Elections européennes 2014
Société

Comment vous dire d'aller voter?

 
Lundi 12 mai, la campagne officielle des élections européennes a débuté. L’actualité de ce fait semble pourtant éclipsée par le glamour de Cannes ou par un désintérêt grandissant des Français pour le scrutin européen.
En effet, alors que les 751 futurs euro-députés représenteront 500 millions d’Européens, seules 39% des personnes sondées par l’Ifop le 7 mai dernier (lors d’un sondage réalisé pour Paris Match) comptaient aller voter. Depuis la première élection de députés européens en 1979, ce scrutin est toujours plus délaissé par la population.
Et pourtant, ces élections sont primordiales pour tout citoyen. Des questions phares seront dans les mains des futurs élus : immigration, économie, agriculture et autres sujets sensibles. Il y a en outre une nouveauté de taille : le successeur de José Manuel Barroso, actuel président de la Commission européenne, sera élu par le Parlement européen, donc c’est-à-dire indirectement… par nous-mêmes.
Sans céder au fatalisme ambiant sur l’abstention grandissante ou sur la montée des extrêmes, analysons les axes de communication mis en place : comment intéresser des citoyens toujours plus réfractaires et, plus largement, comment réconcilier les Européens avec l’UE ?
La communication institutionnelle
Plusieurs questions se posent en termes de communication : faut-il évoquer le fonctionnement de l’UE ou des enjeux de fond ? Et quel ton adopter : pédagogique, grave, parodique…? L’enjeu primordial pour le Parlement est de montrer aux citoyens qu’il existe différents projets politiques pour l’UE, afin de sortir du débat pour ou contre l’UE.
L’idée clé de la campagne des européennes se résume en une phrase « cette fois-ci, c’est différent », choisie en raison du contexte de crise, de la défiance envers l’UE, mais aussi des changements institutionnels. Un slogan commun aux 28 Etats membres a été adopté pour la résumer : « Act, React, Impact ». Mais le choix de cette idée-clé est contesté : le choix d’une tonalité alarmante ne donne pas forcément envie de se rendre aux urnes. Il en est de même pour le clip officiel qui alterne images de guerre et regards graves face à la caméra. Mais, et c’est un point positif, le Parlement européen a aussi compris la nécessité de rythmer la vie publique via des débats télévisés entre les candidats à la présidence.
Adopter une posture pédagogique ?
L’enjeu pédagogique est central pour communiquer sur ces élections puisque, par exemple, seuls 41% des Français savent que les eurodéputés sont élus au suffrage direct. Le Monde a ainsi mis en ligne une vidéo de personnages “patates” sur le site internet du journal.
Mais cette posture peut aussi se révéler être un mauvais choix. Il suffit pour s’en convaincre de penser à la série de vidéos “Let’s Rock the Eurovote” réalisées par l’association Européens sans frontières, qui sont un désastre communicationnel. Les vidéos mises en ligne sont surannées, les personnalités mal choisies et les discours creux… Au 17 mai, la vidéo de présentation n’a fait que 1 006 vues et les commentaires sont du  type “vous m’avez ouvert les yeux, j’irai voter FN” : le flop est total.
Faire social à tout prix ?
Les innovations numériques ont démultiplié les possibilités de communication et modifié la politique européenne. Prenons l’exemple des simulateurs de vote, qui permettent aux citoyens de se positionner sur un échiquier politique toujours plus complexe. On peut citer EUProfiler ou VoteMatch, qui se présente sous la forme d’un petit quizz rapide en ligne, d’une trentaine de questions stratégiques. Il ne s’agit pas de dire aux gens ce qu’ils doivent voter, mais leur donner envie de s’informer.
Electio2014 est une autre innovation intéressante (cofinancée par l’Union Européenne), qui permet de projeter la répartition des sièges jour par jour selon les sondages. FastCheckEU, de son côté, joue au vrai/faux avec les déclarations des politiques, permettant aux citoyens de vérifier leurs dires rapidement.
Une application Facebook nommée « I’m a voter », créée par le Parlement, permet d’envoyer un ballon/rappel à ses amis accompagné de messages types (« Come on, show the world you’re a voter too! »). Etant donné que l’application publie en notre nom, il s’agit d’utiliser le pouvoir des réseaux sociaux pour répandre le message, clair et injonctif : « if you care, spread the word ». Il y a un voyage à Strasbourg à gagner pour celui qui diffusera le plus de ballons.
Les réseaux sociaux ont donc été investis, comme Twitter ou même Instagram où l’on peut suivre, avec le hashtag #YaBs2014, le trajet de 28 petites figurines décorées aux couleurs des États-membres qui doivent rejoindre Bruxelles avant les élections.
Fais-moi rire
Pour inciter les gens à se rendre aux urnes, une posture ludique a souvent été adoptée. Le parlement européen a ainsi créé une application ludique nous permettant de remonter dans le temps. On peut comparer un appartement décoré dans le style de 1979 (date de la première élection) et un appartement de 2014, afin de découvrir ce qui a changé et quels impacts a eu le Parlement européen sur ces changements.
Mais ce sont nos voisins danois qui ont fait très fort avec la vidéo de « Voteman »,un superhéros aussi violent que convaincu de sa tâche : faire voter les Danois à tout prix. La vidéo, supprimée 24h seulement après sa publication, avait cependant le mérite de changer par rapport aux autres spots, en préférant la dérision au ton moralisateur.
Tous les moyens seraient-ils bons pour intéresser les citoyens aux élections européennes ? Dans le doute, les stratégies de communication ont été assez diverses. Plusieurs choix ont été faits par le Parlement, puis par les Etats-membres. On remarque l’importance accordée au digital et aux réseaux sociaux, de même que l’effort fait pour intéresser, de manière ludique, les jeunes et/ou les abstentionnistes. On remarque aussi qu’il s’agit souvent de spatialiser l’information, comme pour aider les citoyens à mieux se représenter (et à accepter ?) l’Europe.
Et une vidéo cadeau pour finir :

