Les Fast

Hungry and Out of the Picture

 
Juste un petit quick-to-read pour vous tenir au courant de la suite des évènements concernant la campagne « Cool but Chic » qui a fait l’objet d’un édito il y a quelques semaines ! Suite à plusieurs plaintes et articles coup de gueule la marque Kookaï a stoppé l’affichage de son visuel « Hungry but Chic ». L’opinion publique aura eu raison de la campagne, cela donne à réfléchir sur le pouvoir apporté aux consommateurs par le 2.0.
En attendant de philosopher sur le sujet, voici quelques articles en réaction à la campagne qui pourraient vous intéresser :
Le blog de l’express
Le magazine Be
Pensée de ronde
Meltybuzz
et mon petit préféré : Solenn Denis – Fabriqueuse de Drames
Bonne lecture !
Marion Mons

Vitrine Adopteeunmec.com et Opération Marketing 2012
Société

Adopteunmec : coupdecom'

 
Lèche- vitrine improbable
Alors que le store éphémère « Adopteunmec.com » ouvrait ses portes le 11 septembre dernier, Libération.fr publiait, le 17 septembre, une interview du sociologue et professeur à l’Université Paris-Descartes, François de Singly sur la logique du marché appliquée au sexe et notamment autour de ce site Internet de rencontres plutôt décalé.
La boutique AdopteUnMec, qui prenait place 15 rue des Halles, rebaptisée pour l’occasion « Rue du Bonheur », était, à en croire la couverture médiatique dont elle a bénéficiée, « the place to be » à Paris. Prolongement du projet du site, la logique de marché et le champs lexical du commerce constituaient la principale stratégie de communication de l’événement.  Baignées dans un imaginaire au carrefour de celui de l’animalerie et du magasin de jouet, les clientes sont parfois venues dans la ferme intention d’adopter leurs prochains compagnons présentés dans leurs emballages d’origine façon poupées Barbie ou seulement par curiosité.
Le « fake pure player » fait une première tentative de matérialisation à coup de happening et se constitue en véritable marque à contre courant du consensuel rapport de forces homme- femme que l’on constate au sein de nos sociétés soit disant émancipées. Si l’on a souvent vite fait de considérer la femme comme objet, c’est ici l’homme qui se réifie à la seule différence que lui « se [fiche] d’être pris pour des biens de consommation » [François de Singly]
Paradoxes
Alors que le ton se veut humoristique et détendu, Thomas Pawlowski, le dir’com’ et marketing du projet qui prône l’autodérision, n’est pas à un paradoxe près. En effet, la parole est en réalité totalement verrouillée : impossible notamment d’interviewer les deux créateurs du site lors de l’événement. Alors que l’équipe affirme que les hommes présentés en vitrine sont venus sur leur propre initiative et sans être rétribués, face aux caméras les prétendants assurent le contraire, de même que les marraines très Canal +, Bérangère Krief et Chantal Lauby.
Gros coup de maître pour le site Adopteunmec.com dont l’opération aurait coûté « moins chère qu’une semaine de publicité sur une chaîne de la TNT » dixit Pawlowski et aura bénéficié d’une couverture trans-médiatique importante : petit écran, réseaux sociaux, presse en ligne, presse magazine…  Chacun en a fait mention début Septembre.
Qu’on adhère ou non, il faut reconnaître qu’il s’agit là d’une stratégie marketing bien rodée !

Harmony Suard
Crédits photo : © Photos Thomas Humer, Source : Next.liberation.fr
Crédits video : © Par Laëtitia Krupa, diffusé le dimanche 16 septembre 2012 dans Médias le magazine

