Invités

Burlesquoni

ou le jeu de mots subtil entre « stripteaseuse » et « performeuse burlesque »
 
Aujourd’hui, laissons la place à Marta Brodzinska, spécialiste du Burlesque, qui nous éclaire sur l’enjeu des différentes représentations médiatiques et sociales de ce mouvement artistique, dont on a pas fini d’entendre parler.
Avril 2012, Milan, Italie : Silvio Berlusconi est inculpé pour avoir payé une jeune femme mineure pour des services sexuels et abusé du pouvoir de sa fonction en exigeant de la police de la libérer, après avoir été accusée de vol. Durant le procès, l’opinion publique découvre que l’ex premier ministre organisait des soirées privées dans une de ses résidences, impliquant la présence de nombreuses stripteaseuses et possiblement de prostituées déguisées notamment en bonnes sœurs, ou encore portant des masques représentant des joueurs de football célèbres. Les médias appellent l’affaire « Bunga Bunga » et le scandale provoque l’indignation et le dégoût de l’opinion publique. Mais l’hédoniste numéro un de l’époque rejette toutes les accusations. Quand on l’interroge sur la présence de jeunes femmes déguisées lors de ses soirées privées, il admet qu’il organisait simplement des « jeux de burlesque ». Pourquoi a-t-il choisi cet argument parmi un tas d’autres pour défendre sa cause, comme s’il espérait qu’une représentation d’une forme d’érotisme légitime était socialement partagée et pouvait par extension lui « sauver la face » ? Et s’il avait raison, si celle-ci existait réellement, pourquoi la société considérerait-elle le « striptease pur » comme quelque chose de « bas », donc illicite, quelque chose que l’on cache des autres, et placer le burlesque de l’autre côté, comme quelque chose de « haut », permis, voir digne de montrer aux autres, et conforme à une norme, qui vaut le coup d’être définie. Enfin, comment une « effeuilleuse burlesque » se différencie-t-elle d’une stripteaseuse ?
Depuis le début des années 1990, on peut observer un retour phénoménal d’un ancien genre du show-business américain, adapté par l’Europe et très vite par les autres parties du monde, appelé burlesque. Après avoir défini un genre littéraire et cinématographique, le mot « burlesque » appartient désormais à une forme de spectacle qui naît à la fin du XIXème siècle et qui connaît un fort succès jusqu’aux années 1950. Aujourd’hui, le « nouveau burlesque » a su reprendre les codes de l’ « ancien » représentant une danse légère, sensuelle et glamour ou la danseuse finit par enlever son costume pour dévoiler son corps. Mais pour donner sa forme moderne, le burlesque a du s’imprégner aussi des idéologies post féministes qui lui donnent une toute nouvelle allure. Ainsi se créent deux formes actuelles du burlesque – distinction contestable car suggérée par certains « performeurs » alors qu’elle est considérée comme infondée pour d’autres : le burlesque classique, reprenant tous les codes de la forme ancienne et le « new burlesque », parfois appelé aussi le « neo burlesque » qui est sa version déjantée et souvent comique, où les codes de la sexualité comme de la sensualité sont fréquemment détournés. Aujourd’hui le phénomène « burlesque » touche tous les pays occidentaux et est devenu une véritable mode. En France, chaque grande ville compte au moins une association chargée d’organiser des cours et des spectacles de burlesque. Son public grandit très vite, souvent proportionnellement à l’intérêt que les médias y portent, intérêt qui est très important depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, la plupart des métropoles occidentales comme New York, Toronto, Berlin et Paris, compte son festival international du burlesque. Jacki Willson explique le caractère et donne une définition à ce phénomène dans son livre The Happy Stripper (2010), où elle rappelle la naissance de la Jo King’s London School of Striptease, la première école de striptease en Europe, dédiée aux étudiantes âgées de 18 à 76 ans :
King (Jo) a fondé cette école parce qu’elle voulait que les femmes aient confiance en elles-mêmes et en leurs corps. Le phénomène du burlesque est connecté à cette mode du striptease et « pole/lap dance » par son affirmation de l’expression sexuelle des femmes. Mais contrairement au striptease pur, le burlesque a une pique. C’est un genre parodique et érotique fondé sur le second degré et le décalage. La  performeuse burlesque se retourne vers son public, elle sourit et à travers son sourire, elle interroge son audience, autant qu’elle interroge sa propre performance. Performance qui est comique, excentrique, coquine et provocatrice mélangée à une esthétique du vintage. Le burlesque c’est le « bas » envahissant le « haut ». Le burlesque intègre d’une manière provocante et insolite la culture de masse en  adoptant ses formes-le théâtre, le cabaret, le spectacle vivant, la comédie, le crique, la danse moderne, sans jamais en prendre l’une de ces formes trop au sérieux.
Si l’on revient aux accusations de Berlusconi, ses explications peuvent paraître spontanément ridicules, mais la construction de son argumentaire relève d’une tentative de légitimation plutôt réfléchie. Car si le burlesque n’est pas censé être pris trop au sérieux, les « jeux de burlesque » contrairement aux « orgies » imaginées par l’opinion publique ne devraient pas l’être non plus. Le Burlesque ne se donne pas à voir, ni l’est d’ailleurs par les médias,  comme le striptease « traditionnel », étiqueté comme un geste sexiste, immoral, voir impur. Le burlesque est en fait une forme d’art et se définit comme le prolongement des mouvements post féministes valorisants la femme et l’expression de sa sexualité. L’ex premier ministre italien peut donc librement considérer que rien n’est mal dans l’organisation des « jeux du burlesque », bien au contraire.  Il aurait pu organiser « La France a un incroyable talent » dans sa cave, la gravité des faits aurait été du même poids.
La comparaison avec un talent show n’est pas uniquement ironique. En réalité, la société italienne a brillamment intégré la mode de l’art du burlesque au sein de ses médias. L’Italie a été le premier pays du monde à créer une version burlesque des talent shows comme « The Voice », ou « American Idol » appellé « Lady Burlesque ». Il s’agit d’un programme ou un jury spécialement constitué pour l’occasion se déplace dans tout le pays pour trouver la meilleure performeuse de l’Italie. Silvio Berlusconi, si bien connu pour sa relation intime avec les médias aurait simplement su suivre la vogue, entre les murs de sa résidence privée. Mais comment le monde du burlesque lui-même réagit-il à cette confusion, cette frontière incertaine, entre le burlesque et le striptease ? Est-ce que les performeuses se décrivent toutes comme des « stripteaseuses heureuses » pour reprendre le terme utilisé par Willson ?
La réponse varie énormément selon quel performeur, quel média, ou encore quel public choisit-on d’interroger, mais surtout selon la culture du pays où ce nouvel-ancien genre de l’industrie du spectacle se développe depuis la « folie burlesque » que l’on peut identifier dès les années 2000. Jo Weldon, performeuse mondialement célèbre, directrice de la New York School of Burlesque et auteure du premier manuel du burlesque, affirme sans gène ces origines dans le striptease « traditionnel ». Jacki Willson de son côté assume fermement le terme « striptease burlesque ». Dita Von Tease, celle qui a sans doute le plus médiatisé le burlesque de nos jours à l’échelle mondiale, consacre une page de son livre Burlesque and the art of tease à toute une liste de synonymes plus adaptés que le mot « stripteaseuse », en même temps rappelant que Gypsy Rose Lee, l’icône du burlesque à l’ancienne a en fait préféré le mot « stripteaseuse ». Juliette Dragon, la directrice de l’Ecole des Filles de Joie, dit parfois à ses étudiantes, qu’elle ne devraient pas vouloir à tout prix fuir le mot « striptease », et montre par ses cours que leur striptease a elles est quelque chose de tout à fait digne et socialement désirable. Ce qui importe n’est pas le fait d’enlever ses vêtements ou pas, mais la manière dont on le fait et l’intention qu’on y donne. Ses propos, souvent rappelés durant les spectacles de l’école, donne à voir une approche post féministe du mouvement. Le nouveau burlesque a ses propres codes concernant l’effeuillage. Par exemple, on ne peut jamais montrer ses tétons sans les couvrir de « nippies ». Certaines performeuses refuseront de montrer leurs jambes sans collants résilles pour des raisons tantôt idéologiques, tantôt esthétiques. La « stripteaseuse burlesque » décide avant tout elle-même si elle veut s’effeuiller et si c’est le cas, ce qu’elle a envie de montrer à son public. Beaucoup de performeurs diront que dans le burlesque on a droit de ne pas le faire du tout ou bien d’enlever seulement un gant, si selon l’artiste cela est suffisant pour sa visée artistique du spectacle. Il existe également des normes assez universelles que l’on peut remarquer lors des spectacles du burlesque en France. J’ai pu voir des spectacles, ou, si un homme se met à crier « à poil » lors de l’effeuillage d’une des artistes, son numéro est interrompu immédiatement pour laisser la place à l’homme en question, qui sera demandé de s’effeuiller à son tour, sur scène, devant le même public, sinon il est invité à quitter la salle.
Certains médias diffusent des programmes qui se servent du mot « burlesque » en excluant entièrement de son contexte le geste d’effeuillage. J’ai récemment regardé un épisode de The best : le meilleur artiste, un nouveau talent show sur TF1 où l’on pouvait entendre l’animateur décrire comme « cabaret burlesque » le numéro de l’artiste de cirque Polina Volchek. Si elle a présenté un numéro bel et bien impressionnant de hoola-hop, elle n’a toutefois ôté aucun de ses vêtements. Ce qui a été présenté au public comme « cabaret burlesque » était en fait une expression de l’esthétique du numéro : l’artiste portait un corset et dansait sur la musique du film « Moulin Rouge ». Il a suffit d’inclure ces deux références qui font appel à l’imaginaire commun du burlesque pour que le numéro puisse être classifié comme tel. L’expression « burlesque », adjectif qui décrit une esthétique plutôt qu’il ne désigne une mise à nu, a été repris par l’industrie de la mode, où l’on a classifié comme « burlesque » le défilé de la créatrice Betsey Johnson pour sa collection printemps/été 2012. Mais l’exemple le plus frappant du burlesque « puritain » est le film Burlesque, réalisé par Steve Antin en 2010, où à aucun moment on ne fait intervenir de l’effeuillage. Le réalisateur a décrit visuellement, et donc donné à voir aux spectateurs du film le genre « burlesque » comme « cabaret burlesque », donc sans nudité, par opposition au « striptease burlesque » . De l’autre côté de l’océan, Mathieu Amalric propose la même année le film Tournée, qui met en scène une troupe de burlesque américain, le Cabaret New Burlesque. En engageant dans son film de vraies performeuses qui pendant le film jouent les mêmes numéros que dans la vraie vie, Amalric propose une vision beaucoup plus réaliste de ce qu’est le genre aux Etats-Unis, en y incluant naturellement la nudité avec tous ses aspects, artistiques, comme idéologiques. Pourtant les deux films, proposant une vision très différente du burlesque sont aujourd’hui souvent cités à la même échelle comme ceux qui ont participé à la médiatisation du burlesque moderne.
En France de nombreux articles, et formes télévisuelles présentent des femmes, bonnes mères de famille, femmes au foyer, ou travailleuses qui performent le burlesque dans leur temps libre dans le but d’accepter leur corps, de stimuler leur féminité ou simplement pour le « fun ». Le burlesque est mis alors en scène comme une thérapie. Mais en Pologne, en 2012, les médias révèlent un scandale : une école d’enseignement supérieur organise un concours de beauté lors duquel les candidates se promènent sur scène en lingerie avec une gestuelle à connotation sexuelle forte. L’école parle d’une « performance burlesque », mais l’opinion publique en décide autrement. Les médias décrivent l’événement comme un dérapage, mais impossible de savoir à quel moment la limite entre la vulgarité et le burlesque « noble », donc post féministe a été transcendée. La Pologne n’a pas su supporter l’hyper sexualisation de cette compétition, car une miss ne peut pas évoquer une « stripteaseuse » rappelant toute une symbolique de la domination masculine, dont la miss moderne, dotée elle aussi d’une lourde histoire, doit à tout prix se distinguer.
Le phénomène burlesque souligne la tension dans notre société entre le « bas » et le « haut » de la sexualité, et inspire de nombreuses questions sur la libération sexuelle des femmes. Les médias participent sans doute grandement au phénomène de « mainstreamisation » de la sexualité, mais quelle sexualité est en réalité socialement acceptable et légitime ? L’ « attitude burlesque » est mise en scène comme « assumer sa sexualité de femme », « aimer son corps », ou encore « être maitresse de soi-même». Mais le mot « striptease » est parfois dissimulé par les médias pour souligner le jeu de mots subtil entre « stripteaseuse », mot du stigmate, et « performeuse burlesque », mot d’artiste.
 
