Michaël Llodra
Flops

Double faute

 
Le sport est, on le sait, un élément culturel qui est symbole de valeurs, et ce sous toutes ses formes, collectives ou individuelles. Parmi les sports les plus « nobles » qui existent, le tennis culmine en tête. On recense près de 30 millions de pratiquants licenciés rien qu’en Europe, et les tournois du Grand Chelem font partis des grands événements sportifs annuels, mobilisant des millions de téléspectateurs chaque année.
Mais malgré l’atmosphère classieuse qui enveloppe le monde très fermé des tennismen professionnels, nous assistons de temps en temps à quelques petits débordements, qui nous rappellent à chaque fois que rien ni personne n’est à l’abri de la « boulette ».
Dernièrement, c’est le français Michaël Llodra qui en a fait les frais. Lors de son match dimanche contre Ernests Gulbis durant le tournoi d’Indian Wells, il s’est laissé emporter face à la pression et s’est calmé les nerfs verbalement sur un groupe de supporters chinois, lâchant un assez indélicat « fucking chinese » à leur encontre. Un journaliste présent a immédiatement tweeté l’événement, et le pouvoir de viralité de Twitter a fait le reste. L’info s’est répandue comme une trainée de poudre, et en récompense, le joueur français a gagné une amende de 2500 dollars pour « abus verbal » et « obscénité audible », ainsi qu’un sale coup à sa réputation.
Evidemment, face à ce torrent de protestation, Llodra a décidé de réagir. Il a rencontré un journaliste chinois afin de présenter ses excuses, mais aussi beaucoup plus. En effet, Michaël Llodra a justifié ses propos d’une manière pour le moins inhabituelle. Il aurait déclaré ceci au journaliste : «Mes mots n’étaient pas contre la Chine. J’aime les Chinois. Je pourrais tout à fait faire l’amour à une Chinoise.» Ces propos, rapportés par le New York Times, ne ressemblent pas vraiment à ce que les personnalités sportives ont l’habitude de dire lorsqu’ils se retrouvent dans des situations similaires. Car si l’affaire Llodra est à suivre, ce n’est pas la première fois qu’un joueur dérape en plein match, sous l’œil et les oreilles des médias.
Cet incident n’est pas sans rappeler la mésaventure de Joachim Noah, fils de Yannick, lors d’un match qu’il disputait avec les Chicago Bulls en mai 2011, il y a un peu moins d’un an. Le joueur français avait été filmé en train de prononcer une insulte homophobe envers un supporter qui avait de toute évidence dû avoir une conversation particulière avec Noah lors de ce match. Celui-ci avait d’ailleurs écopé d’une amende de 50 000 dollars, et s’était excusé auprès de la presse, expliquant, tout comme Llodra, qu’il avait eu cette réaction « dans le feu de l’action ».
Et bien sûr impossible d’oublier le drop-kick légendaire d’Eric Cantona sur un supporter lors d’un match qu’il disputait en 1995 pour Manchester United, alors qu’il était au sommet de sa gloire. S’en était suivi une débâcle journalistique autour du « kung-fu kick » que le joueur avait préféré ignorer, lors d’une conférence de presse où il éclaboussa les journalistes de sa poésie.
Finalement, ces incidents, malgré le mal qu’ils causent au sport et aux joueurs qui les causent, montrent bien que malgré la surmédiatisation et le statut d’idole dont ils peuvent jouir parfois, les sportifs restent des êtres humains qui peuvent craquer sous la pression. Toutefois, ce qui les différencie des individus lambda, c’est que lorsqu’ils vont trop loin, tout le monde le sait. Ce doit être la rançon de la gloire.
 
Emilien Roche
Crédits photo : ©Panoramic

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Damien Hirst Requin
Com & Société

Damien Hirst, star des jeux olympiques ?

