Agora, Com & Société

Le « jeu » du marronnier : parler pour ne rien dire.

Ici nous ne parlons pas d’arbre ni de botanique, mais bien d’un outil journalistique et communicationnel. Il remplit les blancs des planning éditoriaux en période creuse et nous rappelle les évènements incontournables comme la migration saisonnière des grenouilles. Mais plus que de combler des trous, le marronnier va même jusqu’à se transformer en un véritable support publicitaire, comme ce fut le cas lors de la Journée internationale des droits des femmes.
Le marronnier à la rescousse de la page blanche
Késako ? Dans le jargon journalistique, le marronnier est un sujet qui revient de façon cyclique au fil des saisons. Vous ne voyez toujours pas ? Ce sont ces infos sans grand intérêt et ces petites histoires de quartier si bien racontées par Jean-Pierre Pernaut le mercredi midi. Elles reviennent généralement en boucle pour combler le manque d’inspiration des marques et des journalistes lorsque les nouvelles fraîches se font rares. Un peu comme la rentrée des classes, le rush des cadeaux de Noël ou les premiers Marcel en été.

Pour les marques, ces dates chroniques sont devenues des prétextes pour communiquer autour de leurs produits et services en faisant des offres promotionnelles ou du brand content*. Ainsi, à la Saint Valentin c’est l’occasion de communiquer autour de l’amour, des couples et de s’engager pour la cause LGBT tandis que les marques nous rappellent annuellement, lors de la Journée internationale des droits des femmes, que le combat ne fait que commencer pour l’égalité entre les sexes. Cependant, ces dates ne devraient pas être des rendez-vous ponctuels utilisés pour combler des pages blanches ou comme des espaces commerciaux.
Effet mouton et dérapage : alerte à l’originalité !
L’engagement c’est à plein temps, un peu comme les relations de couple vous me direz. Théoriquement, la Saint Valentin n’est pas nécessaire pour prêter attention à son conjoint puisque l’amour c’est tous les jours et pas une fois par an. Enfin, chacun sa vision du couple. Alors pas besoin de périodes creuses pour parler des causes importantes car comme le dit si bien G. Perec dans L’infra-ordinaire, « Les « malaises sociaux » ne sont pas « préoccupants » en période de grève, ils sont intolérables vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours par an ».
Les lecteurs finissent par devoir choisir entre du beurre et de la margarine puisque les médias et les marques parlent de la même chose au même moment. En voulant attirer les consommateurs par la publication de contenu en phase avec le calendrier, les marques deviennent invisibles dans le flot continu d’opérations et de campagnes dédiées. Les consommateurs finissent par fuir un refrain monotone qu’ils connaissent par cœur. La marque Yves Saint Laurent a essayé – à sa manière – de casser les codes et bien mal lui en a pris. Il faut dire qu’on ne comprend toujours pas à quoi elle pensait lorsque qu’elle a lancé une campagne d’affichage sexiste et archaïque mettant en scène des mannequins filiformes dans des postures plutôt vulgaires et suggestives à la veille de la Journée internationale des droits des femmes. À choisir, c’était peut-être plus judicieux de suivre le mouvement au détriment de la visibilité, en valorisant les femmes comme l’ont fait Nike Women ou Contrex. La marque YSL a donc été immédiatement épinglée sur les réseaux sociaux par le hashtag #YSLRetireTaPubDegradante et a fini par être condamnée par l’ARPP* suite à la réception de 200 plaintes jugeant la campagne comme « dégradante » pour l’image de la femme. Finalement, à vouloir sortir du troupeau on tombe dans le ravin …

« Pas de pub, merci »
Pour certains, le marronnier peut apparaître comme une redondance inévitable et un sujet d’ennui, alors que pour d’autres c’est un problème sérieux qu’il faut régler. Plutôt que de mettre en valeur des grandes causes pendant une journée dédiée, le marronnier contribue à les banaliser jusqu’à alimenter des stéréotypes. Ainsi, Raphaëlle Rémy-Leleu, la porte-parole de l’association Osez le féminisme ! dénonce la commercialisation de la journée internationale des droits de la femme : « La plupart de ces campagnes sont en outre sexistes : les clichés sur les femmes sont un vieux ressort publicitaire et sont encore, malheureusement, largement employés, résultat, on décrédibilise une journée qui est censée servir les droits des femmes. »

Les journalistes, mais surtout les marques ont donc des responsabilités à prendre quant aux contenus qu’ils publient notamment pendant la trêve des confiseurs et doivent s’interroger sur la pertinence d’entretenir un tel système de publication répétitif qui n’attire plus grand monde voire même qui agace le lectorat. S’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, ne dites rien, on ne vous en voudra pas d’alléger notre fil d’actualité.
PS : Merci à Intermarché de ne PAS avoir publié le spot #lamourlamour signé par l’agence Romance le jour de la Saint Valentin. Résultat : une visibilité incomparable et un buzz réussi avec plus de 2,7 millions de vues en moins de deux jours.

Bonus pour briller en société : pourquoi appelle-t-on un marronnier « un marronnier » ?
Flore Voiry
Glossaire
Brand content
Terme anglais qui désigne les contenus éditoriaux qui sont créés ou diffusés par une marque dans une logique de marketing des contenus. Généralement, la marque adopte un discours non commercial, mais informatif, divertissant, engagé ou humoristique pour créer du lien avec les consommateurs et les mener à l’achat.
ARPP ou Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité
Organisme déontologique de régulation visant à promouvoir une publicité saine, véridique et loyale ainsi qu’une communication responsable.
 
Crédits photo
Image 2 : dessin de James via @michel_denisot @instagram
Captures d’écran : Etam, Birchbox, Twitter, affiche STB Le Havre
 
Sources
Marie-Violette Bernard « La Journée des droits des femmes n’est pas une opportunité commerciale » : des marques épinglées pour leurs pubs sexistes francetvinfo.fr http://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/la-journee-des-droits-des-femmes-n-est-pas-uneopportunite-commerciale-quand-les-marques-se-font-epingler-pour-leurs-publicites-sexistes_2085459.html
Rédaction l’EXPRESS.fr « Une publicité Yves Saint Laurent jugée « dégradante » pour les femmes » lexpress.fr http://www.lexpress.fr/actualite/societe/une-publicite-yves-saint-laurent-jugee-degradante-pour-lesfemmes_1886102.html
Rédaction de Midi Libre « Une pub pour Intermarché fait le buzz sur internet » Midilibre.fr http://www.midilibre.fr/2017/03/14/une-pub-pour-intermarche-fait-le-buzz-sur-internet,1478602.php
Philippe Vandel « Pourquoi dans la presse appelle-t-on un marronnier un « marronnier » ? » Les Pourquoi francetvinfo.fr http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/les-pourquoi/pourquoi-dans-la-presse-appelle-t-on-un-marronnierun-marronnier_1791805.html

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Les réseaux sociaux : Narcisse ou le mythe de la modernité.