Si avec tout ça vous n’allez pas voter le 25 mai… !
 
Lucie Detrain
Sources
Elections2014
Franceinfo
NotreEurope

Archives

Jacques a dit qu'il ne fallait pas s'abstenir

 
Comme vous avez sans doute pu le voir dans les rames du métro depuis quelques temps, Jacques a dit qu’il ne fallait pas s’abstenir. Cette énorme campagne dont nous allons parler est le fruit du travail d’agences conseils en communication membres de l’AACC réalisé à la demande de l’association démocratie et communication. L’offre est très variée puisque 9 agences ont participé et que plusieurs dispositifs ont été retenus. Cette campagne se décline donc en affiches, application iPhone, spots vidéos et en un spot radio. De la même façon, les tons employés sont très différents et on passe facilement d’un discours plutôt institutionnel (Action d’éclat, Lowe Strateus) à un discours plus impliquant (Herezie ; Ailleurs exactement) sans oublier une bonne dose d’humour pour d’autres (Being, Wunderman, JTW), un peu de poésie (TBWA) et une petite dose de « radio-réalité » (TBWA/Corporate).
Nous allons donc étudier un peu plus en détails certaines de ces campagnes. Considérons d’abord celles d’Herezie – « Trop jeune » – et d’Ailleurs exactement – L’abstention n’aura pas ma voix.

Force est de constater qu’elles se déclinent sur un fond plutôt sombre et délivrent un discours très impliquant sous forme de témoignages. Sur leur site internet aaccvote2012.fr, l’AACC précise que : « Le champ de l’abstention auquel les agences s’attaquent est celle liée à l’indifférence et non l’abstention de méfiance ou de contestation ». Cependant ici, on peut se sentir culpabilisé par ces images qui nous imposent un regard direct et presque accusateur sur notre possible abstention. La première campagne semble même demander une justification quand la seconde a l’air de clamer une vérité selon laquelle l’abstention est inutile et dessert avant tout celui qui s’abstient. A noter que le message est efficace, parce qu’il nous met en face de nos contradictions et nous oblige à nous poser certaines questions. Pour autant, des lors que l’explication des campagnes par leurs auteurs n’est pas donnée, celles-ci peuvent vite prendre un ton moralisateur auquel les abstentionnistes pourraient vouloir répondre :
– Voter n’a pas rendu mon monde meilleur
– Voter n’a absolument rien changer à mon quotidien
– Voter ne m’a pas permis de m’exprimer davantage
D’accord ou pas d’accord, il n’empêche que l’abstention est souvent une réponse à ce sentiment d’inutilité du vote.
Penchons nous maintenant sur des campagnes au ton plus léger. Nous allons considérer d’abord la campagne Being – Bulletins.
La campagne se veut très sobre : une enveloppe et un bulletin de vote sur une table avec une déclinaison de message sur un ton plutôt humoristique. On peut noter que plusieurs champs lexicaux sont repris :
– Le vote (1)
– L’écologie (2)
– La contestation (3)
– Le salariat (4,5)
– La mode (6)
De cette façon un échantillon large de la population est représenté et un message est transmis : le vote n’est pas réservé à une catégorie de personnes. Tout le monde peut l’utiliser et il est une chance que l’on n’a pas tous les jours peu importe le domaine dans lequel on se place.
De la même façon, la campagne de l’agence Wunderman – L’entretien d’embauche – joue sur l’inversion des rôles.

Selon eux, « on rappelle aux Français que leur vote les met en position de force, tel un recruteur faisant passer un entretien d’embauche. Et on les encourage à profiter de ce pouvoir ». Et en effet, au travers de ce spot on peut voir pêle-mêle un jeune mais aussi une retraitée ou encore un ouvrier. Chaque facette du poste est mentionné et le spot joue sur les clichés allant jusqu’à faire dire par le jeune à la tête pleine de dreads, élément parfois discriminant lors d’entretiens, que la présentation est un élément déterminant du poste. Une fois encore, cette campagne joue sur la diversité et donne à chacun une voix qui a le même poids.
Je ne vais pas avoir assez de place pour vous décrire en détail le reste de ces campagnes mais je vous invite fortement à vous rendre sur le site de l’AACC où vous les retrouverez toutes, accompagnées d’une explication (pour les agences qui ont souhaité le faire). Bonne visite et peut être que cette démarche en entrainera certains à s’abstenir de s’abstenir.
 
Justine Jadaud

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