Société

WIKILEAKS – de la libre information à la défaite de Clinton

Le 8 novembre 2016, Hillary Clinton est battue par Donald Trump dans la course à la présidentielle. Par Donald Trump seulement ? Et si l’organisation non gouvernementale créée par Julian Assange en 2006, Wikileaks, était finalement le troisième homme de l’élection américaine, renversant la table et offrant la victoire à Trump ? Retour sur des rapports de forces communicationnelles digne d’une pièce shakespearienne.
Récapitulatif de l’affaire
Hillary Clinton arrive au Département d’État américain en 2009. Après l’attaque du Consulat américain à Benghazi (Libye) en 2012, Clinton prendra l’entière responsabilité du manque de sécurité et devra fournir 30 000 e-mails à une commission du Congrès qui mènera une enquête en 2014. On découvre alors qu’elle a utilisé son adresse privée, plutôt que l’adresse administrative. Chose interdite par la loi fédérale, posant des problèmes de sécurité intérieure. En 2015, Wikileaks rend l’affaire publique. Et ce n’est qu’un début.
Durant la campagne présidentielle de 2016, Wikileaks va publier des documents compromettant la candidate démocrate. Ainsi, en juillet, l’organisation révèle que Clinton a bénéficié du soutien du Comité National Démocrate, connaissant à l’avance les questions des débats pour l’investiture face à Bernie Sanders. De mars à octobre, Wikileaks a également sorti des échanges de mails entre Clinton et John Podesta, son directeur de campagne révélant son positionnement en faveur du libre-échange. Des discours prononcés à Wall Street et payés par Goldman Sachs ont été publiés au même moment. Dernier point d’orgue : alors qu’en juillet dernier, le FBI décidait de ne pas poursuivre la candidate malgré son « extrême négligence », le 28 octobre James Comey (directeur du FBI) rappelle qu’il y a suspicion envers la démocrate. Tout ceci a énormément déstabilisé la campagne d’Hillary Clinton.
Le décor est posé, nous pouvons rentrer dans le vif du sujet.
Une mauvaise stratégie de défense de Clinton
Au court de la campagne l’équipe de Clinton a essayé de transformer son image libérale pour conserver le vote des soutiens de Bernie Sanders, bien plus à « gauche » qu’elle. Mais face aux révélations de Wikileaks sur son lien avec le milieu financier, Clinton n’a pas su se défendre. Pire, pour l’affaire de la messagerie privée, elle a expliqué que c’était autorisé. Mauvais choix.
Clinton n’a pas su jouer la carte de la transparence. D’où le fait que les électeurs, déçus, considèrent qu’elle est malhonnête.
Du pain béni pour la communication électorale de Trump.
Car rien ne pouvait arriver de mieux pour le républicain. Trump a basé sa campagne sur l’anti- establishment, sur l’anti-système. Et l’affaire des E-mails d’Hillary Clinton a nourri cette rhétorique permettant de récupérer le vote des pro-Sanders dans une logique populiste. Mais ce qu’il faut voir également, c’est que Trump n’a pas été touché par des fuites telles que celles des E-mails de Clinton (hormis ses propos sexistes mais qui ont eu peu d’impact au vu du résultat de l’élection). Bien que lui aussi fasse parti de ce système politique et médiatique – héritier, pur produit de la télé-réalité et qui en plus ne paye pas d’impôts depuis 18 ans – , on ne lui a pas demandé de faire preuve d’un tel degré de transparence. Deux poids, deux mesures, ce qui est assez étonnant aux Etats-Unis. Malgré ses mensonges sur l’immigration et sur la politique, le candidat républicain reste authentique pour ses supporters.

Comprendre la communication de Wikileaks
Dans cette campagne, Wikileaks a adopté une stratégie digne des grands médias du début du XXème siècle : la publication en feuilleton. Ce choix de diffusion a permis à cet éditeur tout à la fois d’être au cœur chaque semaine des questions politiques, mais aussi de faciliter la lecture et l’analyse de ces documents. Un choix très stratégique et efficace. Efficace puisque Wikileaks dénonce ce « maccarthysme démocrates », qui représente une menace pour la liberté d’information puisque 95 % des journaux ont soutenu Clinton durant cette campagne.
 Une question nous taraude encore : pourquoi Wikileaks a-t-il fait ça ? Simple vengeance contre Hillary Clinton ? La même Hillary Clinton qui mena la contre-attaque pour discréditer Assange et protéger le gouvernement américain après la fuite en 2010 de 250 000 câbles militaire sur l’opération en Irak. Et qualifiant au passage cette fuite d’ « attaque contre la communauté internationale ».
Un soutien de Trump ? Difficile à croire quand Wikileaks explique que le candidat représente tout ce que combat l’ONG – et de rappeler au passage qu’ils n’ont reçu aucun document visant le républicain. Un lien avec Poutine, alors que Wikileaks a bénéficié de l’aide des hackers de Fancy Bears (lié aux services secrets russes) pour « l’affaire des E-mails de Podesta » ? Et si c’était simplement un idéal que poursuivait la plate-forme ? Dans un édito publié le 8 novembre, jour de l’élection, Assange s’est défendu d’être une marionnette, voulant laisser le peuple voter avec le maximum d’information sur les candidats. Fustigeant les anciens médias comme le New-York Times, qui avait publié une enquête sur la surveillance généralisée de l’administration Bush après la réélection de ce dernier, Wikileaks prône ainsi un nouveau modèle d’ « open journalism » libéré des Gatekeepers, et où la figure du lanceur d’alerte devient centrale.

Quelles leçons tirer de cette campagne ? Premièrement que nous sommes peut-être entrés dans une période qualifiée par les observateurs de « post vérité ». Peu importe ce qu’on dit tant qu’on le dit en faisant le plus de bruit possible. Il faut reconstruire notre système médiatique qui ne suscite plus que la défiance malgré le travail de fact-checkers des grands journaux d’information comme le New York Times ou le Washington Post pour remettre la vérité dans le débat démocratique. Certes central, ce travail de vérification des faits a été finalement inutile face à un complotisme beaucoup plus séduisant (et qui joue lui aussi sur l’analyse des faits). Frédéric Lordon critique ainsi le « journalisme post-politique », un journalisme où il n’y a qu’une seule vérité et où aucune alternative n’est possible, empêchant un réel débat démocratique. Ce journalisme semble donc se couper du public. Tout ceci alimente la défiance face à ce qu’on nomme la « sphère politico- médiatique », nouvel élément de langage du populisme.
Charles Fery
Sources :
– Juliette Mickiewicz, Comprendre l’affaire des emails d’Hillary Clinton en quatre points, Le Figaro, publié le 28/10/2016, consulté le 14/11/2016.
– Simon Petit, Pourquoi Wikileaks s’acharne contre Hillary Clinton, Le Temps, publié le 19/10/2016, consulté le 14/11/2016.
– Damien Leloup, Présidentielle américaine : Wikileaks mène campagne pour Donald Trump, Le Monde, publié le 19/10/2016, consulté le 14/11/2016.
– Julian Assange, Assange Statement on the US Election, Wikileaks, publié le 08/11/2016, consulté le 14/11/2016.
– The Podesta E-mails, Wikileaks, consulté le 14/10/2016.
-Frédéric Lordon, Politique post-vérité, ou journalisme post-politique, Le monde diplomatique, publié le 22/11/2016, consulté le 23/11/2016.
Crédits photos :

– Kim LaCapria
– Dessin de Fair.
Mots clefs :
 #transparence
 #premier amendement #liberté d’information #anti-système #anti-establishment #Maccarthysme démocrate #Gatekeepers #fact-checking

Flops

Jean-Luc Mélenchon à la conquête de YouTube : la construction d'une nouvelle image médiatique

On connaît l’aversion quasi légendaire de Mélenchon pour les journalistes. Il semble que dans les médias traditionnels, le candidat de la France Insoumise ne convainc pas : souvent trop virulent et trop énervé, il n’a pas la figure de l’homme présidentiable habituel. Son discours manque d’éléments de rassemblement et le registre de la dénonciation est usé jusqu’à la corde. Aussi, l’utilisation de YouTube présentait tous les avantages pour Jean-Luc Mélenchon, et devait lui permettre de renouveler son image en évitant son habituel et tant de fois reproché manque de contrôle face aux questions incisives des journalistes; seul face à la caméra, l’homme peut maîtriser ses dires et ses émotions. On ne peut pas non plus négliger la conquête potentielle d’un nouvel électorat plus jeune, très présent sur ce média.

