Médias

Animaux de tous les pays, connectez-vous !

Les animaux : ils sont différents et uniques à la fois, incroyables, mignons, sauvages… On aime les découvrir dans 30 millions d’amis, les observer devant un documentaire d’Arte, jouer avec eux sur Nintendogs ou Angry Birds… Mais aujourd’hui, nos propres animaux prennent le relai et deviennent de nouveaux consommateurs !
Depuis un peu plus d’un an un nouveau marché émerge : applis, chaînes de télévisions dédiées… Bien loin des rayons jouets et autres salons ou concours dédiés, nos boules de poils passent désormais au numérique. Non épargnés par la vague des objets connectés, ils en possèdent eux aussi un certain panel. Vous pourrez par exemple discuter et distribuer des friandises à distance à votre chien avec Petchatz, une sorte de boitier mural équipé d’un petit écran. Dans le même esprit, PetCube, une application mobile, vous permet d’observer votre compagnon pendant votre absence et d’interagir avec lui. Inspiré du bracelet connecté, le collier Voyce vous donne des informations sur la santé de votre chien et sa condition physique.

Agora, Com & Société

Le tabou, on en viendra tous à bout

Le tabou est un outil indispensable pour les annonceurs. Il est presque un truisme de dire que les publicitaires choquent et dérangent pour communiquer. Mais ce même tabou peut aussi être un poison. En ethnologie, le terme désigne une prohibition sacrée dont la transgression peut entraîner un châtiment surnaturel. Par définition, il est donc préférable d’éviter le tabou. Suivant ce conseil, l’esprit cherche automatiquement à l’occulter : le tabou finit par tomber dans les méandres de la non-pensée. Il appartient si l’on puit dire à l’ordre de l’immonde qui menace le nôtre par son impureté ou sa dangerosité. Son évocation ne suscite alors qu’une réaction de rejet rendant toute pensée impuissante. Communiquer à travers le prisme du tabou ne revient-il donc pas à limiter le dialogue aux sentiments ? Quelles sont les limites d’une telle communication ?
Le tabou : un garde-boue sociétal
Dans son acception commune, le terme « tabou » désigne un sujet qu’il est préférable de ne pas évoquer au risque de transgresser les codes de la bienséance. Sa forme varie en fonction du temps et de l’espace. On parlera moins de son salaire en France qu’aux États-Unis, on parlera moins de sexe en Arabie Saoudite qu’en Islande … Ainsi, l’être social obéit à des règles plus ou moins tacites qui pèsent sur son comportement et sur son langage.
Le tabou auquel Freud a consacré une œuvre entière structure nos pulsions en prohibant l’inceste et conditionne l’existence de la morale et l’émergence de la culture. Freud s’appuie sur l’hypothèse d’une société primitive -la horde sauvage- dominée par un père tout puissant disposant du seul droit d’accès aux femmes. Il explique la naissance de la société par le meurtre du père qui est paradoxalement devenu objet de vénération. En voulant libérer leur désir du pouvoir paternel, la rébellion a conduit à le contenir. La proscription de l’inceste et l’interdit du meurtre ainsi que du parricide assurent les liens familiaux et sociaux. Cette explication mythique structurerait notre inconscient.
Dans l’esprit polynésien, le tabou est lié au sacré et ne peut se concevoir qu’en relation au mana, équivalent très approximatif de l’esprit qui anime les êtres et les choses que l’on ne peut toucher ou dont on se protège car les forces peuvent être négatives. Ces notions participent d’un ordre que l’on doit absolument respecter. Mais dans l’usage courant, en dehors de l’univers magique et religieux, il renvoie à ce que l’on ne peut pas dire ou faire. Sur quoi dès lors repose cette interdiction ? Quelle justification peut-elle avoir ? Quels que soient nos univers d’appartenance, sommes-nous si loin de cet univers magique, nous qui appartenons à une culture privilégiant la raison ?
Les forces surnaturelles nous menacent sans cesse si nous transgressons le tabou en l’amenant à la communication. La croyance fait sa force dans le domaine mythique et religieux. Que peut-on craindre quand on appartient à un univers laïque et désacralisé ? Si on transgresse l’interdit, on suscitera la gêne ou l’on subira le rejet car on remettra en cause les valeurs fondamentales qui régissent la société. La crainte du tabou semble inscrite dans notre esprit. Au lieu d’avoir affaire à une puissance surnaturelle, c’est la société elle-même, tel un dieu, qui nous imposera tacitement le respect de limites à ne pas franchir. Le tabou est maintenu par un système dont nous sommes nous-mêmes les garants.

Les sociétés archaïques et les sociétés modernes ont-elles un but si différent ? Derrière l’interdit, il s’agit de préserver un monde constitué de valeurs communes au périmètre plus ou moins grand. Nos sociétés se distinguent en effet par l’importance qu’elles reconnaissent à l’individu et à sa liberté. Les sociétés anciennes privilégient la communauté par rapport à l’individu qui lui appartient complètement à l’inverse des sociétés modernes. A travers le tabou, la société nous rappelle aux valeurs communes qui la fondent. C’est une limite infranchissable par laquelle elle se défend comme un corps contre des agressions extérieures qui menacent sa cohésion. Ainsi, les menaces d’exclusion qu’elle nous impose perpétuent le tabou. L’individu peut se croire totalement libre – de communiquer – mais la pression sociale lui rappelle qu’il fait parti d’un monde qui lui reconnaît dans le meilleur des cas une liberté relative.
Y a-t-il encore des tabous dans la publicité ?
La publicité semble échapper à l’interdit. Elle n’hésite pas à le braver. Elle joue fréquemment avec lui. Dans un monde saturé de messages, les communicants n’hésitent pas à provoquer, à extraire le potentiel polémique du tabou pour mieux marquer. En fait, l’utilisation du tabou s’inscrit parfaitement dans une communication dite  » transgressive ».
 

 
Comme le tabou parle à l’émotionnel, il est difficile d’avoir une vision claire de la réaction suscitée par une pub exploitant un tabou. Toutefois, le bon communicant pourra anticiper les conséquences de son énonciation.
Il y a des règles à respecter. D’abord, il paraît évident qu’il faut prendre en compte le contexte socio-culturel dans lequel on souhaite développer une campagne. Ensuite, il ne faut pas confondre communication et provocation gratuite : il faut éviter que le choc du tabou phagocyte le message. Ce phénomène correspond à ce que les communicants les plus aguerris appellent sentencieusement « le risque de monopolisation mémorielle par le tabou ».
En 2009, une publicité distribuée au nom de Carrefour Discount était publiée sur le web avec comme titre : « J’aime pas Mamie ». Carrefour démentit aussitôt son affiliation à cette pub. La pub met en scène une famille qui mange tranquillement. Le téléspectateur s’aperçoit rapidement qu’il mange “Mamie”. Le tout est brillant puisque l’humour noir dédramatise le lien grossier fait entre précarité et cannibalisme. La pub amène à penser que Carrefour Discount est assez bon marché pour éviter de tomber dans le cannibalisme. Le message est clair !

La transgression, l’énonciation du tabou doit avoir un but. Les campagnes contre les MST sont à prendre en exemple : elles tentent de lever les tabous pour libérer la parole, oublier « la honte » pour mieux se soigner. Ici, le tabou est énoncé pour mieux dénoncer. Au contraire, la campagne « Unhate » (2011) de Benetton mettait en scène des visuels sans grand rapport avec les vêtements : on y voyait des chefs d’États ou des responsables religieux s’embrasser. Cet exemple montre comment la shockvertising relève de la pure vacuité. Le tabou doit être manipulé avec pertinence.

