Flops

Le XV de France : essai non transformé

Le samedi 17 octobre 2015, l’équipe de France de rugby se faisait humilier durant le quart de finale de la coupe du monde face aux All Blacks, l’équipe de Nouvelle-Zélande, avec un score de 62 à 13. Une véritable déculottée qui a marqué un tournant dans l’histoire du XV de France — tant au niveau sportif qu’au niveau communicationnel.
Fracture entre passé et présent
Il faut dire que l’équipe de France de Philippe Saint-André (entraîneur de 2012 à 2015) était loin du prestige de ses aînées. Un jeu sans intérêt et stéréotypé, une claire fracture entre les joueurs et le staff, les critiques médiatiques se faisaient de plus en plus virulentes, sans jamais vraiment savoir qui accuser. L’entraîneur, oui. Mais pas trop. Après tout, il s’agit d’une équipe nationale. Peut-être pas aussi populaire que l’équipe de France de football ou l’équipe de France de basket – tous deux des sports plus (re)connus à l’international – mais tout de même. Le milieu sportif est surmédiatisé, mais il est aussi porteur du softpower d’un pays. Comment dénigrer ainsi l’image de sa vitrine médiatique nationale ? Alors oui, personne ne bronchait, ni les joueurs ni les médias ni les instances de décision nationales du rugby. Politique de l’autruche qui a fini par se retourner contre eux.
Certes, la France n’a jamais remporté les championnats du monde. Mais il y a encore une dizaine d’années, elle était considérée comme une nation majeure du rugby international, au point d’accéder à la finale de la Coupe du Monde 2011, et de ne s’y incliner que d’un petit point, après un arbitrage douteux. Les joueurs eux-mêmes faisaient figures de référence – Thierry Dusautoir, capitaine emblématique, a même été nommé meilleur joueur du monde cette année là. La France disposait d’une image favorable auprès du public et des médias. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

Thierry Dusautoir marque le seul essai de la finale du championnat du monde 2011.

Après la politique de l’autruche vient donc la politique du coup de balais. Exit Saint-André et une grande partie de son staff. Guy Novès, entraîneur le plus titré d’Europe, prenait alors la tête du XV de France : l’espoir renaissait.
Flou Communicationnel
Seulement, la stratégie communicationnelle du XV de France devait changer en même temps que son entraîneur. Fini les interviews régulières des joueurs comme les autorisait « PSA ». Afin de les laisser se concentrer sur le rugby, sur leurs entraînements, Guy Novès réduisait au maximum les interactions entre acteurs sur le terrain et médias, tout en se permettant lui-même de régulièrement leur couper l’herbe sous le pied. Un bras de fer s’engage entre journalistes avides de scoops et de gros titres et un entraîneur expérimenté, habitué à la pression médiatique – et sachant parfaitement insinuer que lui a une légitimité et une expérience pour parler de rugby, quand les journalistes professionnels n’en ont que peu, et n’ont souvent jamais frôlé la pelouse d’un terrain.

Guy Novès, entraîneur actuel du XV de France

Seulement, les résultats ne suivent pas. Le XV de France a certes regagné en popularité depuis que l’ancien manager toulousain est à sa tête, au point de récolter 22% des parts d’audience selon France Télévisions. Le crédit en revient à un jeu plus séduisant, à une ligne directrice claire et à une relation plus stable entre l’équipe nationale et les clubs.
Mais samedi 25 février, l’équipe de France perdait son match contre l’Irlande lors de la troisième journée du Tournoi des Six Nations, diffusé sur France 2. Le deuxième en l’espace de trois jours. Le quatrième en cinq matchs. Ça fait beaucoup, du moins aux yeux des journalistes. L’équipe de France peut-elle redevenir une grande équipe ? Guy Novès est-il la bonne personne ? Ces vieilles questions, les mêmes qu’il y a quatre ans, se couplent à des nouvelles, résultant de la récente élection de Bernard Laporte – ancien Ministre des Sports et entraîneur du Racing Club de Toulon – à la tête de la Fédération Française de Rugby.
Bernard Laporte a pour objectif de redorer le blason de la France à l’international et auprès des médias. Il veut des joueurs médiatisés, des « stars », pour porter le visage de l’équipe de France sur et en dehors des terrains. Une politique contraire à celle de Novès, donc. Encore une marque du fossé communicationnel et médiatique existant entre l’équipe et les instances de décision. La communication du XV de France se fait de plus en plus hermétique, attendant que les résultats montrent enfin le bout de leur nez, tandis que les journalistes critiquent de plus en plus cette absence de transparence qui les limite dans leur travail.

