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Société

Apple : Comment rester cool en vendant plus que Microsoft ?

 
Apple est parvenue depuis sa création en 1976 à s’imposer comme une marque haut de gamme à la fois branchée et élitiste. Fruit d’une stratégie marketing admirablement conduite, cette constitution d’une véritable marque de luxe spécifique au secteur informatique semble aujourd’hui en péril du fait de son vaste succès commercial. Ainsi, durant le dernier quart 2013, et pour la première fois de son histoire, Apple a presque vendu autant de terminaux que Microsoft[1].
Apple peut-elle garder son image élitiste alors même que son succès commercial est tel qu’il tend à banaliser sa marque, l’éloignant de la hype au profit du mainstream ? A quel revirement s’attendre de la part de la firme ?
Le délicat rapport entre maintien l’exclusivité et popularité
Prix élevés, design distinctif, et identité de marque forte sont autant de composantes de la stratégie d’Apple, laquelle se retrouve chez l’ensemble des acteurs du luxe. Toutefois, pareille stratégie n’est a priori viable que dans une situation de maintien de l’exclusivité, qui actuellement s’effrite au profit d’une popularité croissante.

Comment Apple peut donc faire pour rester une marque spéciale, alors qu’elle se démocratise ?
Deux alternatives semblent s’offrir à la firme de Cupertino :
1. Solution radicale, limiter cette démocratisation en augmentant drastiquement les prix et en supprimant le paiement en plusieurs fois, de sorte à devenir une pure marque de luxe.
Jugé illogique en termes de rentabilité et de pénétration des marchés émergents, ce choix n’a manifestement pas été retenu par Apple.
2. Segmenter l’offre de la marque en proposant de nouveaux produits plus accessibles, tout en conservant ceux qui ont fait son succès.
Segmenter l’offre entre luxe et entrée de gamme
Si la firme continue en effet toujours à produire du très haut de gamme, à l’image du nouveau Mac Pro proposé entre 3 000 € et 9 600 €, Apple s’est également engagée sur un terrain qui lui était jusque-là inconnu : le développement de produits plus abordables, et la baisse significative des prix de ses produits postérieurement à leur lancement.
Cette solution permet, intérêt non négligeable, une meilleure pénétration des marchés émergents pour lesquels Apple a de grandes ambitions, mais rencontre de sévères difficultés. Autre avantage : celui de gêner à l’échelle mondiale l’ensemble de ses concurrents en proposant des produits aux prix plus proches des leurs. Une telle stratégie n’est toutefois pas sans risques.
Le risque principal est indubitablement de voir Apple se banaliser au point de perdre sa fonction de distinction sociale : l’ensemble de son offre en souffrirait considérablement, ce qui profiterait immédiatement à Google en particulier, qui a su se constituer également une image jeune et innovante.
L’iPhone 5C, acte de naissance d’une stratégie nouvelle ?
Bravant ce risque, Apple a procédé à de multiples baisses de prix et surtout, a lancé l’iPhone 5C. Alternative plus abordable à son homologue haut de gamme, ce modèle n’a toutefois pas rencontré le succès escompté[2], comme le montre le graphique ci-dessous présentant le taux d’usage actuel des différents iPhones, mesuré par Fiksu.

Il serait cependant hâtif de conclure à l’inconvenance de cette stratégie. Ces mauvaises ventes de l’iPhone 5C semblent davantage liées à des erreurs dans la manière dont ce produit a été marqueté : prix trop proche de son homologue 5S et spécifications techniques largement identiques à celles de son prédécesseur l’iPhone 5 ne sont pas étrangères à la mésaventure du terminal.
Apple pourrait rogner davantage sur ses marges afin de proposer un prix de vente plus bas pour ses terminaux entrée de gamme. Cependant est-ce vraiment dans son intérêt ? Un coup d’œil aux marges réalisées sur les deux derniers iPhones permet de douter du sens de cette stratégie par rapport à l’identité de la marque.

Magnifier l’offre plutôt que la démocratiser
In fine n’est-il pas plus logique que l’entrée de gamme Apple coûte relativement cher puisqu’elle propose un véritable plus-produit du fait de son homologue de luxe ? Continuer sur la voie de cette segmentation sans baisser les prix de l’entrée de gamme permet de préserver l’image d’exception de la marque, de sorte que même ces produits bénéficient de ladite identité.
Dans le même temps, accroître le prix des produits haut de gamme de sorte à créer une véritable différenciation entre gammes paraît indispensable. La firme pourrait continuer ainsi à préserver ses marges confortables sur cette nouvelle offre.
L’entrée de gamme permettrait à Apple de croquer les marchés émergents qu’elle convoite tant, mais sur lesquels son implantation se fait si difficile. Cependant, seule l’élévation du niveau de vie global des pays concernés permettrait un véritable succès commercial pour la marque. Vouloir trop baisser les prix – à moins de le faire dans une très faible mesure et à l’échelle locale pour certains marchés uniquement – ne peut être que préjudiciable pour l’image d’Apple.
 
Teymour Bourial
[1]Par terminaux de personnal computing Apple, on entend : Macs, iPads, iPhones, Ipod Touch.
Par terminaux de personnal computing Microsoft, on entend : PC Windows, Surface, Windows Phone.
[2]Même sur les marchés émergents, l’iPhone 5C a réalisé de très mauvaises ventes (Source AppleInsider)
Sources : 
Graphique Quarterly Device Sales infra, réalisé par Benedict Evans
Article de Tero Kuittinen pour Forbes : What was the iPad ASP Decline ?
Article de Sam Frizell pour Business Time : Apple has a secret weapon to continue growing: China
Article de Chris Ciacca pour BGR: The iPhone 5C Flop hurt Apple more than you might realize
Article de Chris Ciacca pour BGR: The iPhone 5C Flop hurt Apple more than you might realize

Crédits photos :
LesNumeriques.com