Publicité

Jacques a dit que tout n’était plus que publicité

 
Vous les connaissez murales, télévisuelles, digitales ; vous les avez vues avant votre film au cinéma ou entre deux épisodes de votre série ; vous les connaissez sous forme de tracts, de flyers, d’affiches, d’encarts, de pages, vous les voyez chaque fois que votre œil tombe quelque part dans la rue… Bariolée ou intacte, attractive ou repoussoir, pénible souvent, la publicité hante notre existence tel un spectre qu’on ne remarque pas toujours mais qui nous colle aux yeux et aux oreilles. Certains réagissent violemment : bariolage d’affiches et d’écrans dans les métros, logiciels pour empêcher la pub sur internet ou encore création de groupes tels que BAP (Brigade Anti-Pub) et RAP (Résistance à l’Agression Publicitaire), mais beaucoup d’autres en font leur gagne-pain, comme ces sociétés qui ont développé le « panneau-espion » équipé de capteurs vidéo afin de savoir combien de temps l’utilisateur reste devant l’écran.
Mais il existe encore un autre groupe de personnes à utiliser la publicité de manière toujours plus innovante afin de se faire connaître. C’est le cas de ces deux jeunes anglais de 22 ans, Ross Harper et Ed Moyse. Ayant dû s’endetter de 25 000 livres chacun pour finir leurs études et obtenir leur diplôme de Cambridge, leur entrée sur le marché du travail leur paraissait bien difficile, surtout dans un pays où le chômage est à 22% et touche en particulier la jeunesse. En Octobre 2011, ils ont donc décidé de se lancer et de créer leur propre boîte, comme de plus en plus de jeunes aujourd’hui (la fameuse « génération Y »). Avec un capital de 120 livres, ils ont eu l’idée de lancer « Buy My Face », soit en français « Visage à Vendre », et de le proposer aux entreprises comme nouveau support publicitaire.
Le succès fut au rendez-vous. D’une livre (environs 1,20 euro), leurs deux visages sont très vite passés à 100 voire 400 livres par jour et les deux jeunes en sont à plus de 30 000 livres de bénéfices depuis le lancement du projet. Grâce au bouche-à-oreille, les visites sur leur site internet ont augmenté de manière exponentielle, atteignant aujourd’hui environs 7000 visites individuelles par jour. Grandes et petites entreprises (TNS, Ernest & Young ou encore Oméga pour en citer quelques unes) se bousculent pour bénéficier de leur offre. Ayant commencé par simplement se poster dans les rues de Londres, ils réalisent aujourd’hui des actions pour leurs annonceurs comme du saut en parachute afin de donner une dimension plus sensationnelle et attractive à leur concept. Aujourd’hui, ils cherchent à étendre leur idée à l’international, ayant eu vent d’entreprises dans d’autres pays qui seraient intéressées par ce support communicationnel inhabituel.
Cette double visée, à la fois communicationnelle pour les deux jeunes et publicitaire pour leurs annonceurs, montre plusieurs choses. D’abord cette idée d’une très grande importance de l’individu, chacun cherchant à se démarquer, à faire parler de lui. Mission réussie ici pour Ross et Ed qui attirent inévitablement l’attention où qu’ils aillent avec leurs joues peinturlurées. Mais cela montre aussi que les entreprises cherchent de plus en plus à développer d’autres méthodes de communication et à surprendre leurs clients dans leurs publicités. Enfin, on peut aussi voir dans cette action que l’humour, la dérision sont au goût du jour dans l’opinion publique comme dans les entreprises, et que la communication qui se base sur ces principes a de grandes chances d’aboutir.
Ce projet ne reste malgré tout qu’un évènement éphémère qui risque de vite prendre fin. Cependant, il incarne l’idée d’une évolution de la publicité vers une tendance plus ludique et humoristique afin de toucher un public toujours plus large, sans oublier son aspect innovant qui marque donc d’avantage les esprits et donne le sentiment d’être plus efficace. Un sentiment qui semble confirmé par l’immense succès de ces deux anglais.
 