À l’ère aseptisée des réseaux sociaux, la mise en scène représente-t-elle une recherche de l’esthétisme artistique ou bien s’apparente-t-elle davantage à une dangereuse quête de reconnaissance ?
Si la question se pose aujourd’hui, c’est notamment à cause des plateformes telles que Facebook, Instagram et Twitter. Il apparaît en effet que les utilisateurs de ces réseaux sont prêts à tout pour faire le buzz et ainsi générer ainsi un maximum de « like » de la part des internautes, sur les contenus ou les photos mis en ligne — à tout oui, comme cette jeune modèle russe, Viktoria Odintcova dont les récents exploits ont fait polémique, provoquant à la fois admiration et protestation dans les rangs de ses abonnés.
À la recherche de sensations fortes ?
C’est comme si nous étions dans un épisode de la saison 3 de Black Mirror : la recherche de reconnaissance sur les réseaux sociaux menant à une progressive aliénation du protagoniste principal de l’épisode 1, Nosedive.
En observant les clichés et les vidéos réalisées (vidéos montrant les coulisses du shooting), tout est fait pour donner le vertige. La jeune femme de 22 ans se suspend dans le vide, maintenue seulement par la poigne de son partenaire, le réalisateur Alexander Tikhomirov, à plus de 300 mètres du sol, du haut de la Cayan Tower de Dubaï. Les photos postées sur son compte Instagram sont impressionnantes !

Pourtant un doute subsiste : aucun moyen de sécurité ne semble avoir été mis en place pour gérer un éventuel accident. La top russe se serait-elle livrée à cet exercice dangereux simplement pour … obtenir des « likes » sur ses photos ? Cela semble absurde — et pourtant, avec plus de 3 millions d’abonnés sur son compte Instagram, Viktoria Odintcova est habituée à proposer des contenus appréciés par ses utilisateurs, visant toujours plus à s’attirer les faveurs d’anonymes sur les réseaux sociaux, au point de mettre sa vie (et celle de l’équipe l’encadrant) en danger.

Art for art’s sake ?
Mettre sa vie en danger pour l’amour du « like » : cela en vaut-il la peine ? Car malgré les 111 920 mentions « J’aime » sur cette photo, les commentaires ne sont pas tous tendres. Sur le compte Instagram de la jeune femme, on peut en effet lire : « Representacion grafica de la estupidez humana » (« Représentation explicite de la stupidité humaine »), « This is completely stupid » (« C’est complètement stupide »), ou encore « You shouldn’t do this » (« Tu ne devrais pas faire ça »).
Ces commentaires témoignent de la prise de conscience des internautes face à l’absence de conditions de sécurité lors du shooting. The Cayan Group, propriétaire de la tour, a rapidement annoncé sur son site qu’une procédure serait lancée pour condamner cet acte téméraire. Ces photos font d’autant plus polémique qu’elles font écho à la mort tragique des deux Instagrameurs, Heavy Minds et Siirvgve, respectivement 18 et 25 ans, récemment décédés dans les mêmes circonstances.

Mais si ces deux « explorateurs urbains » trouvaient leur inspiration dans la ville et son environnement, prenant des risques pour mettre leur talent au service de l’art photographique, on peut s’interroger sur les véritables motivations qui ont poussé Viktoria Odintcova à jouer de la sorte avec le danger.
Les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel, et nous ne pouvons, à ce stade, nier le fait que ces outils 2.0 ne feraient en fait qu’exacerber les pulsions narcissiques et l’attrait du danger des individus présents sur ces réseaux.
La tyrannie du « like »
Les photographes et les artistes ont toujours pris des risques. Cela fait partie de ce métier de passionnés. Proust disait de la photographie qu’elle permettait de montrer de combien d’instants éphémères la vie était faite… Le risque en fait partie. Il faut tenter sa chance, comme nous l’explique Larry Fink dans une interview donnée au magazine Time au mois de février, ou comme nous le prouvent au quotidien les reporters photographes en zone de guerre par exemple.
Mais la présence des individus sur les réseaux sociaux, le fait d’être protégé(e) par un écran ne semble en fait qu’accentuer la course au spectaculaire. Il faut fasciner l’utilisateur lambda, le faire rêver, et lui révéler de nouvelles sources d’inspiration. Pouvoir merveilleux et tragique des réseaux sociaux. Je like, tu likes, il/elle like… Foule d’anonymes qui peuvent décider en quelques clics du destin d’un individu et accroître sa soif de reconnaissance. Ou au contraire la tarir. Dans les cours de récréation, les jeunes enfants ont toujours eu recours à des jeux dangereux : le jeu du foulard, le jeu de la tomate (les deux consistants en des jeux dits de non-oxygénation). Mais avec l’apparition des réseaux sociaux, les jeunes (et moins jeunes) sont désormais à la recherche de cet éventuel dernier frisson.
En effet, si des défis comme l’Ice Bucket Challenge (sur le principe de la nomination, il s’agit de se renverser un sceau d’eau glacé sur la tête en se filmant) permettaient de lever des fonds pour la maladie de Charcot, d’autres « jeux » comme l’Ice Salt Challenge (qui consiste à se verser du sel sur la peau puis à y apposer un glaçon, provoquant ainsi des brûlures graves et irrémédiables) ou le Blue Whale Challenge sont au contraire de véritables incitations à la violence sur soi. Le dernier, particulièrement morbide, consiste à effectuer une liste de 50 défis dont le niveau de dangerosité ne cesse de croître à mesure que l’on s’approche de la fin. Ainsi, en février, deux adolescentes russes ont été retrouvées mortes des suites de ce défi apparu pour la première fois il y a environ deux ans sur le site Vktontakte.
Un nouvel existentialisme ?
Ces pulsions étaient donc déjà là en nous, et le mythe de Narcisse a depuis les métamorphoses d’Ovide*, traversé les époques. Toutefois, il semble que les réseaux sociaux aient ici un nouveau rôle à jouer. Ils sont devenus non seulement le nouveau miroir dans lequel on ne cesse de contempler notre reflet lissé et retouché par les filtres dans l’intention d’être vu par les autres, dans une sorte de nouveau théâtre de la représentation de soi.
Mais surtout, ils apparaissent comme un nouveau moyen d’affirmation. En postant des photos sur ces sites et, en prenant des risques, on essaie de se démarquer des autres — au lieu de rentrer en communication avec eux — et de prouver peut-être, que l’on mérite cette reconnaissance quel qu’en soit le prix à payer.
Au-delà d’une polémique autour de la sécurité et des dangers d’escalader un building pour se suspendre dans le vide, les clichés de Viktoria Odintcova nous invitent à réfléchir sur ce nouvel existentialisme, souvent dangereux, du début de notre siècle.
Lina Demathieux
Lindekin
@linadmth
*http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/narcisse-mythologie/
Sources :
• Mathieu, « Pour récolter plein de likes sur sa photo, cette Instagrameuse s’est suspendue dans le vide », Journaldubuzz
Paru le 06/03/17 – Consulté le 13/03/17
• Foreign Staff, The moment Russian model Viki Odintsova risks her life in daredevil Dubai photoshoot
Paru le 16/02/17 – Consulté le 13/03/17
• L’EXPRESS.fr, « #Iceandsalt challenge, le nouveau jeu dangereux des ados sur les réseaux sociaux »,
Paru le 31/01/17 – Consulté le 13/03/17
• L’EXPRESS.fr, « Blue Whale challenge, des défis sur les réseaux sociaux qui poussent au suicide »,
Paru le 07/03/2017 – Consulté le 13/03/17
• GHEZLANE-LALA Donnia, « Pour l’amour des « likes », une instagrameuse se suspend dans le vide », Cheese Konkini,
Paru début mars 2017 – Consulté le 13/03/17
Crédits :
Image de couverture : https://www.tv.nu/program/la-mode-2-0-je-poste-donc-je-suis
Image 1 : Photo issue du compte Instagram @viki_odinctova
Image 2 : Photo issue du compte instagram de Siirvgve, Lyon

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Médias et Maison Blanche : fin d’un paradigme ou fin de la liberté de la presse ?