Le propre du tabou est de gêner, de repousser et même d’horrifier. Cependant, tout comme il existe une “licence poétique”, la publicité est un lieu où le tabou peut s’énoncer sans être suivi de châtiment. Il prend un autre sens sous la bannière publicitaire. L’absence d’un sujet déterminé de l’énonciation favorise la liberté que l’on peut prendre vis-à-vis de lui. Cela ne veut pas dire que la publicité peut tout se permettre : il faut éviter les interdits archaïques tels que le tabou de l’inceste fondé à la fois sur des lois ancestrales, morales, religieuses et scientifiques. Et au-delà de ce simple constat, il faut trouver le ton qui permette d’oublier le tabou pour mieux cerner le message.
En énonçant l’imprononçable, la publicité soulève des questions et modifient les mentalités. Elle habitue à l’inhabituel et dédramatise l’inconvenant. Malgré de nombreux jeux sur les clichés, la pub ouvre parfois le débat sur des sujets tels que la sexualité ou la sécurité routière. En provoquant, en jouant sur le sentiment, la publicité éveille celui qui la regarde. C’est le bon côté de ce genre de communication : elle pousse à la polémique et donc à la réflexion.
De l’utilité du silence dans la communication : une hypocrisie nécessaire
Le tabou provoque. C’est cette vertu que le communicant exploite. Quel intérêt y a-t-il à le braver si cet acte soulève l’indignation et empêche la communication ? Au contraire, le silence fracassant propre au tabou ne serait-il pas un bienfait pour la communication ?
L’interdit de l’inceste par exemple repose sur des explications et des justifications sociologiques voire scientifiques. Statistiquement, il est prouvé que l’endogamie entraîne des conséquences génétiques graves. Lévi-Strauss, un anthropologue contemporain, voit dans la prohibition de l’inceste – une loi fondée sur la nature et la culture – une condition nécessaire pour assurer l’existence sociale en élargissant les relations matrimoniales. Le tabou préserve ainsi la société des conséquences néfastes de l’endogamie. Le respect de la loi ne fait donc pas directement appel à la raison cependant il se justifie rationnellement. Certains comportements pour le dire autrement ne sont pas prohibés pour les bonnes raisons : on ne fait pas telle ou telle chose par sagesse mais par peur, par superstition comme si les dieux allaient se retourner contre nous.
Dans notre société certaines questions sont aujourd’hui taboues. La répartition ethnique en est un exemple. Quand on parle de tabou dans ce cas, il ne faut cependant pas voir seulement le fait qu’on écarte la question, il y va aussi d’un choix de valeurs et de principes. Le risque serait de résumer les individus à des appartenances et des explications biologiques.
Que cela ne soit pas un tabou aux États-Unis relève de raisons historiques. L’absence de ce tabou peut conduire à conforter les séparations entre les hommes. À ce niveau, le tabou est une façon de parler. Il y va en même temps d’une certaine dimension du sacré qui correspond au respect de principes fondamentaux. L’histoire du XXème a vu de surcroît le développement de l’idéologie eugéniste -théorie pseudo-scientifique d’hygiène raciale – qui a entraîné les pires monstruosités politiques.
Le tabou dans l’exemple précédent donnait un sens sacré vis-à-vis de ce qu’il représentait. On pouvait y voir conséquemment la marque d’un attachement à des valeurs. Peut-on conclure de ces observations à quelque possible vertu du tabou ?
Voltaire semble allègrement franchir ce pas lorsqu’il écrit dans ses Dialogues : « Je veux que mon procureur, mon tailleur, mes valets, ma femme même croient en Dieu ; et je m’imagine que j’en serais moins volé et moins cocu. » La croyance devient garante de la morale. C’est un moyen en sacralisant ses règles de conduire les hommes. Cette formule plutôt pessimiste sur la nature des hommes relève d’un acte de prudence sauvegardant nos intérêts. En devenant intouchables, les règles garantissent un ordre impossible de discuter soumis que nous sommes à la suprême autorité qui nous prive en passant de toute autonomie. On reste dans une société d’autorité, celle des anciens opposés aux modernes pour reprendre une distinction établie par Benjamin Constant. Est-ce une entrave à la communication que d’avoir des tabous dans une société ? Supprimer le tabou pour en parler librement suppose qu’il faudrait passer du superstitieux au rationnel. Cela suppose de laisser, peut-être naïvement, les tabous aux griffes de l’intelligence individuelle. S’il n’y a plus de règles de communication, le reste dépend de l’homme. Le risque évident est que l’interdit lié au tabou ne soit plus aussi fort s’il perd sa sacralité arbitraire et que l’homme transgresse sans réfléchir.
La modernité signe-t-elle la fin progressive des tabous ? Le tabou semble appartenir à un univers théologique. En entrant dans l’univers positif ou scientifique perd-il alors son sens ? Dans la mesure où le tabou fait partie du domaine du sacré, le fait de vivre dans une société et une culture caractérisées par la raison n’en fait-il pas pour le dire autrement une relique du passé ? Sans base rationnelle, le tabou demeure un interdit fondé sur des croyances surnaturelles. Il n’est pas le fruit de l’intelligence mais de la crainte superstitieuse. C’est notre peur qui fait sans doute sa force, l’absence de pensée. C’est l’analyse que développe Spinoza en particulier dans la préface au Traité théologico-politique. Rien n’est interdit à la libre pensée. C’est la condition essentielle de notre libération. Le tabou est une limite à penser pour en comprendre la nécessité et accéder au salut pour parler comme le philosophe.
De nombreuses choses restent taboues. « Le phénomène du tabou n’a pas cessé d’exister. Il existe toujours, aussi dans les sociétés modernes, comme il existait dans les sociétés primitives. Ce qui a changé, c’est seulement son caractère, les prémisses sur lesquelles il se base, les causes pour lesquelles il existe. » écrit Stanislas Widlak. Êtes-vous homosexuel ? Combien tu gagnes ? Êtes-vous dérangé par la présence d’une personne séropositive? Êtes-vous malade ? Ces questions gênantes traduisent nos peurs et notre besoin d’ordre, d’appartenir au monde commun. C’est l’expression archaïque de notre être dont nous avons gardé la mémoire ou bien le produit de notre culture.
Existe-il des moyens de communiquer sur un tabou sans heurter ? Pour chaque tabou, il y a un vocabulaire « politiquement correct » spécifique. Le tabou et l’euphémisme sont frères. Toutefois, les mots sont tellement aseptisés qu’ils ne semblent plus renvoyer à des réalités humaines. De plus, Il y a un réel paradoxe, si ce n’est une contradiction, à utiliser ce langage à l’heure où l’on parle de « minorités visibles », de « discriminations positives » ou bien d’ « égalité des chances ». On cache en même temps que l’on essaye de lever certains tabous. On peut peut-être y voir une volonté maladroite de manipuler les sujets tabous pour les exorciser sans dévoiler totalement leur arbitraire nécessaire. En effet, le silence que le tabou suppose empêche certaines minorités d’exister normalement, c’est-à-dire à l’intérieur de la norme, et entraîne parfois des contestations politiques légitimes.
Il y a donc des sujets dont « on peut » parler et d’autres non : la communication est donc encadrée par une « normalité », des normes qui se veulent assurément civilisatrices. Toutefois, il reste une volonté de savoir comme dirait Foucault. Remplacer cette norme par une autre changerait-il quelque chose ou bien la norme actuelle est-elle particulière, organisée et réfléchie, c’est-à-dire basée sur des critères civilisateurs et visant le bien commun ? À y regarder de plus près, les constructions sociales semblent arbitraire. Le philosophe explique entre autres que les normes sexuelles se seraient développées sous l’influence des États du 17ème siècle en partant du simple constat qu’il fallait encourager la natalité. Ainsi, ils auraient soutenu la sexualisation du corps féminin en marginalisant les autres sexualités.
Ameziane Bouzid
Linkedin
Sources :
« « J’aime pas mamie »: mais qui a fait cette fausse pub Carrefour ? », Le Poste Archives, 14/12/2009
 » Comment communiquer sur un sujet tabou en publicité ? « , Études & analyses, 30/03/2008 
« Les briseurs de tabou. Intellectuels et journalistes « anticonformistes » au service de l’ordre dominant », Sébastien Fontenelle, Paris, Éd. La Découverte, coll. Cahiers libres, Paris, 2012, 180 p.2016 
 » « Unhate » : la nouvelle campagne choc de Benetton « , Pure Médias, 16-11-11 
Crédits images :
BNP
AIDES
Reuters/Stefano Rellandini
 