Héloïse Hamard

Société

De Lennon à Lego

 
Vous vous rappelez ce clip où John et Yoko marchaient dans la brume jusqu’à cette maison blanche dont Yoko ouvrait une à une les persiennes pendant que John se mettait à chanter : « Imagine there is no country… Imagine there is nothing to kill or die for… Imagine all the people living life in peace. » Elle avait un joli bandeau dans les cheveux, il avait une belle chemise à pois. C’était chouette, c’était plein d’espoir. Un peu puérile peut-être ? Evidemment puisque le propre de l’enfance, c’est d’imaginer, à foison et sans limites. Et, en imagination tout est possible, le meilleur inclus.
Cela, Lego le sait particulièrement bien. D’ailleurs, c’est sa raison d’être et son gagne-pain. Depuis 1932, la société danoise vend de l’imaginaire, ou plutôt des supports pour l’imaginaire, à des milliers d’enfants dans le monde entier. Et, pour ce faire, il faut aussi créer un imaginaire de ces supports de l’imaginaire. Vous suivez ? Il s’agit en fait de communiquer sur la marque Lego, tout simplement. Du coup, comme beaucoup d’autres, l’entreprise lance régulièrement des campagnes, et le fait généralement avec un certain brio, cette semaine encore.
Un certain nombre de sites, dont blogenblois.fr, ont ainsi donné à voir la dernière campagne du fabricant de jouets, réalisée par l’agence allemande Jung Von Matt. En bref, de simples briques de legos sont empilées dans un espace vide. Un logo de la marque les présente, tandis qu’un laconique « Imagine » restreint le sens de l’image. La chose pourrait s’arrêter là, et cela nous paraîtrait d’ailleurs intéressant, mais les publicitaires n’ont pas osé et ont donc décidé de faire quelques références : aux Tortues Ninja, à Lucky Luke ou encore à Astérix et Obélix.
Quoi qu’il en soit, il s’agissait de montrer des possibles. La tâche était ardue et cela semble avoir galvanisé les créatifs allemands. En effet, contrairement à d’habitude, il ne fallait pas créer un univers symbolique autour d’un produit ou d’un ensemble de produits, mais montrer la possibilité de créer une gamme illimitée d’univers symboliques à partir d’un produit. Jouer, d’ailleurs, n’est-ce pas cela ? Manier des signes pour créer des réalités. Voilà pourquoi la mission est accomplie. L’agence a réussi à prouver qu’à partir de simples cubes emboîtables, il était possible de recréer un monde, celui des Tortues Ninja ou de Lucky Luke. Elle aurait été plus ambitieuse encore en se passant de ces références, mais le risque à prendre était sûrement trop grand. N’est pas autorisé à être Kandinsky qui le veut.
En travaillant ainsi, elle a également réussi à mettre en valeur son produit dans sa simplicité. Ce qu’on voit, ce sont de prosaïques legos, mais montrés ainsi ils donnent envie. Pas d’ambassadeurs de la marque, pas de lourd storytelling mais le produit, simplement le produit, et ses potentialités. Du coup, pas de problème d’attribution. Pas de séduction inutile, on sait qui s’exprime et on s’en rappelle. En outre, c’est à partir de ce produit qu’est créé le territoire de la marque. C’est un autre point fort de cette campagne. On ne fait pas entrer le produit dans un univers, on le fait créer lui-même cet univers et ainsi il en reste le centre, le point d’attraction, sur lequel se concentre l’attention du consommateur.
Mais, qui est le consommateur ? L’enfant, son parent, son grand-parent ? Pour les concepteurs de cette campagne, la réponse semble être assez claire. Le niveau d’abstraction du visuel comme du slogan les rendent peu accessibles à des bambins. C’est donc bien ici l’adulte qu’on vise, en lui donnant l’idée que son enfant va développer des capacités, accéder à des imaginaires. En somme, « le groupe Lego s’engage à développer la créativité des enfants par le jeu et l’apprentissage. » C’est écrit sur le site, noir sur blanc, et cela confirme au moins une chose : la publicité n’est pas un art. Il reste au moins cela à John…
 
Romain Pédron

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Campagne ADMD pour l'euthanasie avec Sarkozy mars 2012
Société