Marta Brodzinska
Sources :

Jacki Willson, “Tha Happy Stripper: Pleasures and Politics of the New Burlesque”(I.B Tauris, 2007)

Lady Burlesque: su Sky Uno il talent show… si svela!


Jo Weldon, “ The Burlesque Handbook” (It Books, 2010)
http://www.theatredurondpoint.fr/saison/fiche_spectacle.cfm/153557-cabaret-new-burlesque.html
« Tournée », Mathieu Amalric (2010)
Ditta Von tease, “Burlesque and the art of tease” (It books, 2006)
http://www.telleestmatele.com/article-video-the-best-le-meilleur-artiste-23-aout-2013—numero-de-hula-hoop-avec-polina-volchek-119676530.html
http://www.dailymotion.com/video/xl2s06_betsey-johnson-s-burlesque-show_news
http://plejada.onet.pl/mam-talent
http://warszawa.gazeta.pl/warszawa/1,34889,13806044,SGGW_przeprasza_za_polnagie_wybory__Naganne_zachowania.html
Crédits photos :
Photo 1: Performeuses du cabaret Burlesque Babylone lors du spectacle Babylone Circus http://www.burlesque-babylone.com; photo : © Hervé Photograff
Photo 2: Performeurs Seb Zulle et La Môme Patchouile, au Pretty Propaganda de Louise de Ville ; photo : © Gilles Rammant http://www.gillesrammant.com

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Trick or Treat !