Romney Accepts Party Nomination At The Republican National Convention
Flops

Clint Eastwood et la chaise vide

 
Dans la course aux électeurs américains, les stars hollywoodiennes jouent un rôle majeur : la bataille entre Barack Obama et Mitt Romney n’est pas seulement politique, elle est très people : c’est à qui comptera dans ses rangs le plus de soutiens de personnalités.
Jusqu’ici, c’est plutôt le parti démocrate qui gagne, Barack Obama peut se vanter de recueillir par exemple le soutien de Léonardo Dicaprio, Will I Am ou encore Kirsten Dunst.
L’apparition de Clint Eastwood, le jeudi 30 août, à la convention républicaine devait donc probablement être très attendue par le camp Mitt Romney. Après tout, l’homme est un réalisateur et acteur dont la renommée n’est pas à discuter, et donc un argument assez lourd pour les républicains.
Mais voilà, la prestation de Clint Eastwood a pour le moins laissé à désirer. En effet, le discours du réalisateur est décousu, il cherche ses mots, bafouille et les 5 minutes prévues se transforment en un quart d’heure interminable. Mais le clou du spectacle, si l’on peut dire, est la petite (vraiment petite) mise en scène que Clint nous a offerte : pour pouvoir critiquer la politique de Barack Obama, il décide d’utiliser la chaise vide disposée près de son pupitre, et de s’y adresser sporadiquement comme si Obama y était assis. Il lui pose des questions, lui demande de se justifier, se tourne même soudainement vers la chaise pour lui dire « What do you mean, « shut up » ? » comme si son Barack fictif l’avait interrompu. Rapidement, on se demande même si les républicains qui s’esclaffent dans la salle rient véritablement avec Clint ou s’ils rient de Clint. Un silence gêné accompagne même certaines de ses phrases.
Il faut dire que le coup de la chaise vide et de l’ami (ennemi ?) imaginaire, c’est quand même une idée bizarre … non, Clint ?
Alors Clint Eastwood a-t-il ruiné la convention républicaine et les espoirs de Mitt Romney ? En tout cas la chose a, comme toujours, beaucoup fait réagir les internautes. En vrac, un compte twitter @InvisibleObama a été ouvert (associé à une page facebook), des photos parodiant Clint et sa chaise ont tourné sur le web, et bien sûr les twittos y sont allés de leurs sarcasmes en 140 caractères !
Mais les électeurs républicains ont-ils été véritablement déçus par ce discours plutôt ridicule ? En fait, en ayant tant fait parler de lui, Clint Eastwood a peut-être simplement réussi (probablement sans le vouloir) à graver dans l’esprit des citoyens américains qu’il soutenait Mitt Romney, et c’est exactement ce qu’on lui demandait. Après tout, Clint Eastwood est, et restera, un vétéran du cinéma américain et un discours raté (qu’il a tout de même prononcé du haut de ses 82 ans) ne saurait nous le faire oublier.
Bien sûr, si le soutien de telle ou telle star pour un parti pourrait faire pencher la balance, on peut quand même espérer que ce ne sont pas les stars qui font la politique aux Etats-Unis, que ce n’est pas un chanteur ou une actrice qui va déterminer le vote des électeurs américains.
Alors pour quel combat voteront vraiment les électeurs américains, Mitt Romney VS Barack Obama ou « Clint Eastwood et le bide de la chaise vide » VS « la bande de stars hollywoodiennes fidèles au démocrate » ?
En tout cas si Mitt est élu, Clint ne pourra vraiment pas s’en féliciter !
 
Claire Sarfati
Crédits photo : ©Photo by Mark Wilson/Getty Images

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Affiche Manix Skyn 2012
Agora, Com & Société

Long, court, serré, sans sucre…?

 
Vous l’avez vu en marchant dans le métro, et vous avez adopté deux réactions très différentes. La première : l’indifférence la plus totale, comme si elle était entièrement construite de déjà-vus ; la deuxième (la mienne) : vous êtes restés pantois, fascinés, hypnotisés.
La publicité SKYN de Manix transcende tous les codes, en effet. En communication on recycle souvent les composantes médiatiques pour faire du neuf, on hérite d’une histoire graphique, sociale, publicitaire : SKYN se situe à l’exact milieu entre les pubs L’Or Expresso, et les pop-up de sites porno qui apparaissent sur les sites de streaming. A L’Or, elle reprend les couleurs, la rhétorique des sens, le packaging et même en partie la typographie. Au pop-up elle reprend la pose lascive du modèle, la citation en exergue, et l’utilisation très objectivante du corps féminin. Ca y est ? Vous arrivez enfin à dissiper le sentiment étrange provoqué par cette pub ? Comme si elle était à la fois surprenante et invisible, exactement comme le produit qu’elle vend… Eh oui : Manix a banalisé le fait qu’on pouvait vendre du sexe (et implicitement la femme qui va avec) comme du café.
Pourtant, leur campagne en ligne était si loin de cet échec publicitaire ! Il y a le spot « SKYN REVOLUTION » à regarder plus bas, qui développe plusieurs arguments avec un humour douteux, mais dans l’ensemble plus subtil que l’affiche :
 