Voilà près d’un mois et demi que Donald Trump a accédé au poste de président du monde libre. Cependant, cette appellation, « monde libre », née durant la Seconde Guerre mondiale et popularisée pendant la Guerre Froide, apparaît aujourd’hui plus désuète que jamais. L’admiration que porte le nouveau président américain pour Vladimir Poutine rend obsolète l’opposition entre monde libre, mené par les États-Unis, et le bloc soviétique. De plus, la liberté que les États-Unis ont toujours prônée et voulu exporter dans un souci d’universalisme, ne semble plus vraiment d’actualité.
Contre-vérités et fake news, mots clés de la vie politique américaine
Tout a commencé le samedi 21 janvier, lors de la première conférence de presse du nouveau porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer. Les médias sont qualifiés par le hautfonctionnaire de « malhonnêtes ». Il les accuse d’avoir relayé des informations fausses à propos du nombre de personnes qui étaient présentes à la cérémonie d’inauguration du président Trump la veille, et décide de ne répondre à aucune question des journalistes. Le 11 janvier, le président-élu avait déjà refusé de prendre une question du journaliste de CNN Jim Acosta, en affirmant qu’il relayait des « fake news », c’est-à-dire des informations fallacieuses.

Ces premières conférences de presse ont scellé la relation déjà complexe entre Donald Trump et les médias américains. En effet, durant sa campagne, celui qui était alors candidat à la présidence entretenait un rapport particulier avec les médias. Il n’a cessé d’affirmer des contre-vérités, dédaignant ainsi les nombreuses tentatives de correction des médias, et dénigrant par là même, leur mission démocratique traditionnelle. En retour, les médias, et notamment la télévision, ont été son meilleur allié, puisqu’à force de couvrir les multiples dérapages de Trump, ils lui ont offert des centaines d’heures de diffusion gratuites.
Un climat de plus en plus tendu entre Trump et les journalistes
Désormais chef de l’exécutif, Trump n’a pas lésiné sur les critiques envers les médias, et se permet d’aller encore plus loin. En effet, ce début de mandat a été secoué par plusieurs scandales déjà, plus ou moins fondés. À chaque fois qu’une affaire sortait dans la presse, Trump s’empressait de la qualifier de « fake news » — comme il l’avait notamment fait pour l’affaire de collaboration et de chantage entre la Russie et l’équipe Trump pendant la campagne.
Plus extrême encore, pour parler des grands médias, la chaîne historique d’informations en continu CNN, le journal New York Times ou encore la chaîne NBC News, le président américain utilise désormais l’expression « failing », soit en déclin, en échec, et les qualifie systématiquement de « fake news media ». Il s’exprime principalement à travers ses tweets, contournant ainsi les canaux traditionnels.

C’est bien là que la présidence de Trump devient dangereuse, et constitue une menace pour la liberté de la presse, et la liberté d’expression en général. En faisant des médias le monstre duquel il faut se détourner, Donald Trump peut obtenir le monopole de la vérité. Il fait de sa parole, la parole d’Evangile. Traditionnellement, dans une démocratie, les médias jouent un rôle de gendarme, ils existent pour rendre public. Kant définit même la démocratie par le principe de « Öffentlichkeit », soit publicité. Ils contrôlent les informations émises par le pouvoir, ou fournissent au public les informations qui pourraient être cachées par le pouvoir. Ils sont les garants de la vérité vérifiée et surtout des libertés d’opinion et d’expression. Dans l’Amérique de Trump, le rôle des médias est nié et même méprisé, dégradé.
Il y a quelques semaines à peine, à l’occasion d’une conférence de presse hebdomadaire à la Maison Blanche, l’administration Trump a interdit l’accès à la salle de presse à certains journalistes, notamment ceux du New York Times, de CNN et du Huffington Post, qui tous ont tendance à vivement critiquer le président américain. La voix qui porte l’opposition a donc été étouffée par le pouvoir exécutif.
La fin d’une époque ?
Le philosophe Achille Mbembe théorise notre temps en affirmant que l’âge de l’humanisme touche à sa fin, pour laisser place au nihilisme, et à l’autoritarisme populiste. Sa vision consiste donc à considérer que l’histoire socio-politique de l’humanité peut être envisagée comme un enchaînement de différents paradigmes. Seulement, cette analyse est-elle satisfaisante ? Peut-on simplement voir les choses en termes de grandes aires, et grandes ères ? Peut-on analyser l’histoire comme un mouvement inexorable qui balance l’humanité entre des époques plus ou moins libertaires ? La fin du paradigme humaniste est-elle une fatalité ?
L’affaiblissement du pouvoir médiatique causé par Trump est une tragédie moderne, mais on ne doit ni ne peut se résigner. Le New York Times a diffusé pour la première fois, durant la pause publicitaire de la cérémonie des Oscars du 26 février 2017, une réclame promouvant le travail journalistique et le fact-checking, qui consiste à s’assurer de la véracité des faits et des informations. De la même manière, le Washington Post prouve sa résistance et sa résilience en adoptant le sous-titre « Democracy Dies in Darkness », soit la démocratie meurt dans l’ombre. Le journal fait ainsi référence à la nécessité du journalisme en tant que garant d’une certaine transparence du pouvoir. Encore plus encourageant, de nombreuses associations de soutien au journalisme se développent, comme le Committee to Protect Journalists qui, après avoir été citée par Meryl Streep lors de son fameux discours des Golden Globes, a connu une forte augmentation de dons.
L’argument de la sortie d’un paradigme peut être destructeur, car il confère une dimension fataliste aux changements que nous sommes en train de vivre. Pourtant, la presse a survécu à bien d’autres crises démocratiques au cours de son histoire. Faible corps médiatique correspond nécessairement à une démocratie faible. C’est à nous de prendre les bonnes mesures et d’adopter les bons réflexes.
Mina Ramos
Sources :
– CILIZZA Chris, Sean Spicer held a press conference. He didn’t take questions. Or tell the whole truth, The Washington Post, publié le 21 janvier 2017, consulté le 1er mars 2017. https://www.washingtonpost.com/news/the-fix/wp/2017/01/21/sean-spicer-held-a-pressconference-he-didnt-take-questions-or-tell-the-wholetruth/?utm_term=.5aea6a1a7ca5
– SILLITO David, How the media created the president, BBC.com, publié le 14 novembre 2016, consulté le 1er mars 2017. http://www.bbc.com/news/entertainment-arts-37952249
– LAVENDER Paige, Donald Trump Refuses to Take A Question From CNN Reporter, Calls Network ‘Fake News’, The Huffington Post, publié le 11 janvier 2017, consulté le 1er mars 2017. http://www.huffingtonpost.com/entry/donald-trump-cnn_us_58765783e4b05b7a465ccc0b
– CALDERONE Michael, Trump White House Bars News Organizations From Press Briefing , The Huffington Post, publié le 24 février 2017, consulté le 1er mars 2017. http://www.huffingtonpost.com/entry/white-house-bars-newsorganizations_us_58b08a76e4b0a8a9b78213ae
– La Documentation française, « Médias et démocratie, La fonction des médias dans la démocratie », http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/libris/3303330403389/3303330403389_EX.pdf
Crédits images :
– Image de Une : Spencer Platt / Getty
– Image 1 : compte Twitter @realDonaldTrump
– Image 2 : compte Twitter @realDonaldTrump

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La publicité pour éduquer Trump

Le 12 Février dernier, John Oliver, présentateur de l’émission politique américaine, Last Week Tonight, fait part d’une idée brillante : « glisser des faits utiles dans [le] menu media »¹ du président des États-Unis.
Comment s’y prend-il ? En rachetant des espaces publicitaires pendant les matinales de Fox News, MSNBC et CNN — des chaînes que Donald Trump semble regarder, d’après son compte Twitter, pour diffuser des infomercials².