 
Le Tate Modern, l’emblématique musée d’art moderne de Londres, se prépare à accueillir Damien Hirst pour une rétrospective dans le cadre du London Festival 2012, l’olympiade culturelle qui est le pendant des JO. C’est donc l’enfant terrible de l’art contemporain, comme on aime à l’appeler, qui représentera la créativité façon british. Un choix qui ne fait pas l’unanimité outre-Manche, où l’artiste est souvent critiqué pour son style excessif et son habilité à amasser de grosses sommes d’argent. La presse britannique s’interroge donc. Était-il judicieux de proposer, aux hordes de touristes qui vont envahir la capitale cet été, Damien Hirst, ses crânes de diamants et ses animaux nageant dans le formol ?
Damien Who ?
La légende veut que l’artiste le mieux payé du monde, ait passé sa plus tendre enfance dans un quartier populaire de Leeds. Attiré par l’art, il entre avec difficulté à l’université de Leeds, puis intègre le Goldsmiths College. Au cours de sa deuxième année, il organise une exposition dans un entrepôt, Freeze, qui est restée dans les annales comme l’élément fondateur des Young British Artists, symbolisant le renouveau de l’art moderne en Grande Bretagne. Damien Hirst est alors remarqué par Charles Saatchi, le collectionneur et marchand d’art britannique, qui le soutient financièrement sur ses premiers projets. Naît ainsi « The Physical Impossiblity of Death in The Mind of Someone Living » son œuvre la plus connue qui consiste en un énorme requin plongé dans du formol à l’intérieur d’une cage en verre. L’installation devient le symbole du style Hirst et de l’art moderne anglais en général. Sa carrière est alors lancée.
Le business Hirst
Aujourd’hui il est devenu l’artiste le plus rentable au monde. Selon le Sunday Times, Hirst pèserait plus de 330 millions de dollars. Il est passé du statut d’artiste à celui d’homme d’affaires et n’a besoin de personne pour gérer sa fortune comme il l’a prouvé lors d’une vente aux enchères en 2008 où il a vendu plus de 200 œuvres sans passer par les galeries et les marchands d’art. Une opération qui lui a permis d’empocher plus de 140 millions d’euros. Par ailleurs, l’artiste est aussi adepte des coups marketing et des stratégies de communication bien huilées. Pour son dernier projet Spot Paintings, une série de 300 peintures représentant des rangs de points de couleurs différentes, il investit les onze galeries Gargosian situées un peu partout dans le monde. Damien Hirst va même jusqu’à organiser un jeu concours. Il propose à ceux qui auront visité les onze galeries Gargosian de gagner une de ses œuvres signées à la manière d’une popstar ou d’un Warhol.
C’est donc tout cela qui semble gêner chez Hirst. En effet, il est souvent critiqué pour son côté excessif et ostentatoire, pour sa manière d’occuper sans cesse l’espace médiatique en laissant peu de place à ses camarades. Même son mentor des premières années, Charles Saatchi regrette qu’il préfère faire « du divertissement plutôt que de l’art ». Une critique reprise depuis longtemps par le mouvement Stuckism né en réaction au groupe des Young British Artists avec comme slogan « a dead shark isn’t art » (en référence à l’œuvre de Hirst). De plus, on lui reproche également d’avoir fait appel à des assistants sur Spot Paintings, car cela « l’embêtait profondément » de peindre plus de 3000 points à la main. Tout cela quand il n’est pas tout simplement accusé de plagiat bien sûr.
Mettre à l’honneur Hirst pendant la période des Jeux Olympiques est donc assez discuté. Si on s’accorde pour dire que l’appréciation de son œuvre est plutôt une histoire de goûts et de couleurs, en revanche la presse britannique craint que, du fait de sa renommée mondiale, il éclipse toutes les autres expositions prévues pendant la période des Jeux Olympiques. En effet l’olympiade culturelle a été pensée comme une démonstration de la créativité britannique, profitant de la forte affluence de visiteurs pour proposer des activités culturelles et montrer ce qui se fait de mieux au royaume de sa Majesté. Le fait que le Tate Modern choisisse ce moment pour lancer sa rétrospective sur Damien Hirst peut être vu comme une volonté de faire de l’artiste le symbole de l’art moderne britannique.
Une chose est sûre cependant, que l’on aime ou pas, son exposition s’annonce déjà comme un temps fort de cette olympiade culturelle. Ainsi, laissons donc aux visiteurs le soin de juger par eux-mêmes de la valeur de son art. Les déçus pourront toujours se consoler autre part, pourquoi pas dans le sport après tout.
 