Une pluralité de formats
Comme dans une anthologie médiatique, l’internaute peut retrouver sur la chaîne « Jean-Luc Mélenchon » de grandes catégories, plus classiques, telles que « Discours et meetings » ou « Emissions et passages média ». Mais des formats plus innovants dans le champ médiatico-politique se distinguent, comme la Revue de Presse, support d’une nouvelle communication politique pour Mélenchon.
Pari réussi ou fiasco communicationnel ?
Les chiffres parlent en faveur du premier schéma : dans la Revue de Presse n°3, on peut entendre Mélenchon parler de sa chaîne comme étant la « première chaîne [YouTube] politique de France », avec près de 51 000 abonnés. De plus, il ajoute qu’un pic d’abonnés coïncide avec chaque publication de revue de presse, révélant le succès du format choisi.
Alors qu’en est-il? Comment Mélenchon réconcilie-t-il la supposée objectivité inhérente à une revue de presse et la partialité propre aux discours politiques?
Dans une vidéo d’environ 20 minutes, le fondateur du Parti de Gauche revient sur les faits marquants de la semaine – qu’ils touchent à la France ou à l’international – et saisit l’occasion pour présenter les grandes convictions de son programme.
La création d’une nouvelle rhétorique politique
Ce qui saute aux yeux lorsque l’on compare l’homme de YouTube à l’homme des plateaux télé, c’est l’élargissement du panel émotif du candidat. On ne saurait deviner si c’est dû à l’absence de journalistes ou de spectateurs directs, mais le « Youtubeur » de l’extrême gauche parvient enfin à mobiliser le registre du pathos, si important en politique.
La subjectivité est alors davantage mise en scène : Mélenchon laisse entrevoir de nouveaux sentiments, comme la sollicitude et l’empathie pour les Français, à l’inverse de la colère et du registre de la trahison politique qui régissent les discours mélenchonnistes dans les médias traditionnels. Les faits divers les plus tristes (‘une nouvelle que je juge terrible’, ‘un événement bouleversant’…) sont autant d’occasions pour Mélenchon de montrer une nouvelle facette de sa personnalité – plus calme et sereine – en contradiction avec l’image que pouvaient véhiculer ses anciennes prises de parole médiatiques, plus houleuses.
YouTube : un média démocratique ou son contraire ?
La forme aussi est symbolique : Mélenchon se lance à la conquête d’un média sans médiateur, un média où l’homme politique est en prise directe avec ses électeurs. L’homme qui dénonce souvent «le prisme calamiteux des médias officiels » jouit alors d’un espace où nul journaliste ne déforme ses propos ni ne le pousse dans ses retranchements.
C’est que YouTube représente une occasion rare pour les politiques aujourd’hui : selon l’utilisation qu’on en fait, le média peut être réduit à un simple canal qui ne permet qu’une communication unidirectionnelle. Le viewer de YouTube n’a pas la possibilité d’intervenir directement, là où le présentateur télé ou le chroniqueur radio se font les relais de la contradiction. Sur YouTube, la parole de l’homme politique résonne seule. Il n’y a aucun contrepoint, aucun débat véritablement institutionnalisé. S’il existe bien une section « commentaires », ceux-ci ne peuvent être exprimés qu’après la publication de la vidéo et il n’existe donc pas de véritable dialogue.
Chassez le naturel, il revient au galop
Il ne faut pas pour autant oblitérer complètement le pouvoir de contradiction qu’ont les commentaires YouTube. A eux-seuls, ils arrivent à révéler l’attitude défensive d’un Mélenchon pourtant en quête d’une nouvelle image médiatique.
En dépit de l’objectif premier de la revue de presse, à mi chemin entre la pédagogie et la persuasion, l’homme ne peut s’empêcher de revenir sur les quelques commentaires belliqueux que suscitent ses prises de parole, et retombe malheureusement dans ses travers habituels : virulence du discours qui accuse et moralise («Les gens qui ont l’habitude de ridiculiser tout ce qu’ils voient […] ont ricané et n’ont rien écouté au fond de l’affaire.», «Les mesquins, les méchants qui attendent pour pouvoir déverser la bile.»), apostrophes alarmistes («Alors vous n’avez pas compris que si vous ne changez pas l’alimentation […] nous sommes tous condamnés à tout détruire autour de nous ?», «Vous avez compris ça, les gens ? »)..En retombant dans ses mauvais penchants communicationnels, Mélenchon échoue à    mobiliser le registre du rassemblement, à diffuser un message fédérateur, si essentiel à la rhétorique du présidentiable.
Bilan mitigé de l’initiative : Mélenchon face à l’imaginaire français du présidentiable
Finalement, le véritable échec de cette nouvelle campagne politique 2.0 réside dans le fait que jusqu’ici, elle peine à conquérir de nouveaux électeurs. Les 50 000 abonnés de Mélenchon ne suffisent pas à lui offrir une visibilité suffisante sur YouTube. Il suffit de jeter un œil aux commentaires où le hashtag #JLM2017 règne, pour comprendre que son public est un public de convaincus, de militants. YouTube serait-il alors inadapté vis-à-vis de cet objectif de conquête électorale?
Entre conquête d’un électorat plus jeune et connecté, et création d’une nouvelle rhétorique politique, Mélenchon s’est approprié les codes de YouTube avec une certaine facilité : l’absence de médiateur lui réussit relativement bien, tandis que l’éviction du journaliste confère à l’homme politique une transparence et une franchise face à ses électeurs.
Néanmoins, si l’appel au pathos se fait plus présent dans le discours de Jean-Luc Mélenchon, son ancien pilier communicationnel demeure, malgré son apparente fragilité. Certes, les apostrophes fréquentes aux auditeurs forment une composante fondamentale de son identité communicationnelle puisqu’elles participent à la création d’une rhétorique de la participation et de la responsabilité citoyennes. Mais la convocation permanente du registre virulent et alarmiste ne semble pas judicieuse à l’heure des présidentielles, éloignant une partie des électeurs en quête d’un homme plus fédérateur et paisible.
Une constante se dégage néanmoins : le choix du canal médiatique dans la construction de sa communication politique en révèle long sur le candidat. Là, où Alain Juppé favorise encore le mail pour une communication plus ciblée et trahit ainsi son manque d’innovation dans le champ communicationnel, Mélenchon se distingue de plus en plus comme le candidat du numérique et de la jeunesse. Or, en privilégiant ce média pour échapper à la contradiction qui le dessert parfois, il prend peut-être le risque de diminuer sa visibilité auprès d’un électorat plus classique, habitué des plateaux télé et des émissions radio.
A croire que nos hommes politiques ne peuvent être présents sur tous les fronts médiatiques.
Hélène Gombert
Sources :

Chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon
MELENCHON Jean-Luc, « La revue de la semaine #1 : pauvreté, Hayange, démocratie, Alstom, Juppé et retraites. » mise en ligne 08/10/2016 https://www.youtube.com/watch?v=ynfJBfJKzFw

Crédits :

Jean-Luc Mélenchon à la fête de l’Humanité en 2011. Photographie d’Olivier Coret pour french- politics.com
AURENT HAZGUI pour FRENCH-POLITICS.COM
Photographie de Nicolas Krief

 
 

Agora, Com & Société

Déclarons la guerre au vulgaire !

