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Les Fast

Données numériques, un enjeu stratégique majeur

 
Edward Snowden, l’informaticien américain assure que de nombreuses informations numériques venues du monde entier sont, chaque jour, interceptées par la NSA et d’autres entreprises privées américaines. Suite à cette révélation de détention de données européennes par les Etats-Unis, les Sénateurs français appellent à la mise en œuvre d’un projet européen de réglementation des données numériques.
L’Union Européenne doit absolument maîtriser les données relatives à son territoire, il en va de sa souveraineté. Outre une protection de la vie privée des citoyens européens, cela représente également un manque à gagner pour les entreprises européennes. La collecte de données permet, en effet, d’établir le profil de millions d’individus monnayables ensuite auprès des annonceurs ; ce qui constitue une manne financière considérable.
La solution serait de stimuler l’émergence d’un cloud européen – un ensemble de serveurs accessibles par internet qui traitent et stockent les données – car un texte de réglementation resterait insuffisant. En effet, actuellement le cloud produit par des entreprises américaines est soumis à la législation de ce pays. Ceci permet aux Etats-Unis d’user des données comme bon leur semble. A l’ère du numérique, il s’agit d’entrer dans la danse de gouvernance de l’internet mondial, élément incontournable de la puissance étatique. Parallèlement, il est nécessaire de développer une base industrielle de cyberdéfense des données numériques. La route reste longue avant que l’Union ne devienne un acteur prépondérant dans le domaine numérique.
 
Miléna Sintic

Flops

Le parti-PRIS(M)

 
Contexte – Introduction
Il y a dix jours, la presse révélait à travers le Guardian et le New York Times, l’existence de “PRISM”, un programme de surveillance extérieur dirigé par la NSA (National Security Agency) ayant pour but de recueillir des informations sur les citoyens et les ressortissants étrangers. Et ce, par le biais d’informations et données personnelles récupérées par les plus grandes entreprises du Web : PalTalk, Microsoft, Apple, Youtube, Google, Facebook, Skype, AOL, Yahoo…
Comme nous l’expliquait hier Angelina Accouri dans la première partie de ce dossier, ces informations auraient été divulguées par Edward Snowden, maintenant réfugié à Hong Kong. De l’essence de son action à ses conséquences, en passant par l’éthique qui l’a poussé à agir, tout pose à nouveau la question épineuse de l’équilibre entre liberté et besoin de sécurité dans nos démocraties modernes.
Une prise de conscience qui tourne à la paranoïa ?
Sans aller jusqu’à parler de théorie du complot, l’heure est tout de même à la défiance et au sentiment de manipulation. D’où la mode du “décryptage”, que l’on peut souvent lire explicitement ou entre les lignes de nombreux articles d’actualité. Ce dernier renvoie “davantage à une pratique qu’à des savoirs clairement formalisés […]” (Olivier Aïm “Les médias saisis par le décryptage”). C’est encore dans le domaine politique que la méfiance populaire s’exprime le plus explicitement. Autant que le corps exécutif, le gouvernement désigne un “Big Brother”, une entité composée d’hommes politiques dont les desseins desservent l’intérêt public plus qu’ils ne le servent.
Pourtant la démocratie trouve ses fondements dans le principe de représentativité, par lequel nous choisissons des instances politiques qui expriment la voix de la majorité. L’exemple de l’affaire PRISM est assez édifiant à cet égard, dans la mesure où la vivacité de la réaction à l’encontre du NSA et par suite des organisations politiques, témoigne de cette défiance latente qui ne demande qu’à exploser. Après tout, ces données ne sont-elles pas avant tout un moyen du gouvernement pour maintenir la sécurité au profit de tous? Même si dans les faits, nous sommes en droit de questionner cette idée, les renseignements généraux ont toujours existé et ont eu leurs moments de gloire (qui n’a pas été bercé par le mythe James Bond ?).
La collecte d’informations privées n’est donc pas un mystère mais plutôt un état de fait que l’on refuse d’accepter jusqu’à ce qu’il éclate en plein jour. Nos libertés individuelles sont-elles vraiment en jeu dans la mesure où nous exposons quotidiennement nos vies sur le net alors même que nous savons pertinemment qu’elles seront exploitées, au moins à des fins publicitaires ?
Pourquoi ce débat est hypocrite
Rappelez-vous en 2008, le débat avait déjà été soulevé en France lorsque l’Assemblée examinait le projet EDVIGE (retiré en novembre de la même année au profit d’un autre projet de loi). A l’époque, le décret voulait assurer la sécurité intérieure en fichant les informations concernant l’identité, les coordonnées, les informations fiscales, professionnelles ainsi que des données concernant les personnes fréquentées et le type de relations entretenues avec elles.
Le fichier avait provoqué un tollé parmi la population, mais a vite été remplacé par un autre projet de loi, LOPPSI (publié au journal officiel en 2011 et toujours en vigueur). Et déjà à l’époque, les questions étaient posées : nous délivrons déjà, de notre propre libre-arbitre, quantités d’informations personnelles que nous publions dans cet espace public qu’est le Web. Chacun a une ou des identité(s) virtuelles et toutes les informations peuvent se recouper.
Le mythe de la vie privée sur le Web a la vie dure mais, Mesdames et Messieurs, c’est comme le Père Noël, cela n’existe pas. Il est bien beau de s’insurger parce que le gouvernement veut pouvoir marquer sur un papier que vous êtes blond on brun, homo ou hétéro. Le spectre du triangle rose n’est jamais bien loin dans ces moments-là. Mais alors, quid de toutes ces personnes qui ont délibérément fait le choix d’exposer leur vie privée sur Facebook, ainsi que leur statut marital, leurs préférences sexuelles et leurs affinités politiques ? Et parce qu’une image efficace vaut mieux que n’importe quel discours, les utilisateurs du premier réseau social du monde ont eux aussi eu leur sursaut de conscience.