Et la campagne se décline avec des acteurs différents pour chaque pays. Se joignent à cela une tournée de soirées promotionnelles, un jeu de plateforme en ligne qui enjoint les utilisateurs ou les utilisatrices à attraper des préservatifs pour augmenter leur baromètre de sensations, et enfin la possibilité de devenir testeur officiel de la marque. Alors pourquoi –mais pourquoi ?- ces affiches ?! Il faut maintenant préciser que les publicités françaises ont comme phrase en exergue : « 97% des personnes qui essaient SKYN le recommande* », et l’astérisque précise que l’étude a été menée sur 244 hommes et femmes entre 16 et 50 ans (ce qui déshumanise peut-être encore plus la femme présentée, par rapport à l’affiche anglaise).
Alors pour comprendre, tentons de voir quel pourrait être l’objectif de cet affichage. On note d’abord la forte volonté de faire plus luxueux, plus sophistiqué (couleur noir et or), comme si tous les grains du latex avait été sélectionnés avec attention et amour, et enfermés avec tendresse dans une seule capsule pleine de saveur ! On ne peut s’empêcher de remarquer le graphisme qui se veut caricaturalement « oriental », ainsi que la peau métissée du modèle : cherche-t-on à nous vendre de l’exotisme ; vise-t-on une niche ? Enfin l’argument principal reste très bien résumé dans les termes « sensations » et « peau » : « SKYN » ça ne s’invente pas, et cette phrase « closest thing to wear nothing », ou « la sensation de ne rien porter », nous font bien comprendre que la cible principale reste le public masculin, en quête d’une révolution technologique de la protection sexuelle, et selon les publicitaires, incapables de considérer la femme autrement que comme l’opercule d’une capsule de café.
Il aurait pu être intéressant, cependant, de rassurer sur la qualité du produit : s’ils sont si fins qu’on ne les sent pas, pourquoi ils ne seraient pas plus fragiles que les autres ? Autre question : pourquoi avoir gardé une campagne plus ouverte et humoristique sur Internet et un affichage machiste, sexiste et insultant dans le métro ?
 
Marine G.
Sources :
Le site publicitaire de SKYN et la chaine Youtube Manix
Merci à Adèle S., Rui F., Noémie S., Xavier B., et tout ceux qui ont bien voulu parler de cette affiche avec moi.

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Com & Société

Apple chahuté par Samsung

 
Alors que la toile s’enflamme et tourne en dérision la frénésie Apple qui entoure la sortie de l’iPhone 5, son rival du moment, Samsung, en profite pour s’offrir une petite revanche.
Pas encore remis du revers infligé par Apple dans la guerre des brevets qui continue de les opposer, le constructeur coréen ridiculise l’iPhone 5 dans une nouvelle campagne presse. La page de publicité dresse ainsi un comparatif technique entre le nouveau né d’Apple et le Samsung Galaxy S3. Il ne faut donc pas être un génie (« it doesn’t take a genius ») pour comprendre quel smartphone est le plus performant. On remarque également une provocation adressée aux vendeurs d’Apple sobrement surnommés les « Genius ». Une boutade qui n’a pas vraiment plu aux fans de la pomme, qui ont aussitôt répliqué avec un dédaigneux mais percutant « Don’t Settle for Cheap Plastic ».
Souvenons-nous que ce n’est pas la première fois que Samsung se paye la tête de l’entreprise californienne. En effet l’année dernière le géant coréen avait déjà créé la surprise en moquant les fanatiques d’Apple capables de faire la queue pendant des heures pour la sortie du nouvel iPhone alors que « the next big thing », le Samsung Galaxy S2 était déjà là. La vidéo raille le stéréotype du Apple-maniac avec humour et est ponctuée de dialogues savoureux tels que : « I am too creative for Samsung » « Dude you’re a barista ! ».