Le langage vulgaire, jusqu’alors plutôt mobilisé dans le cadre de conversations informelles et par des citoyens « lambda », tend aujourd’hui à se généraliser dans les hautes sphères de la société. Rappelons qu’à travers l’expression « langage vulgaire » j’entends un langage peu châtié. En effet, personnalités médiatiques mais également hommes politiques s’autorisent de plus en plus de familiarités voire de grossièretés assumées.
Le point d’amorce de cette tendance peut sans doute être attribué au mythique « Casse toi pov’ con ! » prononcé par Nicolas Sarkozy au Salon de l’Agriculture en 2008, alors qu’il exerçait la plus haute fonction de l’Etat. Si à l’époque, cette apostrophe avait suscité un tollé médiatique, pas sûr que l’on s’émeuve autant du manque de correction dans les discours publics d’aujourd’hui.
Des (mauvais) leaders d’opinion
Rappelons qu’en termes d’image et d’exposition médiatique, les hommes politiques ont une certaine responsabilité vis-à-vis du grand public. Sans tomber dans une caricature du schéma élite/plèbe, il faut garder à l’esprit que leur parole influence le reste de la population et véhicule, voire constitue un certain modèle. Ces personnalités sont porteuses d’un discours légitime (ou du moins censé l’être) destiné à être diffusé publiquement, et donc à être écouté par un grand nombre de la population. En cela, toutes les figures médiatiques doivent jouer un rôle exemplaire par leur rhétorique.
Pourtant, des expressions sèches et désinvoltes telles que « ça va pas la tête » ou « c’est n’importe quoi » sont devenues monnaie courante au sein l’espace public, il semble même qu’on assiste à une normalisation de la pure et simple grossièreté. Dernièrement, c’est Alain Rousset, président socialiste de la Nouvelle-Aquitaine, qui a fait parler de lui en scandant « Celui qui s’exprime là-dessus depuis cinq ans, devrait la fermer ». Ces propos au sujet de la courbe du chômage et de la croissance, ont retenu l’attention des médias parce qu’on les supposait adressés à François Hollande. Rousset dira ensuite qu’il songeait au Ministre de l’Economie, Michel Sapin – comme si l’identité du destinataire modifiait quoi que ce soit au caractère déplacé d’un tel discours.
La vulgarité langagière revêt également des formes plus insidieuses ; on songe aux remarques méprisantes d’hommes politiques envers certaines franges de la population (souvent les mêmes), comme ce fut le cas d’Emmanuel Macron en mai 2016 à l’encontre des grévistes qui le prenaient à parti. L’ex ministre de l’Economie n’a pas su garder son sang-froid et s’est permis de répondre : « Vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt : la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ». Une injonction qui révèle sans délicatesse un certain mépris de classe…
Enfin, n’oublions pas le déchaînement sémantique à coups d’insultes et de sifflements qu’ont respectivement subis Cécile Duflot et Pamela Anderson lors de leur passage à l’Assemblée Nationale en juillet 2012 et en janvier 2016. Un laps de temps de plus de trois ans qui suffit à illustrer une forme de décadence qui se diffuse au sein de toutes les strates de la société. Le tweet de Frederic Nihous, membre du parti Chasse, Pêche, Nature et Traditions (CPNT) à l’égard de Pamela Anderson suffit à décrire la situation : « Une dinde gavée au silicone parade à l’assemblée contre le gavage des oies… Quelle farce ! Qui en sera le dindon ? ».
Quand l’exception devient la norme
Le manque de correction n’est pas un fait entièrement nouveau, si ce n’est qu’il se diffuse désormais dans toutes les couches de la société à grande vitesse. En mai 1991, Edith Cresson, alors Première Ministre de Mitterrand, proférait en ces termes : « La Bourse ? J’en ai rien à cirer ! ». Il ne s’agissait encore que d’un cas isolé. Aujourd’hui, la tendance générale à la dérision et à la peoplisation est vectrice d’une normalisation de ce type de langage, et pire encore, d’une acceptation tacite de la vulgarité et des insultes comme outils de communication.
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. D’abord, il s’agit d’une forme de démagogie de la part de certaines élites politiques, le registre familier est utilisé dans le but de plaire au peuple. Il s’agit de se fondre dans la masse, de se mettre à leur niveau, un moyen de susciter l’identification, des plus condescendants finalement. Plus largement, on peut associer la recrudescence du langage familier au déclin des idéologies et à la perte de substance du débat politique. On assiste aujourd’hui à un véritable abaissement du débat public, dans lequel les idées et les propositions, si elles ne sont pas inexistantes, sonnent creux. Il est vrai qu’à force de chercher à formuler différemment des propositions similaires, mais surtout moins innovantes les unes que les autres, les mots vous manquent.
Alain Juppé, dont on connaît l’attachement aux lettres et à la culture, nous a même gratifiés d’un « Je les emmerde » en réponse à une observation de Franz-Olivier Giesbert, à l’intention de ceux qui le jugent trop « conventionnel », dans un documentaire diffusé sur France 3 en octobre 2016. Alors qui peut affirmer que ce n’est pas le début de la fin ?
Déborah MALKA
LinkedIn
Sources :

LEGOUTE Delphine, « Alain Rousset conseil à son ami François Hollande de… la fermer », Marianne, mis en ligne le 01/11/2016, consulté le 6/11/2016
BLAVIGNAT Yohan, « Emmanuel Macron : le meilleur moyen de se payer un costume c’est de travailler »,    Le    Figaro,    mis    en    ligne    le    25/05/2016,    consulté    le    6/11/2016
PECNARD Jules, « Venue défendre les oies à l’Assemblée, Pamela Anderson provoque la cohue », Le Figaro, mis en ligne le 19/01/2016, consulté le 6/11/2016.
« Alain Juppé emmerde ceux qui le trouvent très conventionnel », France Info, mis en ligne le 03/10/2016, consulté le 6/11/2016

Crédits :

afp.com – Georges Gobet

 

Com & Société

BLACK ALBUMS MATTER, l'album comme format de protestation.

« Like books and black lives, albums still matter » a dit Prince lors de la 57ème cérémonie des Grammy Awards en Février 2015. Cela faisait alors plus d’un an et demi que le mouvement Black Lives Matter prenait forme et position dans les rues comme dans la musique. Prince rendait hommage non seulement à la communauté noire mais aussi au format album, que certains pensaient voir s’éteindre plus tôt que prévu. En effet, l’album ne correspond plus à l’idéal économique qu’il produisait à l’époque des 33 tours, mais il est peut-être en passe aujourd’hui d’être le support de manifestation des mouvements sociaux aux Etats-Unis, pour la cause noire.

Depuis le début du des années 2000, on questionne le format album : est-il le meilleur format d’écoute à l’ère du numérique? Plusieurs enquêtes ont été publiées à ce propos, notamment Les Inrocks et Rue89 qui posaient en 2009 la question suivante : L’album serait-il en train de doucement se dissoudre dans un univers de buzz et de single ? Loin de nous l’idée de produire ici un article échafaudant les théories économiques prédisant la mort prochaine du format long, mais plutôt de comprendre en quoi le regain d’intérêt vers celui-ci est peut-être significatif d’un engagement dans l’art. L’album, objet musical faisant ‘œuvre artistique’, capable de rejoindre l’artiste et son époque, serait en train de retrouver des couleurs grâce aux prises de position des artistes blacks aux Etats-Unis.
La musique engagée dans l’histoire
Les liens entre musique et engagement pour la cause noire ne sont plus à démontrer, tellement la culture a été la première ambassadrice pour combattre le racisme et la ségrégation. Du free jazz de l’Art Ensemble de Chicago, qui proposait avec l’AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians) l’idée d’une « Great Black Music » déconstruisant les formes du jazz pour le jouer, l’improviser et améliorer sa condition….au gospel des chants d’esclaves, et sa fonction sociale d’union, de rassemblement pour lutter et croire en une meilleure réalité. Billie Holiday, Curtis Mayfield, Nina Simone ou encore James Brown ont été les figures d’une soul qui réactualise les valeurs de liberté et de fierté exprimées par les premiers défenseurs de la condition noire dans une Amérique post-esclavagiste.

A chaque décennie d’injustices, la musique noire est un refuge : le hip-hop pour exprimer la violence et les difficultés de la vie urbaine, la house comme un moyen pour les minorités noires et gays de libérer leur corps dans des clubs où elles sont enfin acceptées. Aujourd’hui aussi, dans la désillusion des années Obama et la violence raciale qui ne s’est pas éteinte, les artistes comme Beyoncé, D’Angelo, Kendrick Lamar ou encore Blood Orange prennent position. Leurs œuvres prennent le parti de la longueur, de l’expression d’une parole réfléchie sur le racisme d’aujourd’hui et dévoilent un discours de plus de cinquante minutes, à l’ère du numérique et du fichier mp3…

L’album comme média d’engagement
Ces albums, avec peu de promotion en amont, paraissent souvent sans lead single, et certains artistes, comme par exemple Blood Orange, choisissent de sortir l’album avant la date officielle pour créer un effet de surprise. Cela relève aussi d’une volonté de préserver l’unité de l’album et de produire un effet de sincérité : pas d’intermédiaire entre l’expression de l’artiste et la réception du public. Une phrase accompagne la promotion de l’album de Blood Orange dans tous les médias : « This album is for everyone told they’re not BLACK enough, Too BLACK, Too QUEER, not QUEER the right way, the underappreciated. ». En s’adressant à un groupe de personnes en particulier, les minorités, les laissés pour compte, Dev Hynes s’adresse à tout le monde et renvoie une image de communauté forte et fière, dans le son soul et R&B, comme dans l’esthétique visuelle.

Ces œuvres artistiques cherchent aussi à démontrer que l’album mainstream n’est pas l’œuvre d’algorithmes pour trouver le tube, pas de recettes toutes faites suivant un plan commercial préétabli avec seulement quelques ghostproducers tapis dans l’ombre. À l’image de l’album de Black Messiah de D’Angelo ou de Solange A Seat At The Table, dont la durée de composition est respectivement de 12 ans et 7 ans, le temps de la conception témoigne de la réflexion approfondie sur ce que c’est qu’être noir au XXIème siècle. L’album est devenu un média à part entière, une plateforme à multiples voix dont la structure a évolué. Saint Héron de Solange par exemple, regroupe plusieurs grands artistes tels que Raphael Saadiq, Pharell Williams, Dr. Dre, James Blake ou encore George Clinton pour laisser apparaître la subjectivité de chacun.
L’interlude

À l’image du dernier album d’Alicia Keys, sorti il y a deux semaines, ou de Velvet Rope de Janet  Jackson vingt ans plus tôt, Blood Orange, Solange et Kendrick Lamar utilisent l’interlude pour marquer une pause, laisser s’exprimer un discours parlé sur un fond sonore, ou un sample en référence à un morceau cher à l’artiste… L’interlude est exploité dans ces albums pour faire passer de façon explicite le message engagé. Il donne au disque une cohérence sonore et une continuité de sens qui rappelle à l’auditeur l’histoire qui lui est racontée dans le creux de l’oreille.

