience).
Mais Red Bull est allé plus loin encore dans sa logique de communication. L’entreprise s’est en effet transformée en média, se donnant le pouvoir de véhiculer de l’information mieux que les traditionnelles chaînes elles-mêmes. Elle transmettait en direct le saut sur un site dédié : www.redbullstratos.com. Cette page contenait la vidéo, diffusée en direct sur YouTube, mais s’agrémentait d’autres outils qui enrichissaient l’expérience : des informations sur la pression, la vitesse, la météo – météo qui servait d’ailleurs de prétexte pour poster de nombreuses photos sur Instagram comme « teasers » avant le jour J. A elle seule, la vidéo a attiré 8 millions de téléspectateurs en direct soit 16 fois le dernier record détenu par Google pendant les JO, et 52 millions en tout.

Les réseaux sociaux  étaient évidemment en effervescence : sur Twitter, le hashtag #RedBullStratos figurait premier dans les trending topics (les sujets les plus évoqués par les utilisateurs) toute la journée, avec un pic de 2000 tweets par seconde lors du saut, et sur Facebook, la photo du saut a été partagée 29 000 fois en moins de 40 minutes, likée 216 000 fois et commentée 10 000 fois. Mais le point fort de Red Bull a  été de ne pas provoquer un buzz qui se fonderait exclusivement sur le saut, sans que les téléspectateurs ne prêtent véritablement attention à la marque. Au contraire,  l’omniprésence de son nom sur tous les supports a engendré de nombreuses réactions de la part des internautes, qui ont rivalisé de jeux de mots déclinants le mot Red Bull, en jouant sur le côté un peu « couillu » de la marque, ainsi que le slogan.
red bull gives you balls #felixbaumgartner
— Andrew Wooldridge (@triptych) Octobre 14, 2012
Bien sur, des mèmes ont tout de suite émergé sur Internet, inscrivant les images dans la webculture.

Red Bull a assuré son ubiquité en plaçant son produit dès que possible, de la simple mention de la marque au logo sur tous les accessoires (dont un énorme sur le parachute). Des produits déclinés ont été même mis en vente : la musique diffusé lors du saut, des vestes de pilote avec le logo Red Bull Stratos, et les instruments qui ont permis le saut vont être brevetés « Red Bull ».

La visibilité de Red Bull a donc été propulsée de façon phénoménale. Le succès de cette opération tient à ce que la marque a su aller plus loin que montrer une simple image. Elle s’est présentée comme l’entité qui crée un lien entre les individus en leur donnant l’impression de vivre un moment unique, historique, auxquels ils participent non seulement en le regardant et le commentant, mais aussi car ils se sentent comme responsables : c’est en achetant du Red Bull qu’ils ont permis cet exploit, ils l’ont presque financé. Sur le long terme, il y a fort à parier que cette opération de communication sera une réussite : on parle déjà d’une retombée d’un milliard de dollars, pour un investissement de 50 millions. De plus, l’évènement n’a pas fini de faire parler, puisqu’un documentaire de 90 minutes est en cours de réalisation par la BBC et National Geographics. Mais la grande victoire est celle de la fidélisation : Red Bull a multiplié sa communauté de fans par 17 en passant de 45 000 à 760 000 sur la seule page Red Bull Stratos, et sa chaîne YouTube compte plus de 787 000 abonnés. Victoire donc, car les utilisateurs « unlikent » ou se désabonnent rarement, et puisque Red Bull continue à proposer d’autres évènements sportifs (du BMX au Grand Palais par exemple), cela semble peu probable.
Red Bull a réussi à s’imposer comme la marque qui repousse les limites, qui « donne des ailes », propulse énergiquement ses sportifs. Plutôt que d’appuyer son argument de vente sur son goût comme son concurrent Coca Cola par exemple, elle véhicule des valeurs, ce qui, comme le rappelle Simon Sinek dans sa conférence « How great leaders inspire actions » en prenant l’exemple d’Apple, est la clef du succès : « people don’t buy what you do; they buy why you do it ».
 