Pauline Legrand

Campagne ADMD pour l'euthanasie avec Sarkozy mars 2012
Société

Une campagne qui fait mourir les candidats à la présidentielle

 
L’euthanasie : voilà un mot qui fait peur, une idée qui fait frémir, un droit contesté. L’euthanasie, c’est le droit de mourir dignement quand il n’y a plus d’autre espoir que la souffrance et l’agonie. L’euthanasie est autorisée légalement en Belgique pour les patients en phase terminale mais elle est tolérée de manière plus ou moins explicite dans de nombreux pays européens tels que le Luxembourg, les Pays-Bas ou encore la Suisse. En France en revanche, l’euthanasie est considérée comme un assassinat, un empoisonnement prémédité passible de la peine de prison à perpétuité ; des textes législatifs élargissent néanmoins les possibilités de cessation de l’acharnement thérapeutique.
Selon un sondage réalisé en 2000, 70% du corps médical français se déclare favorable ou très favorable à l’exception d’euthanasie. Le 24 novembre 2009, les députés français ont cependant rejeté une proposition de loi présentée par le député socialiste Manuel Valls visant à légaliser l’euthanasie dans certaines conditions.
Si la majorité de l’ordre des médecins est prête à tolérer l’euthanasie pour les patients en phase terminale, il semble que les politiciens soient plus difficiles à convaincre. L’euthanasie est un sujet polémique ; l’idée d’autoriser la mort assistée d’un patient est souvent considérée comme amorale et assimilée à la violation de la loi sacrée de la vie humaine. Cependant quand il n’y a plus d’espoir, quand l’agonie se fait longue et douloureuse et que la mort n’est plus qu’une question de temps, le droit de mourir dignement est alors compréhensible.
C’était d’ailleurs le sujet de la dernière émission Sept à Huit au cours de laquelle les journalistes de TF1 recevaient le mari de Marie Deroubaix laquelle, atteinte de plusieurs tumeurs au cerveau, avait pris la décision de se faire euthanasier en Belgique pour éviter de souffrir et de faire souffrir son entourage. Quelques jours avant de s’éteindre, elle avait accordé une interview aux journalistes de TF1 pour expliquer les raisons de son choix : elle voulait ainsi montrer aux gens, et plus particulièrement aux hommes politiques français, les raisons de son choix pour permettre aux gens dans sa situation de bénéficier du droit de mourir dans les meilleures conditions possibles, dans la dignité et avec le soutien de ses proches.
C’est donc un acte militant que Marie Deroubaix a accompli peu avant sa mort. Comme elle, de nombreuses associations militent en faveur de l’euthanasie comme l’ADMD en France ou Dignitas en Suisse.
En période de campagne pour les présidentielles, ces associations tentent le tout pour le tout pour convaincre les hommes politiques de s’intéresser à la question de l’euthanasie et faire des propositions précises. L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité organise d’ailleurs un rassemblement le 24 mars prochain sur la place de la République et encourage les malades à réclamer leur droit à la fin de vie dans la dignité. Comme on peut le lire sur leur site internet « l’ADMD entend obtenir qu’une loi légalisant l’aide active à mourir (euthanasie et auto-délivrance assistée) soit votée par le Parlement, comme le réclament 94 % des Français interrogés par l’institut de sondage Ifop en août 2011 ».
Il y a moins d’une semaine, l’ADMD lançait une campagne publicitaire choc interpelant le président de la République et certains candidats à la présidence de la République (tels que François Bayrou, candidat centriste du Modem et Marine Le Pen, candidate pour le Front National) en les représentant sur leur lit de mort.
« M. le candidat, doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur la question de l’euthanasie ? » demande le message d’accompagnement des affiches publicitaires parues cette semaine dans Les Inrockuptibles.
La campagne choc de l’association cherche avant tout à susciter une réaction de la part des politiques qui délaissent littéralement cette question depuis l’échec de la proposition de loi de 2009. « Même si la population est largement en faveur de nos demandes, ces politiciens continuent de ne pas écouter » affirme Jean-Luc Romero, le président de l’ADMD. La campagne pour la présidentielle apparaît donc comme une opportunité à saisir pour parler de l’euthanasie et tenter de la replacer au cœur des débats.
Cette campagne a été beaucoup critiquée ces derniers jours ; les images ont été qualifiées « d’indignes » par Jean Leonetti, ministre des Affaires européennes et auteur de la loi actuellement en vigueur. De plus, l’absence de François Hollande sur les affiches suscite l’incompréhension et la suspicion d’un favoritisme envers le candidat socialiste.
Suite au lancement de la campagne, le président de l’ADMD convoque les candidats à la présidentielle à une rencontre publique à la fin du mois pour débattre de l’euthanasie. Si François Hollande a récemment affirmé qu’il était favorable à une révision de la loi pour les patients en phase terminale d’une maladie incurable, Nicolas Sarkozy reste quant à lui très ferme sur ces positions.
Quoiqu’il en soit, s’il est incontestable que cette question continue de faire des émules, il paraît peu probable de voir un réel changement dans les mentalités des politiques.
 