Dans A Seat At The Table, Solange insère pas moins de sept interludes dans lesquels ses proches parlent de leur expérience du racisme et de leur appartenance à la communauté noire aux Etats-Unis. Ce type de structure, presque cinématographique, qui place des « scènes » au milieu d’une longue pièce musicale, donne aux disques une dimension contemporaine et vise à marquer l’histoire et croire en un monde meilleur. À une époque où le modèle du fragment (le mp3) et donc de la playlist prime, ces artistes ne cherchent pas à communiquer leur message avec un assemblage de bons morceaux et de singles, mais bien à proposer une œuvre entière cohérente.
Une nouvelle structure, donc un changement dans la réception pour l’auditeur.
Depuis quelques temps, le constat est fait de l’absence d’un nouveau genre dominant après l’avènement de la musique électronique dans les années 90. Plus de révolution dans la musique, mais les genres se mêlent, les contenus ont de moins en moins d’étiquettes. C’est le cas de Kendrick Lamar qui cherche dans son album à mêler cinquante ans d’histoire de black music en un seul album, ou de Solange qui mêle des beats parfois presque industriels, avec des guitares indie rock accompagnées de voix soul… Cette hybridation sur le fond s’accompagne d’une recherche d’évolution sur la forme.

On ne pense plus le format album comme à l’époque du 33 tours avec ses deux faces, mais plutôt comme un long morceau à l’image des mixtapes de rap. Le modèle de l’album n’est plus physique mais numérique et le changement sur la forme influe sur le fond : il n’y a pas une face A joyeuse et une face B triste, mais des styles et des genres qui s’entremêlent, pour créer une évolution avec des hauts et des bas jusqu’à la conclusion finale. Le projet d’album se prolonge aussi par la proposition d’albums photos numériques et de démos de morceaux téléchargeables qui prolongent l’expérience de récit. La génération de l’iPod et de Spotify redécouvre grâce à ces albums l’expérience du récit en longueur. À l’image des livres, des articles longs (comme celui-ci), peu à peu délaissés par les jeunes générations, Solange D’Angelo, Blood Orange et beaucoup d’autres invitent à se replonger dans l’écoute, la compréhension et la patience pour saisir le message.

L’idée n’est pas de dire ici, que cette forme d’album serait révolutionnaire, mais plutôt de montrer qu’elle amorce une proposition de format différente, propice à dénoncer, s’indigner, s’émouvoir pour une cause personnelle, ou sociale. Le disque, de par sa longueur, est une matrice nécessaire pour laisser s’exprimer un discours. Tous ces albums coïncident en l’espace de deux ans avec une ère du temps qui oublierait peut-être de s’attarder. Ils se rejoignent aussi dans une façon d’être composés, puis distribués.

A l’heure où l’on parle de la difficulté de la musique à trouver des ressorts économiques, l’engagement politique ou social du contenu est peut-être ce qui lui redonnera de la vigueur.
Quoi qu’il en soit, dans une Amérique où Trump est élu Président des États-Unis, A Seat At The Table de Solange, un album concept invoquant le respect et la fierté d’être noir, parvient à se hisser numéro 1 des ventes au classement Billboard. De quoi redonner confiance dans le format album ?

César Wogue
Twitter

Sources :

Marc-Aurèle Baly et Adrien Durand, Solange et son nombril, ou comment faire de la pop politisée en 2016, 07.11.2016, consulté le 13/11/2016
Daphne A Brooks, How #BlackLivesMatter started a musical revolution, 13.03.16 , consulté le 13/11/2016
Corey Smith-West,The Sounds of Black Lives Matter, 17.10.16, consulté le 12/11/2016
Justin Charity, Disco Politics, 29.06.16, consulté le 13/11/2016
Britney Cooper, America’s “Prince” problem: How Black people — and art — became “devalued”  21.04.16, consulté le 15/11/2016
Taylor Gordon, Artists, Musicians Are Using Their Work and Creativity to Show That Black Art Matters, Too, 14.02.15, consulté le 14/11/16
Kate Groetzinger, Concept albums by Beyonce, Frank Ocean, and Solange are changing the way millennials listen to music, 18.10.15, consulté le 14/11/16
Elian Jougla, Freedom songs et back music, la révolte noire, 04.12 , consulté le 14/11/16
Salamishah Tillet, The Return of the Protest Song, 20.01.15, consulté le 12/11/16
Ashley Elizabeth, ‘A Seat at the Table’ is a Perfect Album for the Black Lives Matter Generation
Hua Hsu, BLOOD ORANGE AND THE SOUND OF IDENTITY 4.07.16, consulté le 15/11/16
Alexandre Pierrepont, Le spectre culturel et politique des couleurs musicales : la « Great Black Music » selon les membres de l’AACM, 8.11.16, consulté le 16/11/16
Alex Franck, Blood Orange’s Freetown Sound Is The Album For Fraught Times, 1.07.16
Arnaud Robert, D’Angelo, ne plus attendre le messie, 17.12.14, consulté le 14/11/16

Crédits photos :

Grammy Awards
Exposure America
Deana Lawson

Société

Le Dash Button d'Amazon : une révolution ?

Il n’était déjà plus nécessaire de se déplacer pour faire ses courses grâce à Internet.
Aujourd’hui, Amazon veut faire oublier l’étape de la sélection et de la connexion sur le site
en ligne grâce au Dash Button.
La promesse de simplifier la vie des consommateurs
Amazon lance le 15 novembre son « Dash Button » en France. Ce petit bouton intelligent existe depuis 2015 aux Etats Unis. Dans sa stratégie de commercialisation, Amazon insiste sur le caractère simple et intuitif du button. Une fois collé au lave linge, à la porte du frigo ou dans la salle de bain, il suffit d’appuyer sur ce dernier pour commander et recevoir le produit désiré en 24h (sous réserve de souscrire à l’abonnement Premium payant). Le Button est relié au Wi-Fi du logement et s’allume automatiquement à chaque utilisation. En cas de commande effectuée par erreur (comme par exemple dans le cas où les enfants jouent avec le Button), il est toujours possible de l’annuler via l’application smartphone. Pour la modique somme de 4$99, Amazon se vante de simplifier la vie familiale, d’éviter le stress de l’achat à la dernière minute car le Button s’occupe de tout. Il n’est plus nécessaire de se connecter à son compte Amazon, et encore moins de se déplacer au supermarché.
La marque revendique un certain succès avec 3 achats par minute aux Etats Unis, pour 500 marques partenaires. Pour les distributeurs, le Dash Button est un moyen de rentrer sur le marché des objets connectés. Une façon d’affirmer sa modernité et son implication dans le domaine des nouvelles technologies. En prenant cette initiative, les marques accompagnent le consommateur vers l’apprivoisement de ces tous nouveaux objets. Elles créent ainsi une association dans l’esprit du consommateur entre leur marque et les nouvelles technologies. Une stratégie ingénieuse dans une période où des innovations apparaissent régulièrement et où le consommateur a besoin de repères. Le Dash Button semble, outre accroitre les bénéfices des entreprises, être un produit d’appel attractif mais aussi une façon d’imprimer leur image dans le quotidien des consommateurs.

Mais on voit rapidement apparaître quelques failles dans ce système. Des utilisateurs américains ingénieux recensent sur des sites internet les utilisations alternatives du Dash Button. On peut par exemple facilement le reprogrammer pour commander des bières, ou encore faire fonctionner sa machine à café à distance en appuyant simplement sur le Button. Amazon ne se réjouit pas de ce détournement qui le prive de bénéfices qu’il touche sur ses abonnements mais aussi certainement des accords commerciaux passés avec les distributeurs.
L’entrée d’Amazon dans le monde réel
Quoiqu’il en soit, le Dash Button rentre dans la grande famille des Objets d’Internet. L’Internet des Objets (IdO) représente l’extension d’internet aux objets du monde physique. Selon l’Union internationale des télécommunications, l’IdO est une “infrastructure mondiale pour la société de l’information, qui permet de disposer de services évolués en interconnectant des objets (physiques ou virtuels) grâce aux technologies de l’information et de la communication interopérables existantes ou en évolution ». Ce sont donc des objets qui ont leur propre identité numérique et qui sont capables de communiquer entre eux. Ils représentent une passerelle entre le monde physique et le monde virtuel d’Internet. Le Button se place dans le domaine d’application de la domotique, c’est à dire l’ensemble des technologies de l’électronique de l’information et des télécommunications utilisées dans les domiciles. On y retrouve les outils d’aide à la gestion de l’énergie, ou ceux qui assurent la sécurité du domicile.
En se reliant par lui-même à la sphère virtuelle d’internet, le Button, bien physique, semble parfaitement ancré dans l’ère d’un internet 3.0 vers laquelle notre société se tourne.