 
Le mois d’octobre est l’un des mois les plus importants pour l’économie américaine. Il s’agit en effet du mois d’Halloween, une fête devenue l’une des plus commercialisées aux Etats-Unis.
Au départ, Halloween n’était rien d’autre que la veille de la traditionnelle Toussaint chrétienne, partageant avec celle-ci son origine celtique. Désormais, Halloween est devenue la fête qui engendre les plus gros revenus annuels des compagnies de confiseries et de déguisements.
Au début du 20e siècle, les enfants américains ont commencé à se déguiser en monstres et sorcières et surtout, à utiliser une phrase restée iconique dans l’imaginaire américain : « trick or treat? ». Cette phrase, souvent traduite par « farce ou friandise ? », trouve ses origines dans la tradition celte. Conformément à cette tradition, les enfants se déguisaient en esprits avec des draps blancs et demandaient des fruits ou des gâteaux la veille de la Toussaint.
Au cours du 20e siècle, les compagnies américaines de confiseries se sont aperçues de l’immense opportunité économique que ce marché pouvait représenter et bientôt, les grandes surfaces ont commencé à recevoir des stocks supplémentaires de confiseries durant le mois d’octobre.

Aujourd’hui à peine passée la fête nationale américaine du 4 juillet que les magasins et les supermarchés commencent à changer leur offre saisonnière. Et, puisqu’il n’y a pas de fête entre la fête nationale américaine et Halloween, le processus de commercialisation qui, auparavant commençait seulement en octobre, a vite englobé tous les mois qui séparent ces deux fêtes, en quelques sortes afin que l’image d’Halloween reste gravée dans l’esprit des consommateurs.
Aussi, Halloween est-elle depuis longtemps devenue une fête essentielle pour l’économie américaine. Non seulement les compagnies de confiseries ont renforcé leur présence publicitaire et médiatique mais les compagnies de déguisements, les compagnies de décorations, les parcs d’attractions et même les agriculteurs considèrent désormais, eux-aussi, Halloween, comme l’une des périodes les plus importantes de l’année en terme de vente, sinon la plus importante.

Pourquoi Halloween est-elle autant commercialisée ? Des déguisements, des citrouilles, des bonbons, des décorations pour les fêtes : au fil des années, les médias ont utilisé des symboles pour faire référence à Halloween et assurer les ventes. Ainsi par exemple, les déguisements qui avant représentaient essentiellement des monstres font aujourd’hui référence aux phénomènes culturels actuels. Les décorations en forme de crânes, indispensables à toute soirée Halloween, à commencer par la citrouille orange à tailler et poser devant la maison ou les bonbons à donner aux enfants s’inscrivent également dans cette logique de marché. Les compagnies ont su non seulement ancrer ces symboles dans l’imaginaire américain, mais aussi les mettre à jour afin d’assurer leur pérennité et surtout de garantir les ventes. Un bon exemple est celui des déguisements : avant réservés aux enfants, ils sont aujourd’hui également portés par des personnes plus âgées parce que les compagnies ont introduit des déguisements appropriés pour chaque tranche d’âge.
Enfin, la citrouille orange est un autre symbole qui génère énormément de ventes. On peut la tailler avec des amis et mettre des bougies à l’intérieur pour en faire des lanternes, mais on peut aussi s’en servir pour faire du jus, des déguisements et d’autres articles marchands. Ce symbole a tellement accaparé les médias que presque tous les américains savent aujourd’hui non seulement ce qu’une citrouille représente, mais associent également sa simple couleur à Halloween.
C’est l’usage de symbole comme celui-ci qui a permis la marchandisation d’Halloween à un point tel qu’elle représente aujourd’hui environ 7 milliards de dollars annuel de l’économie américaine et environ 3 milliards de chiffre d’affaire pour les compagnies de confiseries. Avec une telle rentabilité, rien d’étonnant à ce qu’Halloween soit si sponsorisée.
Miguel Rayos
Sources et références :
The Book of Hallowe’en par Ruth Edna Kelley
http://www.nrf.com/modules.php?name=Dashboard&id=54

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Quand « pub » rime avec « plaisir » !

 
Guerlain, EDF et Evian sont les publicités ayant marqué les esprits des français selon le Palmarès Ipsos des publicités préférées des français en 2013. Entre rêve et réassurance, nous tentons de faire face à la crise en recherchant l’évasion, le réconfort mais aussi du plaisir à moindre coûts.
Le Palmarès est divisé en deux catégories de publicités : spots TV et affichage. Parmi ces deux classements se dessinent trois secteurs où les publicités nous font de l’effet : luxe / food / service.
Toujours plus de luxe !
Dans le secteur du « luxe », nous retrouvons Guerlain avec « la petite robe noire », Roche Bobois avec « l’art de vivre », Lancôme et son nouveau parfum « La vie est belle » ou encore Kenzo avec l’éternel « Flower by Kenzo ». Dans ces publicités – spots et affiches -, nous rencontrons un univers plutôt féminin, chic et moderne. Toutes ces marques et produits font appel à la consommation du quotidien par les parfums et l’ameublement, or ce sont des marques dites haut de gamme suscitant le désir, l’envie enfouie en nous tous d’avoir de belles choses. Par là se traduit toujours la nécessité du plaisir chez les français qu’ils transmettent par la publicité.
A côté de cela, les nouvelles technologies nous présentent des produits tout aussi luxueux. C’est le cas de Samsung avec la nouvelle caméra, et de Canal + & ses nouveaux programmes toujours plus fous. Cette fois encore, c’est aussi les valeurs de modernité et de plaisir qui nous sont proposées. L’idée de capturer nos souvenirs et de les partager sur les réseaux sociaux avec la caméra Samsung nous montre bien les tendances actuelles en phase avec la technologie.
Toujours plus de tendances, toujours plus de modernités, toujours plus de beauté, toujours plus de luxe, toujours plus de plaisir !
A partir de lundi je fais attention ! / Je me fais plaisir
Le plaisir de manger est connu de tous ! Une envie à moindres coûts et nous voilà satisfaits à passer un bon moment. Que ce soit pour les restaurants ou certains produits, les marques l’ont compris, la gastronomie est un pilier dans notre vie. Nous retrouvons donc en tête du palmarès des publicités préférées des français côté food : Mc Donalds, Elle & Vire, Contrex, Entremont, Picard, Gü et Ferrero.
Au milieu de ces marques, on remarque plusieurs valeurs importantes de la vie comme la santé, la qualité mais aussi les petits plaisirs. En effet dans chaque publicité est soit mise en avant soit rappelée la notion de santé qui est aujourd’hui essentielle. Par exemple, avec « Contrex », un ton humoristique est montré avec des femmes faisant du sport pour éteindre un feu emprisonnant de jolis corps masculins ou encore « Entremont » qui par des images enfantines introduisent des légumes dans leur spot pour inciter les enfants à en manger. Rien de plus plaisant qu’un bon Big Mac ou un bon dessert, un plaisir simple à moindres coûts qu’a su saisir le monde de la publicité et faire rêver nos français cette année.

Parce qu’on s’occupe de vous un peu plus chaque jour !
En plus de la notion de plaisir sous toutes ces formes, les individus ont besoin qu’on leur apporte quelques attentions. Nous avons besoin de pouvoir faire confiance à nos marques pour faire confiance aux autres. Nous retrouvons donc : EDF, Ibis, Leclerc et la SNCF.
Marques emblématiques, elles mettent en scène des moments du quotidiens généralement avec humour dans un objectif de familiarisation et de s’ancrer comme références. Nous le constatons notamment avec le spot EDF pour les JO mettant en scène deux personnages vêtus de bleu de travail et de casque de chantier EDF. Au début, nous nous trouvons dans un genre de soucoupe volante pour actionner les lumières du stade. On s’attend à entrer dans l’univers des athlètes mais nous sommes à la rencontre de nos ouvriers EDF face aux épreuves des JO. Un côté décalé, drôle mais en même temps qui positionne EDF comme référent en matière d’électricité.
En matière d’affichage, nous pouvons aussi le constater avec la SNCF. Jeu de mot, information et monopole « 300 destinations à partir de 15 euros ». La SNCF comme référence pour voyager pas cher.
2013 nous concocte donc une année publicitaire cherchant à rassurer nos français en leur proposant du rêve et de la modernité, mais aussi de la gastronomie et du service !
 
