Publicité, Société

Publicité et marketing : la parole aux enfants

De la figure attendrissante du petit garçon et de Maurice son poisson rouge dans la publicité de Nestlé, à celle où le fiston vente la simplicité de la nouvelle voiture électrique de Renault, on ne compte plus les publicités dans lesquelles l’enfant joue un rôle central. Cependant, le statut d’enfant-acteur dans la publicité évolue avec son époque. Ces derniers temps, il semble qu’une légère tendance se dessine : les « publicités expérimentales ». En mettant en scène des témoignages d’enfants, elles soulèvent en creux des questions de société. Des questions sur lesquelles les enfants sembleraient avoir leur mot à vendre… euh, à dire.
Une expérience sociale à caractère scientifique
Interroger les enfants sur l’expérience qu’ils ont d’un produit, l’idée n’est pas révolutionnaire. Il suffit pour le constater d’aller voir du côté de la célèbre marque de petites briques de construction Lego, qui se définit comme un « prestataire d’expériences de jeu » (« provider of play experiences »). Mais en 2014, Lego bouleverse le statut de l’enfant dans la publicité en lançant une campagne d’un nouveau genre : « l’expérience créative ». Cette expérimentation joue sur la mystique de l’épanouissement par le jeu, en nous dévoilant l’envers du décor : par-delà la brique, l’expérience du jeu.

Le principe est simple : plusieurs enfants, entre 6 et 11 ans, sont interviewés chacun leur tour sur leur expérience des Lego. L’expérience consiste alors à démontrer aux mamans que le rapport des enfants aux Lego dépasse toute la profondeur de l’imaginaire créé par l’enfant autour de la brique.
Le cadre de l’expérience et la manière dont elle est filmée révèlent la volonté de dépeindre le caractère sérieux, expérimental et presque scientifique de l’expérience : fond neutre, atmosphère lumineuse, peu de mouvement, plans caméras alternés entre le visage et le corps … Par ces procédés, la marque cherche à prendre le spectateur à témoin et à le persuader de l’authenticité et de la conformité de l’expérience, comme le faisaient les scientifiques au XVIIème siècle. Le spectateur est incité à dépasser la matérialité du jeu pour le voir comme une expérience personnelle constructive, en combattant les a priori des mères – et seulement des mères – jusqu’alors « prisonnières de la brique ».
Quand la publicité fait de la télé-réalité
Plus récemment, le concept d’expérience dans la publicité a franchi une nouvelle étape. Alors que dans le cas de Lego, l’enfant révélait au spectateur les dessous de son expérience de jeu dans une démarche plutôt scientifique, on voit désormais défiler sur nos écrans des publicités dans lesquelles ce ne sont plus des pratiques qui sont en jeu, mais une certaine conception de la société, un point de vue sur des problématiques actuelles. C’est le choix de la publicité aux 10 millions de vues sur YouTube de la marque d’hygiène féminine Always. Dans une interview, Laureen Greenfield, réalisatrice du spot publicitaire « Like a girl », récompensé aux 67ème Emmy Award dans la catégorie « Oustanding Commercial », définit clairement son projet comme une « expérience sociale », une appellation qui fait écho au principe originel de la télé-réalité.

A la volonté de donner une dimension scientifique à l’expérience s’ajoute la prétention de la publicité à devenir un vecteur de prise de conscience et d’évolution sociétale. En dénonçant les représentations de la femme comme une figure de faiblesse et de fragilité, la marque fait le pari de mettre encore plus à distance le produit matériel afin de souligner davantage les valeurs véhiculées par la marque et son engagement social. Dans la continuité de cette publicité, la période de Noël a notamment vu les Magasins U s’emparer à leur tour de la délicate question du genre en utilisant le même principe d’expérience sociale qui met à bas les stéréotypes sociétaux.

L’imaginaire de l’enfant dans les « publicités expérimentales »
Les propos de Monique Dagnaud, ex-directrice du CSA et actuelle directrice de recherche émérite au CNRS, apparaissent de nos jours difficilement contestables : « la publicité s’adresse directement à l’enfant, en fait un héros avec un comportement d’adulte, souvent plus impertinent et astucieux que ses parents ». Les spots publicitaires mettant en place de telles « expériences sociales » redéfinissent le statut de l’enfant dans la publicité. L’enfant est « surprenant de créativité » et de transcendance avec Lego, il prend conscience des stéréotypes sociétaux et en révèle les enjeux à ses parents avec Always, il éveille les mentalités et est vecteur d’évolution sociale avec les Magasins U.
Dans ces « publicités expérimentales », l’enfant ne joue plus seulement à l’adulte : il affirme son individualité et affiche des positions claires. De telles stratégies publicitaires font ressurgir l’imaginaire quelque peu oublié de l’enfant comme figure d’une innocence ponctuée de vérité.
Ces publicités ont majoritairement fait parler d’elles sur le contenu. Et c’est aussi cela leur force : pour atteindre leurs objectifs d’audience, elles réussissent à faire oublier leur nature commerciale en s’immisçant dans les conversations quotidiennes de fond.
A l’image de la publicité d’Always qui matérialise par des cubes les « cadres instituants » (Emmanüel Souchier) de la société pour mieux les détruire, il convient de mettre au jour les « cadres instituants » de ces publicités, qui, sous couvert d’une cause sociale de leur temps, utilisent la fibre émotionnelle et réveillent l’imaginaire de l’enfant comme figure de vérité, au service d’un objectif purement marketing.
Fiona Todeschini
@FionaTodeschini
Sources :
⁃ Lego – http://www.lego.com/fr-fr/aboutus/responsibility
⁃ Emmanuël Souchier (2012). La mémoire de l’oubli : éloge de l’aliénation Pour une poétique de « l’infra-ordinaire ». Communication & langages, 2012, pp 3-19 doi:10.4074/S0336150012002013
⁃ Emmy Awards – http://www.emmys.com/awards/nominees-winners/2015/outstanding-commercial
⁃ Interview Laureen Greenfield (« Like a girl ») – https://www.youtube.com/watch?v=u2wqxiq1nD8
⁃ CNRS – http://cems.ehess.fr/index.php?2639
Crédits images : 
– Capture d’écran de la vidéo LEGO – https://www.youtube.com/watch?v=pA_CZ7baFLw 