Mais on peut se demander si le Dash Button simplifie et améliore réellement la vie des consommateurs, comme Amazon s’en vante dans ses publicités. En effet, plusieurs critiques non négligeables quant à la soutenabilité et l’efficacité de son modèle peuvent être émises.
Une innovation à l’efficacité discutable
Gary Cook, de Greenpeace, déplore la déconnexion totale du Dash Button avec les politiques anti gaspillages que mettent en place les gouvernements européens. Avoir un seul Button pour chaque marque et chaque produit implique la fabrication d’une énorme quantité de produits à composante électronique. Or on connait l’impact de ces nouvelles technologies sur l’environnement, tant dans leur production qu’une une fois qu’ils sont obsolètes. Amazon répond pour sa défense qu’il compte payer le recyclage des buttons.
Le principe de la livraison n’est pas non plus un mode de consommation soutenable, comme le souligne Raz Godelnik, professeur à la Parsons School of Design de New York. Il faut imaginer que pour chaque commande ce sont de nouvelles dépenses de carburant, mais aussi un nouvel emballage en carton, lesquels s’ajoutent au bilan environnemental du produit. Un non-sens écologique quand on critique déjà les packagings souvent trop imposants des biens que nous consommons. Mais aussi quand on promeut une consommation plus responsable passant par une réduction des déchets et une consommation plus locale.
On peut également questionner les avantages fournis par le Dash Button. En effet, chaque Button étant spécifique à une marque et un produit, il réduit la consommation à une seule marque par produit. Ainsi, comment comparer les prix ? Adam Smith doit se retourner dans sa tombe ! Quid de notre homo economicus qui sélectionne le bien qu’il consomme par un minutieux calcul coût avantage ? Un consommateur averti, rationnel ne doit en effet pas acheter compulsivement sans avoir au préalable bien réfléchi sur les autres offres qui se trouvent sur le marché. Sans aller aussi loin, car il a été démontré plus tard que l’individu n’est pas aussi rationnel dans ses choix, on se rend aisément compte que ce Button ne permet pas au consommateur de faire coïncider son besoin avec son pouvoir d’achat du moment.
Finalement, le Dash Button est étonnant de contradiction : résolument moderne dans sa forme connectée, il promet de simplifier la vie de son utilisateur. Pourtant aujourd’hui tout est affaire de choix, de comparaison pour trouver le produit qui correspond le mieux à nos attentes. Les distributeurs eux-mêmes personnalisent les produits pour que chaque consommateur ait l’impression de vivre une expérience unique. Nous pouvons en constater l’essor dans le marché de l’automobile, un secteur industriel et standardisé par excellence en 2007 avec Fiat, qui avait lancé sa Fiat 500 personnalisable avec plus d’un million de combinaisons possibles entre la couleur des rétroviseurs, des pare-chocs, de
l’intérieur etc. Citroën a fait de même avec la DS3, et Mini en a fait son cheval de bataille.

Ainsi, le dash button bride le consommateur et pollue : il ressemble plus à un gadget néo-futuriste qu’une réelle innovation.
Louise Cordier

Sources :

Présentation du Dash Button par Amazon. Pas de date de publication, lu le 14/11/16
 Définition = Internet des objets. Pas d’auteur ni de date. Lu le 14/11/2016
“Amazon Dash arrive en France”, Publié le 09/11/2016 par Morgane Coquais. Lu le 12/11/2016
“26 Amazon Dash Button Hacks You Probably Didn’t Know About” Publié le 16 juin 2016, pas d’auteur. Lu le 12/11/2016
“Amazon Dash: does the world really need more little pieces of plastic?” -Friday 2 September 2016 -Senay Boztas. Lu le 12/11/2016

Crédits photo:

 Les Dash Buttons d’Amazon, photo des produits.
Domadoo, le Dash Button
Parodie critique de l’Internet of things
Publicité pour la Mini de Peugeot illustrant la personnalisation des produits

 

Médias

"Mariés au premier regard", le laboratoire de l'amour

Alors qu’en ce mardi 8 Novembre les électeurs américains se ruaient aux urnes pour élire leur futur chef d’état, les experts de l’émission « Mariés au premier regard », diffusée ce même jour sur M6, s’affairaient pour trouver la moitié de célibataires français.
Sur les écrans de télévision pour la première fois, l’émission regroupait déjà plus de 3 millions de téléspectateurs impatients de savoir si M6 après « L’Amour est dans le pré » réitérerait l’exploit d’unir deux âmes en mal d’amour.
Le principe, quoi qu’osé, est simple. Des scientifiques, à l’aide d’une batterie de tests « scientifiques » établissent la compatibilité de célibataires qui, sur les bases des résultats obtenus, se voient attribuer un candidat du sexe opposé avec lequel ils devront se marier sans jamais l’avoir rencontré. Pour établir un couple, les participants hommes et femmes vont devoir passer par les filets d’un processus de sélection rigoureux : test olfactif pour définir l’odeur de leur futur partenaire, test sonore pour la voix, questions sur le biorythme (car il est impossible d’unir deux personnes n’ayant pas la même horloge biologique…) et enfin un questionnaire à choix multiples afin de mieux cerner les personnalités et les désirs de chacun. Le futur couple né de cet algorithme sentimental se marie puis passe six semaines de probable idylle en lune de miel avant de décider de rompre ou de conserver cette union.
Pour crédibiliser cette expérimentation scientifique de la rencontre amoureuse, M6 a réuni ses petits chimistes de l’amour. L’équipe est constituée de Catherine Solano, sexologue et andrologue (andrologie : spécialité médicale s’occupant de la santé masculine, en particulier pour les problèmes de l’appareil reproducteur masculin et les problèmes urologiques particuliers aux individus mâles ), Pascal de Sutter, docteur en psychologie et enfin Stephane Edouard, sociologue de couple (néologisme désignant un « conseillé de séduction » diplômé de… l’école de la vie).
Ce n’est pas la première fois que la chaine joue aux entremetteurs. En effet, durant onze saisons, la présentatrice de l’émission, Karine Lemarchand avait prouvé ses talents de madame Irma permettant à des agriculteurs français de rencontrer l’amour avec un grand « A ». Mais le traitement de la rencontre dans « Mariés au premier regard » est une innovation majeure dans le domaine de l’audiovisuel.
Alors que Stendhal, des années plus tôt, nous rendait la vision d’une scène de première rencontre passionnée et onirique entre Madame de Rênal et Julien Saurel, M6 nous donne à voir une expérience audiovisuelle froide et sans saveur, tentative illusoire d’une alchimie amoureuse.
La chaine part d’une hypothèse simple : qui se ressemble s’assemble. De là, elle établit son système de sélection pseudo scientifique. M6 met au point un véritable traitement médical audiovisuel du « virus célibat ». Les candidats sont traités comme des patients venant consulter docteur M6 dans l’espoir d’être soignés de l’épidémie de solitude amoureuse qui semble s’abattre depuis quelques années sur la population française. En effet, l’effervescence des applications de rencontre en ligne comme Meetic ou eDarling va dans le sens d’une difficulté croissante des célibataires à trouver l’amour par les voies « conventionnelles » de la rencontre physique. Les conditions plus traditionnelles de formation du couple se redéfinissent et bouleversent l’économie et le traitement audiovisuel de la rencontre. Surfant sur la vague des applications de rencontres organisées comme Tinder ou Happen, l’émission est ironiquement le fruit de ce triste constat de l’échec des rencontres traditionnelles et de la brièveté des unions maritales.
Mais alors que Tinder repose encore plus ou moins sur le principe de l’aléatoire et du hasard, M6 les nie fondamentalement. La première rencontre est cadrée, organisée, orchestrée minutieusement. De l’intimité de la sphère privée elle devient publique et construite à travers le prisme de l’écran. Déjà exploité par la chaine dans « l’Amour est dans le pré », ce système de mise en spectacle de la formation du couple conduit à la création d’un monde des sentiments illusoires. Cette lumière dirigée vers les mécanismes de la construction du couple (découverte des affinités, des odeurs, des goûts) fait office d’un aveu : celui de l’absence assumée de spontanéité de la construction audiovisuelle. Cette révélation brise l’enchantement télévisuel et trahit les intentions piégeuses, déjà largement soupçonnées par les téléspectateurs, de ce média. Le spectateur ne cède plus à la « suspension consentie de l’incrédulité » (Coleridge), et ne s’abandonne pas dans l’illusion de l’émission. Cet échec de l’enchantement se confirme dans la réception désastreuse de l’émission par les autres médias qui se complaisent de ne pas être « dupes » face à cette supercherie outrageante.
Pour le résultat de cette magnifique expérimentation rendez vous ce soir sur M6 à 21h.
Céline Jarlaud
Source et crédit photo:
M6 replay
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Publicité, Société

Les trans et la publicité commerciale : entre militantisme, image de marque et opportunisme médiatique

En tant que reflet supposé de nos sociétés, la publicité à le pouvoir d’orienter l’opinion publique par les représentations qu’elle propose. Ainsi, le recours plus fréquent dans les campagnes publicitaires à des membres de la communauté LGBT, en l’occurrence transgenres (personnes qui se sentent appartenir à un autre genre que celui que leur attribue leur état civil à la naissance) et transsexuels (personnes entreprenant des transformations physiques pour appartenir au sexe auquel elles s’identifient), est loin d’être anodin.
Souvent décriées ou au contraire applaudies, ces campagnes laissent rarement indifférent. On peut
dès lors interroger le rôle joué par ces récentes publicités et l’influence réciproque entretenue avec les évolutions sociétales.
Si ces campagnes apparaissent a priori comme l’un des symptômes d’une évolution des mentalités, leur pouvoir dépasse la simple fonction de miroir : ces publicités peuvent se faire le moteur des transformations positives de l’opinion aussi bien qu’elles peuvent alimenter les pires stéréotypes ou être source de confusion.
De la visibilité à la « normalisation »
Dans le cadre de sa campagne « Unlimited » sortie à l’occasion des JO de Rio 2016, Nike choisit le jeune athlète triathlonien Chris Mosier pour porter son message de marque dans un spot intitulé « Unlimited Courage ». Premier transgenre à intégrer l’équipe olympique masculine des Etats-Unis, Chris Mosier est avant tout mis avant par la marque pour ses performances physiques, sa détermination et sa capacité inspirante à repousser ses limites et non uniquement pour avoir transitionné de femme à homme. Cette campagne offre donc un regard neuf et valorisant qui, en donnant davantage de visibilité aux transgenres, permet de sensibiliser l’opinion à une question de société qui peine sortir du tabou.