Marion Pereira

Invités

« MARKET’-MOI SI TU PEUX»

 
Toujours  plus de communication, toujours plus de marketing, toujours plus loin  ; cette dynamique du « toujours plus » est à l’œuvre partout et elle gagne aujourd’hui le monde du sport ; plus précisément la planète tennis,  actuellement à l’heure parisienne.
 
Dernière trouvaille en date, l’application  « Tweet and Shoot » : un dispositif connecté créé par « We Are Tennis », l’agence de BNP Paribas  à l’occasion de ses 40 ans de partenariat avec Roland Garros. Le concept est aussi simple que saugrenu : 40 internautes se sont transformés en « twitto- entraîneurs» de Jo-Wilfried Tsonga, huitième joueur mondial et premier français, lors de sa séance d’entraînement du 23 mai. Un robot lanceur de balles activé via Twitter qui a dicté la séance du français. Pour faire partie de ces 40 chanceux, la marche à suivre était la suivante : il fallait envoyer un tweet d’encouragements à Jo Wilfried Tsonga sur le site « http://tweetandshoot.wearetennis.com » et les meilleurs étaient sélectionnés pour devenir « twitto-entraîneurs ».  Ainsi le 23 mai dernier, les coups fictifs des internautes sont devenus des balles réelles aux trajectoires variées que le tennisman français se devait de renvoyer.
Le coup marketing est bel et bien là même s’il prend des allures plus amusantes que dérangeantes. Néanmoins, cette opération de communication nous force à nous interroger sur les limites du marketing dans le sport ; jusqu’où peut-il aller ? Jo-Wilfried Tsonga semble s’être plié de bon cœur à la demande de l’emblématique partenaire de Roland Garros. Vous allez me dire : «  2h de perdues sur son programme ça n’est pas grand-chose, d’autant plus  qu’il tape la balle ». Pas sûr que Rafael Nadal, le septuple vainqueur de la Porte d’Auteuil  ou encore Roger Federer, partagent cet avis.
Autre dimension intéressante dans l’opération marketing « Tweet and Shoot » : ici le tweet  prend une nouvelle ampleur. Il agit, il impacte physiquement le réel, il décide de la trajectoire d’une balle.  A quand l’institutionnalisation des « twittos-entraîneurs » ? Tout cela peut prêter à sourire, il n’empêche que ce coup de communication dévoile une nouvelle dimension du tweet  quelque peu inquiétante.
« La Terre est bleue comme une orange »[1]
 
Autre coup marketing en 2012, lors du Masters 1000 de Madrid. Nous avions eu le droit, cette fois-ci, à une terre battue bleue, un choix du propriétaire du tournoi Ion Tiriac. Questions de gros sous et stratégie de buzz, il avait décidé de faire ce clin d’œil au sponsor principal du tournoi, « Mutua Madrilena » dont le logo est bleu, ainsi les joueurs ont  dû jouer sur une terre battue aux couleurs du partenaire.  Les réactions ont été immédiates ; les cadors du circuit, Nadal et Djokovic en tête, ont mis en garde les organisateurs de la dangerosité de la surface : trop glissante et de mauvaise qualité. Ils ont menacé de ne pas revenir l’année prochaine si l’ocre ne faisait pas son retour. Après cette fronde généralisée,  les joueurs ont finalement eu gain de cause pour l’édition 2013. Si cette fois l’avantage a tourné du côté des sportifs, cette bataille « sportifs-marketing » tourne malheureusement bien trop souvent à l’avantage du marketing.
Un set partout, début de la troisième manche, match à suivre.
 
Manon Conan

[1] Paul Eluard, « Premièrement », L’amour de la poésie

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Versailles, plus voltairien que Voltaire ?

 
Voltaire n’a qu’à bien se tenir, « en 2013, Versailles cultive son jardin. »
La qualité Le Nôtre
S’il était encore vivant, André Le Nôtre fêterait cette année son quatre-centième anniversaire, battant ainsi au passage tous les records de longévité. Mais le créateur des jardins du Château de Versailles-a-t-il jamais cessé de vivre ? Les siècles n’ont pas altéré la renommée de celui qui a poussé au plus haut l’art du « jardin à la française ».
Le Château de Versailles a donc décidé de lui rendre hommage en faisant de 2013 l’«année Le Nôtre ».  L’occasion de mettre en lumière l’œuvre  de cet architecte et paysagiste de génie, également fin collectionneur d’art et confident de Louis XIV. Des expositions, restaurations, événements et spectacles sont prévus tout au long de l’année sur l’ancien domaine royal.
Le vert saillant
« L’année Le Nôtre », c’est tout l’objet de la nouvelle campagne d’affichage qui a été lancée en mars 2013 par le Château de Versailles. Sur les visuels, le château s’efface au profit des jardins verdoyants mis en lumière sous un ciel estival. Et dans ce décor champêtre, les statues à l’antique reprennent vie, presque à la façon de la Vénus d’Ille fantasmée en son temps par Prosper Mérimée.
Cette mise sous silence du château sur les affiches n’est pas anodine : elle donne à appréhender le lieu d’une façon différente et originale.
En effet, à travers les perspectives de ses jardins à la française, Versailles se donne finalement avec plus de profondeur et de poésie que jamais. Loin des dorures des intérieurs et de la Galerie des Glaces (victimes malgré elles de leur « débris d’aura »[1]) c’est un appel à la verdure, à la contemplation des paysages, et à la réflexion qui est ici lancé au visiteur.
« Et si la véritable beauté du lieu résidait ailleurs que dans les fastueux salons du Château ? » semble nous interroger cette affiche, avec un petit sourire en coin. (Si tant est qu’une affiche puisse sourire !)
Avec la représentation des statues en action dans le jardin, c’est comme si tout le patrimoine et le passé de Versailles reprenaient vie, s’actualisaient, et se mettaient à l’ouvrage pour s’offrir au visiteur sous un  jour nouveau, inattendu et inédit. Le passé renouerait donc avec le présent pour se construire un nouvel avenir.
« En 2013, Versailles cultive son jardin »
Mais le plus marquant sur les affiches reste sans doute  cette formule : «  En 2013, Versailles cultive son jardin ». Au-delà de l’humour, comment ne pas y voir un clin d’œil à la dernière phrase de Candide,  par laquelle le héros éponyme conclut toutes ses (més)aventures en déclarant  qu’« il faut cultiver notre jardin »?
A ce petit jeu, il semble que le Château – pourtant symbole emblématique d’une monarchie absolue critiquée en leur temps par les philosophes des Lumières – se montre paradoxalement plus voltairien que Voltaire en 2013.
En effet, en cette « année Le Nôtre », Versailles ne se contente pas de retravailler (cultiver) au sens propre son (ou plutôt ses) jardin(s),  et de vouloir nous (cultiver) apporter un éclairage nouveau sur son histoire et son patrimoine. Non !
C’est à une remise en question bien plus profonde que le Château de Versailles nous invite sans doute si nous daignons l’écouter : au-delà l’éclat de ce qui brille, ne serait-ce pas finalement dans l’expérience pure et simple d’un « jardin », où l’homme renoue contact avec la (sa) nature, que serait à chercher la véritable beauté ?
L’historien Pierre Gaxotte avait déjà décrit cette vocation élévatrice propre au Château de Versailles, dès 1958 :
« Union de la civilisation antique et de la civilisation moderne, symbole d’humanisme, modèle d’art de vivre, Versailles représente ce qu’il y a de plus universel dans notre patrimoine. Il ravit les sens. Il comble l’esprit. Il ennoblit les âmes qui veulent bien écouter sa leçon. »
Ses quelques mots valent bien tous les articles que je pourrais écrire à ce sujet.
 