Une campagne qui fait mourir les candidats à la présidentielle

 
L’euthanasie : voilà un mot qui fait peur, une idée qui fait frémir, un droit contesté. L’euthanasie, c’est le droit de mourir dignement quand il n’y a plus d’autre espoir que la souffrance et l’agonie. L’euthanasie est autorisée légalement en Belgique pour les patients en phase terminale mais elle est tolérée de manière plus ou moins explicite dans de nombreux pays européens tels que le Luxembourg, les Pays-Bas ou encore la Suisse. En France en revanche, l’euthanasie est considérée comme un assassinat, un empoisonnement prémédité passible de la peine de prison à perpétuité ; des textes législatifs élargissent néanmoins les possibilités de cessation de l’acharnement thérapeutique.
Selon un sondage réalisé en 2000, 70% du corps médical français se déclare favorable ou très favorable à l’exception d’euthanasie. Le 24 novembre 2009, les députés français ont cependant rejeté une proposition de loi présentée par le député socialiste Manuel Valls visant à légaliser l’euthanasie dans certaines conditions.
Si la majorité de l’ordre des médecins est prête à tolérer l’euthanasie pour les patients en phase terminale, il semble que les politiciens soient plus difficiles à convaincre. L’euthanasie est un sujet polémique ; l’idée d’autoriser la mort assistée d’un patient est souvent considérée comme amorale et assimilée à la violation de la loi sacrée de la vie humaine. Cependant quand il n’y a plus d’espoir, quand l’agonie se fait longue et douloureuse et que la mort n’est plus qu’une question de temps, le droit de mourir dignement est alors compréhensible.
C’était d’ailleurs le sujet de la dernière émission Sept à Huit au cours de laquelle les journalistes de TF1 recevaient le mari de Marie Deroubaix laquelle, atteinte de plusieurs tumeurs au cerveau, avait pris la décision de se faire euthanasier en Belgique pour éviter de souffrir et de faire souffrir son entourage. Quelques jours avant de s’éteindre, elle avait accordé une interview aux journalistes de TF1 pour expliquer les raisons de son choix : elle voulait ainsi montrer aux gens, et plus particulièrement aux hommes politiques français, les raisons de son choix pour permettre aux gens dans sa situation de bénéficier du droit de mourir dans les meilleures conditions possibles, dans la dignité et avec le soutien de ses proches.
C’est donc un acte militant que Marie Deroubaix a accompli peu avant sa mort. Comme elle, de nombreuses associations militent en faveur de l’euthanasie comme l’ADMD en France ou Dignitas en Suisse.
En période de campagne pour les présidentielles, ces associations tentent le tout pour le tout pour convaincre les hommes politiques de s’intéresser à la question de l’euthanasie et faire des propositions précises. L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité organise d’ailleurs un rassemblement le 24 mars prochain sur la place de la République et encourage les malades à réclamer leur droit à la fin de vie dans la dignité. Comme on peut le lire sur leur site internet « l’ADMD entend obtenir qu’une loi légalisant l’aide active à mourir (euthanasie et auto-délivrance assistée) soit votée par le Parlement, comme le réclament 94 % des Français interrogés par l’institut de sondage Ifop en août 2011 ».
Il y a moins d’une semaine, l’ADMD lançait une campagne publicitaire choc interpelant le président de la République et certains candidats à la présidence de la République (tels que François Bayrou, candidat centriste du Modem et Marine Le Pen, candidate pour le Front National) en les représentant sur leur lit de mort.
« M. le candidat, doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur la question de l’euthanasie ? » demande le message d’accompagnement des affiches publicitaires parues cette semaine dans Les Inrockuptibles.
La campagne choc de l’association cherche avant tout à susciter une réaction de la part des politiques qui délaissent littéralement cette question depuis l’échec de la proposition de loi de 2009. « Même si la population est largement en faveur de nos demandes, ces politiciens continuent de ne pas écouter » affirme Jean-Luc Romero, le président de l’ADMD. La campagne pour la présidentielle apparaît donc comme une opportunité à saisir pour parler de l’euthanasie et tenter de la replacer au cœur des débats.
Cette campagne a été beaucoup critiquée ces derniers jours ; les images ont été qualifiées « d’indignes » par Jean Leonetti, ministre des Affaires européennes et auteur de la loi actuellement en vigueur. De plus, l’absence de François Hollande sur les affiches suscite l’incompréhension et la suspicion d’un favoritisme envers le candidat socialiste.
Suite au lancement de la campagne, le président de l’ADMD convoque les candidats à la présidentielle à une rencontre publique à la fin du mois pour débattre de l’euthanasie. Si François Hollande a récemment affirmé qu’il était favorable à une révision de la loi pour les patients en phase terminale d’une maladie incurable, Nicolas Sarkozy reste quant à lui très ferme sur ces positions.
Quoiqu’il en soit, s’il est incontestable que cette question continue de faire des émules, il paraît peu probable de voir un réel changement dans les mentalités des politiques.
 
 Charlotte Moronval

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