Un énième exemple des affres de l’Etat moderne
Non content d’exposer le linge sale des affaires américaines, le programme PRISM repose la question de l’équilibre entre liberté et sécurité dans nos Etats du XXI° siècle. Les gouvernements, titulaires d’un pouvoir délégué par le peuple, se doivent d’assurer la sécurité et de garantir la liberté de ce dernier. Or, au cours des dernières décennies (et encore plus depuis le 11 septembre 2001) le premier a eu tendance à primer sur ce dernier, rongeant sur les libertés individuelles au profit d’une surveillance totale et quotidienne reposant sur la peur d’autrui. Mais de qui nous méfions-nous ainsi ?
La mission du pouvoir est délicate, tout comme l’équilibre entre surveillance et respect de la vie privée, surtout lorsque l’on sait que l’inertie de tout pouvoir ne mène justement pas à une politique libertaire…Par son action, Edward Snowden est-il opportuniste ou digne héritier de celui qui écrivait déjà au siècle dernier : “dans des temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire” (Georges Orwell, 1984) ?
 
Sophie Pottier et Pauline St Macary
Sources:
Le Monde
L’Expansion – L’Express
Le Figaro
La démocratie au risque de la paranoïa – Idées – France Culture

Société

The NSA is watching you

 
Presque trois ans après l’affaire Wikileaks, et en plein procès de Bradley Manning, une nouvelle affaire de fuite fragilise l’administration américaine.
Nom de code : PRISM
Le 2 juin, un homme révèle posséder des données secrètes relatives à un programme mené par la NSA (National Security Agency), intitulé PRISM et ayant comme objectif la surveillance de tous les américains. Il explique avoir récupéré ces documents dans l’intérêt du public. Il révèle son identité lors d’une interview réalisée par des journalistes du Washington Post et diffusée par le Guardian. Son histoire ressemble à un film d’espionnage américain.
Edward Snowden, 29 ans, ex-employé de la CIA, travaille en tant que consultant pour la NSA. Pendant quatre ans, Edward est un employé modèle. Le salaire élevé qu’il perçoit (200 000$ par an) le retient de poser des questions sur les écoutes, souvent  illégales, que ses supérieurs lui demandent d’effectuer pour le compte de la NSA. Au fur et à mesure que l’agence semble abuser de son pouvoir d’écoute, Edward commence à contester son organisation. En mai, il copie des donnée du programme PRISM, prétend devoir subir un traitement de lutte contre l’épilepsie afin de poser plusieurs jours de congés qui lui permettent de quitter le pays et annoncer la fuite d’informations classées secrètes à laquelle il vient de procéder.
Exilé à Hong Kong, Edward témoigne à visage découvert et explique qu’à travers cet acte, il souhaite alerter l’opinion américaine et internationale sur le caractère illégal des méthodes employées par la NSA. Selon lui, la NSA aurait accès aux relevés de communications téléphoniques et, plus grave, aux données de serveurs informatiques tels que Google, Apple et Facebook. Toujours selon Edward, la plupart des personnes placées sur écoute ne représente  en rien un danger pour la sécurité du pays.
Défendu sur internet par nombre d’internautes qui souhaitent connaitre l’utilisation qui est faite de leurs données, Edward risque aujourd’hui la prison. Mais avant d’être jugé, il faudrait que le jeune homme réapparaisse puisqu’il a mystérieusement disparu de son hôtel hongkongais le 9 juin.
De vives réactions aux Etats-Unis
Outre-Atlantique, les politiciens ont réagi violemment aux révélations du Guardian et du Washington Post. Des voix se sont élevées parmi les députés afin de s’opposer à ces pratiques d’espionnage. Le sénateur Rand Paul, a même déclaré «La saisie et la surveillance par la NSA de quasiment tous les clients de Verizon [un opérateur téléphonique] est une attaque stupéfiante contre la Constitution ». Ni la NSA, ni la Maison Blanche n’a jusqu’à présent démenti l’existence de ce programme, mais ces dernières se défendent de toute activité illégale. La NSA a demandé le samedi 8 juin une enquête au Ministère de la Justice américaine. Selon l’agence, tous les procédés utilisés visent à renforcer la sécurité du pays et la fuite dont elle a été victime constitue, en ce sens, une atteinte portée à son efficacité et à la mise à bien des futures opérations de lutte anti-terrorisme. A la Maison Blanche, même discours. Bien qu’il soit encore trop tôt pour l’affirmer, Obama pourrait avoir à justifier de la légalité du programme PRISM devant l’opinion américaine.
Et pendant ce temps-là en Europe….
La Commission Européenne a accédé positivement à une requête des Etats-Unis le 13 juin dernier. Les Etats-Unis souhaitaient que la Commission soit moins sévère sur la protection des données téléphoniques et numériques des européens. Le lobby américain a donc eu raison des réticences européennes. Est-ce une sous-estimation de l’enjeu de la protection des données ou une mise en danger conscientisée de la vie privée des citoyens ? Quoi qu’il en soit, en France, les débats sur la protection de la vie privée se cantonnent presque exclusivement à une remise en question de la vidéo surveillance ou à la protection des données bancaires sur Internet. Il serait souhaitable que l’acte d’Edward Snowden ne soit pas vain et que les médias favorisent un éveil des consciences sur les enjeux relatifs à la protection de la vie privée sur Internet.
 
Angélina Pineau
Sources :
L’interview de Eward Snowden
Résumé de l’affaire et réactions aux Etats-Unis
Résumé de l’affaire et réaction de la NSA
Bruxelles ou le bon sens de l’avenir