Virginie Béjot
Sources :
Red Bull Stratos, nouveau modèle d’impact – Havas Média
Red Bull Stratos Case Study – Social Bakers

Flops

Quand les gazouillis sonnent comme un « Heil »

 
Tout le monde aime les chants d’oiseaux. C’est doux, apaisant, bucolique, et idéal pour animer un trajet en ascenseur. Il existe cependant des moments où une performance aviaire tombe vraiment mal, comme par exemple un lendemain de beuverie.
Cette comparaison douteuse m’amène à parler du hashtag le plus discuté de la mi-octobre, j’ai nommé #UnBonJuif.
Commençons par un petit rappel des faits pour ceux que les drames de Twitter ne captivent guère. Le 10 octobre, ce tag apparait parmi les tendances du jour sur le réseau social, chaque mention étant associée à une blague plus ou moins antisémite, allant de l’éculée vanne nasale à des références nettement odieuses. SOS Racisme et l’UEJF (Union des Etudiants Juifs de France) réagissent six jours plus tard devant le maintien du phénomène, la seconde peinant à contacter Twitter (qui ne dispose pas d’une antenne française) pour finalement obtenir le 18 un entretien téléphonique avec sa direction des affaires publiques.
Le soutien préalable de Christine Taubira, ainsi que la menace d’un référé contre l’entreprise californienne, permettent d’obtenir la promesse de suspension d’une trentaine des comptes aux tweets les plus insultants (sur environ 1600) sans que Twitter n’accepte de divulguer les coordonnés des abonnés fautifs, pour enfin tenter durant quelques jours de se rétracter sur la démarche entière. Les propriétaires du réseau se retranchaient en effet derrière leur simple qualité de « médiateur », preuve à l’appui dans leurs Conditions Générales d’Utilisation.
Il ne s’agit pas ici de discuter la portée d’un antisémitisme français, pas plus que le mythe récurrent du « complot juif ». Faisons cependant un bref détour historique, en nous rappelant que la République – la nôtre comme les précédentes – n’est pas exactement étrangère à ce type de dérive. Ainsi la France des années 30 voyait fuser contre le Front Populaire des critiques nettement plus calomnieuses. Si le traumatisme de la décennie suivante a rendu de tels propos tabous, il reste l’évidence que Desproges n’aurait certainement pas eu un tel succès avec son « On me dit que des Juifs se sont glissés dans la salle » s’il n’avait pas touché du doigt un problème de fond.
En 2012, ce sont les agressions récentes contre la communauté juive, ainsi que la montée parallèle d’une forme d’islamophobie, qui rendent inévitables les réactions à un état de fait amplifié par l’instantanéité du social networking.
Et c’est là qu’est le Couac (Couac… Oiseaux… Non ?) et avec lui le point qui nous intéresse vraiment. Les dérapages racistes n’ont rien de nouveau sur Internet – il existe aussi sur Twitter #UnBonNoir et #UnBonMusulman, passés relativement inaperçus jusqu’ici. Ce qui l’est en revanche, c’est le pas historique effectué sur ce réseau, qui a pour la première fois modéré les messages de ses utilisateurs, comme il avait promis de le faire en début d’année.
Le 18, jour du coup de fil de l’UEJF en Californie, Twitter suspendait le compte d’un groupe néo-nazi outre Rhin à la demande de la police allemande – il existe en effet une seconde voie pour supprimer des tweets illégaux, prévue pour les instances gouvernementales.
Alors, maintenant que Twitter a cédé en France également, #UnBonJuif annonce-t-il une nouvelle attitude vis-à-vis des réseaux sociaux, où tout dérapage pourra être rectifié par une plainte ? Il est difficile de ne pas déceler le danger pour la liberté d’expression, malgré la banalité de l’argument.
Et si les attaques pour incitation à la haine raciale deviennent monnaie courante, pourquoi pas les poursuites en diffamation ? L’un des outils essentiels en matière de communication pourrait changer profondément sa nature, s’il évoluait en champ de bataille judiciaire.
 
Léo Fauvel
Crédits photo : © Jaubert / Sipa