Profil facebook faux d'Adam Barak Janvier 2012
Société

Avec ou sans drogue, la Timeline c’est toujours aussi inutile

Ou inversement….
Quand un annonceur décide de s’approprier le nouveau Facebook Timeline, ça donne ? Une campagne anti-drogue basée sur une asymétrie « avant/après » ou plutôt « avec/sans ». L’idée est bonne et originale mais selon moi inefficace ou du moins, mal exploitée (sans compter qu’il y a violation du règlement du réseau social en ce qui concerne les « faux » profils). Inefficace, dans une perspective préventive, j’entends ! C’est en revanche une bonne « pub » pour l’IADA (l’Israël Anti-Drug Authority), qui en est à la base. Pour les ignares (comme moi), sachez qu’il s’agit d’une organisation israélienne quasi-gouvernementale, sous la coupe du Premier Ministre, mise en place en 1988, chargée de mener une véritable guerre contre la drogue et, plus récemment, contre l’abus d’alcool. Pour ce faire, elle conçoit et coordonne des campagnes de prévention et de sensibilisation, facilite l’accès aux cures et aux divers traitements, aide au respect de la loi, mène des recherches sur le sujet.
J’invite ceux qui ne seraient pas encore tombés sur le faux profil d’Adam Barak, à y jeter un œil. Le concept est bien trouvé : pas de meilleur moyen pour toucher les principaux intéressés que de s’immiscer dans leur petit monde virtuel, mais cela aurait certainement pu être utilisé à meilleur escient. Pas de quoi engendrer une réelle prise de conscience, ni de quoi vous choquer. En réalité, sept photos se battent en duel sur cette ligne du temps, censée opposer un an d’une vie « avec » drogue à un an d’une vie « sans ». En ce qui me concerne, cela m’a (presque) fait sourire. Quoique ! Au final, s’il n’y a rien d’attrayant, ni de risible (j’en conviens) dans la vie du Adam drogué de gauche, celle de l’Adam clean de droite n’est pas plus folichonne. Au même titre que la saga des « Martine », Adam va au cinéma, Adam joue au basket, Adam s’habille, Adam est pris en photo dans son lit le matin. Mouais… On a vu mieux en matière de sensibilisation ! Le Adam « sans » aurait pu réaliser de grands projets, avoir un job intéressant, voyager. Non. Il ne lui arrive rien, à tel point qu’il semble avoir trouvé refuge dans la drogue ! De même que la vie du Adam « avec » est bien loin de la réalité d’un toxicomane. Seule trace de sa débauche : un bang (vide), des mégots de joints et un visage complètement tuméfié. D’ailleurs, à voir le résultat, le type a plutôt l’air d’un consommateur de crack ou de crystal meth et non de cannabis. Comble de la maladresse, une des légendes : « anyone got shit to burn? im running low… »*. Soyons réalistes, c’est un profil Facebook, et non un réseau de dealers.
En revanche, il faut souligner la dimension psychologique de l’initiative. La drogue est un calvaire pour votre entourage, détruit ceux qui vous aiment et vous enferme dans la solitude, alors que sans elle vous vivez d’amour et d’eau fraîche, vous avez une vie sociale, des amis (pas toujours !). C’est tout de même un peu léger. Finalement, seuls ceux qui ont été confrontés à une telle situation dans leur entourage, avec un proche, saisiront toute l’ampleur de ce message. Or, le jeune collégien ou lycéen tenté par ses amis, sa curiosité ou la peur de paraître ringard, n’y verra aucune mise en garde effrayante, aucun frein réel.
Alors pourquoi ne pas être allé plus loin dans le parallèle ? Pourquoi ne pas en avoir montré plus ? Pour des raisons de mœurs, sûrement. Évidemment, à chaque société, à chaque communauté, sa propre jauge du politiquement correct, du honteux, du dégradant, du vice.
Or, si la campagne s’était adressée à une culture « occidentale », aurait-il fallu être plus trash pour autant ? Ce n’est pas si évident. De nos jours, plus c’est « gore », plus c’est drôle. À l’instar des images choc des paquets de cigarettes, que les buralistes d’Ile-de-France soupçonnaient de devenir « les nouvelles vignettes Panini », il n’est pas certain que cette campagne aurait eu de toute façon les effets escomptés.
Alors, oui, nous entendrons certainement parler de ce « détournement de Timeline », mais pour ce qui est de la problématique de fond ? Pas sûr, parce que la réalité est beaucoup plus complexe que ce schéma binaire bien trop simpliste.

 
Harmony Suard
 
* « quelqu’un a de quoi fumer? j’ai presque plus rien… »  

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