Grégoire Noetinger
Sources et références :
Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique.
Franck Ferrand, Versailles après les rois.
Marie Peigné, Olivia Traub, Hugo Sénécat, Benjamin Gastaud, et Grégoire Noetinger, tutorés par M.Olivier AÏM,  Enquête de terrain sur « Le château de Versailles »
Pour plus d’informations, consulter le site internet du Château de Versailles.

 

[1] Pour Walter Benjamin, une œuvre bénéficie pleinement de son aura lorsqu’elle est saisie dans son contexte (spatial, temporel, etc.). C’est alors qu’elle s’exprime dans sa toute puissance. Mais lorsqu’elle est extirpée de son contexte, et ce d’autant plus à l’heure de la « reproductibilité technique», une œuvre ne jouit plus que d’une aura affaiblie, ou débris d’aura, qui peut s’exprimer notamment à travers l’expérience du kitsch. (Pensons notamment à la Galerie des Glaces, utilisée récemment dans le jeu « Château de Versailles » de la Française des Jeux)

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Le Triduum pascal de Sarkozy

 
Sarkozy a-t-il envie de revenir ou le fera-t-il par devoir ? Sera-t-il le dernier recours pour redresser la France, ou finira-t-il de l’achever ? Les convictions de chacun répondront à ces questions et l’histoire jugera ces réponses. Mais quelque soit l’avenir ou le non-avenir politique de Nicolas Sarkozy, il est intéressant d’observer la manière dont le récit de son retour se met en place… Un récit quasi « christique » si on en croit la dernière Une de Charlie Hebdo. Une caricature qui fait écho à l’entrée des chrétiens dans le « Triduum pascal » dès ce jeudi. Risquons-nous à pousser l’analogie de Charlie Hebdo jusqu’au bout, et regardons d’un peu plus près le « Triduum » de Nicolas Sarkozy.
Jour 1 : le dernier repas ou le discours de la mutualité
Pour les chrétiens, le premier jour du Triduum pascal est la célébration de “l’ultime repas du Christ avec ses disciples, où il leur annonce le don qu’il va faire de sa vie, librement et par amour.”[1] Jésus, lors de son dernier repas, lave les pieds de ses disciples et nous montre par ce geste l’image d’un Dieu au service de son peuple [2]. Nous pouvons donc distinguer trois messages-clés de ce passage de la vie du Christ : le don de soi, le service des autres et l’amour.
Le discours de Nicolas Sarkozy le soir de sa défaite se construit lui aussi autour de ces trois axes majeurs. D’abord le don de soi :  « je me suis engagé totalement, pleinement. » [3] Ensuite le service : « cela fait dix ans que chaque seconde, je vis pour les responsabilités gouvernementales au plus haut niveau. » Et à ce moment, il redevient un « français parmi les français. » Enfin, l’amour. L’amour pour la France : « j’ai l’amour de notre pays inscrit au plus profond de mon cœur. » et l’amour pour les français : « vous êtes la France éternelle, je vous aime ! »
Concernant son avenir politique, il nous livre un mystérieux message : « Une autre époque s’ouvre. Dans cette nouvelle époque, je resterais l’un des votre. […] Mais ma place ne pourra plus être la même. » Alors que Jésus, en son temps, expliquait à son apôtre Pierre : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » (Jean, 13).
Ainsi, en 10 minutes de discours, Nicolas Sarkozy a posé les bases sur lesquelles pourront s’appuyer le récit de son retour…
Jour 2 : la passion du Christ ou l’acharnement politico-mediatico-judiciaire
Le deuxième jour est celui de la passion du Christ… L’humiliation publique et la souffrance physique de Dieu fait homme, jusqu’au sacrifice ultime : la crucifixion. « Dans ce geste radical d’humilité, qui renverse la vision païenne d’un dieu dominateur, les chrétiens reçoivent la révélation d’un Dieu qui n’est qu’amour. » [4]
Nicolas Sarkozy renverse aussi son image. Avant sa défaite, et de plus en plus aujourd’hui, il se présentait comme une « victime » : « Et puis, regardez comment j’ai été traité ! » [5] Victime de l’acharnement de ses adversaires politiques qui ont surfé sur la vague du « tout sauf Sarko ». Victime de l’acharnement médiatique « sans précédent » pour un président de la République. Victime aujourd’hui d’un acharnement judiciaire à travers sa mise en examen, une « accusation infamante, insultante » [6] selon Henri Guaino. Nicolas Sarkozy déclare lui-même qu’il fait  « face à l’épreuve d’une mise en examen injuste et infondée. » [7]
L’analogie entre le récit christique et le récit sarkozien se poursuit. Jésus a été crucifié alors que son juge Ponce Pilate ne voyait lui-même aucun élément justifiant une quelconque condamnation. Il n’y a alors qu’un pas à franchir pour expliquer que la seule motivation du peuple de France à choisir François Hollande était le rejet de Nicolas Sarkozy, de la même manière que la foule a préféré libérer Barabas à la place de Jésus. Non par sympathie pour ce criminel, mais par rejet de Jésus. Nombreux sont les supporters de Nicolas Sarkozy et les analystes politiques qui ont déjà franchi ce pas [8] et qui décrivent l’accession de François Hollande comme un « accident de l’histoire ».
Jour 3 : la résurrection d’entre les morts ou la reconquête
Le dernier jour du Triduum pascal « est un jour de silence et de recueillement, un jour d’attente », juste avant la célébration de Pâques : « la résurrection de Jésus, son « passage » de la mort à la vie. » [9]
Nicolas Sarkozy entretient méthodiquement la présence médiatique de son absence et s’attache à conforter le récit christique de sa reconquête : le nouveau président accueilli comme un Roi en 2007 (l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem) ; le rejet virulent d’un homme jusqu’à l’humiliation publique (la passion du Christ) ; ses amis qui, soit le renieront (plus de trois fois), soit témoigneront de ses bienfaits jusqu’au bout (les apôtres)…
La partie la plus importante de cette histoire reste à écrire : celle de la reconquête, celle de la victoire de la vie sur la mort, l’histoire de la résurrection, de l’homme descendu au plus bas pour remonter au plus haut et promettre la vie éternelle à chacun. Une histoire qui passionne déjà les journalistes qui sont impatients d’en écrire la fin. Mais l’élément le plus central de l’histoire du Christ est surement l’élément que Nicolas Sarkozy aura le plus de mal à obtenir : la Foi. Les français, au moment venu, auront-il encore foi en lui ?