Société

The lion that broke the internet

Rappel des faits : le 1er juillet 2015, au Zimbabwe, Walter Palmer, un dentiste et chasseur américain abat Cecil, un lion à la crinière noire, star du parc national Hwange et sujet d’étude des chercheurs de l’université d’Oxford. Ce braconnage a duré plus de 40 heures. Walter Palmer a tout d’abord attiré l’animal à l’extérieur, du parc et l’a blessé avec une arbalète avant de le traquer et de l’abattre au fusil. Très vite, cet abattage a attiré l’attention des médias internationaux et a suscité l’indignation des défenseurs de l’environnement et de l’opinion publique. Résultat, l’affaire est remonté dans les sphères politiciennes et jusqu’aux tribunaux.
C’est précisément cette « attention », cette réaction des médias, qui a érigé ce fait divers en véritable phénomène médiatique, aujourd’hui connu et reconnu sous le verbatim « Cecil le Lion ».
Naissance du phénomène
Les mécanismes traditionnels de l’information se mettent en route
La première couverture médiatique de l’affaire Cecil le lion, concerne l’affaire elle-même. Dans les médias traditionnels, les articles expliquent comment le lion a pu être tué, quelle était sa particularité, et la somme que le dentiste a dépensé pour cette chasse. C’est après cette première couverture factuelle, que l’affaire Cecil le Lion va pouvoir commencer à circuler. Rapidement l’expression “Cecil the Lion” est reprise. La légitimité des médias traditionnels suffit à figer cette formule. Elle va ensuite jouer un rôle très important dans l’amplification du phénomène, puisqu’elle va permettre d’indexer et de retrouver toutes les réactions et tous les commentaires. La formule devient donc une porte d’entrée pour l’ensemble des réactions internationales.
Internet permet à tout un chacun de s’approprier le phénomène
Dans le cas de Cecil le Lion, les internautes sont les acteurs principaux de la viralité du phénomène. Ils se sont appropriés toutes les plateformes d’expression du web pour contribuer à l’écriture du phénomène Cecil le Lion.
Campagnes
Beaucoup de campagnes ont été lancées, avec des objectifs très variés à chaque fois. L’université d’Oxford, qui avait placé un collier GPS autour du cou du lion en 2008, afin de recueillir des données sur le mode de vie des lions et leur longévité, a lancé un appel aux dons pour “révolutionner” la protection des félins. Plusieurs associations de défense de la faune et de la flore ont crées leurs propres pétitions comme l’African Wildlife Foundation ou PETA. Et face à l’absence de campagnes réclamant la justice, des internautes se sont lancés. Cecil, célèbre lion à la crinière noire du Zimbabwe, tué pour 50 000 euros : demande à Barack Obama de faire condamner le dentiste. Même chose pour Extradite Minnesotan Walter Palmer to face justice in Zimbabwe, postée sur la plateforme de pétitions de la Maison Blanche. Cecil est également devenu l’illustration d’autres pétitions comme Justice for Cecil, help fight trophy hunting! ou Demand Justice for Cecil the Lion in Zimbabwe, qui militent pour l’interdiction des permis de chasse.
Réseaux sociaux
Entre les différentes pétitions et appels aux dons lancées par des organismes officielles et toutes celles lancées par des particuliers, il y a eu un vaste éparpillement des campagnes de mobilisation. Mais cette éparpillement est encore plus visible sur les réseaux sociaux, où un nombre pharaonique de pages et autres groupes ont été crées à l’effigie de Cecil.
Sur Facebook, parmi les 100 pages dédiées à Cecil, il y a :  Cecil the Lion, Justice for Cecil the Lion, CECIL the LION, Cecil : The Lion, Justice For Cecil the Lion, R.I.P. Cecil the Lion, Cecil, Lion. Parmi la trentaine de groupes, il y a RIP Cecil the lion… let’s tell the dentist he is a coward !, CECIL the Lion HUNTS Walter Palmer, Cecil the lion says “All Lives Matter”, Extradite Walter J. Palmer: Justice for Cecil the Lion, etc.
 
Sur Twitter, 53 comptes lui sont dédiés, dont : Cecil The Lion Game @lioncecilgame, Cecil_the_Lion @Lion_for_Truth, CecilTheLion @CecilTheLion, Justice For Cecil @justiceforcecil, Cecil Lion Festival @GurundoroFest, Cecil The Lion @lion_cecil…
 
Sur les réseaux sociaux, on voit une véritable volonté de réappropriation du phénomène. Signe d’une énorme volonté de mobilisation des internautes. Même s’il existe une première page ou un premier groupe, qui reprend la terminologie exacte « Cecil the Lion», beaucoup d’autres pages et groupes éclosent, avec à chaque fois, un effort du créateur ou de la créatrice pour trouver une manière de reformuler la terminologie, en jouant sur les majuscules, les signes de ponctuation, les tirets, en rajoutant des mots…

Forums
Mais bien au-delà des élans d’émotions et d’indignation, la mort de Cecil le Lion a généré beaucoup de commentaires et de débats. Les plus grands forums se sont tous retrouvés avec un, ou plusieurs, sujets mentionnant Cecil : American hunter illegally killed Cecil the Lion, Cecil the Lion as a non-killable beast in WoW, The killing of Cecil the Lion, Cecil the Lion, We need a tribute to Cecil the Lion in the game, The brother of Cecil the Lion, was killed by a hunter in Zimbabwe, this Saturday, announces CNN, Cecil the Lion Killed.
Vidéos
Et le phénomène Cecil le Lion n’a pas non plus échappé aux plateformes de vidéos. En dehors des reportages journalistiques, un florilège de vidéos sur les réactions qu’a provoqué l’affaire ont été postées : en allant des réactions de célébrités aux réactions d’internautes lambdas.  

Ce qui nous amène à notre 3ème et dernière partie sur le traitement médiatique de l’évènement médiatique lui-même de Cecil le Lion, et de la manière dont il a été couvert dans les médias.
Troisième niveau, le traitement médiatique du phénomène en tant que tel
Quand les figures médiatiques se mettent en scène et deviennent des leaders d’opinion
Ici le reportage journalistique porte plus sur le scandale qui a éclaté autour de l’affaire, que de la mort de Cecil en elle-même.

 
D’autres vidéos vont commencer à fleurir pour commenter la manière dont telle ou telle célébrité a réagi à la mort de Cecil. Des articles ont fleuri sur le même thème « Celebs React to the Heinous Murder of Cecil The Lion », avec une énumération des tweets. 