Cette campagne n’est pas sans rappeler les anciennes publicités Macintosh où la firme prenait un malin plaisir à ridiculiser les utilisateurs de PC considérés comme des ringards.  Le géant californien occupait alors le rôle du trouble fête qui venait embêter Microsoft sur son terrain de jeu. La tendance se serait-elle inversée ?
En effet, Samsung semblerait profiter d’une lassitude de plus en plus grande qui se traduit par un florilège de vidéos satiriques sur la toile. On y trouve les fausses publicités promotionnelles qui vantent le peu d’innovations apportées au nouvel iPhone ou encore une petite vidéo comme on les aime, dans laquelle l’hologramme de Steve Jobs revient voler la vedette à Tim Cook avec un rap surprise très inspiré.

Impossible également de passer à coté du micro-trottoir où les équipes de Jimmy Kimmel interrogent les passants sur les améliorations de l’iPhone 5. Peu importe que le prétendu iPhone 5 soit en fait l’ancien iPhone 4, les personnes interrogées le trouvent déjà « revolutionary ». Dans un autre registre, on trouve aussi les vidéos « Shit Apple Fanatics Say » dans la lignée des « Shit Girls Say » qui regroupent les perles des amoureux de la pomme. Un exercice auquel s’était déjà essayé Norman il y a quelques mois.
http://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/saurez-vous-reconnaitre-liphone-5/
Difficile cependant de dire que la folie Apple commence à s’essouffler, surtout quand on connaît l’engagement des fans lorsqu’il s’agit de se mobiliser pour défendre leurs produits préférés. Ce sont eux qui ont organisé la riposte de la marque face à Samsung par exemple. Ce sont encore eux qui ont alimenté le buzz autour de la sortie de l’iPhone 5 en relayant rumeurs et fuites. Apple mise beaucoup sur ses fans et sur un effet de viralité pour chacune de ses annonces. En effet la firme californienne raffole des informations lâchées au compte-goutte, capables de provoquer des petits séismes sur la toile en un temps record.
Une stratégie payante pour la marque puisqu’elle dépense relativement peu d’argent pour promouvoir ses produits. 509 millions depuis 5 ans, ce qui équivaut à la somme dépensée par Samsung pour son Galaxy S3 uniquement. De plus le succès semble lui aussi toujours au rendez-vous. Avec deux millions d’iPhones pré-commandés en moins de 24h, l’Apple mania a encore de beaux jours devant elle.
 
Pauline Legrand

Com & Société

Rendez-nous Heidi !