Pierre-François Jan
[1] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal
[2] : http://viechretienne.catholique.org/meditation/10077-le-lavement-des-pieds
[3] : Discours de Nicolas Sarkozy à la Mutualité – 6 mai 2012
[4] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal
[5] : http://www.atlantico.fr/rdvpresse/sarkozy-dans-valeurs-actuelles-qu-dit-exactement-marcela-iacub-au-tribunal-nouvel-obs-accusee-levez-revelations-mag-liaison-avec-659669.html#hCKEG3pyZWvrk6pP.99
[6] : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/03/25/01016-20130325ARTFIG00460-henri-guaino-le-juge-gentil-salit-la-france.php
[7] : Communiqué de Nicolas Sarkozy sur sa page Facebook, le 25 mars 2013
[8] : “Cette dimension de vote de «rejet» est sensible, 55 % des électeurs de François Hollande disent qu’ils sont allés voter en sa faveur pour «barrer la route à Nicolas Sarkozy»”
[9] : http://www.croire.com/Definitions/Fetes-religieuses/Semaine-sainte/Qu-est-ce-que-le-Triduum-pascal

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Invités

Poker en ligne : une évolution high tech

 
Depuis l’ouverture du marché des jeux d’argent à la concurrence, le poker en ligne a le vent en poupe. Les principales salles françaises (Pokerstars, Winamax…) rivalisent d’ingéniosité pour attirer, à grand renfort de publicités, les joueurs débutants qui ont simplement envie de passer un bon moment.
Mais même les salles qui ont obtenu l’agrément de l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne) ne peuvent pas protéger les amateurs contre le comportement de certains joueurs… Et les outils high tech qu’ils utilisent.
Les initiés le savent : dans une salle de poker en ligne, il y a les fishs et les sharks. Les fishs (les poissons) sont les débutants ou les joueurs qui perdent souvent. Évidemment, ils constituent une proie facile pour les sharks (les requins) qui ont de l’expérience et un solide équipement pour améliorer leur niveau de jeu. Ils peuvent alors s’enrichir très vite sur le dos de ces amateurs qui ont le malheur de croiser leur route…
Car désormais, être un bon joueur ne suffit plus pour gagner dans les tournois en ligne. En quelques années à peine, des évolutions technologiques de pointe sont venues considérablement transformer la façon de jouer sur la toile. Et ceux qui sont équipés disposent d’un avantage de taille : leurs logiciels vont analyser le comportement de leurs adversaires et  livrer des statistiques qui peuvent être très habilement exploitées.
Un outil comme Poker Tracker, par exemple, va permettre de compiler et d’analyser l’historique des parties et de livrer des indications sur les habitudes de jeu dans le but d’optimiser les chances de gagner. Le joueur dispose non seulement des informations sur son propre jeu, afin de s’améliorer et de continuer à progresser, mais il va obtenir des données sur tous les pokéristes qu’il va affronter.
Résultat : quand son adversaire modifie sa façon de jouer (il prend subitement des risques, il met plus de temps à se décider…), il le sait aussitôt et il peut alors deviner plus facilement s’il a une grosse main ou s’il tente un coup de bluff.
Les salles de poker en ligne ont dû s’adapter assez vite à ces nouvelles pratiques pour anticiper et contrer les dérives. Il y avait par exemple des outils qui permettaient à plusieurs joueurs de s’allier ensemble pour en « plumer » un seul. Ou même de tout savoir sur un joueur avant de se mesurer à lui lors d’une partie, ce qui donne forcément un avantage significatif. Certains logiciels figurent désormais sur une « liste noire » et sont formellement interdits.
L’autre bête noire des salle de poker et des joueurs honnêtes, ce sont les robots (souvent appelés les « bots ») de poker. Concrètement, il s’agit de programmes informatiques conçus pour jouer seuls à la place des joueurs. Certains joueurs de poker se sont ainsi fait attaquer par des machines contrôlées par des hackers peu scrupuleux, notamment dans des parties en limit (c’est-à-dire que le montant maximum de la mise est plafonné pour chaque tour d’enchère).
Là encore, les opérateurs en ligne ont réagi rapidement pour offrir aux joueurs une sécurité optimale.
Mais il n’en reste pas moins que jouer au poker via un robot, à partir du moment où certaines règles sont respectées, n’est nullement répréhensible. Par exemple, il existe plusieurs robots dont le but est de permettre de tester votre stratégie et de vous contrer efficacement pour améliorer votre technique. Dans le genre, le lancement de Neo Poker Bot montre que l’intelligence artificielle est devenue véritablement performante.
Dans les années à venir, le poker en ligne devrait donc continuer à évoluer pour devenir de plus en plus qualitatif et technique. Les joueurs qui voudront s’inscrire dans des parties et des tournois devront être suffisamment expérimentés et équipés pour avoir une réelle chance de gagner.
Conscientes de l’enjeu, qui risque de rebuter beaucoup de joueurs, certaines salles commencent à tester de nouvelles mesures pour séparer les joueurs et les répartir en deux groupes : les gagnants réguliers d’un côté et, de l’autre, les perdants réguliers ou les novices. Histoire d’éviter que les sharks ne finissent par dévorer tous les fishs. Mais rien ne garantit la pérennité de ce système : les joueurs confirmés et réguliers sont aussi ceux qui dépensent le plus et ils ont clairement fait part de leur mécontentement…
 
Benjamin Durant

Invités

Mots brandis, branding de mots : éléments sur l’affiche contemporaine

 
Plus que jamais en ce début 2013 la publicité affichée dans le métro nous rappelle à quel point son fonctionnement communicationnel procède d’une écriture qui passe de manière privilégiée (d’aucuns diraient « médiagénique ») par une mise en spectacle des mots dont le but est de produire un effet de rupture cognitive (d’autres diraient « disruption ») dans les déambulations routinières des passants indifférents.

Que ce soit sous la forme testimoniale de la pensée « canaille » (Meetic), de la citation baudelairienne (Musée d’Orsay) ou de l’onomatopée brute (Gaîté lyrique), les affiches projettent sur les murs de la capitale des lettres et des mots à lire comme des totems.
Verticalité de l’affiche
Historiquement, l’art publicitaire de l’affichage accompagne l’essor de la presse et de la littérature modernes : c’est-à-dire massives et mobiles. Il est intimement lié au graphisme comme modalité expressive et esthétique. Il explose avec les formes papier, puis électriques (les enseignes lumineuses) et enfin numériques (les écrans que l’on trouve maintenant partout). Dans une période médiatique elle-même obsédée par les écrits courts (twit, commentaire, petites phrases, etc.), il ne doit pas nous étonner que le mot retrouve son autorité « fantasmagorique » et sa puissance « kaléidoscopique ». Ces métaphores visuelles (« fantasmagorie » ou « kaléidoscope ») sont aussi anciennes que l’essor des métropoles de la fin du 19ème siècle et sont très souvent utilisées par les écrivains (Baudelaire, Aragon, entre autres) ou les philosophes de la Modernité. Au premier rang desquels on retrouverait Walter Benjamin, qui énonce, avec génie, que la publicité de ville et de magazine consiste à « redresser » le langage. Avec l’essor de la communication médiatique, les mots retrouvent leur verticalité :
« Si, des siècles durant, l’écriture se mit progressivement à s’allonger, passant de l’inscription verticale à l’écriture manuscrite, qui repose inclinée sur des pupitres, pour finalement se coucher dans la typographie, elle commence, maintenant, tout aussi lentement, à se relever à nouveau. Le journal, déjà, est plus lu à la verticale qu’à l’horizontale, et le cinéma comme la publicité poussent entièrement l’écriture à la dictature de la verticale. »
De ce point de vue, le spectacle offert par nos plus récentes campagnes d’affichage nous rappelle que plus que tout autre média, l’affiche publicitaire a une puissance d’incarnation érectile du langage.
Le cas Sephora
Comme nous le montre Clara de Sorbay sur ce même blog, c’est ainsi Sephora qui, en jouant avec ses propres innovations linguistiques, se permet de rappeler combien l’attraction publicitaire relève d’une rhétorique érotisée et d’une érotisation de la rhétorique. En s’affichant, la provocation se dresse à la faveur de mots spectaculaires qui prennent corps :

La « bombassitude » s’offre à la rue comme une hyperbole assumée de la dimension « putassière » de l’affiche qui cherche à accrocher le passant par le langage.
Sephora ou l’« attractionisme» suffixal

 
 
 
 
 
 
 
 
Mis en relief, en abîme et en cadres successifs, les mots forgés par la marque tiennent toutes leurs promesses phaticonatives, autrement dit en termes sephoriens : leurs capacités d’« attractionisme ».