Le Figaro a fait un article sur l’acteur Arnold Schwarzenegger qui attaque le dentiste américain. Le Télégramme a couvert l’indignation de Brigitte Bardot le 1er août. Et dernièrement c’est la photo d’Ashley Benson, sur Instagram qui a réveillé la communauté pro-Cecil. A l’approche d’Halloween l’actrice poste une photo d’elle en costume de lion, avec comme légende “Help ! Can’t decide on my Halloween costume this year ! What do you guys think of this Cecil the Lion costume?” Très vite le message a fait un tollé, les internautes qualifiaient sa référence d’offensive et de mauvais. Cette anecdote a même fait l’objet d’un article, le 7 octobre sur PureBreak.
Dans d’autres vidéos, des internautes se filment en train de « découvrir » et de réagir pour la première fois, à la réaction de Jimmy Kimmel.
Ou encore la vidéo Jimmy Kimmel Chokes Up Over the Death of Cecil the Lion, dont le sujet n’est pas la mort du lion mais uniquement la réaction du présentateur vedette. Dans la vidéo Teens React to Cecil the Lion Killed, filme des jeunes devant un ordinateur et filme leur réaction « spontanée ». A ce stade, ce n’est plus la mort de Cecil le Lion qui est médiatisée, mais la réaction d’individus plus ou moins connus à sa mort.
Toutes ces réappropriations ont renforcé le phénomène, car elles ont généré de l’engagement et de l’identification. Les internautes se sentent investis dans le débat, et se sentent appartenir à une communauté.
Toutefois, la mobilisation sur Internet, a amené à des manifestations plus concrètes : devant la maison de Walter Palmer et devant son cabinet dentaire par exemple. Ces manifestations physiques ont continué à alimenter le phénomène. Elles ont rendu la mobilisation télégénique, et ont ainsi permis une couche supplémentaire de couverture médiatique.
Le méta-discours
Et puis il y a eu des articles sur le phénomène : comment Cecil le Lion a généré autant d’engagement et de réactions dans le monde occidental. Le 30 juillet, Marino Eccher écrit l’article « Why the death of Cecil the lion ran wild on the Internet ? ». Nous sommes seulement deux jours après la révélation de la mort, il énumère les réactions sur Internet (plus de 700 000 tweets et 1 million de recherches sur Googe, rien qu’aux Etats-Unis). Selon lui, l’histoire a été propagée par une poignée d’influenceurs sur les réseaux sociaux, des comptes qui agrègent à chaque fois des dizaines de millions de followers, comme des comptes de médias ou de célébrités, dont l’acteur Ricky Gervais. Fin août, la BBC2 dédie son émission Newsnight au phénomène, avec comme accroche “We look back on the killing of Cecil the Lion : did we overeact ? is social medial to blame ?” En effet, dans la naissance et la propagation du phénomène Cecil le Lion, les réseaux sociaux ont vraiment joué un rôle de tremplin. Le fait divers a été partagé et relayé sur les réseaux, avant d’atteindre par la suite le palier des médias traditionnels. Sans aucun doute, si un le braconnage de Cecil était arrivé avant l’existence des réseaux sociaux, il serait resté un fait divers et n’aurait pas pris cette ampleur phénoménale.
Aujourd’hui Cecil the lion est devenu un emblème. Une véritable communauté d’internautes émus par sa mort s’est crée, et depuis elle agit comme un vigile. D’autres cas de meurtres d’animaux sauvages été révélés, comme celui d’une girafe par la chasseuse américaine Sabrina Corgatelli). Chaque nouvel épisode judiciaire entre Walter Palmer et le Zimbabwe fait de nouveau l’objet d’articles, renouvelant une fois de plus le phénomène et les réactions des internautes. Des rumeurs et des intox ont même vu le jour : Cecil serait finalement bien en vie, ou son frère Jericho aurait été à son tour assassiné par un chasseur. Cette dernière intox a d’ailleurs fait l’objet d’un article, sur la formation et la déformation de la rumeur sur francetvinfo.fr.
Ainsi, le phénomène Cecil le Lion est devenu viral sur les plateformes web. L’institution de la formule « Cecil the lion » a permis de fixer ce phénomène et de lui permettre de circuler. La réappropriation des internautes a permis d’ériger ce fait divers jusqu’à un véritable évènement. Ces réappropriations ont crée un nouveau niveau dans l’affaire Cecil le Lion, avec une nouvelle couverture médiatique, qui a porté cette fois sur les vagues d’émoi. Il y a donc eu un mouvement de balancier entre les internautes et les médias traditionnels : les internautes ont crée le phénomène, qui a ensuite été relayé par les médias traditionnels, ce qui a alimenté de nouvelles réactions d’internautes etc… Et au fil de toute cette circulation médiatique, Cecil le Lion est devenu aujourd’hui un véritable objet culturel.
Cet article est un résumé d’une étude qui a été réalisée par Orlane Lebouteiller, Marion Parquet et Marie Mougin, dans le cadre du cours de sémiotique culturelle d’Internet, d’Etienne Candel, en décembre 2015.
Marie Mougin 

Invités

Entretien avec Virginie Descoutures : Communication & sociologie de la famille

Virginie Descoutures est docteur en sociologie, spécialiste de la famille et du genre. Elle est l’auteure de Les mères lesbiennes (2010) et d’ouvrages collectifs: Sous les sciences sociales, le genre (2010) & Mariages et homosexualité dans le monde (2008).

Cet entretien est divisé en trois parties, d’abord Virginie Descoutures nous parle du rôle de la communication dans son travail de sociologue. Elle souligne l’importance des outils de communication pour rendre visible les travaux de recherche. Elle explique qu’en tant que fonctionnaires, les chercheurs se doivent de fournir des traces de leurs travaux aux citoyens.
Virginie Descoutures parle ensuite de l’utilisation des moyens de communication en faveur de l’égalité. Elle explique que de nombreuses campagnes sont pensées pour l’égalité. Elle-même utilise des objets de communication pour illustrer ses propres cours « une affiche, un média, ça dit des choses ». Ces supports permettent de déconstruire des normes, des préjugés. Elle revient sur la possibilité d’attribuer le nom des deux parents aux enfants et dit :  « Je suis assez surprise qu’il n’y ait aucune campagne du gouvernement, de l’Etat qui permette de rendre compte du dispositif légal qui permet qu’il y ait plus d’égalité entre les hommes et les femmes. » Et elle termine en disant que cela relève des pouvoirs publics, pas du métier de sociologue.
Sur l’emballement médiatique autour du Mariage pour Tous, Virginie Descoutures trouve que « le débat a manqué de débat » et que « c’est la première fois que des gens vont dans la rue, vont manifester, pour interdire des droits à d’autres […] cela témoigne d’un moment réactionnaire. » Et cet engouement révèle l’importance du mariage en tant qu’institution.
L’équipe de FastNCurious tient à remercier Virginie Descoutures et Olivia Foli qui nous a permis de réaliser cet entretien.

Société

Datas, algorithmes, robotisation: quand la machine s'empare de la création

Dans des temps ancestraux, l’Homme reléguait la machine et son intelligence au rang de chimères de science-fiction. La robotique n’était alors qu’un vaste sujet qui nourrissait des films d’anticipation aux allures de fin du monde. En ces temps-là, l’imagination et la création étaient d’irrationnelles vapeurs qui ne pouvaient émaner que de l’esprit de l’Etre humain.
30 mars 2016 : on apprend que l’équipe japonaise de l’agence McCann est la première à compter un membre d’un genre particulier. Celui-ci répond au doux nom de « AI-CD β » (pour Artificial Intelligence – Creative Director). Robot entièrement créé par l’équipe McCANN Millennials et issu du projet Creative Genome, il occupe le poste de Directeur de la Création. Bien qu’on s’y attendait un jour ou l’autre, cette nouvelle a pu dérouter plus d’un professionnel de la communication.
Imaginez cinq minutes le bazar dans l’open-space…
L’art, le propre de l’Homme ?

La question de l’interaction entre l’Homme et la machine alimente un débat de longue date en sciences de l’information et de la communication. Dans les années 1950, le mathématicien Norbert Wiener fonde la cybernétique, science qui se penche sur les processus de l’interaction par phénomène de rétroaction entre l’homme et la machine, et recherche in fine l’optimisation des systèmes de communication. Très peu de temps après, Alan Turing reprendra les travaux de Wiener et mettra au point un test destiné à déterminer si la conscience peut être simulée par un ordinateur. Avec ses travaux sur l’intelligence artificielle, Alan Turing jette les bases de l’informatique telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Chercheurs comme artistes se saisissent de la question d’un art optimisé par la robotique, comme l’atteste par exemple l’exposition « Art Robotique », présentée à la Cité des Sciences et de l’industrie, à Paris en 2014.
Optimiser l’imagination ?