 
Klum et consorts pourraient bien réintégrer les pages du magazine féminin allemand Brigitte, alors qu’elles avaient pourtant été déclarées persona non grata par la rédaction il y a maintenant trois ans, annonçant alors le règne tant attendu de la fille normale sur les couvertures de magazine. Un état de grâce qui n’aura pas duré…
Revanche de la girl next door sur la cover girl
Pourtant c’était une petite révolution qu’avait lancé Brigitte en systématisant le recours aux « femmes de la rue » pour remplacer tous les mannequins dans leur publication. Et on aurait pu croire à un succès phénoménal pour ce magazine qui était le premier à répondre a ce qui semblait être une demande de plus en plus pressante de la part du lectorat féminin. A l’époque, la rédactrice en chef du magazine déclarait que «Les leçons de style n’étaient plus l’apanage des designers. Tout comme les mannequins ne sont plus les seules à incarner l’idéal de la beauté. »
Depuis quelques années, un discours de plus en plus prégnant s’est développé pour dénoncer l’inadéquation totale entre ces « modèles » qui peuplent nos magazines et des lectrices en mal d’identification. Pis, si l’on a reproché pendant longtemps au top leurs mensurations de rêves, installant un sentiment de frustration mêlé à un soupçon d’envie bien connue chez la lectrice de féminins, le débat a pris une tournure plus essentielle quand les mannequins se sont faits de plus en plus décharnés, et que la dimension onirique a laissé place à celle, plus pragmatique, de la santé.
Bref, cette nouvelle politique éditoriale avait tous les ingrédients pour faire un hit ; l’éclectisme, la représentativité et le rêve réhabilité. Voilà pourquoi on aurait pu aisément prévoir un avenir radieux à ce féminin embrassant les préoccupations premières de ses lectrices et pour qui la force principale était d’être unique en son genre.
Au royaume de la demi-mesure, où le blabla est roi
Mais cela, c’était sans compter cette légendaire hypocrisie qui caractérise si souvent ce milieu. Car la girl next door allemande avait plus l’air normé que normal : chassez le naturel, il revient au galop et les plaintes des lectrices se sont multipliées en voyant des femmes aux mensurations proches des canons standards réinvestir leur chère Brigitte.
Ce cas n’est pas sans rappeler un autre exemple où la langue de bois est manifeste et qui pourrait quasiment constituer un sujet de mémoire tant elle s’inscrit dans un rapport particulier : les rondes et le féminin (entendre le magazine).
Car on en est presque à se demander de qui les rédacteurs se moquent, prétendant partout que les mentalités évoluent et que le milieu change, brandissant à envie leur –unique- numéro « Spécial Rondes » comme leur BA de l’année.
Et au grand Karl de se muer prophète…
Alors voilà, les ventes ont baissé, pas les coûts : car la fille normale c’est un peu un boulet pour le féminin : elle peine à poser (et oui, son manque de professionnalisme –prévisible- se paye cher), sans compter qu’elle n’a pas d’agent (et que le mannequin de rue, et bien, ça ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval) et résultat c’est Brigitte qui paye sa grande mansuétude et fait, finalement, machine arrière…
Finalement c’est Karl qu’on aurait dû écouter dès le début, car lui, l’échec de Brigitte, il l’avait prévu puisque selon lui : « Le corps « mode » aujourd’hui, c’est une silhouette faite au moule, d’une étroitesse incroyable, avec des bras et des jambes interminables, un cou très long et une très petite tête. Il ne faut pas avoir d’os trop larges. Il y a de choses qu’on ne peut pas raboter. ».
Si c’est ça la mode, alors … !
 
Marie Latirre

Archives

Jacques a dit qu'il s'était fait prendre, lui aussi…

 
Eh oui, comme tout un chacun, Jacques a lu et vu pendant des jours les réactions concernant la une de Libération. Jacques s’est indigné ou a souri selon les cas, mais il ne pouvait pas y échapper : la vague médiatique a déferlé tel un cheval au galop, engloutissant pour un temps guerre en Syrie, crise de l’europe et incendie meurtrier à Saint Denis.
Le 10 Septembre, Libération présente en une la photo de Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe LVMH, paraphée de la fameuse formule « Casse-toi riche con », déformation de la formule « Casse-toi pauvre con » prononcée par l’ancien Président de la République en 2008. A la source, une rumeur selon laquelle Mr Arnault souhaiterait se faire naturaliser belge afin d’échapper à la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million d’euros, mesure prise par l’actuel Président.
Pas d’inquiétude, cet article ne prendra aucune part au débat qui divise politiques et médias sur le bien-fondé de cette une, les réactions des internautes ou la décision finale de Mr Arnault. L’intérêt est ailleurs, car en réponse à la décision du Président de LVMH d’attaquer le quotidien en justice, Libération a répondu par une autre une le lendemain, bien plus intéressante d’un point de vue sémiotique.
Au premier abord, rien d’étrange sur cette première page : une accroche polémique (qui reprend une fois encore une phrase de l’ex Président de la République), une photo en couleurs reprenant le sigle d’une grande marque de luxe, le logo habituel… Violet ?
Eh oui, violet. Le fameux logo rouge, identitaire du journal, ne se retrouve que sur la tranche comme pour dire « oui, c’est bien le bon journal, vous ne vous êtes pas trompé ». Interloqué, le lecteur saisit alors la première page, la tourne et que voit-il? Un procédé typique des journaux gratuits tels 20 Minutes ou Direct Matin, qui consiste à utiliser la première page comme support publicitaire de choix pour les annonceurs pour ne mettre la « vraie » une qu’en page 3. Typique de certains journaux, bien moins typique de Libération ! Même si le quotidien nous a habitué à des premières pages recherchées qui font partie de ses marques identitaires.
Ce système a permis plusieurs résultats positifs pour le quotidien. Il a d’abord attiré le regard sur le journal par le biais de la couleur du logo (reprenant la couleur du diamant qui surmonte la bague sur la photo), piquant la curiosité des lecteurs non initiés aussi bien que des abonnés. Cette couleur reste d’ailleurs la dominante dans les quatre pages publicitaires qui composent cette « fausse une », tandis que le rouge reprend sa place à partir de la « vraie une », en troisième page.
Voici donc un deuxième effet positif, car la « fausse une » a également permis au quotidien de réaliser trois pages pleines de publicité envers les enseignes du groupe LVMH, pour le plus grand plaisir des annonceurs mais aussi du service financier du journal. Quoi de plus attirant qu’un espace publicitaire inédit, qui attirera le regard des lecteurs, pour vendre les marques LVMH ? Une publicité tout aussi intéressante pour Libération, qui réalise un coup marketing tout en conservant sa position éditoriale d’opposition grâce à la phrase d’accroche. Cela montre aussi combien les journaux ont toujours été et sont encore aujourd’hui dépendants du bon vouloir des annonceurs pour survivre, et notamment du domaine du luxe qui est parmi les seuls en croissance malgré la crise.
Enfin, l’idée de « buzz » polémique suscité par la une de la veille est partiellement gardée même dans la une publicitaire par le biais de la photo, où l’on pourrait confondre le S avec le sigle dollar et le Y avec celui du yen, renvoyant encore une fois à l’argent de Bernard Arnault.
Cette double une en a certainement étonné plus d’un, en bien ou en mal, et a permis une jolie polémique sur les réseaux sociaux et la blogosphère. Vous vous êtes fait avoir? Eh bien Jacques aussi s’est laissé prendre…
 