 Charlotte Moronval

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ronald mcdonalds sautant en l'air et souriant
Archives

Jacques a dit que Ronald McDonald était mort

 
McDo n’est plus McDo. Très bientôt, lorsque vous pousserez, affamés, les portes battantes de votre fast-food – que dis-je ! – de votre restaurant préféré, il se peut que vous ne soyez plus accueillis par de tièdes odeurs de frites mais par celle du pain chaud ! Sacrilège ?
En effet, McDonald a décidé de lancer le 18 avril prochain son « McBaguette », un sandwich qui se veut bien français. Il sera composé d’une baguette authentique, « à l’ancienne », ainsi que de sauce moutarde forte (clin d’œil à la culture dijonnaise), d’Emmental et de steaks « d’origine européenne » – le tout servi légèrement chaud et croustillant. Vendu pendant 6 semaines à 4€50 dans tous les restaurants de la chaîne, il pourrait être ajouté sur la « carte » en septembre prochain…
Mais ce n’est pas tout : le premier semestre 2012 voit aussi l’arrivée dans 130 McCafés de petites baguettes individuelles pour le petit déjeuner. Accompagnées de leur portion de beurre « fournie par la coopérative d’Isigny » et d’un pot de confiture « fabriqué artisanalement » par un producteur des Pyrénées, elles ont de quoi faire trembler les pancakes au sirop d’érable, les « douceurs » du McMorning…
Le géant du fast-food américain poursuit donc sa mutation, sa francisation, entamée après le saccage José Bové, qui protestait contre la mondialisation. Si la cote de popularité de McDo n’était à l’époque pas bien haute et que ses produits étaient considérés comme de la sous-nourriture (la « malbouffe » dénoncée par le documentaire « Supersize me »), l’introduction des Big Mac au pain complet, puis des macarons, ou encore aujourd’hui du Charolais (« avec pour la première fois un steak de Charolais, mais aussi une tranche d’Emmental français et une délicieuse sauce au poivre ! ») et de leurs sandwich en édition limitée « grandes envies de fromage » au Chèvre, Cantal ou Saint-Nectaire certifiés AOP – bref, tout cela a apporté au temple du burger un peu de prestige. Ce qui n’était pas dans ses ambitions initiales…
McDonald France a pensé ces transformations selon une stratégie d’adaptation aux publics ciblés. La chaîne désirait toucher les consommateurs français, aux habitudes et aux exigences culinaires si particulières. Le défi était donc de modifier l’identité McDo dans les imaginaires – d’amener les Français à créer une nouvelle relation avec leurs McDo.
De remarquables changements furent accomplis dans la décoration : nous sommes passés des fast-food aux restaurants ! Si les chaises et tables faisaient plutôt cheap avant le vaste plan de remise à neuf (prédominance du plastique, couleurs criardes – le fameux rouge/jaune de notre ami Ronald !), elles sont aujourd’hui en bois, et certains fauteuils sont même recouverts de cuir… Par ailleurs, presque chaque restaurant possède désormais son McCafé – le Café, ce monument du patrimoine français, véritable institution. La chaîne ne vient-elle pas grignoter sur la clientèle Starbucks ?
Quoi qu’il en soit, McDo est devenu un lieu de convivialité. On ne vient plus simplement pour se nourrir mais pour manger et boire – voire, osons l’expression, prendre un repas. Si les locaux américains sont marqués par le turn-over des clients, les consommateurs français prennent davantage le temps. Attablés en famille ou avec leurs amis, ils allongent le temps du fast-food, jusqu’à en dénaturer l’essence…
Par ailleurs, un symbole fort a disparu : vous ne l’avez peut être pas consciemment remarqué, mais l’effigie de Ronald n’apparaît plus nulle part – Ronald McDonald est mort ! (Vive McDonald ? …).
Selon Tim Calkins, professeur de marketing, « il représente l’ancien genre de McDonald’s, avec ses aliments à haute teneur en matières grasses, qui sont tombées en quelques sortes en disgrâce ».
McDonald France ne s’adresse ainsi plus aux enfants, qui constituaient jusqu’avant les rénovations une de ses clientèles phare, comme le témoignaient les aires de jeu à boules. Et d’ailleurs, qui donc peut dire quel est le jouet du moment ? Et à quand remontent les dernières publicités télé pour les « Happy Meal » ? 2009. Elles ont été remplacées par des spots épurés mettant en avant la qualité des ingrédients. Le slogan « Venez comme vous êtes » cible de nouveaux profils : les jeunes et les actifs.
McDonald a réussi adapter sa « corporate identity » à la « national identity » – challenge que doivent relever toutes les grandes multinationales. Cependant, et avec l’introduction de cette fameuse « McBaguette », n’arrive-t-on pas aux limites ? McDo France est-il encore McDo – le géant n’a-t-il pas falsifié son identité au point de devenir complètement schizophrène ? Rappelons par ailleurs que le logo McDo France est le seul sur fond vert ; il se distingue par là de tous les autres partout dans le monde. Or le logo n’est-il pas sensé être un marqueur d’identité fort d’une marque ? …
 
Élodie Dureu

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Société

Débats télévisés et présidentielle : quelle incidence du format sur le discours des candidats ?