L’art robotique est-il un oxymore ? Professeure de philosophie, Charlie Renard traite justement de ce sujet dans l’un de ces articles, et s’interroge sur la question suivante : « que reste-t-il d’humain dans la création quand ce ne sont pas seulement les moyens mais le processus lui-même de création qui s’autonomise, s’automatise ? ». Derrière la prouesse technologique, c’est donc bien d’optimisation de la création qu’il s’agit. Mais peut-on réellement rationnaliser, optimiser l’imagination?
Les exemples de robots artistes sont bien nombreux. En 1973, Harold Cohen, professeur à l’Université de Californie, créé et développe AARON, un programme informatique capable de créer des œuvres d’art abstrait. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses expositions à travers le monde. Pour autant, la question de l’imagination de ce programme dans le processus créatif de ses œuvres reste à déterminer.
L’intelligence artificielle au service de la création touche tous les domaines artistiques. Par exemple, David Cope, musicologue et chercheur à l’Université de Californie, a créé dans les années 1990 un programme informatique compositeur de musique classique, nommé Emily Howell.
Plus récemment, une équipe de chercheurs japonais de l’université d’Hakodate a mis au point une intelligence artificielle capable d’écrire une nouvelle, grâce à des paramètres préétablis formant un algorithme. Celle-ci, intitulée tout bonnement « Le jour où une machine a écrit une nouvelle » a même été nominée à un prestigieux concours littéraire nippon, les Nikkei Hoshi Shinichi Literary Awards.
Prouesse technologique ou marketing ?
Tu nous a bien eu, Kevin
Ces nouvelles techniques de création au service du marketing posent évidemment la question de la standardisation de la culture et de l’influence du choix des consommateurs ? Si l’on rouvre les travaux d’Adorno sur la culture de masse, la publicité et les médias, celui-ci affirme que la culture de masse uniformise les aspirations et les goûts des classes sociales. Les technologies au service de la création d’une culture de masse ne feraient-elles alors de nous qu’un vaste troupeau de moutons de panurge ?
Sans tomber dans une telle paranoïa, on sait que quelques entreprises utilisent déjà ces algorithmes afin que leurs créations collent au mieux aux choix du consommateur. Vous avez aimé les fameux monologues-regard-caméra du délicieux Kevin Spacey dans la série House of Cards ? C’est normal, les algorithmes ont choisis pour vous cet acteur. Tout comme pour sa récente série Marseille, Netflix a utilisé ces programmes informatiques lors de la production pour déterminer le casting. Objectif : être certain de nous plaire.
Quand à AI-CD β, nouveau Directeur de la Création chez McCann au Japon, ses créateurs auraient élaboré un large panel de publicités télévisées primées, que l’intelligence artificielle exploiterait afin de cerner les tendances en matière de transmission du message publicitaire.
Quel avenir pour les métiers créatifs ?
Je vous présente la Team Créa du futur
Finalement, si le nouveau Directeur de la Création de l’agence McCann au Japon est l’aboutissement d’une véritable prouesse technologique, on comprend que la question de la substitution d’un humain à ce poste créatif – et plus technique comme l’on a pu le voir jusqu’alors – puisse remuer certaines angoisses chez les professionnels de la communication. De la même façon, Narrative Science a développé en 2014 le logiciel Quill, une intelligence artificielle capable de transformer des données brutes en articles de presse. Ce procédé a notamment été utilisé par le magazine américain Forbes.
Ce renouveau des pratiques professionnelles est synonyme des bouleversements entrainés par le progrès technique dans les structures de production des industries de l’information et de la communication. Tout cela constitue un processus perpétuel et intemporel où le nouveau élimine l’ancien, qui nous rappelle la fameuse « destruction créatrice » déjà théorisé par Joseph Schumpeter dans les années 1940 pour expliquer les cycles économiques, à l’époque de profondes mutations industrielles et technologiques. Coïncidence ? Je ne pense pas.
Mathilde Dupeyron
Linkedin 
Sources :
Julien Bordier et Igor Hansen-Love, L’Express, 24/01/15 
Pierre Fontaine, BFM Hightech, 26/03/16 
Martin Gayford, Technology Review, 15/02/16 
Korben, 25/02/10 
Llllitl, 30/03/16 
Charlie Renard, IPhilo, 12/12/15 
Crédit photos :
Banksy, New York Daily News 
Liberation 
Iphilo 
Genetics and culture
Télérama 
Les Inrocks

Médias

The Voice et le storytelling

Le storytelling, largement théorisé aujourd’hui, est souvent réduit à des fins marketings, ou politiques. Or, cet « art de raconter les histoires » est omniprésent, et dans The Voice, c’est assez flagrant.
Effectivement, si l’on fait un peu de calcul, l’émission The Voice dure (sans compter les publicités) environ deux heures pour les auditions à l’aveugle. Or, chaque émission des auditions à l’aveugle comporte 13 candidats, qui ont 2 minutes top chrono pour convaincre leur coach. Ce qui revient en tout à 26 minutes de pures prestations musicales.
Que se passe t-il donc dans l’heure et demi qu’il reste ?
Eh bien, entre autres, du storytelling.

The Voice : quelle télé réalité ?

Aujourd’hui très difficile à définir, la télé-réalité est pourtant un réel concept qui met à jour plusieurs éléments constitutifs, notamment décrit par Valérie Patrin-Leclère, maître de conférences au CELSA. The Voice appartient entièrement à cette catégorie, tout en s’en différenciant sur quelques points.
De prime abord, il y a une mise en situation de personnes volontaires et sélectionnées selon leur qualité – ici, le chant – qui ont envie de se montrer et qui sont filmées sur une période longue. C’est donc un programme excluant. Ensuite, le déroulement du programme repose sur une dynamique d’un jeu où l’on assiste à l’élimination progressive des candidats, jusqu’à un gagnant. Ce dernier, dans le cas de The Voice, obtient non une promesse de gain (quoique), mais une promesse de succès et de réussite dans le secteur de la musique, en ayant l’opportunité de sortir un album, mais aussi de participer à une tournée. Au cours de ce processus d’élimination, le téléspectateur va être invité à y prendre part, grâce un système de vote. Enfin, la diffusion va être faite par épisode s’étendant sur plusieurs mois.
Le modèle économique de cette émission est très intéressant, car, à l’instar de la Star Academy, The Voice se définit par sa diversification. Effectivement, au- delà de la publicité foisonnante, et des audiences mirobolantes (6.03 millions de personnes, soit 30.1% de part d’audience selon Médiamétrie pour le 2 avril), cette émission se décline en produits siglés, albums, tournées (The Voice Tour), …etc.

Toutefois, il est clair que The Voice se différencie de la télé-réalité clichée type Les Marseillais. Effectivement, cette émission renvoie davantage à la « télé coaching », aussi appelée, « la télé bonne fée ». A cet égard, elle n’a pas pour vocation de faire souffrir les candidats, mais plutôt de les aider.

Entre narrativité et récit

Concentrons-nous sur ce storytelling qui est omniprésent dans cette émission. Dans un premier temps, il est intéressant d’expliciter la nuance entre le récit et la narrativité. Philippe Marion, professeur à l’Université Catholique de Louvain, explique qu’un récit est un « bouleversement volontaire d’équilibre ». Autrement dit, pour qu’il y ait récit, il faut qu’il y ait un équilibre initial, une rupture, puis un équilibre final. Au contraire, la narrativité se contente d’un fragment de récit. Ce qui est intéressant dans The Voice, c’est que cette frontière devient plus confuse.

Les témoignages/commentaires pour les séquences des auditions à l’aveugle – la découverte des candidats – sont posés comme des récits, coincés dans un schéma répétitif  : un équilibre initial (le « avant the Voice ») : le candidat explique son métier, sa vie, depuis quand il chante. Il y a généralement un témoignage rapide des proches. Puis, la rupture (le « The Voice »), et enfin, l’équilibre final : ce que The Voice lui apporterait. Pour autant, cet équilibre final n’est qu’une condition, un souhait. Dès lors, on pourrait plutôt considérer ces témoignages comme de la narrativité, dans le sens où ils ne sont qu’une partie du récit. Il manque la transformation, qui perdure tout le long de la totalité des épisodes du programme.

Par conséquent, chacune des ces narrativités, chacun de ces storytellings, construit un seul et même récit : celui de l’émission The Voice. C’est sur cette économie du commentaire que The Voice bâtit la continuité des séquences. Autrement dit, l’équilibre final équivaut au dernier épisode de la saison, clôturant ainsi ces premiers témoignages.