Flops

Graph Search m'a tuer

 
Le 15 Janvier dernier, Facebook présentait sa nouvelle fonctionnalité : le Graph Search. L’idée est simple. L’internaute peut y rechercher à peu près tout et n’importe quoi mais de manière très précise. La base de données ? Tout ce que nous aimons, toutes les pages que nous suivons, nos photos, les endroits où nous nous sommes géolocalisés… Il est disponible en version béta uniquement pour les utilisateurs anglais qui se sont inscrits sur la page dédiée. Mais la nouveauté fait déjà polémique en France et interroge : pourquoi Facebook lance-t-il un tel produit à ce moment précis alors qu’il fait toujours l’objet de polémiques sur ses critères de confidentialité ? Analyse.
La nécessité de révolutionner Facebook
Il faut dire que Facebook a connu des jours meilleurs. Toujours empêtré dans une polémique ou deux sur la confidentialité des donnés, il génère de plus en plus de méfiance de la part des utilisateurs. Rappelez vous à cet égard cette étrange polémique sur les messages privés soit disant rendus publics.
Aux États-Unis, une étude récente montre que la population se lasse de plus en plus du réseau. 61 % des utilisateurs interrogés ont confessé s’être déconnectés plusieurs semaines. Manque de temps, perte d’intérêt… On s’ennuie de plus en plus sur Facebook. C’est un problème car le réseau est de moins en moins vu comme un outil incontournable. Et parallèlement, d’autres réseaux comme Pinterest, Google+ et surtout Twitter montent de plus en plus. La concurrence est rude.
L’âge d’or de Facebook est derrière lui. C’est compréhensible : le temps de la découverte est fini. On ne ressent plus l’excitation de la nouveauté, l’impression d’être sur un site Internet à la pointe de la modernité quand on s’y connecte, contrairement à ce qu’il était en France en 2008/2009.
Nuançons : le réseau reste toujours extrêmement fréquenté, c’est indéniable. Le géant semble à l’heure qu’il est, inébranlable. Voir Facebook fermer un jour reste, actuellement, du domaine de la science-fiction. Mais pour éviter une perte d’utilisateurs conséquente qui arrivera un jour si rien ne se passe, Facebook décide d’innover. Le Graph Search dans ce contexte est une révolution qu’il fallait faire pour que le roi des réseaux ne perde pas sa première place.
Le Graph Search est une bombe à retardement
Mais il pose d’énormes problèmes. Et cela pourrait très vite dégénérer.
Il y a, bien sûr, l’éternel problème de la confidentialité du réseau. Car pour l’instant la nouvelle fonctionnalité devrait être étendue pour tous les utilisateurs. Tout ce que nous avons publié et aimé depuis notre inscription pourra faire l’objet d’une recherche. Le problème de Facebook est situé dans la communication qu’il fait autour de la confidentialité. Leur credo en la matière pourrait être le suivant : « vous pouvez tout rendre privé, c’est disponible mais il faut chercher. » La communication autour de ces paramètres existe, une page a été dédiée au moteur mais il faut aller les chercher. On peut donc rendre nos likes et nos photos privés, on peut éviter de se géolocaliser à tout va.
Le Like au cœur du réseau social