Héloïse Hamard

Société

150 € l'exemple

 
Si je vous dis « Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet », vous répondez, à juste titre : « Hadopi ! ».
Bien joué !
HADOPI a pour mission principale d’encourager l’offre d’œuvres légales sur Internet [i] et de lutter contre le « piratage ». Lorsqu’un voleur est repéré, il reçoit un courrier. S’il persiste dans cette pratique six mois plus tard, il reçoit un mail et une lettre recommandée. Enfin, si six mois après le malfrat fait encore le malin, il est convoqué par la Commission de Protection des Droits, qui décide ou non de porter le dossier devant la Justice.
La semaine dernière, un dangereux conspirateur de 39 ans a reçu une amende de 150 € pour avoir téléchargé illégalement deux titres de Rihanna sur son ordinateur. C’est la première personne condamnée pour téléchargement illégal depuis la mise en place du dispositif HADOPI en 2010. 150 € et un mal de tête causé par Rihanna, c’est beaucoup !
Faire fonctionner HADOPI, c’est cher. En apparence, ce n’est pas très efficace, puisque seulement 150 € rapportés à l’Etat en 2 ans, c’est un faible rendement. Mais pour sauver l’industrie musicale, qui souffre depuis l’avènement du numérique, force est de constater que ce « flicage » sur Internet et la peur qu’il induit chez les internautes-mélomanes-qui-ne-paient-pas-pour-ce-qu’ils-écoutent a des répercussions : en trois ans, le peer-to-peer a chuté de 35 %.
Au moment où Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication, annonce que le projet de CNM [ii] ne verra pas le jour pour des raisons économiques, on a tout lieu de penser que l’application de cette première sanction est faite pour effrayer les internautes qui pensent que les mailles du filet d’HADOPI sont trop larges pour eux.
En ces temps où tant de bonnes sorties musicales approchent, nous espérons que vous ne serez pas la deuxième personne à recevoir une amende pour non-respect des droits d’auteurs sur Internet…

Thomas Millard
Plus d’information sur ce thème :

Les propos de Filippetti sur la Hadopi créent des tensions avec la filière musicale (http://www.lemonde.fr/technologies.html)

Hadopi : un premier internaute condamné (http://www.lefigaro.fr/hightech.php)

[i] http://www.hadopi.fr/hadopi-pro/labellisation-de-loffre-legale/presentation-de-la-procedure

[ii] Le Centre National de la Musique aurait eu pour but de fédérer et de soutenir la filière musicale sur le modèle du CNC (Centre National du Cinéma)