Le storytelling comme clé de la réussite

Du côté du public : Tel le rêve américain, ce sont ces témoignages d’anonymes galopant vers la célébrité qui motivent les audiences. Le storytelling porte en lui le rêve caché de tout à chacun : la réussite. Nous pouvons tous nous reconnaître dans ces histoires personnelles, c’est le pouvoir d’identification du récit. À titre d’exemple, le dernier gagnant de The Voice (ci-dessus), Lilian Renaud, était fromager en Franche-Comté. Ces « success(ful) stories » ont un certain écho dans une France aujourd’hui imprégnée de défaitisme. Au-delà des pures prestations musicales, on regarde The Voice pour croire en la réussite, car c’est une émission qui parvient à vendre du rêve.
Du côté du candidat : Le storytelling, comme en politique ou en marketing est utilisé dans The Voice afin que chaque candidat anonyme venant dans le même but et ayant la même qualité – savoir chanter – puisse se différencier.
Comme nous l’avons dit plus tôt, le public est pris en compte dans le processus d’élimination. Dès lors qu’il est question de vote, il est implicitement question de campagne, et, ce storytelling est la première communication des candidats envers son public. Il va permettre de toucher, en racontant une anecdote autobiographique, et en jouant sur le registre dramatique. À cet égard, pour ces candidats, le storytelling ne consiste pas seulement à raconter une belle et émouvante histoire : c’est surtout une forme de communication destinée à mobiliser les émotions, et persuader le téléspectateur de voter pour lui et pas un autre.
On peut parler en un sens de « campagne » car cette phase de témoignages est réalisée dans les 4 premiers épisodes, avant même que les votes du public soient pris en compte. C’est le prémisse dans l’aventure The Voice qui introduit cette idée de compétition.
Bien évidemment, ce n’est pas une manipulation diabolisée, mais une dimension bien réelle du récit, inévitable lorsqu’il est question d’élimination. C’est le jeu.
Clémence Midière
@clemmidw
Sources:
Valérie Patrin-Leclère – Cours du CELSA
Philippe Marion – Conférence « Les territoires de la médiagénie » CELSA
Médiamétrie (audience)
Crédits photos:
MyTF1.fr

Société

"Merci Patron", le film qui met LVMH au tapis

Toutes sensibilités politiques confondues, difficile de rester insensible au  documentaire à succès de François Ruffin, sorti le 24 février dernier. Fondateur et rédacteur en chef de Fakir, le « Journal fâché avec tout le monde ou presque », Ruffin raconte le combat -presque épique- qu’il mène avec un couple de picards, Jocelyne et Serge Klur, victimes collatérales de la délocalisation de leur usine en Pologne. Les tactiques de communication employées par le groupe LVMH, destinées avant tout à éviter le scandale et empruntes d’une indifférence profonde vis-à-vis des détresses individuelles, y sont dévoilées avec brio.

On retrouve dans le film des codes inaugurés par Michael Moore dans ses documentaires Bowling for Columbine ou encore Capitalism : A love Story. Comique de situation, goût de l’absurde, volonté de mettre en lumière ce qui n’est d’ordinaire accessible qu’à quelques heureux élus. Le ressort du film tient à une idée très simple : LVMH, et par extension son patron Bernard Arnault, sont prêts à tout pour étouffer une affaire qui pourrait nuire à l’image de la marque. François Ruffin et la famille Klur exigent, en dédommagement du licenciement des deux époux, la somme de 35.000 euros, et l’obtention d’un emploi pour Serge Klur. La somme est destinée, entre autres, à rembourser leurs nombreuses dettes et éviter la saisie de leur maison. Et, grande fantaisie, à acheter un chauffage fonctionnel.  D’abord dans une lettre adressée à Bernard Arnault puis auprès d’un homme dépêché chez eux par LVMH, ils ne se démontent pas. La question se pose d’emblée: comment, au juste, espèrent-ils obtenir d’une entreprise une telle démonstration de charité ? La réponse semble peut-être évidente au lecteur averti de Fast’N’Curious, mais elle mérite qu’on s’y arrête. 

La terreur du bad buzz

Par définition, l’objectif premier de toute communication externe d’entreprise est d’instituer et maintenir une image de marque positive. C’est elle qui donne confiance au consommateur, le séduit et le conforte dans son choix. Or, les misères du couple Klur, mise dans les mains de médias et de personnages politiques bien choisis, représentaient un danger crucial pour l’image de la marque. En instrumentalisant ce risque et en le retournant comme une menace contre le groupe, François Ruffin et la famille Klur parviennent à tourner les choses à leur avantage. On les voit rédiger un certain nombre de lettres, expliquant qu’en effet, LVMH et plus particulièrement monsieur Bernard Arnault, étaient responsables de leur extrême précarité.  L’histoire d’une famille plongée dans la misère après avoir perdu des emplois délocalisés, représentait, aux yeux du service de communication de LVMH, un terrible danger…

Hors, comme nous le savons maintenant, le véritable danger était encore à venir: le documentaire de François Ruffin, avec ses dizaines de milliers d’entrées malgré le nombre réduit de salles le projetant, a généré un nombre important d’articles, d’interviews, et de manière plus générale, de remises en question de l’idée même de justice sociale. Le mouvement Nuit Debout, né de l’occupation de la place de la République après la manifestation du 31 mars contre le projet de réforme du code du travail, est dans la ligne directe du documentaire. François Ruffin en est un actif participant.

Comme tentative de réponse, le groupe LVMH va ouvrir au grand public une cinquantaine de ses sites européens pendant trois jours en mai. « 40 maisons » vont ainsi être accessibles gratuitement. Les salons Christian Dior avenue Montaigne, les ateliers Louis Vuitton à Asnières, ou encore le joaillier Chaumet Place Vendôme, les portes de plus de « 50 lieux d’exception » seront ouvertes du 20 au 22 mai, à l’occasion de la 3e édition de ses « Journées Particulières ». L’objectif communicationnel est clair: redonner un visage aux membres du groupes, qui sont, après tout, « humains comme vous et moi ». 

Mariem Diané

Sources :

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=243117.html
http://www.boursorama.com/actualites/lvmh-organise-des-portes-ouvertes-apres-le-film-satirique-merci-patron-8a0dacbbe34750843ec8ab4ebaaabe84
http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/06/nuit-debout-a-paris-on-continuera-jusqu-a-aboutir-a-quelque-chose-de-concret_4896552_823448.html

Agora, Com & Société

S'éclairer au nucléaire

Pétitions, polémiques, peurs. Trois P associés au nucléaire dans sa représentation médiatique. Mais plus on creuse sa réalité, plus on constate que cette méconnaissance craintive est particulièrement la conséquence d’une mauvaise communication. A défaut d’un décryptage par l’aval, expliquons par l’amont : lumières sur le nucléaire.
Fukushima : l’espace du risque plaide coupable
Une centrale nucléaire produit de l’électricité à partir de vapeur d’eau qui entraîne des turbines et un alternateur. La production de vapeur est assurée par la réaction en chaîne de fission nucléaire, que l’on peut modérer par adjonction d’acide borique à l’eau du circuit primaire ou par abaissement de barres de contrôle dans la cuve.

 
Ces barres de contrôle ont été automatiquement abaissées lors du séisme survenu à Fukushima, en 2011. Les réacteurs à l’arrêt devaient cependant être refroidis mais le tsunami a détruit les moteurs en contre bas qui assuraient ce refroidissement grâce à de l’eau puisée et rejetée – eau non-contaminée – dans la Mer grâce à un passage dans un échangeur thermique. Le problème : sans refroidissement, l’eau du circuit primaire se vaporise dans la cuve. Par conséquent, les crayons combustibles contenant les pastilles d’uranium radioactif qui doivent être immergées dans l’eau afin de contenir la réaction en chaîne ne le sont plus. Les crayons, constitués d’un alliage de zirconium, réagissent alors avec cette vapeur d’eau en formant de l’hydrogène, gaz explosif. La température anormalement élevée suffit à enflammer le mélange gazeux, entraînant la destruction de la cuve et de son enceinte de confinement en béton, libérant ainsi dans l’atmosphère un panache de radioéléments. Les crayons fondent ensuite en un magma – corium – qui s’accumule et perce le fond de la cuve.
On constate l’inefficience de l’espace du risque des moteurs d’urgence car on a mal anticipé le risque de tsunami qui les immergerait : la catastrophe est bien d’origine structurelle. Pour une prévention en aval, malgré les qualités indéniables du zirconium, la recherche travaille pour concevoir une matière plus infaillible. De plus, en récupérant l’eau radioactive du circuit primaire en attente de décontamination on fait face à l’absence de station de traitement d’eau radioactive. Des centaines de barils d’eau contaminée s’entassent : l’état liquide contient la radioactivité à l’inverse de l’état gazeux qui permettrait à la radioactivité de s’échapper au gré du vent. Pour éviter l’infiltration de l’eau radioactive, le sol est gelé en attente de solution. Areva avait pour projet une station de décontamination, mais trop coûteuse, celui-ci a été avorté.
Trois piliers essentiels
Une grille de lecture face aux articles qui circulent.