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L’affaire Théo : symbole d’une société en rupture

L’affaire Théo est partout, dans le paysage politique, dans tous les médias, sur toutes les lèvres : des policiers, un jeune ordinaire, un quartier dit « sensible », un viol. Cet événement a éveillé de nombreuses polémiques sur la question de la banalisation de la violence policière, sur la chape de plomb qui pesait jusqu’alors sur ces pratiques, mais aussi sur la condition sociale de la jeunesse de ces quartiers. Cet événement a eu diverses résonances, mais a notamment suscité l’indignation générale, caractérisée par des manifestations et des heurts violents. Ainsi, la France s’engage à sa manière derrière ce qu’incarne désormais Théo : une rupture entre les citoyens et la police.
Les Français et la police : la connexion est rompue

Suite aux attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre qui ont profondément bouleversé la France, une réconciliation s’amorçait entre les Français et les forces de l’ordre. Certaines personnes allaient spontanément remercier policiers et gendarmes pour leur dévouement, preuve d’une société désormais unie. Mais alors, où est passée la France de #JesuisCharlie ? Quelques signes de désamour semblaient toutefois poindre à l’horizon, notamment au moment de la loi travail, lorsque de nombreux faits de violence policière ont été recensés à l’encontre des manifestants, et les tensions ont continué de se cristalliser, avec la mort d’Adama Traoré, décédé dans des circonstances troubles suite à son interpellation par les gendarmes. L’affaire Théo, c’est donc une volonté de justice qui marque une rupture franche.
La police et la communication de crise
En plus des faits graves qui se sont déroulés, entachant l’image de respectabilité des forces de l’ordre, la communication de la police et de ses représentants qui en a découlé, a été pour le moins désastreuse : au lieu de montrer le caractère isolé de cet usage injustifié de la violence, la police a tenté de minimiser les faits, notamment par l’intermédiaire de l’IGPN, dont les premières déclarations niaient le viol et lui privilégiaient la thèse de l’accident. Mais personne n’est dupe. Les faits qui sont reprochés sont graves, et les constatations médicales rendent peu probable la thèse avancée. D’ailleurs, la juge en charge de l’affaire a bien retenu le chef d’accusation de viol à l’encontre de l’un des quatre policiers.
À cela vient s’ajouter l’intervention de Luc Poignant, syndicaliste policier, dans C dans l’air le 9 février, où il déclare sans sourciller que « bamboula est à peu près convenable ». Suite à la polémique déclenchée, le policier s’excuse, prétextant « une erreur sémantique ». Rappelons que « bamboula » est un terme aussi méprisant que raciste, apparu au XXème siècle en France pour désigner les tirailleurs sénégalais, et dont l’étymologie vient du mot « ka-mombulon », soit « tambour » dans les langues sarar et bola parlées en Guinée portugaise — l’erreur sémantique semble donc difficile. C’est un mot lourd de sens, lourd d’histoire, mais surtout chargé de haine. Ainsi, les propos de Luc Poignant résonnent comme l’aveu d’une violence verbale devenue ordinaire.


Théo : un symbole social
C’est indéniable : l’affaire Théo rassemble. Elle fédère dans l’indignation, la défiance, mais aussi le rejet du système dont la police est le principal représentant. Ces derniers jours, des heurts ont éclaté à Aulnay-Sous-Bois – ville de résidence de Théo – mais aussi dans d’autres villes comme Argenteuil, les Ulis, Bobigny… Tous réclament la même chose : « justice pour Théo ». On peut voir en cela une forme de solidarité, pour le moins démonstrative et violente. Cela rappelle les évènements de 2005, les émeutes qui avaient agité la France suite à la mort de Zyed et Bouna dans un transformateur électrique, tentant d’échapper aux policiers.
Des faits qui se font écho — mais comment donc expliquer l’embrasement de ces quartiers ? Tout d’abord, y sont pratiqués des contrôles d’identité quotidiens, au cours desquels les débordements sont fréquents de part et d’autre. Ces contrôles sont souvent montrés du doigt car prétendument basés sur des critères discriminatoires. Et comme le dit Sébastian Roché, sociologue de la délinquance et auteur de De la police en démocratie, « ce sentiment d’être ciblé est constitutif d’une défiance vis-à-vis des autorités. Ces personnes systématiquement visées à cause de leur couleur de peau ou en raison de critères socio- économiques ont le sentiment d’être des citoyens de seconde zone. »

Cette idée de stigmatisation semble donc être la clé pour comprendre ce qui se déroule aujourd’hui : les jeunes des quartiers s’identifient à Théo en tant que « jeunes de banlieues ». L’existence même de ce terme générique de « jeunesse de banlieue », ou de la version plus péjorative « banlieusards », constitue une forme de marginalisation et de stigmatisation sociale, mais aussi de délimitation géographico-sociale, dont la frontière semble être le périphérique. D’ailleurs, la localisation semble particulièrement importante, puisque dès la médiatisation de l’affaire, la ville d’origine de Théo faisait la une de tous les journaux. Ainsi, le fait d’habiter en banlieue, lieu infraordinairement associé à la violence quotidienne, « diminuerait »-t-il la gravité de tels actes ?
Dans le cas de Théo, « je ne pense pas que les choses se seraient déroulées de la même manière si on avait été avenue de l’Opéra », s’inquiète le député PS Daniel Goldberg, qui se demande si le maintien de l’ordre dans les quartiers est « toujours républicain ». Aussi, les méthodes employées par la police pour les contrôles seraient différentes selon les lieux et cela ne serait, toujours d’après l’interview de Luc Poignant, qu’une « juste réponse de la police envers une population hostile à leur égard ». C’est la loi du Talion.
En mesure d’apaisement, le Président lui-même se déplace pour rencontrer Théo, des propositions de lois sont faites, notamment pour la « caméra-piétonne », une Gopro portée par les policiers lors des contrôles. Cela semble bien maigre pour tenter d’apaiser la flamme qui s’est allumée dans le cœur de la jeunesse des quartiers, et qu’un slogan semble rassembler : « Tout le monde déteste la police ».
Ces slogans, ces heurts et ces manifestations semblent relever de la fonction expressive d’un langage verbal et non verbal, témoignant d’une émotion sincère à mi-chemin entre révolte et indignation, mais aussi symptôme d’une crise sociale, crise que Théo semble incarner, un peu malgré lui.
Lucille Gaudel
Sources :
• Julia PASCUAL, Le Monde, « Violences policières : un rapport dénonce un risque d’impunité des forces de l’ordre », 13/03/2016, consulté le 11/02/2017
• Blandine LE CAIN, Le Figaro, « Affaire Théo : la police des polices privilégie la thèse de l’accident plutôt que celle du viol », 9/02/2017, consulté le 12/02/2017
• Frantz VAILLANT, TV5 Monde, « Bougnoul, fatma, youpin, négro : l’ADN des mots racistes révélé », 8/01/2016, consulté le 11/02/2017
Crédits  :
• Régis Duvignau, Reuters
• Julien MATTIA, AFP
• Patrick Kovarik, AFP