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Edito

Penser la déconnexion ou ramer

 
Plus de 60% des français ont « envie de se déconnecter », c’est une des conclusions d’une étude réalisée par Metrix Lab pour Havas Media ce mois. Cela a fait du bruit. Stratégies a notamment titré cette semaine : « la France des déconnectés », expliquant : « à la précédente fracture numérique est en train de substituer un fossé entre les surconnectés est les déconnectés volontaires. » Si raisonner en typologies est souvent intéressant, ce ne nous semble cependant pas être la méthode idoine ici.
En effet, quand plus d’un français sur deux exprime la même peur ou la même envie sans que cela ait été vu auparavant, il s’agit certainement de s’interroger de manière différente, et donc d’admettre qu’il y a sans doute un problème plus large et général avec Internet. La même enquête MetrixLab informe en effet que 74,8 % de ceux qui se déconnectent le font « car ils se trouvent trop sollicités, reçoivent trop de messages, de publicités ». Cette donnée nous semble être particulièrement intéressante. Qui, en effet, ne s’est jamais senti épuisé, ou du moins fatigué, face à la déferlante d’information et de sollicitations sur la toile ? Personne, ou presque, probablement.
Les communicants et publicitaires ne sont évidement pas seuls en cause, les phénomènes de saturation se produisant très bien sans eux, sur les réseaux sociaux notamment. Toutefois, ils doivent désormais s’efforcer de la jouer fine s’ils veulent marquer des points. C’est d’ailleurs une des conclusions de Dominique Delport, PDG de Havas Media France, qui préconise une communication digitale « subtile et travaillée » pour rattraper les déconnectés volontaires. En fait, ce conseil est probablement valable pour la quasi-totalité des internautes, les déconnectés volontaires étant sans doute des pionniers, dont la réaction exprime un malaise largement ressenti, ce que tend à prouver le chiffre, déjà mentionné ci-dessus, de 60 % de français envisageant de se déconnecter.
Internet et le Web sont très jeunes, les réseaux sociaux le sont encore plus. Tout est à apprendre et tout y évolue sans cesse. Les hommes et femmes politiques le savent d’ailleurs bien. Ils se souviennent du lynchage de Frédéric Lefebvre à son arrivée sur Twitter, ou des difficultés de Cécile Duflot à construire un positionnement adéquat sur le même réseau social à ses débuts au Ministère de l’Égalité des territoires et du Logement. Il s’agit donc d’admettre en premier lieu toute la difficulté de la réussite d’une communication digitale, tant du point de vue de l’émission que de la réception. Si Internet et le Web sont des outils très excitants, il est aussi tout à fait possible d’y gâcher son temps, son argent, voire sa réputation.
D’où l’intérêt de la recherche et de l’enseignement en communication. Loin des faiseurs de How-to books en tous genres, les chercheurs tentent d’appréhender les phénomènes de communication dans toute leur complexité, notamment sur Internet. C’est clairement la seule voie crédible dans ce métier, comme dans beaucoup d’autres. Si l’on imagine mal un ingénieur ou un médecin se montrer compétent et digne de confiance sans un bagage théorique solide et une mise à jour fréquente de ses connaissances, on a également du mal à penser qu’un communicant puisse réussir durablement s’il se contente de courir après les concepts à la mode, sans connaissances ni véritable compréhension de son métier.
Cette connaissance et cette compréhension font bien voir leur nécessité dans un cas comme celui de la déconnection volontaire des internautes. Alors que sont chantées depuis plusieurs années les louanges du numérique, que l’on annonce une révolution de la communication et du marketing toutes les deux semaines, et que certains font fleurir des concepts à une vitesse inversement proportionnelle à la densité de leurs réflexions, on se trouve soudain face à un problème qui renverse le tout et rend inévitable un vrai travail intellectuel. Seuls ceux qui seront en mesure de le faire, c’est-à-dire d’affronter la complexité des choses, seront en mesure d’apporter les réponses adéquates. Les autres ? Ils peuvent d’ores et déjà se mettre en quête d’un canot de sauvetage.
Romain Pédron
 

Société

JO de Londres 2012 : la communication maîtrisée des athlètes français – L’exemple Teddy Riner

