Société

La fusion Monsanto-Bayer ou 'comment maîtriser la chaîne du cancer du début à la fin'

Le 14 septembre 2016, le chimiste allemand Bayer rachète le groupe américain très controversé Monsanto pour la modique somme de 59 milliards d’euros. Cette fusion qui inquiète fortement les ONG représente à elle seule 23 milliards d’euros de chiffre d’affaires et regroupe environ 140 000 employés. Alléluia ! Quelle riche idée que cet achat… Bayer n’aurait-il pas oublié sa notoriété voire même son éthique ?
En fusionnant avec une marque aussi détestée que Monsanto (on ne détaillera pas la liste non exhaustive de tous ses péchés), Bayer encourt le danger de perdre en réputation, elle qui a été élue en mai 2016 « marque pharmaceutique la plus réputée au monde » par le célèbre Reputation Institute.
Alors pourquoi Bayer s’inflige-t-il un tel risque pour la réputation de son entreprise notamment dans un monde de plus en plus bio qui prône les produits frais ? Quid du retour au bio ?

Peste + Cholera = sauver la planète (…)
Les arguments de ce rachat sont évidemment nombreux et semblent tout à fait légitimes…
Tout d’abord, Bayer, ce super héros, sauve Monsanto des griffes tragiques de la crise. Car oui, après avoir été condamné pour empoisonnement ou encore crimes contre l’environnement (#roundup #gazmoutarde #tabun), il semble un peu normal que ce charmant monsieur connaisse une crise (soi-disant en grande partie à cause de la hausse des prix des matières premières)…
L’un des objectifs principaux de Bayer est de devenir le leader mondial de l’agriculture grâce à cette fusion. Le but est de « nourrir 3 milliards de personnes supplémentaires dans le monde d’ici 2050 » d’après le directeur de Crop Science chez Bayer, Liam Gordon, sans oublier bien sûr que tout cela se fera « dans le respect de l’environnement ». D’une grande aide pour les agriculteurs, Bayer va pouvoir mettre en place des technologies innovantes pour accroître la productivité des agriculteurs comme le Climate FieldView (nouvelle plateforme numérique qui permet aux producteurs d’adapter leur pratiques et la quantité de leur plantation grâce aux conseils de cette technologie).
Car oui, Bayer le sait et le dit, nous sommes dans une nouvelle ère de l’agriculture. Mais alors, il serait en accord avec les tendances actuelles du retour au bio, au bien-être, aux produits locaux et sains ? Qu’en pensent alors ceux qui sont véritablement concernés ?
Il suffit de taper « Monsanto Bayer » sur Google pour avoir la réponse : « Les chefs ne digèrent pas la fusion », « lettre ouverte des cuisiniers contre la fusion Bayer-Monsanto », « alchimie monstrueuse », « fusion à haut risque », etc.
En effet, cette fusion rime avec monopole du domaine agroalimentaire et donc contrôle de la production alimentaire, de ses origines à son arrivée dans nos petits estomacs tout sensibles. Le but de Bayer était donc de devenir leader mondial dans l’agriculture, il devient même leader mondial de toute la chaîne alimentaire et de l’agrochimie. En rachetant Monsanto, Bayer reprend les 30% du marché mondial des OGM et le contrôle avec DuPont et Syngenta de plus de 50% du marché mondial des semences et environ les 3⁄4 de celui des pesticides.
Pari gagné, Bayer devient bel et bien le mastodonte mondial du marché de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’agrochimie faisant des agriculteurs des ouvriers dépendant de cet unique fournisseur. Ainsi, la liberté des agriculteurs, de la production, de la restauration, de la distribution et même de la diversité alimentaire se retrouve ligotée au géant des semences, des engrais, des pesticides et des médicaments. Un joli Smoothie riche en vitamine Death.

Agriculture biologique VS agriculture intensive
Ce rapprochement entre l’agriculture et la chimie représente une véritable source d’inquiétude autant pour les agriculteurs que pour les consommateurs.
Ce mastodonte de l’agrochimie entraîne un risque que la chimie s’installe dans nos assiettes mais aussi un risque pour la diversité culturelle alimentaire.
Aujourd’hui, la tendance se porte vers le bien-être et sur son alimentation. La philosophie de vie actuelle s’oriente vers une consommation de produits frais, locaux et surtout sains. Le but est de faire du bien à notre corps – ce qui semble s’éloigner des fastfood et de la junk food. Avec environ 1,5 millions de végétariens en France (comprenant végétaliens et vegan), il y a une véritable tendance vers une alimentation plus saine et plus consciente de la protection de l’environnement et donc plus sensible aux méfaits et dangers que peut produire l’agriculture intensive.
Il apparaît donc une sorte de refus de cette homogénéisation culinaire mise en place avec l’arrivée des fast food et de cette société de la vitesse.