Mais franchement, à quoi ça sert ? Si on décide de ne plus partager nos photos et nos likes, qu’est ce qui différencie Facebook d’une plate-forme de mail ? Les photos peuvent certes être gérées par d’autres réseaux. Mais l’interrogation est surtout de mise pour le service des likes, existant depuis le 9 Février 2009. Voilà sans doute la seule et unique énorme révolution faite par Facebook. Le bouton est devenu l’essence du réseau.
Véritable outil d’interaction, ce dispositif recouvre désormais énormément d’usages. Je vous recommande la lecture de ce bel article proposant une typologie des différents likes. Qui voudrait rendre privés ses likes dans ce contexte ? A quoi ça servirait de liker juste pour soi ?
Pourtant souvenons-nous : à l’origine le like ne recouvrait pas autant d’usages. Je me rappelle surtout de cette mode courant 2010 qui visait à liker à peu près tout et n’importe quoi, si possible des pages pratiquant la dérision et l’humour noir pour faire rire les amis. J’ai ainsi redécouvert que j’avais aimé par exemple « monter dans la voiture d’un inconnu en sortant de l’école » (32 623 fans actuellement), une page douteuse appelée « moi, mes problèmes je les règle avec une scie et des sacs plastiques » (70 704 fans) ou encore le très moyen « Chérie, n’oublie pas ta pilule, on n’a plus de place dans le congélateur » (89 447 fans).
Or ces likes du passé, enfouis tout au fond de ma Timeline remonteront à la surface avec le Graph Search et mon e-réputation en prendra un coup.
Mais le problème est bien plus profond et plus grave : le moteur deviendra l’outil de stalking ultime, le meilleur moyen de découvrir des dossiers croustillants sur vos amis. Mais votre boss, lui, pourra faire la même chose si vous avez fait l’erreur de l’ajouter ou si vous aimez la page de l’entreprise pour laquelle vous travaillez. Ainsi, le Community Manager pourra s’il le veut venir fouiner et découvrir des choses qui pourraient ressortir au mauvais moment. Et pour les activistes de pays dictatoriaux ? On pourra très vite vérifier quelles sont les personnes qui ont aimé il y a quelques années telle ou telle organisation révolutionnaire.
Le Graph Search rend visible l’invisible
Il y a de manière peut être plus anecdotique un autre problème posé par  le Graph Search. Il est nouveau en ce qu’il propose de manière publique un outil de tri de toutes nos données. Mais cet outil n’est pas nouveau. Il est utilisé depuis longtemps par le réseau pour vendre nos données à des entreprises dans le but de créer des publicités extrêmement ciblées. Le problème est que l’outil va rendre publique une méthode de tri qui était jusqu’ici invisible. Les utilisateurs pourraient se rendre compte de ce que sont réellement le ciblage publicitaire, l’ampleur de sa précision et de notre vulnérabilité. Attirer l’attention sur une méthode qui existe mais pour laquelle une politique de l’autruche existe – du côté des utilisateurs – n’est peut être pas la meilleure des idées. Mais c’est un effet secondaire qui pourrait très vite porter un énorme préjudice au réseau.
Le Graph Search pourrait donc vite devenir une bombe à retardement pour Facebook.
On a souvent comparé Facebook à Big Brother. Cette fois, véritablement, la comparaison a lieu d’être. Et si Facebook ne communique pas plus et ne prend pas ces problèmes en compte, ça risque de se passer très mal.
 
Arthur Guillôme
Sources
Le Cercle – Les Échos
20 Minutes
Le Figaro Blogs

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