 
Qui dit campagne présidentielle dit émissions de campagne : « Paroles de Candidat » sur TF1 et « Des paroles et des actes » sur France 2 reçoivent les principaux candidats à la présidentielle. Emissions de prime time, audiences fortes, commentées en live sur Twitter par des milliers de personnes (hashtags : #pdf #dpda). Elles sont des occasions uniques pour les candidats de faire entendre leur « parole » au plus grand nombre.
« Paroles de français » sur TF1, renommée « Paroles de candidat » pour la campagne présidentielle, est une émission où se confrontent des participants soigneusement choisis et un présidentiable. Ce dispositif est l’occasion pour le candidat de rebondir sur de nombreux sujets : agriculture, sécurité, enseignement, etc. Ainsi ce n’est pas Laurence Ferrari qui interviewe réellement le candidat, mais des Français, réduits à une simplicité facilitante pour l’émission : un homme, un problème, un sujet, une solution présentée par le candidat. Des journalistes sont aussi présents pour titiller les présidentiables sur des sujets plus complexes comme l’économie. L’image d’un dialogue simple entre le candidat et les personnes présentes donne à penser au spectateur que celui-ci est proche des problèmes des Français. Il ramène pourtant à une vision un peu populiste de la politique, à savoir que chaque problème personnel est forcément lié à un problème important de la société.
« Des paroles et des actes » sur France 2, présentée par David Pujadas, est une émission « pot-pourri », à la fois entre le talkshow à l’américaine, l’émission d’économie pure et le débat incisif entre journaliste et candidat ou candidat contre candidat. En ce sens, elle semble être un résumé rapide de toutes les épreuves que les candidats ont à passer dans cette campagne. L’aspect talkshow est donné par l’interview du début par la journaliste Nathalie Saint-Cricq : on attaque François Hollande sur son poids, Nicolas Sarkozy sur son « casse-toi pauvre con ». Cela est suivi par le questionnaire économique pointu de François Lenglet, puis par une interview plus institutionnelle avec Fabien Namias. Le présidentiable se retrouve ensuite à débattre avec un contradicteur, avant de reprendre l’émission point par point avec Franz-Olivier Giesbert et Hélène Jouan. En ce sens, c’est un bilan complet pour le candidat : image médiatique, économie, idées sur la politique et les institutions, capacité à débattre. Ce format semble pourtant diviser la politique en strates, rendant parfois difficile la vision d’un projet de société complet de la part des candidats.
Ces émissions très regardées semblent être un passage obligé ou du moins voulu par tous les candidats : c’est le cas d’Eva Joly, dont le porte-parole Sergio Coronado dénonce « la logique sondagière » de France 2 qui n’a pas encore invité la candidate. On peut conclure par le fait qu’il est étonnant de remarquer qu’à l’heure du digital, la télévision semble encore être le principal média de la campagne présidentielle. Il est d’ailleurs le seul à être soumis à des temps de paroles (cf Les images et la spontanéité forcée, Thomas Millard, Asymétrie, December, 5th 2011).
 
Ludivine Preneron
Crédits photo : ©Ladmedia.fr

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affiche Philadelphia pour la st-valentin
Les Fast

Hot le fromage frais !

 
Vous avez aimé le St-Morêt ? Vous adorerez le Philadelphia ! C’est mon cas comme le prouve les cadavres de petites boites ovales dans ma poubelle depuis l’arrivée l’été dernier du fameux fromage américain dans les grandes et moyennes surfaces. Les initiés pouvaient déjà en savourer s’ils étaient prêts à se déplacer jusqu’à la Grande Épicerie du Bon Marché ou dans les épiceries américaines de Paris.
Pour marquer son lancement en France, le fromage au nom d’État américain s’en est remis à l’agence Proximity BBDO qui dès le mois de juin lance une campagne avec Mathilde May :

Puis en octobre, une deuxième vague de spots envahit nos écrans avec les deux chefs Grégory&Romain bien décidés à nous faire découvrir les multiples utilisations du produit. En parallèle le site, l’application smartphone et surtout la page Facebook de la marque proposent continuellement de nouvelles recettes, ainsi que des concours pour les cuisiniers en herbe.
Après avoir ponctué les fêtes de quelques blagues :

La marque abat une nouvelle carte avec l’annonce de la Hotline des Chefs Philadelphia, tous les vendredis du mois de mars :

Comme quoi, même dans la grande distrib’ on se marre bien !
 