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Superbowl 2017, quand la politique s'invite au stade

Le Superbowl est un des évènements sportifs les plus importants de la planète qui a réuni cette année, plus de cent millions de téléspectateurs. Ï les annonceurs, c’est l’occasion de réaliser le coup marketing de l’année. Afin de capter l’attention des téléspectateurs, de plus en plus las des formats classiques, la publicité devient un spectacle à part entière.
Mais puisque pertinence publicitaire rime souvent avec actualité médiatique, certaines marques n’ont pas hésité à profiter de la couverture médiatique pour exprimer leur positionnement anti-Trump. Ce qui — ne le nions pas — leur offre à leur tour, un rayonnement international. Parmi les sujets très controversés sont revenus le projet de construction d’un mur à la frontière mexicaine, mais aussi le « muslim ban », décret interdisant l’entrée sur le territoire de ressortissants de certains pays arabes. Si celui-ci a été rejeté par la justice, il en dit long sur la couleur que Trump donnera à son mandat. Le traditionnel show de mi-temps, assuré par Lady Gaga, s’avère après analyse, beaucoup plus politisé qu’il n’en a l’air.
Des publicités aux messages forts
La publicité de 84 Lumbard, fabricant de bois de construction, a certainement délivré le message le plus limpide. Une mère et sa fille traversent le Mexique pour se retrouver face à un mur infranchissable en arrivant à la frontière des États-Unis. Elles trouvent finalement une porte leur permettant d’entrer. Puis, « la volonté de réussir est toujours la bienvenue ici » s’affiche à l’écran. La référence à la construction du mur est si évidente que Fox News, la chaîne diffusant le match et ayant ouvertement soutenu Trump durant la campagne, a demandé à l’annonceur de supprimer la fin du film comprenant le mur. Une censure en partie détournée par l’invitation à voir la suite de la publicité sur leur site internet, qui a rapidement saturé.

84 Lumbard s’est défendu d’encourager l’immigration illégale. Rob Shapiro de la Direction client de Brunner, l’agence à la tête de cette campagne déclare à ce sujet : « il n’était pas possible d’ignorer ce mur et les débats sur l’immigration qui se tiennent dans les médias et dans tous les foyers américains. Alors que tous les autres tentent d’éviter la polémique, n’est-il pas temps pour les marques de défendre ce en quoi elles croient ? ».
Airbnb, Expedia ou encore Budweiser ont eux aussi diffusé des spots attaquant directement la politique anti-immigration de Trump et ventant les bénéfices de celle-ci sur l’économie et la société.

La publicité politisée s’appuie sur le discours d’information objectivé par les pratiques journalistiques de la société. En l’occurrence, l’opposition à la politique controversée de Trump est largement relayée dans les journaux du monde entier. Défendre « ce en quoi les marques croient » correspond à une stratégie de communication qui reflète l’état d’esprit d’une partie de la société. Pour Patrick Charaudeau, professeur à l’Université Paris XIII et chercheur au CNRS, tous ces savoirs qui constituent la source des références faites dans la publicité, correspondent à une « représentation rationalisée sur l’existence des êtres et des phénomènes sensibles du monde ». Ce type de discours s’apparente aussi à un discours politique dans la promesse d’un bien-être prochain, l’idée d’une cause commune, où le pouvoir d’achat remplace le vote. Il rompt en outre, avec la vision d’un discours publicitaire déconnecté de la société.
Le show de Lady Gaga, une référence cachée aux scandales de Trump père?

Le spectacle de Lady Gaga avait tout ce qu’on attendait de la mi-temps du Superbowl. La scène montée en un temps record donnait l’impression d’être en plein milieu d’un de ses concerts. La chanteuse a toujours revendiqué son soutien à la communauté LGBT et son opposition à Donald Trump. Ainsi, beaucoup espéraient quelques mots à ce sujet durant son spectacle. Mais, comme elle l’avait annoncé, aucune allusion directe au Président n’a été faite, à part peut-être le jet de micro à la fin du concert, rappelant celui de Barack Obama lors de son dernier discours.
Cependant au début du spectacle, la chanteuse a entonné This is your land de Woody Guthrie. Cette chanson de protestation est extrêmement connue aux États-Unis, elle a été chantée par Bruce Springsteen à la cérémonie d’investiture de Barack Oabama. Mais ce que peu savent, c’est que l’auteur lui-même était un opposant à Trump … père.
Écrite dans les années 30, This is your land ne paraît qu’en 1951. Elle a été raccourcie et les vers politisés ont disparu pour plaire au plus grand nombre. Il aura fallu attendre jusqu’en 1997 pour découvrir le reste de la chanson. Les paroles sont en effet, une critique du système américain qui laisse, comme l’a connu Guthrie lorsqu’il écrivait cette chanson, des personnes dans la faim et dans la pauvreté.

Mais c’est dans un autre texte de 1950 que Guthrie critique ouvertement la Trump Organization, alors dirigée par Fred Trump, le père de Donald. Après la guerre, la crise immobilière a laissé des milliers de personnes sans logement. Fred Trump a profité de cette opportunité pour développer un parc immobilier en signant des contrats publics avec la Federal Housing Administration.
Guthrie a habité pendant deux ans à Beach Heaven, un parc de logement de la Trump Organization, à Brooklyn. Dans sa chanson I ain’t go home, aussi appelée Old Man Trump, il dénonce deux choses : la discrimination raciale de Beach Heaven, qui n’accepte pas les Noirs, mais aussi des loyers aux prix exorbitants en nommant directement Fred Trump comme responsable.
« Beach Haven ain’t my home!
I just cain’t pay this rent! »
« Beach Haven looks like heaven Where no black ones come to roam!
No, no, no! Old Man Trump! »
En 1954, la Trump Organization est effectivement accusée de fraude de 4 millions de dollars au gouvernement américain suite à une sur-évaluation des loyers. Entre 1973 et 1978, le département des Droit Civils l’accusera également de discrimination raciale. Les dossiers ont établi qu’une politique de discrimination raciale était menée, visant à réduire la population noire dans les logements.
En interprétant une de ses chansons, la voix de Lady Gaga se lie indéniablement à celle de Guthrie. Ainsi, tout en subtilité, elle redonne vie à l’esprit contestataire de Guthrie, ainsi qu’à son opposition à Trump. Elle n’embarrasse pas le sponsor du spectacle, Pepsi, par des remarques directes. Non, elle retourne ce géant de la culture américaine contre celui qui, en remettant en cause l’immigration, qui est un des fondements de cette société cosmopolite, tente de la détruire.
Louise Cordier
LinkedIn
@louisycordier
Sources :

« La publicité politisée : du devoir de discrétion à l’impératif de transparence » pas de date de publication, lu le 8 février 2017
« This Land Is Our Land: how Lady Gaga sang an anti-Trump protest song at the Super Bowl without anybody noticing », Telegraph, Alice Vincent, publié le 6 fevrier 2017, lu le 7 février
  « Super Bowl: des spots publicitaires anti-Trump diffusés », publié par l’Express le 6 février 2017, lu le 7 février
Fred Trump, Wikipedia, lu le 7 février 2017

Crédits :

Photo de couverture, Airbnb, Superbowl 2017
Woody Guthrie, image de la pochette du vinyl sorti en 1997, label Smithsonian Folkways Recordings
GIF Lady Gaga au Super Bowl 2017