En effet, la culture de la restauration rapide négligeait la pause-repas. Pause à prendre au premier degré. Fini les sandwichs entre deux stations de métro. Maintenant, les nombreux comptes Instagram d’inspirations de recettes healthy, fit (Veganinspiration, Healthy), gourmandes (Foodydiy) ou même Tastemade sur Snapchat montrent cette volonté de prendre soin de notre corps, à commencer par une alimentation saine, faite maison, en toute connaissance de l’origine des produits utilisés.
Il ne s’agit plus de perpétuer les longues et ténébreuses recettes des grand-mères mais juste de revenir aux aliments sains avec des recettes faciles et rapides à faire comme l’illustre le livre de recette Simplissime.

Il est donc paradoxal de voir une telle fusion se produire dans une société où le bio et le naturel prennent de plus en plus de place. Et il est également effrayant de voir que cette fusion risque d’enraciner davantage cette homogénéisation culinaire que l’on tente actuellement de combattre. Car en rachetant Monsanto, Bayer met aussi en danger cette diversité culturelle, puisque tous les producteurs venant de différents pays fournis par Bayer auront tous les mêmes produits…
Les influenceuses healthy-fit d’Instagram l’emporteront-elles sur le géant Bayer ?
Maëlys Le Vaguerese
@lvgmaelys
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Sources :
• Pierre-Emmanuel Barré, « La drôle d’humeur », France Inter, 21/09/2016
• JP Géné, Les chefs ne digèrent pas la fusion Monsanto-Bayer, Le Monde, 20/10/2016
• Arianne Gaudefroy, Bayer-Monsanto, une fusion à haut risque… de réputation, Les Echos, 29/09/2016
• Coralie Schaub, Bayer-Monsanto, alchimie monstrueuse, Libération, 23/05/2016
Crédits  :
• Photo Istock, Madame Figaro
• El Chicotriste, Overblog.com
• Podho, Bastamag.com
• indigne-du-canape.com
• @Healthy
• Tastemade France, Youtube

Environnement, Société

Web et écologie : une communication (au mieux) absente

 
Bons citoyens éco-responsables que vous êtes, vous avez probablement tous été déjà sensibles à cette petite ritournelle qui occupe la fin de vos factures et autres relevés de comptes, vous invitant, en misant sur votre bonne conscience et sentiment de culpabilité, à demander vos factures en lignes plutôt que par papier pour réduire la consommation de CO2. Que ce transfert soit moins coûteux pour les entreprises, c’est prouvé. Moins polluant… ce n’est pas si évident.
 
Immatérialité, immatérialité chérie           
Si on doit dégager quelques spécificités propres à Internet, la plus évidente serait sans doute la masse de fantasmes, métaphores, mythes qui l’enveloppent et nourrissent nos imaginaires. Et l’un des plus forts est cette notion d’immatérialité. Notion qui, avouons le, par sa seule évocation, mobilise en nous une sorte de crainte, au sens religieux du terme, mêlée d’une douce rêverie de science fiction. Or, on le sait, toucher notre inconscient et nos émotions est la recette d’une communication réussie. Le concept d’« immatérialité », un peu comme celui de « transparence », vaut de l’or.
Mais qu’en est-il réellement ? Bien sur que non, Internet n’est pas dématérialisé. On y accède par un support, quel qu’il soit. S’il faut se connecter, l’utilisateur a également besoin d’un objet assurant la transmission du réseau, qui lui même est amené par d’autres infrastructures… Quant au transfert et au stockage d’information, il est assuré par la présence des serveurs, et je vous invite à jeter un œil sur ceux de Google, assez impressionnants.

Tout cela relève de l’évidence. Mais c’est pourtant dessus que se joue toute la communication des diverses entreprises, qui ont , elles, plutôt intégré les valeurs économiques qu’écologiques de cette « révolution numérique ».
 