Marion Mons
Crédits photo&video : ©Kraft Foods – ©Proximity BBDO

pain dans du plastique
Edito

Au secours, mon boulanger est devenu transparent !

 
Comme tout le monde, l’apprenti communicant fait sa vaisselle, ses courses et son ménage. Légère différence avec tout le monde, la bouteille d’eau de Javel ou l’emballage de son goûter préféré sont susceptibles de l’amener à de longues et fastidieuses méditations. Je passai ainsi pour un être fort étrange ce matin en allant acheter ma baguette de pain quand, au lieu de passer ma commande, je me trouvai éberlué par la vue d’un mitron travaillant au four juste derrière la vendeuse.
Plus précisément, ce n’était pas ce mitron qui était en cause, ni son travail, ni même le four, mais bien autre chose. Tout simplement en fait, je venais de réaliser que la boulangerie en bas de chez moi avait été convertie au culte de la transparence ! Quand on pense transparence, on pense bien sûr  plus facilement à la finance ou la politique qu’à l’artisan du coin. Pourtant, la chose est ici indéniable, mon boulanger est devenu transparent.
D’une certaine manière, ça tombe bien. Ça permet de voir un peu mieux ce qu’est ce fameux concept, comment il circule, fonctionne et surtout dysfonctionne. Par exemple, je vois bien le mitron faire du pain, mais qu’est-ce qui me garantit que c’est bien le pain qui se trouve dans les panières devant moi ? De même, l’ouvrier est propre sur lui, son four a l’air nettoyé, le reste de son matériel aussi, pourtant rien ne me garantit qu’il suit les règles d’hygiène à la lettre et, ça je serais bien incapable de le voir.
Mais, quel est le rapport de tout cela à la communication, pensez-vous peut-être ? C’est justement que tout cela est de la communication. La transparence est un discours, un discours visuel ici, c’est-à-dire une mise en scène. On nous donne à voir le travail de l’artisan et on sous-entend ainsi : « on ne vous cache rien donc vous pouvez avoir confiance. » Problème, on ne peut pas ne rien cacher, il y aurait trop à montrer. Impossible de faire voir la semence de chaque grain de blé, la moisson de chaque épi, la mouture de chaque élément, toutes les étapes du travail du boulanger, etc. La transparence est impossible. Mieux ou pire, elle est un excellent moyen de ne montrer que ce que l’on veut montrer. Si je « joue la transparence » la journée dans mon atelier, il est plus facile d’y faire ce que je veux la nuit, puisque j’ai la confiance de mes consommateurs.
Le déplacement de la transparence vers des univers bien connus et relativement simples nous permet ainsi de comprendre comment elle fonctionne dans des mondes plus complexes. Fantasme de notre temps, peut-être né de la défiance, elle en génère à son tour. On n’a pas confiance en les institutions, alors on leur demande de nous montrer tout ce qu’elles font, mais elles sont incapables (et pas forcément désireuses) de le faire, et la défiance s’en trouve aggravée : « on ne nous dit pas tout ».
Un des défis des communicants de demain, et donc des apprentis communicants d’aujourd’hui, ce sera peut-être d’aider à sortir de la transparence et donc à rétablir la confiance. Sans prêter de pouvoirs magiques à la communication, on peut penser qu’elle aurait sa place dans une telle entreprise. Et, ce ne serait pas simplement l’occasion de se faire belles âmes mais aussi d’éviter de passer pour d’éternels vendeurs de vent.
 
Romain Pédron

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Le site de la campagne l'Odyssée de Cartier pour les 160 ans de la marque
Les Fast

Après Homère, c'est au tour de Cartier

 
Je doute que la belle panthère Cartier ait échappé à votre regard ces derniers jours, se baladant d’écrans en écrans, du web à la télévision… Après deux ans de travail acharné, l’agence Marcel nous offre un film, à l’occasion des 165 ans de la marque, qui peut se vanter d’avoir déjà plus de 2 millions de vues à son actif. Et pour cause ! Une plongée de 3 minutes 30 dans un univers indescriptible, onirique à souhait… « Un vrai bijou de film » ! C’est le cas de le dire. Une pure campagne d’image, institutionnelle, quasi-cinématographique, mettant en scène l’histoire et les valeurs de la marque sous la focale de la création et de l’art. Enjoy !