 
Dans cette même optique, le choix d’égéries transgenres réalisé par des marques peut contribuer à une médiatisation positive des trans. Cela permet d’engager un processus de « normalisation » des trans dans la société, devenant plus présents, plus visibles et mieux représentés médiatiquement.
L’iconique campagne AW10 de Givenchy illustre cela parfaitement, mettant en vedette le mannequin transsexuel brésilien Lea T sans mettre pour autant l’accent uniquement sur sa transidentité.

De même, la marque canadienne de soins de la peau pour ados Clean & Clear a choisi Jazz comme égérie de sa campagne de 2015, une ado de 14 ans née dans un corps de garçon. Si ce choix peut sembler audacieux pour une marque grand public, il apparait tout à fait cohérent avec le positionnement de la marque dont le slogan est « See The Real Me » et l’objectif affirmé est d’accompagner les ados dans leur construction identitaire et l’acceptation de soi.

Enfin, on peut également penser à la surprenante et créative campagne réalisée par la marque Thinx proposant des protections hygiéniques novatrices répondant aux attentes de chacun. Intitulée « People with periods », cette campagne met à l’honneur un homme trans, le mannequin Sawyer DeVuyst.

Toutefois, les marques ne se contentent pas de servir la cause des transgenres en leur offrant un espace médiatique valorisant. Elles tentent en effet de marier leur image de marque avec les valeurs symboliques associées au choix de ces modèles encore atypiques. Etant le ressort même du marketing, ce mécanisme n’est pas en soi négatif, pourvu que le recours à des personnes trans reste cohérent avec l’identité de la marque…
Un buzz médiatique à double tranchant
Ces campagnes devenant quasi immanquablement virales, elles sont source d’une très forte audience (près de 3 millions de vues pour le spot Nike Unlimited Courage et 800 000 vues en cinq jours pour celui de Clear & Clean).
Dès lors, les marques ne seraient-elles pas tentées d’instrumentaliser le recours à des transgenres dans leurs publicités dans le simple but de « faire le buzz » ou pour tenter de capter, non sans opportunisme, une partie des valeurs progressistes, de tolérance, d’accélération de soi, etc. et de renvoyer une image de marque « moderne », « en accord avec son temps » ?
C’est du moins le sentiment que peut donner la dernière campagne de Google qui relate « The Story of Jacob and City Gym ». Ce spot de 2:30 minutes retrace le parcours de Jacob Wandering et sa transition, tout en vantant les mérites d’une salle de sport qui selon la propriétaire n’a pas pour but d’être « réservée à certains groupes » mais qui pourtant doit être « un véritable lieu d’appartenance ». Le message porté par Google apparaît assez confus, oscillant entre une certaine valorisation des transgenres et une présentation qui tend à les enfermer dans une catégorie « à part » plutôt qu’à normaliser leur statut au sein de la société. En outre, le lien entre cette histoire et l’objet du spot n’apparait pas clairement : on peine à comprendre qu’il s’agit d’une publicité pour le service « My Business » de Google dont le but est de donner plus de visibilité aux entreprises.
Le lien entre ce service et les trans est tout sauf évident.
On peut dès lors questionner la légitimité du recours à des transgenres pour cette publicité et se demander si ce n’est pas essentiellement le fruit d’une pure stratégie marketing…

Un opportunisme commercial loin de favoriser une évolution des mentalités
De nombreuses publicités semblent effectivement ne faire intervenir des personnes trans que pour pour surfer sur la vague médiatique que cela génère
En jouant sur un effet de surprise certainement déroutant car rompant avec le schéma typique de l’univers automobile (une jolie fille sexy séduisant la gente masculine), la mise en scène du mannequin androgyne Stav Strashko dans le spot publicitaire de 2013 pour la Toyota Auris tend à décrédibiliser les transgenres. L’effet de surprise repose effectivement sur le fait que cette jolie fille, que l’on souhaitait tant voir se retourner pour pleinement en apprécier la physionomie, révèle finalement un torse plat d’homme… Ce spot laisse entendre que, ce trans n’est ni une « vraie » femme, ni un homme, ce n’est qu’un mauvais ersatz de la « bombe » habituelle des publicités automobiles. Ainsi, le personnage trans apparait comme un élément choquant et décevant.

Par ailleurs, le jeu plus ou moins fin sur des stéréotypes que l’on aimerait autant voir totalement disparaître ne s’arrête pas là. Certaines campagnes, et parmi les plus décriées, n’hésitent pas à se moquer des personnes trans à travers une jolie compilation de clichés et de stéréotypes rétrogrades, le tout en introduisant une grande confusion entre transsexuels, transgenres, non-binaires et travestis.
On peut notamment penser à la publicité pour tampons de la marque Libra. Suggérant qu’une femme trans n’est pas véritablement une femme, le spot a par la suite été clairement reconnu comme étant transphobe avant d’être finalement retiré des écrans.

Le clip publicitaire ayant été supprimé, il n’est plus visible que sur la page web suivante : http://www.gentside.com/
Ainsi, si une apparition plus fréquente des trans dans les campagnes publicitaires peut casser certains tabous, leur utilisation marketing semble moins favoriser une évolution des mentalités que contribuer à la perpétuation des stéréotypes.
Jouissant d’une influence non négligeable, les campagnes publicitaires font bien plus qu’accompagner les évolutions sociales. Par les représentations qu’elle propose des membres de la société, la publicité conserve donc le pouvoir d’orienter de manière plus ou moins insidieuse le degré d’ouverture des esprits.
Maïlys Vyers

linkedIn
Pour aller plus loin:
http://lareclame.fr/127660-magnum-travestis-competition-xavier-dolan

Culture Week – Des chats, des chiens, des enfants et des trans

Une publicité diffusée pendant Fierté Montréal choque la communauté trans [Le Devoir]


Sources :
« Nike’s Latest Ad Stars Chris Mosier, the First Transgender Athlete on a U.S. National Team Part of brand’s ‘Unlimited’ series », Kristina Monllos pour Adweek le 8 novembre 2016

« Un premier athlète trans en vedette dans une pub de Nike », Arti Patel pour The Huffington Post Canada le 8 novembre 2016
« Team USA’s Chris Mosier Is First Transgender Athlete Featured in Nike Ad », Mari Brighe pour Advocate, le 8 novembre 2016

« Find out the touching story behind Lea T’s Givenchy ad », Zing Tsjeng pour Dazed, le 8 novembre 2016

« Pour la 1ère fois, une ado trans est l’égérie d’une marque grand public », Ludivine D. pour La Réclame le 8 novembre 2016

« Thinx, la marque de protections hygiéniques, sort sa pub avec un homme trans », Juliette Von Geschenk pour MadmoiZelle, le 8 novembre 2016

« Meet the Gym Owner Featured in Google’s Transgender Ad », Suzanna Kim pour abc News, le 8 novembre 2016

« Une publicité retirée des écrans car elle se moquait des trans », Quentin Girard pour Libération, le 8 novembre 2016

 
 

Flops

La pilule pour homme: c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?

Décembre 1967, les femmes opprimées, mais les femmes libérées… par la loi Neuwirth. Celle- ci abroge les articles du code de la santé qui réprimaient la propagande anticonceptionnelle et autorise l’importation et la fabrication des contraceptifs. Depuis, the star, c’est elle : la pilule, ou contraception hormonale orale féminine.
En 2010, selon une étude de l’INPES (Institut National de Prévention et d’Education pour la santé), 71% des femmes de moins de 35 ans prennent la pilule pour éviter la grossesse. Et du
côté des hommes ? Eh bien toujours ce bon vieux condom, et pour cause ! Les recherches en
matière de contraception hormonale masculine menées depuis les années 70’, sont un véritable
échec, sans parler du terrible manque de communication en la matière. Mais alors pourquoi,
frein scientifique, sociologique ? En tout cas, cela ne semble encore être qu’un doux rêve.