Quels enjeux pour le développement durable ?
Brosser un portrait complet de la multitude d’enjeux que sous tend ce changement serait hélas trop long, complexe et confus pour tenir dans un seul article. Mais l’on peut tout de même mettre en exergue quelques points clefs qui seront sans nul doute au cœur des réflexions très bientôt.
On peut d’abord songer au e-commerce, souvent encensé pour ses vertus écologiques : il serait moins polluant de commander un livre plutôt que d’aller l’acheter en magasin. En fait, il est quasiment impossible de faire un tel calcul, car il faut prendre en compte une multitude de facteurs : à quelle distance est le magasin ? Comment s’y rend-on ? Si l’on achète un livre sur Internet, d’où vient-il ? Ou se fait-on livrer ? Un article de Slate détaille ces questions, et, contre les idées reçues, conclut que, pour le moment, on ne sait pas grand chose.
Se pose ensuite la question, très vaste, des objets technologiques, avec au cœur le problème de l’obsolescence programmée (techniques permettant de réduire la longévité des appareils afin que les utilisateurs s’en rachètent), ainsi que l’habitude de renouveler ses téléphones par exemple, beaucoup trop souvent (tous les 2 ans en France) alors que les métaux les composants, en plus d’être de plus en plus rares, sont extrêmement nocifs (cf l’article du Courier International :  « Un poison radioactif dans nos smartphones ») Place de la toile a récemment consacré une émission à la question de l’écologie, « Les faces cachés de l’immatérialité », référence au livre Impacts écologiques des Technologies de l’Information et de la Communication du groupe EcoInfo, où elle aborde cette question, mais aussi la plus importante certainement : celle des TIC. Il est vrai que l’usage intensif des mails est de plus en plus critiqué. Mais rarement d’un point de vue écologique. Or, un mail de plus d’1Mo a un impact de 19 grammes de CO2, et 247 milliards de mails sont envoyés par jour. Quant aux recherches, « deux requêtes sur Google généreraient 14g d’émission de carbone, soit quasiment l’empreinte d’une bouilloire électrique (15g) » selon Le Monde.
Bien sur, il ne faut pas être trop alarmiste, et voir que le web permet aussi de réduire certains coûts environnementaux, ne serait-ce qu’en propulsant des pratiques telles que le covoiturage ou les téléconférences par exemple. Mais rien ne peut expliquer cette absence quasi totale de vraie communication, assez étrange d’un point de vue économique, quand l’écologie est partout ailleurs (même dans le secteur textile, comme l’avait montré Clémentine Malgras jeudi dernier) utilisée comme un argument de vente, mais aussi d’un point de vue éthique quand on pense qu’en France, les marques ont pour obligation de nous dire qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour et que le tabac et l’alcool sont dangereux. Et cette absence se fait sentir : selon Ipsos (2011), 45% des Français sont écolo-sceptiques, soit… 15% de plus qu’en 2008.
 
Virginie Béjot
 
Pour aller plus loin :
Le documentaire et dossier du Vinvinteur : Web et développement durable
Le compte rendu de L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie)
Photo : espaces de stockage d’Amazon, crédits : Slate.fr

Agora, Com & Société

Le denim-poubelle

 
Levi’s a lancé en janvier dernier, pour sa collection Printemps 2013,  une nouvelle gamme de jeans éco-friendly : Waste<Less. Conçus avec 20% de plastique recyclé (issu de bouteilles et d’emballages plastiques triés et traités), ces nouveaux jeans répondent aux exigences de la marque d’adopter une image saine et respectueuse de l’environnement auprès de ses consommateurs. Ce lancement poursuit ainsi les engagements de la marque depuis 2009, et fait écho à la précédente gamme Water<Less qui proposait une fabrication moins gourmande en eau.
Avec l’audacieux slogan « These jeans are made of garbage » (*Ces jeans sont fait de déchets), les jeans Waste<Less allient un discours éco-responsable au style reconnaissable de la marque californienne. Quels intérêts présentent alors le développement de gammes « green » pour les géants du prêt-à-porter ?
Avant tout, les marques cherchent à améliorer leur réputation auprès d’un public mieux informé et plus concerné. À l’image de la campagne « Detox » de Greenpeace qui a bénéficié d’une forte publicité, un réel besoin de connaître la qualité et l’origine des produits que nous consommons émerge.
Lancée en juin 2011, « Detox » engage les grandes marques de prêt à porter telles que Levi’s, Zara, C&A, Benetton et bien d’autres, à éliminer la présence de composés chimiques nuisibles pour la santé et l’environnement dans leurs produits. Après avoir dénoncé le gâchis et la pollution des eaux employées dans leurs chaînes de production aux quatre coins du monde, Greenpeace s’est attaqué aux ethoxylates de nonylphénol, des substances chimiques présentes dans les vêtements, qui perturbent l’environnement et peuvent causer des troubles du système endocrinien (*responsable de la production d’hormones).
Ainsi, le 12 décembre 2012, Levi’s a rejoint le mouvement et s’est engagé à réduire drastiquement la présence de substances toxiques dans ses jeans, tout en assurant dès juin 2013 une visibilité majeure sur les données de pollution provenant de ses fournisseurs.
Dans ce contexte, Waste<Less n’apparaît plus seulement comme un précurseur de tendances, mais plutôt comme le contre-pied d’une campagne nuisible. Mieux encore, Levi’s répond à une prise de conscience massive des risques écologiques et sanitaires que présente l’industrie textile. Cette tendance marketing très rentable permet donc de satisfaire les exigences des nouveaux consommateurs, tout en dissimulant sous le masque du recyclage et de l’éthique, les étapes cruciales de production et de distribution, qui demeurent la source majeure de pollution dans l’industrie. La bonne conscience étiquetée « green » se vend si bien qu’il devient alors difficile de faire le tri entre les marques qui érigent cette valeur comme outil de vente et celles qui se fondent réellement sur cette pensée.
Ceci étant dit, Levi’s n’aura pas manqué d’être dénoncé pour ses pratiques (communes) douteuses, et la volonté de la marque de s’associer au courant du recyclage en proposant des solutions originales, ne peut être blâmée. Au contraire, sa force d’influence peut justement participer à l’éducation des consommateurs et créer chez eux l’envie d’une mode détoxifiée.
 
Clémentine Malgras
 
Sources :
Lancement Waste<Less: #!
Video Greenpeace « Detox Levi’s »: http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=x173k1cRSzE

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