A travers eux, il s’agit de capter l’attention des voyageurs par la mise en avant d’un néologisme qui se détache sur un visage et un regard qui leur font face. Sephora ne s’embarrasse pas de subtilité et leur adresse ainsi des « mots-regards » sur-colorés et sur-soulignés, à l’image des masques (« maquillage ») et des effets (surfaces et volumes) que l’enseigne commercialise.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Comme s’il s’agissait d’une palette chromatique, Sephora déplie toute la gamme des suffixations possible du chic (« inance »), du conceptuel (« isme », « itude ») et de la conjonction des deux (« escence »). Dans un art de l’onomaturgie jouisseuse, la signifiance s’irise d’une multitude de nouveaux noms qu’elle s’approprie (au sens de « noms propres ») comme des valeurs de marque.
Et s’il fallait à notre tour définir par la néologie le style rhétorique de la marque, nous dirions qu’il s’agit là d’une sorte de tentation « pyrolexique » redéfinissant les contours de la « gloss-o-lalie ».
Poitiers et la surprise surprenante
Dans un genre moins tapageur, c’est également le chemin que prend la ville de Poitiers pour communiquer dans le métro parisien. Sa promotion se fait sur le fond d’un spectacle lexical qui repose sur un effet de surprise au carré : en utilisant des adjectifs dénotant la surprise tout en la connotant.

« Ebaubissant », « épatarouflant », « épastrouillant »… En tirant de vieux dictionnaires de synonymes des lexèmes endormis, l’agence de communication poitevine MBA cherche à surprendre le passant du métro en suspendant et en testant ses compétences linguistiques et « encyclopédiques ».
Dans un flou temporel qui veut signifier l’archaïsme, Poitiers tend à remotiver une « romanité » d’origine forcément ébouriffante.
Et le passant lui-même un peu âgé, ne peut s’empêcher de penser à la formule que Monsieur Cyclopède adressait au téléspectateur à la fin de chacune de ses brillantes démonstrations : « Étonnant, non ? ».
Mot-label
Au fond, l’affiche contemporaine est là pour nous rappeler que, depuis quelques années, notre environnement écranique a remis en vedette le mot pour lui-même : de l’économie des moteurs de recherche (AdWords) à la première métaphore ennuagée des « tag clouds », en passant par le règne éditorial du « mot-clé » et du hashtag, les mots ont repris de la valeur et de la couleur, également au sens pécuniaire du terme.
Rien ne le montrerait mieux que le cas des critiques de cinéma qui sont de plus en plus ramassées en un ou deux mots qui résument l’ensemble d’un article, au point que la séquence de Canal + dédiée aux sorties de films (qui s’appelle le « crash test » dans le Grand Journal) s’ingénie à faire ressortir visuellement des qualifications de la manière suivante :

A l’écran, le mot frappe l’image comme un tampon qui valorise ou stigmatise le film, tout en lui donnant un prix quasi monétaire. Plus que jamais la parole critique est d’argent et construit sous nos yeux la valeur de l’objet culturel qu’elle examine. Comme à la Nouvelle Star, le bleu, c’est bien, et le rouge, c’est pas bien :

Cela n’est pas sans effet alors sur la communication autour de la sortie des films et de leur affichage urbain, ainsi que nous le montre le cas de la sortie du dernier Bacri/Jaoui du début de ce mois de mars :

Réduit à l’averbalité, les phrases en ressortent comme de véritables mots-labels qui dressent au produit culturel, sous forme de bouquet, un monument éphémère de mots euphoriques.
 
Olivier Aïm

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Invités

Commente et je te dirai qui tu es…

 
Quelles données pour quels enjeux ?
Aujourd’hui, nous connaissons tous les sites Internet des grands médias. Par exemple, « my tf1 » ou encore « M6 replay » pour ne citer qu’eux. L’intérêt de ces sites est de nous permettre de revoir à volonté nos émissions préférées et surtout de les commenter.
Je ne vais pas ici m’intéresser au « leurre de conversation » que nous proposent les entreprises médiatiques mais plutôt aux moyens qui permettent d’y parvenir. En effet, pour se voir autoriser l’accès à la partie « interactive » de ces plates-formes, il faut remplir un questionnaire. D’ailleurs, pour contacter le groupe ce questionnaire est lui aussi obligatoire. Les questions sont classiques : âge, sexe, nom, prénom, adresse et code postal. Classiques oui mais certainement pas anodines.
Les données stockées par les marques sont diverses. Il peut s’agir de notre adresse IP, du type de système d’exploitation utilisé ou encore du type de navigateur privilégié… Inutile de préciser qu’au passage, nous recevons un bon nombre de ces chers fichiers « cookies », qui permettent de nous suivre à la trace. Jusqu’ici rien de nouveau, tout cela ressemble à un bon vieux profilage publicitaire, devenu banal sur la toile.
Mais, revenons à nos moutons… Toutes ces données, recueillies lors de l’inscription, permettent de dresser le parfait portrait sociologique de notre petite personnalité. Dans les méandres juridiques censés nous expliquer nos droits, on ne trouve pas la moindre annotation concernant les commentaires que nous nous apprêtons à laisser sur le site. Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit : « commenter ».
Qu’advient-il alors de nos prises de positions ?
Les différents travaux sur la réception, notamment dans le cadre des cultural studies, ont montré qu’ en fonction de notre appartenance sociale, nous décodons les signes envoyés par les contenus médiatiques de différentes façons, mais qu’il existe cependant des similitudes de réception au sein des mêmes groupes sociaux. Autrement dit, selon le modèle de l’habitus (Bourdieu), une partie de la réception nous est propre en tant qu’individus, une autre dépend de notre éducation, de notre environnement et de facteurs liés à notre statut social…
La réception est un enjeu crucial pour les médias. Pourtant, aujourd’hui, il n’est pas si évident pour les chaînes de définir précisément le profil des récepteurs. Il est encore plus ardu d’analyser comment le sens produit va être décodé par les différents publics. L’intérêt des commentaires pourrait donc se trouver ici. En donnant notre avis sur telle ou telle émission, nous permettons aux chaînes d’analyser la réception. En regroupant ces informations avec nos données personnelles, elles sont en mesure de construire une typologie du public. Cela leur permet également de percevoir l’interprétation que nous faisons de leurs contenus et ainsi, de voir si les signes et significations émis sont acceptés, négociés ou refusés.
Quelles conséquences me direz-vous ?
Une fois ce travail accompli, les chaînes seront en mesure de s’adresser efficacement à tel ou tel public. On peut imaginer que les contenus seront alors construits en fonction d’une typologie précise du public. En effet, nos commentaires font transparaître les signes que nous percevons ainsi que notre interprétation.
Le danger principal serait alors que les signes envoyés soient unanimement acceptés. Il ne faut pas perdre de vue le fait que dans les entreprises médiatiques l’argent est roi. Si l’on accepte les contenus plus facilement, pourquoi la publicité qui les accompagne ne serait pas également acceptée ? La cohabitation – voire collaboration – entre médias et annonceurs pourrait les amener à construire leurs messages publicitaires sur le même modèle. La publicité – parfois dissimulée à l’intérieur même des contenus – n’aurait alors plus qu’à réutiliser les signes les plus performatifs adaptés à sa cible. Nous assisterions alors au primat du sens dominant sur l’interprétation. Comprenons, la fin du feedback et le retour à un modèle linéaire. Une bonne vieille injection à grands coups de seringue hypodermique !
Qui les en empêcherait ?
Aussi surprenante qu’elle puisse paraître, la réponse nous vient du site Mytf1.fr : « Nous recueillons les Données personnelles que Vous Nous fournissez ».
 