Distinguer EXPOSITION et CONTAMINATION

L’exposition : la source radioactive est externe au corps qui subit ces rayons ionisants (gamma, X, UV). D’où l’importance du dosimètre pour les salariés : cela permet de mesurer, contrôler et ainsi limiter l’exposition.
La contamination peut être externe, plus aisément remédiable (particules radioactives en contact avec le corps) qu’une contamination interne (ingestion des particules). 
Le problème étant que lors d’une dense exposition et surtout lors d’une contamination,  les éléments radioactifs modifient la formule sanguine et le corps produit ainsi des anticorps contre lui-même,  ce qui peut-être mortel (exemple de Marie Curie).
Solution en aval lors d’une contamination ? Face au rejet massif d’iode radioactif lors d’un accident nucléaire, la thyroïde peut s’en imbiber. Or, une prise d’iode stable en amont sature la thyroïde permettant d’éviter cela. Cependant, les autres organes n’en sont pas plus épargnés. Radioprotection en amont est donc maître mot.

La DUREE DE VIE d’une centrale

C’est la durée de vie de la cuve où se situe le combustible nucléaire qui impose celle du réacteur car  la paroi s’abîme sous le coup de l’ionisation permanente et elle est irremplaçable. En 2014, l’Autorité de Sûreté Nucléaire a mené 381 inspections dans les centrales, dont 28 % de façon inopinée. Contrairement à ce qu’on peut lire, la transparence des contrôles est constatable à travers ses rapports disponibles en ligne. Tous les dix ans a lieu une visite décennale qui permet ou non d’accorder l’exploitation du réacteur une décennie supplémentaire.
Solution ? Les nouveaux réacteurs de type EPR ont une durée de vie théorique de 70 ans et, bien que coûteux sur le court terme, restent avantageux sur le long terme. De plus, les EPR, contrairement aux réacteurs français actuels, peuvent fonctionner avec 100% de MOX (déchets radioactifs recyclés en pastilles de combustible nucléaire) et sont conçus afin que le corium ne puisse pas, en cas d’accident, percer  la cuve.

La gestion des DECHETS radioactifs 

Véritable source d’inquiétude : si  96% des déchets nucléaires sont recyclables (MOX), 4% ne le sont pas et sont parmi les plus dangereux. Chaque année, une partie du combustible nucléaire des réacteurs est renouvelée. Le combustible usé est plongé dans l’eau 15 ans en moyenne (La Hague site d’Areva) durant lesquels il va se refroidir puisque la réaction en chaîne se perpétue. Ils sont ensuite conditionnés puis enterrés (confinement de Bure) jusqu’à ce qu’ils deviennent stables, soit n’émettent plus de rayonnements radioactifs, et pour certains cela durera des milliers d’années.
Le problème étant les fuites à cause de la déficience des matières choisies permettant le confinement. C’est un objet de recherche aujourd’hui.
Médecine nucléaire : un mariage qui vous veut du bien

Sans la radioactivité, la médecine perdrait un grand pouvoir d’action. De la radiologie au traceur radioactif, ou encore de la radiothérapie à la radio-immunologie elle est essentielle. La curithérapie par exemple (branche de la radiothérapie) est représentative puisqu’elle permet de soigner le cancer du col de l’utérus, de la prostate, ou du sein grâce à un positionnement précis du rayonnement qui permet de réduire le champ d’exposition en épargnant les tissus sains alentours.
Et si vous avez la banane, il est bon de savoir que la radioactivité n’est pas un danger en elle-même mais un processus de transformation : la banane contient du potassium radioactif qui, en se désintégrant dans notre corps, devient de l’argon (gaz) ou du calcium !
Et vous, pensez-vous que c’est le doxique qui est toxique dans tout ça ?
Allison LEROUX
 
Sources : 
Site de la Sfen – Durée de vie d’une centrale : http://www.sfen.org/fr/le-blog-des-energies/40-ans-et-au-dela-cest-possible
Site de la Sfen – Les autres utilisations du nucléaire : http://www.sfen.org/fr/lenergie-nucleaire/les-autres-applications-du-nucleaire
Site de l’ASN – Effets des rayonnements ionisants : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers/Les-effets-des-rayonnements-ionisants
Site de l’ASN – Gestion des déchets radioactifs : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers/La-gestion-des-dechets-radioactifs
Fiche de l’ASN PDF – Les principes de la radioprotection : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Les-principes-de-radioprotection
Fiche de l’ASN PDF – Les situations d’urgence nucléaire :  http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Les-situations-d-urgence-nucleaire
Fiche de l’ASN PDF – 6 réflexes pour bien réagir : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Brochure-d-information-Les-6-reflexes-pour-bien-reagir
Site de l’IRSN – Qu’est-ce que la radiothérapie ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/applications-medicales/radiotherapie/radiotherapie-generalites/Pages/sommaire.aspx
Site de l’IRSN – Prise d’iode stable – Mettre fin aux idées reçues : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/radioprotection/situation-urgence/Pages/idees-recues-iode-stable.aspx
Site de l’IRSN – Les leçons tirées par la France de l’accident nucléaire à Fukushima : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2016/Pages/7_lecon-France-fukushima-2016.aspx?dId=a4c10d10-3eb2-4f22-abe4-f2e1390f8278&dwId=e54a8fba-14b7-402c-b39c-a81eec4df160
Site de l’IRSN – Information sur le nucléaire, entre secret et transparence : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/3-nucleaire-secret-transparence.aspx
Site de l’IRSN – Faut-il encourager les chercheurs à vulgariser ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/20-vulgarisation-scientifique.aspx
Site de  l’IRSN – Regards croisés : société civile et expert : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/7-debat-societe-civile.aspx?dId=b2ac4afe-ab25-4376-a1ec-e633d8cee49f&dwId=e1445010-b6d4-4b73-91ad-122400d00e3c
Site de l’IRSN – Comment répondre aux français face au risque nucléaire ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/14-preoccupations-Francais-risque-nucleaire.aspx
Site de l’ASN – Des dossiers pour s’informer et aller plus loin : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers
Site de la Sfen – Le combustible nucléaire : http://www.sfen.org/fr/lenergie-nucleaire/le-combustible-nucleaire
Rapport de sûreté nucléaire : Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2014, p. 148
Crédit images :
De Panafieu et Revenu, Nucléaire, pour quoi faire ? Gulf stream éditeur, et toc !
Physagreg.fr
Ledacademy.fr
IRSN.FR

Flops, Politique

La récupération politique

S’il y a un domaine où le recyclage n’a pas la côte, c’est bien en politique. Pour preuve le tollé médiatique, à la suite des attentats de Bruxelles, des tweets de Robert Ménard ou encore Bruno Le Roux. Ce dernier s’est empressé de poster un tweet fustigeant l’attitude de la droite sénatoriale dans le débat sur la déchéance de la nationalité, et ont vu l’ensemble de la twittosphère lui tomber dessus malgré des tentatives détournées de faire oublier son tweet.
Mais en quoi consiste vraiment la récupération politique ? Il s’agit d’un procédé qui consiste à se servir d’un événement survenu dans l’actualité pour servir son parti, sa campagne ou ses idées politiques, tout en se parant du voile des bonnes intentions, et en se mettant dans une posture moralisatrice presque prophétique sur le mode du « je vous avais prévenu ».!