 

Agora, Com & Société

Le Penelopegate ou l’art du scandale en communication

C’est un scandale de plus révélé par l’historiquement irrévérencieux Canard Enchaîné, le mercredi 25 janvier, et dans lequel patauge François Fillon depuis une semaine : Pénélope Fillon, femme du candidat LR à la présidentielle, aurait gagné au moins 500 000€ (le chiffre monte) grâce à un emploi fictif d’assistante parlementaire et à une collaboration légère à La Revue des Deux Mondes.
Le lendemain, une enquête est ouverte par le Parquet Judiciaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits », un intitulé peu saillant pour celui qui déclarait en 2012 « il y a une injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et reçoivent de l’argent public ».
Entre effet boule de neige et jeux d’échos
Les échos sur l’affaire Pénélope Fillon, bien vite renommée « Penelope Gate », se sont immédiatement multipliés dans la sphère politique. Certains surfent sur la vague, tel Benoît Hamon qui propose d’interdire l’embauche de proches par les parlementaires. D’autres se prennent les pieds dans le tapis, comme Marine Le Pen, reprise sur le plateau de TF1 parce qu’elle est également mise en cause pour une affaire de travail fictif concernant des assistants du Front National au parlement européen, ou encore François de Rugy qui, voulant ironiser sur l’affaire en photographiant les fiches de paie de ses deux assistants parlementaires, a trahi l’inégalité de salaire entre son collaborateur et sa collaboratrice. Chaque réaction est le prétexte sinon d’un article, au moins d’un tweet.

#PenelopeGate
Car le tapage, mesure sonore du scandale, n’est pas seulement l’apanage des politiques, il suffit pour cela de suivre le fil rouge du hashtag #PenelopeGate. En plus des dernières mises à jour de l’affaire judiciaire, on y retrouve l’ironie mordante avec laquelle le Canard avait écrit son article.

Dans le cas spécifique du scandale, les réseaux sociaux permettent ainsi aux médias traditionnels et aux citoyens de doubler le discours informatif d’un discours de dérision. Comme les caricatures du XXème siècle, les images verbales et non-verbales autorisent une sorte de retournement de pouvoir qui, s’il est temporaire et symbolique, n’en est pas moins cathartique.
Communication de crise : l’émotion est-elle le bon filon ? 
Pendant que Twitter gazouille, le camp Fillon organise la défense : un scandale, selon l’étymologie grecque skándalon est une « pierre placée sur le chemin pour faire trébucher ». Or, à moins de deux mois des élections, les points de sondages perdus par François Fillon suite aux révélations du Canard Enchaîné pourraient être le début d’une chute fatale pour le candidat de droite.
La communication de crise du camp Fillon s’est faite en trois temps : sur les conseils d’Anne Méaux, conseillère en communication du candidat, François Fillon se présente tout d’abord au journal de 20h du 26 janvier. Mais l’exercice est dangereux. Malgré la volonté du candidat de faire face aux français en toute honnêteté, à la loupe du factchecking des internautes, le candidat commet des erreurs d’approximation qui desservent sa défense.
Ensuite, son équipe de communication orchestre la mise en scène du meeting de La Villette. Alors que François Fillon fait son entrée main dans la main avec femme, sa porte-parole lance une ovation reprise par les 15 000 personnes présentes. À la tribune, c’est l’émotion qui domine. Penelope Fillon, dressée en victime de la calomnie, réveille en son mari un personnage protecteur qui humanise un candidat parfois jugé trop austère : « Je la défendrai ; je l’aime et je la protégerai et je dis à tous ceux qui voudraient s’en prendre à elle qu’ils me trouveront en face ». À la dramatisation du discours répond l’engouement de la foule ; l’introduction du registre pathétique, inhabituel chez M. Fillon, est efficace chez ses partisans.
Enfin, suite à l’audition du couple par le parquet, un tweet depuis le compte du candidat assure que « tous deux ont pu établir des éléments utiles à la manifestation de la vérité ». La forme est intéressante : ce n’est pas un tweet brut, mais la capture d’écran du communiqué officiel. La mise à distance scripturale et énonciative rend le propos plus objectif.
 
Scandale et imaginaire politique
Avec la parution de nouvelles accusations via le Canard Enchaîné du mercredi 1er février, et la poursuite de l’enquête par le Parquet, la communication du camp Fillon, peu portée sur une argumentation de fait, bat de l’aile. Même s’il n’y a pas de mise en examen, le doute instillé par le scandale peut avoir fait perdre quelques électeurs cruciaux au parti Les Républicains.
Que le scandale soit fondé ou non, sa réception et son traitement sont révélateurs : plus proche de l’infotainement que du choc politique, l’affaire Fillon – dont le Penelope Gate n’est qu’un épisode – indigne mais n’étonne pas. L’imaginaire politique français tend dangereusement vers le cynisme : l’intégrité dans le milieu semble être devenu une chimère, et cette banalisation du mensonge et de l’impunité interroge les fondements républicains et démocratiques de l’État.
 
Mélanie Brisard
Linkedin 
 
Pour prolonger la lecture :
• Les précédents politiques du genre
• La perception de la presse étrangère 
• L’interview de Penelope Fillon pour le site de campagne de son mari, et en particulier sa réponse sur la place de femmes en France
 
Sources :
• Le Canard Enchaîné du 25 janvier et du 1er février 2017
• Une partie des réactions captées par le Figaro
• Le direct du journal Le Monde sur le sujet
• Sur les erreurs de défense de fait de Fillon  
• Le cas De Rugy analysé par le Point
• Résumé du meeting à la Villette par France TV Info
 
Crédits photos :
• L’affaire vue par Fair
• Captures d’écran du fil Twitter
• L’affaire vue par Frédéric Deligne
• L’affaire vu par Pascal Gros @GrosPascal
 

Agora

Hamon, la stratégie du papillon

« S’il vaut mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ? On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. »
– Machiavel, Le Prince, Chapitre XVII
Cette équation semble se vérifier encore de nos jours au fil des élections. Un exemple : en Novembre 2016, un sondage IFOP pour Psychologies Magazine donnait Alain Juppé comme la personnalité politique « la plus gentille » parmi les candidats alors déclarés à la présidentielle. Le 14 Décembre, il était largement battu lors des primaires LR par le représentant de la droite sans compromis, François Fillon. La gentillesse serait-elle condamnée à être vue comme faiblesse dans l’imaginaire politique ?

Agora, Com & Société

César 2017 : une prison dorée pour Polanski ?