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Com & Société

La Ligue des Justiciers à la rescousse des enfants qui luttent contre le cancer !

 
La maladie chez les enfants reste un sujet encore sensible aujourd’hui, un sujet sur lequel on tente de communiquer, mais dont on ne parle finalement pas tellement. Et pourtant, ces enfants atteints du cancer auraient besoin que l’on sache, besoin d’être accompagnés, que l’on se sente concernés. Et ça, les Brésiliens semblent l’avoir compris…
C’est en effet, dans cette optique que l’hôpital de A.C.Camarguo de São Paulo a fait appel à l’agence JWT Brazil pour créer un discours sensible et sensibilisant, destiné aux enfants, pour les aider à se battre pour guérir et vivre. De cette alliance entre JWT, A.C.Camarguo et Warner Bros., est donc née une volonté de changer la perception de la dureté de la chimiothérapie en la transformant en « Superformule » pour super-héros.
La première étape dans la lutte contre le cancer, c’est de croire en son traitement et en sa guérison. Cependant, commencer une chimiothérapie peut être effrayant, autant pour la famille que pour l’enfant. En partant de ce constat, l’idée qui a fait naître ce projet est ici plutôt simple à présenter, mais très riche en termes symboliques : combiner le monde des super-héros et les soins, afin de pouvoir expliquer aux enfants la difficulté du processus de traitement avec des mots qui leur parlent. Ainsi, en mai 2013, l’hôpital A.C.Camargo, qui s’occupe donc de patients touchés par le cancer, et notamment des enfants atteints de leucémie, a lancé ce projet de « Superformule » pour aider ces derniers à trouver de la force et du courage pour surmonter leur maladie et le traitement long et pénible.
Avant tout, ce sont des boîtes. Des boîtes pour dissimuler les poches de traitement par intraveineuse. Le thème ? Les vedettes de la Ligue des Justiciers afin de créer pour la première fois, une vision douce et adaptée aux enfants. Superman, Batman ou encore Green Lantern volent donc au secours de ces enfants malades en stimulant leur imaginaire, la meilleure arme qui soit. De plus, ces boîtes ont été inventées et fabriquées en partenariat avec des médecins : elles sont donc faciles à stériliser et à manipuler et répondent à toutes les normes d’hygiène de l’hôpital.
Mais le discours ne s’arrête pas là. JWT est allé plus loin dans la construction d’une nouvelle identité du traitement contre le cancer, voire de la maladie elle-même : ils ont produit une série spéciale de dessins animés et de bandes dessinées dans lesquelles les super-héros traversent des épreuves similaires à celles des enfants atteints du cancer. Dans ces petites histoires, les héros de l’enfance parviennent à retrouver leurs forces grâce à la « Superformule » et se présentent donc comme un miroir de ces bouilles désormais pleines d’espoir de l’hôpital brésilien. L’expérience transcende ainsi les simples boîtes posées sur les perfusions pour devenir un monde presque réel : la salle de jeu des enfants de l’hôpital a été transformée en « Hall of Justice »*, les couloirs et les portes ont été décorés dans le même thème et une entrée spéciale pour ces nouveaux « petits héros » fut créée.
Pour voir en image la présentation de ce merveilleux projet, c’est par ici :

L’idée est donc bien d’aider les enfants dans leur lutte contre l’un des plus grands méchants du monde réel : le cancer. Si l’imaginaire est alors stimulé de manière forte, il ne s’agit en aucun cas d’enfermer l’enfant dans un monde parallèle qui lui ferait fermer les yeux sur la dure réalité des choses. Il s’agit bien d’utiliser la métaphore des Justiciers pour mieux faire comprendre les tenants et les aboutissants du traitement et l’implication nécessaire de l’enfant et de sa famille dans le processus. Tout est basé sur l’idée de « victoire », avec laquelle s’accorde l’identité des super-héros mais aussi les enjeux de toute maladie : il s’agit de vaincre la douleur, de surmonter les problèmes, de dépasser les épreuves et de continuer à se battre pour guérir. Le discours d’accompagnement de JWT est donc tout aussi touchant que le projet lui-même : l’identification de l’enfant malade au super-héros qu’il a toujours admiré serait une aide efficace et stimulante dans cette tragédie qu’est le cancer. Le gentil doit tout faire pour triompher sur la méchante maladie à laquelle le psychique, tout comme le physique, doit faire face. Car à la fin de ces histoires, qu’il s’agisse de Batman ou Wonder Woman, tout le monde sait qui gagne…
 
Laura Lalvée
Sources :
La Réclame
JWT.com