En soutien au film, l’agence a mis en place un site dédié à l’expérience, ainsi que la possibilité de découvrir le making-of directement sur la page Facebook Cartier.
 
Marion Mons
Crédits photo & vidéo : ©Cartier – ©Marcel

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Flops

L'ORT(AE)F

 
« Un couteau suisse, un objet qui sert à beaucoup de choses mais dont on ne sait pas quelles sont sa fonction première et sa finalité. » C’est en ces termes que Rachid Arhab du CSA a définit l’AEF — qui tient pour Audiovisuel Extérieur Français. Pour faire simple, l’AEF chapeaute les activités des télévisions et radios publiques françaises bénéficiant d’une diffusion internationale.
En 2008, Nicolas Sarkozy avait souhaité donner un coup de fouet à l’ancêtre de l’AEF, France Monde. L’idée était d’inscrire ces différents médias que sont France 24 et RFI détenus à 100% par l’AEF et TV5 Monde dans une stratégie commune afin de leur offrir une réelle visibilité internationale. À la manière de la britannique BBC ou de la montante Al-Jazeera, l’AEF devait permettre à la France d’exister sur la carte des « médias-monde ».
Alors sous la houlette du Ministère des Affaires Étrangères, l’AEF se trouve affublé d’une direction bicéphale composée d’Alain de Pouzilhac au poste de président-directeur général et Christine Ockrent en directrice générale déléguée. Ainsi, petit délice de ce monstre à deux têtes, Bernard Kouchner se retrouve ministre de tutelle de sa femme. Mais une sombre affaire d’espionnage des mails, SMS et documents des dirigeants de France 24 régentée par cette dernière va conduire à sa suspension, laissant Pouzilhac seul aux commandes en mai 2011.
Seul boss à bord, Pouzilhac se retrouve alors les mains libres pour mener sa barque comme il l’entend. Dans son esprit, si l’AEF veut peser, il va falloir intégrer la radio RFI à la chaine de télévision France 24 créant une sorte de double compétence au sein d’un même pôle. Cependant, ce genre de décision ne se décide pas forcément autour d’une tasse de thé à la cafet’ du Quai d’Orsay. Alors une mission parlementaire lancée en février 2011 devait rendre compte de ce projet et des possibles dysfonctionnements attendus.
Ca n’a pas loupé, on se retrouve face à un beau foutoir. En premier lieu, la guéguerre intestine qui a agité l’AEF a salement « terni l’image de la France » selon Pierre Sellal, secrétaire général du Quai d’Orsay. Deuxième tâche d’huile dans le dossier, ce sont les innombrables rallonges que Pouzilhac a quémandées du côté de l’Élysée — 20 millions par-ci, 40 par là, pour une belle ardoise de plus de 100 millions d’euros. Ensuite, léger souci, les deux rapporteurs du dossier, Messieurs Christian Kert (UMP) et Didier Mathus (PS), ne sont absolument pas d’accord sur la suite à donner à la fusion. En effet, alors que Kert se réjouit de celle-ci permettant la réalisation d’une « news factory » d’avenir — combinaison des rédactions radio, Internet et télévision — , Mathus craint une dislocation de RFI au profit de France 24.
Histoire de rendre un rapport un tant soit peu cohérent, les deux députés vont proposer d’un commun accord que TV5 sorte de l’attelage de l’AEF par le biais de France Télévisions, et suggérer une solution mi-chaude mi-froide, où — plutôt qu’une fusion — il s’agirait de simplement renforcer les liens entre RFI et France 24. Ainsi, la fusion entre les deux entités semble plus que compromise puisque le rapport parlementaire est le seul moyen d’acter une telle décision.
Pour le coup, c’est un sacré camouflet pour l’UMP et le désormais candidat Sarkozy qui avait fait de la réforme de l’AEF une mesure phare de son quinquennat. Le résultat se donne à lire clairement, France 24 n’a toujours pas trouvé son aura internationale et la fusion patauge. Ainsi il est fort probable que le dossier n’avancera pas avant les présidentielles, et reste à voir ce que le prochain président décidera de faire.
 