Déplacer un événement de la sphère publique pour l’arrimer à la sphère politique ?
La première question qui se pose face aux régulières vagues d’indignation que suscitent les interventions de tel ou tel personnage politique est de distinguer, dans une perspective presque harendtienne, ce qui relève du politique de ce qui n’en relève pas. Cela nous renvoie à la notion d’espace public développée par Habermas. Si l’espace public relève de la souveraineté populaire, en bannit-il pour autant le politique ? Philippe Chanial, dans son analyse L’éthique de la communication : une politique des droits démocratiques ? résume la pensée d’Habermas par le fait que « si la réalisation de la démocratie exige une extension toujours inachevée et toujours menacée de la discussion publique à un réseau sans cesse plus large de relations sociales, ce projet, parce qu’il doit faire face à la réalité des rapports de pouvoir, à la dynamique de répressions systématiques des intérêts universalistes, doit bénéficier de garanties institutionnelles ».
Réguler l’intervention du politique dans l’espace public
Mais qu’est-il reproché au politique ? Intervenir en tant que citoyen pour exprimer ses émotions, ou utiliser l’événement pour soutenir son propos ? La faute serait-elle de faire de la politique du fait divers, de se servir d’un événement particulier pour en faire une généralité ? Alors que dans le même temps les médias incitent les citoyens à interpeller personnalités politiques (bien que ces interpellations soient parfois refusées, à la manière de Christiane Taubira, qui dans l’émission « Des paroles et des actes » dit faire silence face aux victimes (DPDA, jeudi 5 septembre 2013). Pourquoi alors les politiques font-ils part de leurs états d’âme quand ils savent pertinemment que cela va se retourner contre eux ? Les mêmes politiques qui, entre eux, « récupèrent la récupération », la considérant comme une arme facile pour décrédibiliser un adversaire.
La phénoménologie du politique
Louis Queré voit l’espace public comme un espace tampon entre état et société civile. Il essaie d’aller au-delà des analyses d’Habermas en faisant appel à la perspective phénoménologique d’Harendt. Il insiste en effet sur la scénarité de l’espace public et du jugement que peuvent en porter les individus.
Vollrath, qui analyse la pensée harendtienne, en déduit que « le mode de pensée politique de Hannah Harendt considère les thèmes du champ politique non pas comme des objets mais comme des phénomènes et des apparitions. Ils sont ce qui se manifeste soi-même, ce qui apparaît aux yeux et aux sens. Les phénomènes incluent ceux à qui ils apparaissent, de même que l’espace dans lequel ils adviennent, qui détermine la relation qu’il y a entre les phénomènes et ceux qui les perçoivent ». « l’espace dans lequel surviennent les phénomènes politiques est créé par les phénomènes eux-mêmes » Ou, pour le dire plus précisément, il est créé par les personnes dont les actes constituent les événements politiques.
Ainsi, la récupération politique ne serait donc qu’une sorte d’invention journalistique pour justifier les interventions de telle ou telle personnalité sur un événement qui n’a pas forcément de lien direct avec elle(comme Jacques Chirac et la coupe du monde de football 1998). Il semble cependant que le phénomène de récupération soit encore plus malvenu lorsqu’il concerne des situations dramatiques.
Serions nous-arrivés dans ce que Pierre Le Coz appelle « le gouvernement de l’émotion » ?
L’émotivité de l’espace public
Les politiques doivent faire face à un espace médiatique schizophrène qui, d’un côté les dissuade d’intervenir, et de l’autre organise à la télévision ou encore à la radio, des lieux propices à l’échange où se mêle intérêt particulier et général. C’est ainsi que dans les matinales de radio les questions des auditeurs ont pour but d’apporter à un cas personnel une réponse globale. De même à la télévision, lorsqu’un citoyen interpelle un politique, il y a bien confusion entre ce qui est privé et ce qui ne l’est pas. Faire entrer le privé dans la sphère publique n’est en fait permis que lorsque cela est fait par la personne concernée, une sorte de « récupération citoyenne » en somme. Les médias sont en quête de sensationnel, et ont bien compris le caractère hyper-sensible de la société lorsque le politique s’en mêle.
Jérémy Figlia
Sources : 
http://www.francetvinfo.fr/sports/foot/coupe-du-monde/les-politiques-francais-champions-de-la-1 recuperation-du-foot_463304.html 
https://www.youtube.com/watch?v=_Q1_VcxweHE2
http://www.scienceshumaines.com/le-gouvernement-des-emotions_fr_33546.html3
http://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_1992_num_18_1_972
https://basepub.dauphine.fr/bitstream/handle/123456789/8767/Ethique%20de%20la%20communication.PDF?sequence=1

Société

Le coworking: les bienfaits de la communication

Notre époque voit se développer massivement l’entrepreneuriat : de plus en plus de personnes créent leur propre entreprise. Elles échappent ainsi au rebutant statut de salarié, jouissent d’une liberté totale puisqu’elles sont leur propre patron, et surtout, peuvent laisser parler leur créativité, leur imagination, et leur soif de créer. Mais face à la multiplication des entrepreneurs, un problème auparavant marginal s’est transformé en problème sociétal : l’isolement professionnel.
Travailler pour soi-même comporte de nombreux avantages, comme une disparition de la pression patronale ou une liberté totale dans la constitution de son emploi du temps. Mais on relève également un inconvénient majeur : l’absence de collègues de travail, qui entraîne une large diminution des relations sociales. Cette restriction du cercle social empêche toute constitution d’un réseau professionnel, mais elle rend également impossible tout échange de point de vue, et donc tout recul sur son projet. Et, plus précisément, l’isolement conduit à un état dépressif qui entraîne procrastination ou encore panne d’inspiration. N’oublions pas que l’être humain est un être de communication…
Pour contrer cet effet dévastateur, les entrepreneurs fuient leur canapé pour aller se réfugier dans des cybercafés ou des bibliothèques. Le but : être stimulé par un bain de foule. Mais si ces lieux sont effectivement bondés, ils n’y trouvent pas l’émulation recherchée : ils travaillent, certes, mais ils ne discutent pas et ne partagent donc pas leur travail avec les autres. C’est suivant ce constat que les espaces de coworking se sont largement développés ces dernières années.
Qu’est-ce qu’un espace de coworking ? C’est un lieu dans lequel des entrepreneurs de tous horizons viennent travailler, mais aussi échanger, apprendre, discuter et même s’associer. Travailler à son compte oui, travailler seul non ! Les entrepreneurs louent un poste dans un espace de coworking, en général au mois, afin de travailler dans un lieu simulant, aux côtés d’autres entrepreneurs. Antoine Amiel, fondateur de Learn Assembly, une startup qui accompagne des entreprises dans leur transformation digitale via des formations de type MOOC (Massive Open Online Course) ou encore blended learning (formation qui mixe présentiel et distanciel), explique que « le coworking, c’est le reflet d’un nouveau mode de travail. Un espace de coworking, bien plus qu’un lieu de travail, est un lieu de vie ».
Cependant attention, il est bon de rappeler que si le concept de coworking s’est démocratisé récemment, il n’a pas été inventé suite à la montée de l’entrepreneuriat ! Au 19e siècle déjà, les ateliers d’artistes étaient des collocations d’espace de travail : nous pouvons par exemple citer La Ruche, fondée par Alfred Boucher en 1902.
Aujourd’hui, où sont ces espaces de coworking et comment se sont-ils développés ? Il en existe des dizaines à Paris, qui ont chacun leur particularité. La Manufacture, par exemple,  est destiné aux auteurs (scénaristes, écrivains, journalistes…), tandis que La Cantine s’adresse davantage aux codeurs (développeurs, bloggeurs…). L’intérêt de différencier les espaces de coworking selon le milieu professionnel est de maximiser les échanges fructueux, c’est-à-dire les échanges aboutissant à des associations, ou tout simplement à un perfectionnement des projets grâce à l’avis des congénères. Mais outre ces différenciations, tous les espaces ont la même vocation – que le slogan de l’un d’eux, La Mutinerie, résume bien : « Libres ensemble » – et proposent les mêmes services : locations de salles, conférences, ou même cours.
Le coworking, c’est donc travailler dans un espace commun pour y partager ses idées et ses projets, et rencontrer des personnes avec qui s’associer. En somme, c’est transformer ses “concurrents” en alliés grâce à la communication !
Camille Pili
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Sources :
Antoine Amiel, fondateur de Learn Assembly

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Mutinerie Coworking Paris


Crédit photo :

Premier espace de Coworking métropolitain