 
Cette photo restera sans doute gravée dans les mémoires comme l’un des emblèmes des JO de Londres 2012. Teddy Riner, maître incontesté du judo français, rouleur-compresseur de plus de 100Kg auquel rien ne résiste. Une image, un symbole.
Mais cette photo est aussi l’illustration de la communication sans faille des athlètes français durant ces JO. Dès le début du mois de juillet, rien n’a transpiré de la part des sportifs, focalisés sur leur entraînement. Durant les trois semaines d’euphorie londonienne, les images diffusées sont celles des chaînes de télévision possédant les droits de retransmission des jeux. Vous l’aurez remarqué alors : impossible de trouver des vidéos amateurs sur Youtube ou Dailymotion. Néanmoins, qui n’a pas remarqué le comportement exemplaire, sportif, éthique, moralement sans erreur des  athlètes tricolores ? Quand les Chinois sont accusés de tricherie et les Anglais de favoritisme, un calme absolu règne dans le service « communication de crise » du stand français. Alléluia !
Pour illustrer ce propos, prenons un exemple, au hasard Teddy Riner.
Teddy Riner, 23 ans, originaire de Guadeloupe, quintuple champion du monde de judo dans la catégorie poids lourds, champion d’Europe, médaillé de bronze à Pékin en 2008, et élève à Sciences Po Paris. La tête et les jambes : un exemple de réussite « à la Française ».
Depuis 2008, il clame haut et fort son désir de revanche, sa volonté inébranlable de domination du podium. Il devient un des sportifs français les plus attendus de ces jeux. Le 3 août 2012, il est là. A 10h30, il apparaît sur France 2. Côté internet, c’est « un de ses amis proches » (termes utilisés par l’utilisateur) qui prend le contrôle de sa page Facebook pour commenter les exploits du champion. Et c’est parti pour une journée de combats, d’adrénaline, de commentaires (plus ou moins pertinents), de soutien, de posts, de cris, de larmes, entrecoupés de pages de publicité. Parlons-en de ces pages de publicités. Fin du premier combat de Teddy Riner. Jingle de France 2. Et là, Teddy réapparaît et exécute une prise de judo. Reprise des hostilités ? Que nenni ! L’athlète s’empare d’une bouteille au contenu d’un bleu suspect et s’en abreuve avant de la passer à un autre olympien. Powerade se positionne comme « la boisson pour le sport officielle des Jeux Olympiques de Londres 2012 ». Et participe par-là à la construction de l’image des athlètes qu’elle emploie. Teddy Riner, omniprésent dans et en dehors des tatamis. Dans les intervalles entre les combats sont aussi glissés des reportages sur l’intéressé : sa vie, son œuvre ? Presque ! La vision qu’en a son entourage : son entraîneur, ses camarades de douleur (surtout pour eux la douleur apparemment !), sa famille. Focus est fait sur les réactions de sa maman durant les premiers combats : entre joie et fébrilité, on tente de faire oublier qu’il manque pour l’instant les sentiments du judoka. A l’issue (heureuse, bien sûr) de la finale, c’est (enfin) la relâche pour Teddy Riner : embrassades, autographes, interviews, photos. Les médias s’en donnent à cœur joie et le sportif n’est pas en reste. En effet, dans sa tactique cette année, le jeu avec le public et les médias, dont il est si friand, n’est pas au programme. Rigueur et sobriété sont les maîtres-mots. Ils le sont tout autant pour son entraînement que pour  sa communication tout au long de ces semaines londoniennes. Et il en est de même pour l’immense majorité des athlètes français. Alors, hasard, mise au point ou requête de la commission olympique ?
Quoiqu’il en soit, cette communication à l’unisson des sportifs tricolores sera unanimement remarquée. Une communication contrôlée, qui recentre les sportifs sur leur discipline. Une communication qui cadre parfaitement avec les attentes post-coupe du monde de football. Une communication adaptée au contexte socio-économique actuel. Maîtrisée, vous disiez ?
(1) Pour plus d’informations sur les liens entre le CIO et les réseaux sociaux :
(2) Pour information, Teddy Riner fêtera son titre olympique à Levallois le 8 septembre prochain
 
Julie Escurignan