Jordan Thévenot

Invités

Le prince (presque) charmant qui roulait en Renault

 
A priori, rien de bien méchant. Un prince (presque) charmant est un film français (réalisé par Philippe Lellouche) et, eu égard au titre et l’affiche, une comédie romantique. Premier plan, on suit une Audi TT (gris mât) lancée à pleine vitesse sur le périphérique. Jean-Marc (Vincent Perez) est aux commandes… et au téléphone, sa secrétaire, très angoissée par sa conduite, se propose alors de prendre le volant, ce que Jean-Marc refuse, en bon PDG macho et méprisant. Le sujet du film est posé. Il s’agit bien d’une histoire d’amour. Non pas entre Jean-Marc et sa secrétaire. Entre Jean-Marc et une autre femme alors ? Manqué ! La princesse du « prince (presque) charmant » est une voiture. L’Audi TT ? Encore raté. C’est une « Zoé », la petite dernière de chez Renault. Analyse.
Le consommateur est aujourd’hui devenu un ambassadeur publicitaire de premier choix en générant ce qu’on appelle du « earned media », c’est-à-dire une communication, souvent suscitée mais non contrôlée par la marque, notamment sur les réseaux sociaux. Tous les personnages du film, consommateurs fictifs et plus ou moins directs de « Zoé », Jean-Marc en tête puisqu’il en est l’heureux propriétaire, défendent ainsi unanimement ses bienfaits. Marie, ses parents et même le paysan du coin, à chaque fois, le même discours bien rodé : « c’est une voiture électrique, donc respectueuse de l’environnement, donc écologique ». Des louanges qui nous feraient presque oublier que l’énergie nucléaire (source n°1 d’électricité en France) n’est pas vraiment la princesse charmante des écologistes (des vrais)…
Jackpot donc. Renault se passe d’inventer un scénario pour vendre « Zoé » selon les règles du « story telling », Philippe Lellouche et Luc Besson (également scénariste) s’en chargent. Avec en prime, comme dans tout bon film publicitaire, des acteurs dont le capital séduction n’est plus à prouver, j’ai nommé Vahina Giocante et Vincent Perez. Toute l’intrigue se construit pour placer « Zoé » au premier plan. L’Audi TT de Jean-Marc tombe en panne d’essence et manque de bol, toutes les stations sont grève. Naturellement, Jean-Marc (qui est très riche) se rend chez un concessionnaire où il choisit et achète une nouvelle voiture dont il exige « le plein ». Amusé, le vendeur lui explique qu’il s’agit d’une voiture électrique, nommée « Zoé ».
A l’acquisition succède l’utilisation. Aux côtés de Jean-Marc, on découvre l’intérieur de « Zoé » (très design avec sièges inclinables et déodorisant senteur lavande) mais aussi comment la recharger (à l’aide d’un adaptateur branché sur le devant), quelle est son autonomie, etc. Surtout, on admire « Zoé » traversant de beaux paysages français, vue du dessus, de devant, de derrière, de l’intérieur. On renoue ici avec les codes esthétiques traditionnels de la publicité automobile lorsque, aussi étonnant que cela soit, voiture et nature rimaient ensemble (là on peut se le permettre à nouveau vu que « Zoé » est « écolo »).
Les avantages du produit « Zoé » sont mis en scène à plusieurs reprises, dans le jargon publicitaire on parle de « bénéfice produit ». Ainsi se construit la scène de la station d’essence en grève avec le routier qui dit à Jean-Marc « eh toi ! Tu fais la queue comme tout le monde ! » et ce dernier de lui répondre « Eh non ! Parce que MOI j’ai pas besoin de carburant, ma voiture elle est électrique ! » A travers ce qui semble être un gag, sont en fait comparés les bénéfices de la voiture essence avec ceux de celle électrique. On en retient qu’en cas de pénurie d’essence, Zoé est PLUS utile que n’importe quelle essence.
Les « bénéfices consommateurs » (ce que le produit promet d’apporter au consommateur) ne sont pas en reste. Grâce à « Zoé », Jean-Marc devient quelqu’un de bien (ou du moins passe pour tel). On retrouve l’idée, abondamment reprise dans les publicités de voitures, d’une consommation qui nous transforme, l’accent étant mis sur le bénéfice consommateur et sur la vente d’expérience qui l’accompagne. La preuve en est : lorsque Jean-Marc rencontre Marie, il est dans sa voiture, paumé dans la cambrousse, la batterie à plat, il pleut des trombes et Marie (qui passait par là) trouve refuge dans sa voiture.
Cette dernière est conçue à la fois comme un véhicule mais aussi et surtout comme un « espace » intime privilégié, « le seul endroit où je peux être moi-même » dit Jean-Marc qui y dort à plusieurs reprises et y petit-déjeune même avec Marie. Notons que depuis le lancement de l’« Espace », le groupe Renault a fait de cette notion un élément clé de son image de marque. Personnifiée, la voiture est à l’image de son propriétaire et apparaît comme une source d’affirmation de soi. Dès le début, avec son Audi TT, Jean-Marc s’affiche comme raide dingue de sa voiture, lui seul peut la conduire (« il faut être un sacré jockey pour la conduire »), « tu vas te marier avec ta voiture » se moquent même ses proches. Avec « Zoé », c’est une tout autre image qu’il renvoie à son entourage, celle d’un homme plutôt branché, écolo et attentionné. Poussons le vice jusqu’au bout, serait-ce là un petit message bien senti envoyé par Renault à ses concurrents via l’idée du « je consomme ce que je suis » à savoir, un connard en Audi TT gris mât, un mec bien en « Zoé » blanche ?
Soyons lucide, le cinéma français ne rime pas qu’avec « art et essai » et subventions publiques. Economiquement parlant cela serait impossible et la publicité aide régulièrement à financer des films de qualité (le programme Audi Challenge Award est en un bon exemple). Pour autant, quelques soit le produit vendu, écolo ou pas, moche ou beau, rose ou vert, l’indépendance et la qualité du cinéma français me semblent ici sérieusement menacées.
NB : Dialogues reproduits non contractuels.
 
Flora Trolliet

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