PAL

Com & Société

Les poupées russes

 
Dimanche, dans un climat électrique Vladimir Poutine était élu avec plus de 60% des voix. Une réélection entourée d’une aura de doute : observateurs volontaires escamotés, bancs d’électeurs « volants » allant de bureau de vote en bureau de vote… Autant de ruses tues par le nouveau président qui évoque une élection « ouverte et honnête ». Pourtant toutes les formes de contestation n’ont pas été muselées et cette période électorale a permis le surgissement de nouvelles d’entre elles.
Ainsi, méfiez-vous des apparences : ces « poupées » sont en passe de devenir les figures de proue du mouvement anti-Poutine. Des masques flashy et des robes édulcorées qui n’auront pas empêché la réélection du « père de la nation ».
Poutine ou les nouvelles « poupées russes »
Ces mystérieuses créatures, qui forment le groupe punk « Pussy Riot », ont multiplié les happenings depuis quelques semaines pour dénoncer la politique de Poutine et son retour –annoncé- en tant que président après 4 ans passés à la tête du gouvernement. Un retour assez symbolique puisque, concrètement, l’ancien agent du KGB était toujours resté au pouvoir. Comment ? Grâce à un réel tour de passe-passe : puisque la constitution russe ne permet pas à son président d’enchaîner plus de deux mandats, Dimitri Medvedev a pris l’intérim dans cette vaste pantomime qui laissait le pouvoir aux mains de l’ancien président. Pis encore pour les détracteurs de Poutine, ils devraient souffrir sa présence au Kremlin jusqu’en 2018 en cas de victoire cette année (en 2008, une réforme de la constitution allongeait le mandat du président de 4 à 6 ans) voire 2024 s’il parvenait à briguer sa propre succession, ce qu’il avait déjà fait en 2004. Un horizon bouché qui en agace beaucoup…
Pourtant comme le dit le dicton, « chat échaudé… »
Poutine jouissait d’une popularité confortable jusqu’à ces derniers mois où divers scandales sont venus entacher la candidature de l’ex-président : corruption, fraude (les élections législatives de décembre sont entourées d’un voile de suspicion et ont provoqué moult manifestations), censure… Les maux dont on accuse le candidat sont violents et ont ranimé les forces de contestation des opposants. Opposants à qui on donne des noms, des visages et qui incarnent à l’étranger la figure du « Protester » à l’image du blogueur Alexeï Navalny auteur du blog Navalny et du site Rospil qui dénonce les différents faits de corruption. Cet activisme lui vaut un passage en prison mais participe surtout à donner de la visibilité à son combat relayé par de nombreux médias étrangers comme le site BBC news qui disait à son propos : « He is also arguably the only major opposition figure to emerge in Russia in the past five years. And he owes his political prominence almost exclusively to his activity as blogger »[1]. Cependant, le web n’est pas le seul territoire de la contestation et la rue est investie massivement. Par des manifestants d’abord, qui ont défilé à de nombreuses reprises dans les rues en arborant un ruban blanc, symbole de cette « révolution ».
Et dernièrement par un groupe punk, qui choisit de protester d’une façon atypique mais efficace. Les Pussy Riot c’est un band exclusivement féminin qui pour se faire entendre, a choisi de se produire dans des lieux pas forcément prêts à les accueillir : le toit d’un immeuble à proximité de la prison où était alors détenu Navalny, la Place Rouge et dernièrement  la cathédrale Saint Sauveur où elles ont prié -selon le titre de leur chanson- « Sainte Vierge, chasse Poutine »… Où la prière -punk- comme droit de résistance au « tyran » qu’un Thomas d’Acquin ne renierait pas…
Une balade punk sans conséquence ?
Dimanche soir, sans second tour, Vladimir Poutine était sacré Président de la République russe. Alors, que conclure de toute cette mobilisation ? Du bruit, et rien de plus ?
Certes l’élection de Poutine était annoncée, l’homme contrôlant la plupart des leviers du pouvoir : les médias, les forces de l’armée et les milieux d’affaires. Ce pouvoir ainsi verrouillé ne permettait aucune surprise aux urnes. Pourtant ce déferlement des paroles contestataires n’est pas vain : il trouve des relais efficaces qui consacrent les personnages emblématiques de cette lutte, meilleure façon de cristalliser l’attention sur les leaders de l’opposition et donc, de contrebalancer la parole officielle qui n’hésite pas à négliger cette opposition (Poutine comparait les rubans blancs brandis par les opposants à des préservatifs). Largement fissurée, l’image de Vladimir subit les attaques d’une partie de l’intelligentsia russe, des journalistes et des blogueurs qui n’hésitent pas à braver sur le net la censure et les peines encourues. Une décomplexion de la parole qui aujourd’hui fait mentir les pronostics : si Poutine est élu cette année et pour six ans, la question est maintenant de savoir si l’exploit sera réitéré en 2018.
Les perturbateurs font désormais mentir ceux qui voyaient Poutine rivaliser avec Staline et ses 25 ans au pouvoir.
 
 Marie Latirre
 
Crédits photo: Ksenia Kolesnikova

[1] bbc.co.uk

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