Vade retro spermato !
Bien que les scientifiques et les chercheurs ne se soient pas dorés la pilule ces dernières
décennies, les résultats des recherches pour la contraception masculine pourraient être plus
féconds. Après tout, nous sommes au XXIème siècle et il est grand temps que la contraception
soit l’affaire de tous. « Les hommes devraient s’impliquer, c’est aussi à nous d’assumer le non-
désir d’enfant » préconise Pierre Colin, cofondateur d’ARDECOM, association créée en 1978
pour la recherche et le développement de la contraception masculine. En 2009, l’INPES tapait
dans le mille avec sa campagne pour sensibiliser tous les citoyens à la contraception. Un
discours qui envoie promener les attentes des téléspectateurs avec une campagne publicitaire inversant les rôles : et si les hommes tombaient « enceinte » à cause d’un oubli de pilule ?
Si pour des raisons évidentes, les hommes ne sont pas sujets d’une grossesse, ils pourraient bien
être les seuls responsables directs de la contraception dans le couple : depuis les années 70’,
plusieurs techniques ont été inventées. À ce jour, il existe trois méthodes principales de
contraception pour homme :
–    La contraception hormonale, reconnue par l’OMS (Organisation Mondiale de la
Santé) et testée sur plus de 1500 hommes ces quarante dernières années.
–    La contraception masculine thermique, mise au point au CHU (Centre Hospitalier
Universitaire) de Toulouse et qui consiste à remonter les testicules vers le haut du
corps dans le but d’augmenter leur température, qui passe alors de 34°c à 37°c,
permettant ainsi de diminuer significativement, voire supprimer, les
spermatozoïdes.
–    Et enfin, la vasectomie, une méthode marginale et brutale, car définitive.
Un intérêt grandissant donc… Mais toujours rien de probant !
Soyons clairs : scientifiquement parlant, la pilule pour homme existe déjà. Elle est testée en
France depuis les années 70’, notamment par le Docteur Soufir, médecin à l’hôpital Cochin à
Paris. Pourtant, sa commercialisation n’est pas pour demain, et le meilleur moyen de s’en rendre
compte est d’analyser le sujet du point de vue de la communication et de la médiatisation.
L’année 1982 est importante dans l’histoire de la contraception puisque c’est à cette date que
l’interdiction de toute publicité pour les contraceptifs est supprimée. Cependant, jusqu’à ce jour
la communication à ce sujet est un échec retentissant : mis à part la pile d’articles qui rappellent
que tout cela est bien joli mais pas encore tout à fait réalité, les informations sur le sujet sont
rares. Sur Internet, il est presque impossible de trouver des résultats concrets pour la
contraception masculine. Par exemple, le youtubeur Pitoum explique dans l’une de ses vidéos
que l’association française pour la contraception a produit une web-série pour présenter les
différentes méthodes de contraception. Belle initiative ! Mais voilà, sur les six épisodes en
ligne, un et seulement un, nous avertit de l’existence d’un contraceptif masculin : le préservatif.
Alors à quoi tient l’origine de ce flop communicationnel, ou plutôt cette absence de
communication ?
Une pilule qui a du mâle à passer
Cause de ce silence quasi parfait ? Très probablement la dimension sociologique du sujet, la
pilule étant le symbole historique de la libération des femmes. Dans un article du magazine
Society, le docteur en sociologie Cyril Desjeux explique que « La contraception masculine […]
peut être perçue comme un retour à une forme ancestrale de domination masculine vis-à-vis des
femmes qui se sont battues pour maîtriser leur corps : la pilule, c’est un droit qu’elles ont gagné ;
la pilule masculine, ce serait comme leur retirer ce droit. »
Mais cela n’empêche en rien une évolution des mentalités. Le 27 mars 2015, l’émission Les
maternelles lance une étude auprès de ses « maternautes ». Résultat : 60 % des femmes se
disaient prêtes à confier la responsabilité de la contraception à leurs hommes. Cela ne veut évidemment pas dire que ces messieurs se sentent parés pour une telle expérience, loin de là.
Beaucoup d’hommes disent ne pas être prêts à assumer la responsabilité de la contraception au
sein du couple ou considèrent encore la prise de la pilule comme une atteinte à leur virilité.
Par ailleurs, l’un des principaux arguments rédhibitoires seraient les potentiels effets
secondaires liés à la contraception masculine (acné, comportement dépressif, augmentation
significative de la libido chez les hommes), ce contre quoi certains acteurs s’insurgent. En effet,
les mêmes effets secondaires existent en ce qui concerne la pilule, hormis la libido qui a plutôt
tendance à baisser. Au début du mois de novembre, une vidéo sur Facebook mettait en scène
une jeune femme se moquant avec ironie des hommes ayant abandonné les tests de
contraception masculine parce qu’ils ne pouvaient supporter les effets secondaires. « Pauvres
garçons ! » blague-t-elle, « toutes les femmes les ont subis». C’est aussi l’idée qu’a voulu
transmettre Courrier International cette semaine, « il est temps de s’y mettre, les mecs ! ».
La pilule pour les hommes n’est donc pas prête à voir le jour pour le moment. En fait, la
meilleure méthode contraceptive pour ces messieurs reste encore de bonnes vieilles chaussettes dans les sandales !
Camille Laine
Sources:

COUTARD Hélène, LEGRAND Victor « Une pilule qui passe mâle » Society, 17-24 octobre 2016 consulté 20/11/2016; accessibilité Paris Sorbonne Universités
RODIN Gaëlle, DESFFRESNNES Marie, « Et si les hommes tombaient enceintes ? » Madame le Figaro, 25 septembre 2009. Consulté 01/11/2016
LEMBEZAT Carole « Contraception. La pilule pour homme, ce n’est pas pour demain. » Courrier International. Publié le 02/11/2016. Consulté le 02/11/2016
Marcos Ministère de la Santé INPES, vidéo diffusée en 2009. Consulté le 20/10/2016
Chaine YouTube « humour, parodies, concerts et diaporamas » 22/10/2009
GUERRE François, THIEBAUD Olivier, LAPLATTE Stéphane, MENEGHETTI, web-série Mégabit :
tout sur les idées reçues en contraception, Consulté le 25/10/2016.
PITOUM (chaîne YouTube) «La contraception masculine – HARDSCIENCES #4» Publiée le 05/04/2016, consulté le 25/10/2016
Page facebook Fusion

Crédits:

Magazine Society,  illustrations de Pierre La Police, photo à la Une
madame.lefigaro.fr

Agora, Com & Société

Quand la parole des femmes se fait oublier

Le 7 novembre dernier avait lieu un rassemblement dans plusieurs grandes villes de France pour lutter contre l’inégalité salariale. En effet, depuis le 7 novembre, à partir de 16h34 les femmes travailleraient bénévolement. Ces dernières sont payées en moyenne 16% de moins que les hommes (calcul réalisé par Eurostat, organisme des statistiques de L’Union Européenne). Pour lutter contre l’une des plus grandes inégalités qui demeurent en France, des groupes féministes sont apparus sur Internet. Entre blogs et événements Facebook, quelle est la portée de ces nouveaux collectifs ?
Paye ton Tumblr

A l’origine, il était Paye ta shnek. Crée par Anaïs Bourdet en août 2012, ce tumblr rassemble les témoignages de victimes de harcèlement de rue. Simples, ces affiches présentent en citation, un propos retenu par une victime. Efficace, le contenu choque par son contraste avec le choix des couleurs plutôt ludiques.
L’idée lui est venue après avoir visionné une vidéo en caméra cachée de Sofie Peeters dénonçant le harcèlement de rue. En l’espace de quelques semaines c’est plus de 150 messages par jour qu’elle reçoit. Le modèle a été repris par d’autres et nous voyons fleurir aujourd’hui sur la toile de nombreux tumblr pour dénoncer les discriminations contre les femmes : Paye ta robe, Lesbeton, Projet crocodile par exemple.
Le concept se développe parce que ces blogs viennent parer un gouffre médiatique. En effet les femmes sont sous-représentées dans les médias : elles sont 37,6% à détenir la carte de presse en presse régionale et 41,7% en presse nationale. Le taux de présence des expertes quant à lui est de 23% à la radio, 15% dans la presse, 18% à la télévision. Même à la télévision, les présentatrices sont souvent reléguées au rang de potiches, à l’image de Karine Ferri dans The Voice dont le rôle est bien effacé face à Nikos Aliagas. La diversité féminine ne caractérise pas non plus le PAF : la femme télévisuelle est – trop souvent ? – belle, blanche, grande et mince.
Il est donc impossible de parler des problèmes rencontrés par les femmes car elles ne sont ni écoutées ni même représentées dans les médias traditionnels. Les blogs deviennent alors une forme d’expression privilégiée par celles-ci. Internet est l’espace de discussion et de dénonciation des inégalités homme/femme. Il permet de créer une masse militante anonyme beaucoup plus forte qui étend ainsi son réseau beaucoup plus facilement. Il crée une communauté non plus basée sur les centres d’intérêt mais sur les discriminations partagées.
Le mouvement du 7 novembre : « une affaire de bonne femme » ?
 