Le mercredi 18 janvier, une révélation importante affectait le monde du cinéma : Roman Polanski, réalisateur franco-polonais au talent reconnu, est nommé président de la 42e cérémonie des César.
Réalisateur de renom certes, mais également acteur principal dans une affaire de viol sur mineure en 1977. L’affaire implique Polanski, alors âgé de 43 ans, et Samantha Geimer, 13 ans, qui l’avait accusé de l’avoir droguée puis violée. Alors qu’il devait être jugé aux États-Unis, Polanski s’enfuit pour échapper à son destin et est depuis poursuivi par la justice américaine. Criminel et fugitif, Polanski est appelé à devenir en 2017 président des César, nomination honorifique visant à applaudir l’ensemble de sa grande carrière cinématographique.
S’il a depuis renoncé à cette nomination, la polémique ne faiblit pas. Peut-on vraiment balayer une telle affaire d’un revers de caméra ?
En 2017, le cinéma français est toujours muet
Cette nomination interroge la séparation de l’œuvre et de l’artiste : Polanski doit-il être défini par sa filmographie ou par son passé judiciaire ? En France et aux États- Unis, deux perceptions s’affrontent.
Tandis qu’Outre-Atlantique la vie privée et la vie publique d’un artiste sont inséparables, la France sépare distinctement les deux. C’est ainsi que le réalisateur américain Nate Parker, accusé de viol il y a dix-huit ans, a vu son nouveau film The Birth of a Nation perdre toute chance d’être sélectionné pour les Oscars. La communication autour d’un film peut, dans certains cas, être intrinsèquement liée à l’image de son réalisateur, parfois même en dépit de la qualité de l’œuvre. En France, la figure d’icône du cinéma qu’incarne Roman Polanski semble justifier ce choix. Sacré plusieurs fois « meilleur réalisateur », il semble avoir acquis une immunité, celle de mettre entre parenthèses cet épisode de sa vie pour se concentrer sur ce qu’il y a de meilleur en lui, son talent cinématographique. On éclipse alors cette affaire pour l’amour du cinéma ; c’est ce que fait Alain Terzian, président de l’Académie des César, quand il qualifie Polanski d’ « esthète insatiable » qui « réinvente son art et ses œuvres au fil des époques ». La plupart des personnalités du 7e art a gardé le silence face à cette nomination, ou alors a pris la défense du Maître Polanski. Pour le petit monde que constitue le cinéma français, Roman Polanski est un demi-dieu, une référence. S’insurger contre le choix de l’Académie, c’est l’attaquer et renoncer à tout espoir de tourner un jour avec le réalisateur.
Nommer Polanski président, c’est le mettre sous le feu des projecteurs, sans égard pour son statut judiciaire, et nier toutes les victimes de viol. Le nommer président, c’est en quelque sorte l’excuser et le présenter comme modèle. C’est justement contre la représentation que ce titre suscite l’insurrection des féministes. La porte parole de l’association Osez le féminisme, Claire Serre-Combe, rappelle ainsi que « Choisir Polanski comme président, c’est le placer en tant que référent, autorité morale d’une cérémonie au cours de laquelle il va être mis en avant. ». Muet sur cette affaire, le cinéma français glorifie Polanski en tant que réalisateur, en montrant d’autant plus qu’il ne le sanctionne pas en tant que citoyen.
Twitter, ou le tribunal 2.0
À l’annonce de ce choix, quelques voix s’élèvent timidement pour protester. Par exemple, Laurence Rossignol, ministre des droits des femmes, réagit le 20 janvier sur France Culture et dénonce « une forme d’indifférence à l’égard de quelque chose qui reste aujourd’hui grave et que nous cherchons par ailleurs à combattre ».

Mais ces petites voix éparses sont vite rejointes par la grosse voix d’Internet. Là où la dénonciation individuelle n’a que peu de poids, Internet permet de s’opposer plus massivement. La polémique est ainsi rattrapée par les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter. Le #BoycottCésar est lancé et largement utilisé, illustrant la prise de position de la twittosphère en faveur des féministes. En parallèle de ce mouvement sur Twitter, une pétition est apparue sur Change.org « Pour la destitution de Roman Polanski comme président des César » et a recueilli un grand nombre de signatures. Cette forte participation et la visibilité acquise par de telles actions témoignent du rôle puissant d’Internet dans la contestation, et ont probablement participé au renoncement personnel du réalisateur.

À l’inverse du collectif qui oublie facilement ou applique la politique de l’autruche, Internet n’oublie pas. Cette polémique est l’affaire du temps contre la justice. Audrey Azoulay, ministre de la culture, a déclaré : « Les faits en cause sont particulièrement graves. Mais ils sont aussi très anciens. »; tout comme Aurélie Filippetti qui a annoncé d’une même voix : « C’est quelque chose qui s’est passé il y a quarante ans. On ne peut pas à chaque fois relancer cette affaire. ». Pourtant, selon la twittosphère et son hashtag #BoycottCésar, le temps ne fait rien à l’affaire : Polanski doit être jugé ou ne pas être, et c’est en cela que la communauté Internet se révèle être le véritable juge du réalisateur coupable. Twitter, le tribunal de demain ?
Les grandes cérémonies : entre-soi ou porte-voix ?
Finalement, les grandes cérémonies comme les César et les Oscars ne seraient-elles pas l’occasion de revenir sur des problématiques sociétales dans le monde du cinéma ? En 2016, la cérémonie des Oscars avait fait face à la polémique sur le manque de diversité dans le cinéma américain, avec l’aide du hashtag #BoycottOscar, dont #BoycottCésar reprend tous les codes. Certes le cinéma est dans un entre-soi, à tel point qu’aucune personnalité du grand écran n’a dénoncé la nomination de Roman Polanski, mais il est malgré tout un porte-voix qui permet de s’exprimer sur une problématique actuelle et d’être entendu.
L’année dernière, pendant le Festival de Cannes, le maître de cérémonie Laurent Lafitte avait apostrophé Woody Allen en déclarant : « Ces dernières années, vous avez beaucoup tourné en Europe, alors que vous n’êtes même pas condamné pour viol aux Etats-Unis. », faisant ainsi implicitement référence à Polanski et créant une polémique. Le cinéma n’est peut-être pas alors totalement recroquevillé sur lui-même, et la scène des grandes cérémonies de récompense reste un lieu privilégié pour réfléchir sur les remises en question et les doutes que le cinéma traverse.
Même si aujourd’hui Polanski a renoncé à présider la cérémonie suite à cette polémique, cette affaire n’est pas réglée pour autant. Car tout cela n’est ni un film ni un roman, Polanski n’a pour l’instant jamais été jugé, et les États-Unis demandent toujours son extradition. Son procès s’est pourtant fait sur Internet et les juges ne sont autres que des twittos et des internautes, armés non pas de marteaux mais de hashtags et de pétitions…
Diane Nivoley
LinkedIn
Sources :
• Fabre Clarisse, « L’affaire Polanski rattrape les Césars », Le Monde, mis en ligne le 20/01/2017, consulté le 23/01/2017.
• Balle Catherine, « Roman Polanski peut-il présider les Césars ? », Le Parisien, mis en ligne le 21/01/2017, consulté le 23/01/2017.
• Lepron Louis, « Roman Polanski président des César : le gouvernement réagit enfin », Konbini, mis en ligne le 20/01/2017, consulté le 23/01/2017.
Crédits :
• Compte Twitter de l’Académie des César
• Capture d’écran de Twitter
• France Culture

Agora, Com & Société

La crudité des stars hollywoodiennes : rébellion ou communication ?