Les groupes féministes qui naissent sur Internet sont également très actifs dans le monde réel. A l’origine de nombreuses campagnes de sensibilisation, ces collectifs créent également des événements et des rassemblements pour appeler le grand public à réagir. Ces événements font parfois le « buzz » comme le mouvement du 7 novembre, organisé par le collectif féministe Les Glorieuses, relayé par la suite sur les réseaux sociaux telle que la page Facebook Paye ta shnek.
Il est intéressant de constater qu’ici les médias se sont faits une fois de plus observateurs des agissements d’Internet. L’Obs, Le Monde et bien d’autres ont appelé à rejoindre le mouvement. Les femmes journalistes ont manifesté, parfois même au sein des rédactions. Mais ont-ils proposé autre chose que ce rassemblement ? Une action ? Une pétition ? En ont-ils parlé le reste de l’année ?
Il aura donc fallu attendre un mouvement venu des réseaux sociaux pour que les grands journaux nationaux parlent à nouveau, et en dehors de la journée mondiale pour les femmes, d’inégalité salariale. Malheureusement, le mouvement s’est essoufflé aussi vite qu’il est apparu : aucun suivi dans les médias le lendemain, aucune déclaration de politiques (mise à part celles de deux ministres femmes du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine) ni aucune proposition voire même de début de débat. Le traitement médiatique s’est arrêté sur les jours précédents et la journée de l’événement. Et pourtant, les inégalités, quant à elles, perdurent.
Aux armes, citoyennes ET citoyens !
Loin d’être négligeable, la portée de ces blogs est réelle mais limitée si les médias et les politiques ne s’engagent pas, eux aussi. Nous pouvons observer un clivage manifeste entre la masse populaire présente sur Internet et les représentations médiatiques. Pour obtenir un véritable changement des mentalités, sans doute faudrait-il déjà que les médias deviennent eux-mêmes un exemple d’égalité hommes/femmes et se fassent les véritables relais des combats d’Internet. Les luttes pour les droits des femmes nécessitent un traitement médiatique beaucoup plus global. En attendant, les femmes devront une fois de plus travailler autant et gagner moins que leurs collègues hommes jusqu’à ce qu’on en parle à nouveau…l’année prochaine ?
Laura Sébert
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Sources :

L’image des femmes dans les médias, HCE
Les femmes, toujours en minorité dans les médias, Le Monde, le 09/ 03/ 2015
Interview Anaïs Bourdet alias Paye Ta Shnek, MadmoiZelle, youtube, le 06/ 06/ 2016
Paye Ta Shnek, le tumblr

Crédits :
-Paye ta shnek (Facebook)
-Les glorieuses (Facebook)

Agora, Com & Société

Michel et Augustin ne sont pas dans leur assiette

Au cours de l’année 2016, Michel de Rovira et Augustin Paluel-Marmont, les deux dirigeants de l’entreprise éponyme Michel et Augustin, ont dû essuyer plusieurs polémiques. La dernière en date porte sur leur soutien indirect à la manif pour tous. La proximité des deux dirigeants avec les milieux homophobes et anti-IVG a suscité la fronde de certains consommateurs sur les réseaux sociaux qui ont appelé au boycott de leurs produits. Ces réactions publiques risquent à terme de ternir l’image de marque du groupe agroalimentaire.
Une erreur de communication
Jusqu’à présent, le duo ne s’était pas prononcé politiquement et était resté fidèle à la ligne stratégique de son modèle entrepreneurial, Ben & Jerry’s. Le groupe s’était investi essentiellement au niveau social et sociétal, et tout particulièrement sur le terrain de l’insertion professionnelle, comme le suggère une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux montrant Anne-Claire Long, la Directrice des Ressources Humaines de Michel et Augustin, proposer aux passagers du métropolitain un poste de web designer au sein de l’entreprise ou la possibilité de préparer son CAP pâtisserie dans les locaux de la « bananeraie » (le siège social de l’entreprise). Ces deux initiatives mettent en exergue l’intention des trublions d’agir sur le marché du travail.
Cependant, les différentes prises de position politiques des deux dirigeants viennent porter atteinte, aux yeux de certains consommateurs, à l’image altruiste de la marque.
En mai 2016, Michel et Augustin ont fait parler d’eux en invitant à la « bananeraie », dans le cadre des rencontres « boire une vache avec… », François Fillon, personnalité politique choisie par le mouvement Sens Commun, lié à la manif pour tous. Ils avaient certes invité d’autres élus politiques de tous bords confondus, mais la rencontre avec François Fillon a marqué l’esprit des internautes dans la mesure où Augustin Paluel-Marmont, l’un des deux fondateurs du groupe, a ouvertement soutenu le candidat à la primaire de la droite et du centre en affirmant : « François Fillon est le seul homme politique à formuler un horizon politique pour la France. » .
D’autre part, une photo de Michel et Augustin en compagnie de membres de Gens de Confiance, une start- up proche du mouvement de la manif pour tous, a circulé sur Twitter. Cette photo n’a fait qu’attiser les accusations dont ils faisaient l’objet et a engendré de nouvelles réactions : certains consommateurs se sont organisés pour coller des post-it dénonciateurs sur les produits Michel et Augustin dans les supermarchés, tandis que d’autres ont appelés au boycott de la marque.

Pourquoi une polémique d’une telle ampleur ?
La dissonance entre les valeurs affichées par la marque (l’humanisme, le dialogue, la sincérité, l’humour), celles imaginées par une partie de ses consommateurs (la tolérance, l’esprit jeune, le cool) et les convictions des individus Michel de Rovira et Augustin Paluel-Marmont (le libéralisme économique et le conservatisme social) est devenue patente.
La stratégie de communication de l’entreprise a agi comme une caisse de résonance suite à ces révélations, étant donné que la communication de Michel et Augustin s’appuie sur la notion de friendship marketing. Il y a à la fois une hyper-personnalisation des deux créateurs, qui deviennent eux-mêmes un argument de vente à travers l’outil du storytelling (leur scolarité commune, le vélo de Michel, la kangoo bleue d’Augustin, les plantes vertes de Michel, la fille d’Augustin…) et une place considérable prise par les consommateurs dans la communication digitale du groupe : le feedback est sans cesse sollicité pour mieux cerner les attentes du consommateur en l’interrogeant sur le format de tel produit, la couleur de tel packaging, ou encore sa recette préférée. La participation des consommateurs renforce l’attachement de ces derniers à la marque et leur donne l’impression de faire partie de
l’aventure Michel et Augustin. Les consommateurs prennent part, de fait, à l’identité de la marque et une véritable relation se tisse entre eux et le groupe, ce qui correspond à un dépassement du modèle de l’échange marchand traditionnel.
Or, comme l’a mis en exergue Paul Ricoeur dans Soi-même comme un autre, la relation avec
autrui implique une sollicitude critique qui tient compte de la morale, et de fait engendre une
affection pour l’autre et suppose, en filigrane, des similarités éthiques.
Il n’en demeure pas moins qu’une telle stratégie marketing peut se retourner contre ses géniteurs : lorsque l’identité de ceux qui incarnent la marque ne correspond plus aux attentes morales des consommateurs, ceux-ci ont le sentiment de s’être fourvoyés sur ce qu’ils pensaient être leurs semblables, ce qui engendre de l’amertume.
La communication de crise
Dans un premier temps, le community management s’est organisé sur les réseaux sociaux, en répondant aux différents tweets afin de mettre un terme aux polémiques. Le 14 octobre 2016, ne constatant pas l’arrêt des offensives, Michel, Augustin et la tribu ont pris la parole dans un premier communiqué de presse. Ils démentent d’emblée être homophobes et ré-contextualisent les rencontres qui sont à l’origine de la polémique en rappelant leur ambition d’ouverture et d’échanges.
S’en suit un deuxième communiqué de presse publié le 18 octobre, dans lequel le groupe réaffirme son leitmotiv, « #liberté, #différence et #fraternité » et ses valeurs : l’entrepreneuriat au sens très large, l’importance du savoir-faire manuel, l’attention à l’autre, le sens de l’effort, le respect de notre planète, le partage, le sport, la solidarité envers les plus démunis. Ils joignent au communiqué un lien de la vidéo du Palmashow, le duo d’humoristes qui avait fait une parodie de Michel et Augustin, « les internets » se jouant des haters. Ils confirment ainsi leur sens de l’humour et leur sens de l’autodérision. Un numéro de téléphone est aussi mis à disposition pour plus d’informations au sujet des valeurs de l’entreprise. Il s’agit, en définitive, de rétablir le dialogue et la confiance entre la firme et le consommateur.
Cependant cette stratégie de communication se retourne contre ses élaborateurs, puisque le communiqué de presse a été relayé par les médias traditionnels (Libération, Capital, 20
minutes, Europe 1 et l’Obs) qui ont remis le sujet sur la table et se sont davantage penchés sur les origines de la polémique plus que sur la plaidoirie des trublions du goût. Ils ont sorti le sujet de la sphère Twitter, quelque peu étriquée, pour l’exposer à la vue de tous. En somme, leur stratégie de communication a agi comme une caisse de résonance et n’a fait qu’envenimer la situation.
Judith Grandcoing
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Sources :
Taupin Benjamin. Michel et Augustin au-delà du « fun ». Le Monde, le 25.06.2015.                         Consulté le 29.10.2016
Le Roy Le Marrec Manon. Michel et Augustin, des gâteaux étouffe-bobos. Libération, le 22.10.2016. Consulté le 22.10.2016
Dancourt Anne-Charlotte. Michel et Augustin accusés de soutenir la Manif pour tous. Les
Inrockuptibles, le 18.10.2016. Consulté le 18.10.2016
micheletaugustin.com Consulté le 06.11.2016
Crédits :
webzinedemaelie.wordpress.com
yzgeneration.com