Les stars ont toujours été des personnes à part. Riches, talentueuses, et totalement inaccessibles. Pourtant, aujourd’hui, le fameux « nous sommes des personnes comme les autres », souvent utilisé comme critique à l’égard des paparazzis qui épient leur moindre faits et gestes, est devenu la bannière de nombreuses stars pour se faire aimer et connaître. Alors, véritable révolution du système, ou tactique de communication pour faire le buzz ?
Changement d’ère à Hollywood
Il n’y a pas si longtemps, les stars – en particulier les femmes – se devaient d’être des jolies poupées, souriantes et bien élevées, ne disant jamais un mot de trop et n’admettant jamais un faux-pli. Oh, des scandales, il y en avait, bien sûr. Mais dans les coulisses. On les divulguait lentement, savamment, avec un plaisir presque sadique, incarné aujourd’hui par la presse people. Mais, devant les caméras, il fallait être sage. Toutes celles qui dérogeaient à la règle étaient sévèrement réprimandées, accusées de donner un « mauvais exemple », d’être « vulgaires ». Il y a moins de dix ans, Miley Cyrus – à l’époque jeune et joli visage de la franchise Disney – posait nue, de dos, pour un magazine de mode ; les foules se déchaînaient, les parents, inquiets de la mauvaise influence que pourrait avoir sur leurs enfants la « dépravation » de leur idole, criaient au scandale. L’actrice avait dû s’excuser publiquement et promettre que cela ne se reproduirait plus. Aujourd’hui, Miley Cyrus se balade en culotte moulante en se frottant à tout ce qui bouge, même une boule de démolition. De Hannah Montana, il ne reste plus grand chose, mais Miley Cyrus fait en tout cas toujours autant parler d’elle, plus par son image de jeune femme décomplexée physiquement et sexuellement que pour ses chansons ou ses prestations d’actrice.

Miley Cyrus, provocatrice professionnelle bien loin des standards Disney
Le but est donc de scandaliser. Ou, au moins, de s’émanciper des clichés. Montrer qu’on est une femme (ou un homme) comme une autre, avec ses défauts, ses envies et ses désirs. Incarner la belle rebelle, à la fois cool et distinguée, une fille « who can do both ». Le double esthétisme « tapis rouge et siège de toilette », en résumé. Célébration de la beauté du monde, de l’art et du quotidien.
« Je suis une personne comme une autre »
La tête de proue de cette révolution de l’image de la star, c’est sans doute Jennifer Lawrence. Une belle blonde plantureuse, dans la veine des héroïnes d’Alfred Hitchcock et de la majorité des stars d’Hollywood (Kate Winslet, Pamela Anderson…). Une carrière internationale, un rôle d’idole des jeunes et, finalement, un parfait exemple de « petite fiancée de l’Amérique ». Sauf que rien ne se passe tout à fait comme prévu. En interview, « JLaw » est intenable, vulgaire, jamais avare d’anecdotes scatologiques ou de petites gaffes qui font sourire. Elle aime (trop) manger, elle aime traîner en pyjama chez elle, c’est une fan girl avouée des plus grandes stars d’Hollywood. En fin de compte, Jennifer Lawrence renvoie davantage l’image d’une fille ordinaire exposée sur les tapis rouges d’Hollywood que celle d’une célébrité soigneusement entraînée à se tenir devant les caméras.

Jennifer Lawrence, « everybody’s girlfriend » brisant les conventions
Cet entremêlement du « trash » et du quotidien s’est depuis largement répandu sur la petite planète Hollywood. La norme est désormais à la crudité décontractée et assumée : Ryan Reynolds, Kristen Stewart, Jemina Kirke, sont désormais des gouttes d’eau dans l’océan des célébrités clamant être « des personnes comme les autres ». Et malheur à celui ou celle qui refuserait de lâcher son image proprette ; la critique ne tardera jamais à s’acharner sur le malheureux, à l’accuser d’être « faux », « hypocrite » ou encore « trop conventionnel ». Le public en est venu à demander des aspérités, pas une communication toute lisse faite de discours préconçus. Les stars ne sont plus des figures lointaines et idolâtrées, mais des semblables, des personnes à qui on peut s’identifier.
Belles et rebelles, vraiment ?
Mais, au fond, qu’est-ce qui permet de prouver que ces stars n’essayent pas avant tout de se démarquer des autres pour faire le buzz et occuper le devant de la scène ? Si, finalement, tout cela n’était qu’une vaste stratégie de communication ?
Les actrices pratiquant cette forme de communication « libérée » des conventions hollywoodiennes sont, eh bien, des actrices. Difficile de savoir si elles sont sincères ou ne font que répéter un rôle soigneusement élaboré pour les faire paraître plus cools, plus accessibles, plus sympathiques, et donc, plus populaires aux yeux des spectateurs. Les gens veulent s’identifier : donc on leur donne les moyens de le faire.

Lena Dunham, star auto-proclamée anti-photoshop
Quelques petites – ou grosses – erreurs viennent ainsi entacher le discours des célébrités voulant être comme tout le monde, et, de ce fait, se faire les porte-paroles de tout le monde. Lena Dunham, par exemple, n’hésite jamais à s’afficher nue dans sa série Girls diffusée sur HBO afin que les jeunes filles prennent conscience qu’il n’y a pas besoin d’avoir une taille de mannequin pour être fière de son corps, ou à protester contre l’utilisation de Photoshop lors des shootings photos pour apparaître naturelle. Pourtant, elle a longtemps accepté des retouches mineures, jusqu’à apparaître totalement photoshopée sur plusieurs couvertures et magazines, tel que Vogue. Si l’actrice et réalisatrice s’est excusée, ces dérapages auraient tendance à prouver que la « vulgarité » des stars est avant tout une manière de se démarquer et d’attirer l’attention. Une rébellion peut-être sincère, donc, mais avant tout au service de leur image et de leur popularité.
En effet, il est difficile pour les stars d’être totalement émancipées, d’être l’exact reflet des publics qui les regardent. Tout d’abord parce qu’Hollywood demeure une « usine à rêves », et qu’on ne peut pas rêver en contemplant son propre reflet. On ne peut s’attendre à ce qu’une industrie basée sur l’esthétisme et la perfection formelle retourne complètement sa veste du jour au lendemain. Ensuite, parce que la limite entre crudité et scandale est toujours très mince, et que les stars adeptes de la communication sans fards en font souvent les frais. Leur propre stratégie de communication peut se retourner contre elles. Dernier exemple en date : Jennifer Lawrence, qui, en racontant joyeusement comment elle a accidentellement détruit un site sacré hawaïen lors d’un tournage, a déchaîné la colère des internautes et remis en cause son statut de « star cool » par celui de « star stupide, inconsciente et irrespectueuse ». Les stars sont scrutées par des milliers de gens, et, de fait, doivent agir en conséquence, éviter de vexer ou d’indigner les autres. Des gens comme les autres, oui. Mais pas trop non plus.
Margaux Salliot
Sources :
• “Jennifer Lawrence Interview by David Letterman”, 21 janvier 2013, consultée le 15 janvier 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=eoLfRlkOQVI
• Clip « Wrecking Ball » de Miley Cyrus, 9 septembre 2013, consulté le 18 janiver 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=My2FRPA3Gf8
• « La cellulite de Lena Dunham milite en couverture de Glamour », article de Clara Nahmias pour le magazine de cinéma Première, publié le 4 janvier 2017, consulté le 15 janvier 2017 : http://www.premiere.fr/People/News-People/La-cellulite-de-Lena-Dunham-milite-encouverture-de-Glamour
• Compte Instagram de la photographe Emma Summerton, consulté le 16 janvier 2017 : https://www.instagram.com/emmasummerton/
Crédits  :
• “Hollywood Hills” par Urut Berdasarkan sur le site http://wall–art.com/hollywood-hillswallpaper
• Capture d’écran du clip Wrecking Ball de Miley Cyrus, consulté le 18 janvier 2017, publié le 9 septembre 2013
• Capture d’écran d’une interview de Jennifer Lawrence sur le plateau de la chaîne CBS, postée le 21 janvier 2013 sur Youtube
• Emma Summerton, photo pour la couverture du magazine Glamour, 4 janvier 2017

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