Le capitaine actuel du XV de France, Guilhem Guirado, l’un des seuls joueurs à apparaître
régulièrement en conférence de presse.

Foot VS Rugby : un match perdu d’avance
Si le XV de France a gagné en popularité, il est loin d’atteindre la notoriété du football. Si l’on interroge des personnes dans la rue sur les joueurs de l’équipe de France de football actuelle, ils sauront toujours vous donner un nom – ne serait-ce que grâce à la coupe d’Europe de l’année dernière. Faites la même chose avec le rugby ? Vous obtiendrez peut-être le nom de Louis Picamoles, l’un des seuls joueurs à surnager ces dernières années, mais c’est à peu près tout. Un fossé, donc, entre les deux sports les plus médiatisés en France. Ce fossé entre football et rugby ne date pas d’aujourd’hui. Outre les différences intrinsèques à la pratique de ces deux sports, ce sont aussi leur professionnalisation et leur médiatisation qui creusent l’écart.

Louis Picamoles, n°8 du XV de France, surnommé « King Louis » Outre-Manche

En France, le football a été ouvert à la professionnalisation depuis les années 1930; le rugby l’est seulement depuis 1995. Une différence temporelle qui a permis au football de s’habituer à la médiatisation – pour le meilleur comme pour le pire – alors que le rugby se débat toujours avec les enjeux et les conséquences de celle-ci.
On veut des joueurs professionnels compétents pour jouer en équipe de France, mais la plupart des clubs de l’élite préfèrent acheter des joueurs internationaux étrangers en pré-retraite pour gagner des titres et s’attirer l’attention des médias. On veut que l’équipe de France gagne et soit populaire, mais on lui tire dessus dès qu’elle perd, sans lui laisser le temps de se construire. On veut des joueurs « stars », médiatisés, figures emblématiques du sport, mais on les rabaisse à la moindre bourde, en particulier les jeunes.
Le XV de France semble donc perpétuellement sur le fil, déchiré entre une nécessité de résultats, des conditions défavorables et une communication aléatoire, qui ne sait pas choisir entre la médiatisation ou l’aspect purement sportif de l’activité et ce, au niveau même des instances de décision. Cela a pour résultat une communication intra et extra-sportive banale, ressemblant davantage à des tirs croisés entre journalistes et professionnels du rugby, et desservant encore plus l’image du XV de France au niveau national comme international.
L’équipe de France a jusqu’à la prochaine Coupe du Monde en 2019, pour faire converger ces différences, et trouver une ligne directrice communicationnelle cohérente.
Margaux Salliot
Sources :
« TOURNOI DES 6 NATIONS – Les Bleus n’ont pas de star(s) mondiale(s) et c’est un vrai souci… », article du 26 février 2016, d’Yvan Petros pour le site Rugbyrama, consulté le 28 février. http://www.rugbyrama.fr/rugby/6-nations/2017/tournoi-des-6-nations-les-bleus-n-ont-pas-destar-s-mondiale-s-et-c-est-un-vrai-souci._sto6073028/story.shtml
« XV de France: Guy Novès, c’est enfin officiel ! », article du 31 mai 2015 de Richard Escot pour L’Equipe, consulté le 28 février. http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Noves-c-est-enfin-officiel/563007
« L’Irlande étouffe le XV de France », article du 25 février 2016 de Richard Escot pour L’Equipe, consulté le 28 février. http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Tournoi-des-6-nations-l-irlande-etouffe-le-xv-de-france/781222
« GUY NOVÈS AFFICHE SES INTENTIONS DE JEU ET RENVOIE MARC LIÈVREMONT DANS SES 22 », article de Riway Demay du 2 novembre 2015 pour LeRugbynistère, consulté le 28 février. http://www.lerugbynistere.fr/videos/video-xv-france-guy-noves-affiche-intentions-jeu-renvoiemarc-lievremont-22-0211151022.php
Crédits photo :
Christophe Ena pour 20 Minutes, le 9 février 2016 : http://www.20minutes.fr/sport/1784863-20160211-xv-france-guy-noves-dort-trop-moment
Rob Griffith pour Le Monde¸ article du 24 octobre 2011 : http://www.lemonde.fr/sport/portfolio/2011/10/24/thierry-dusautoir-le-rugbyman-de-l-annee-en-images_1592922_3242.html
Image de l’Agence France Presse pour La Croix, article du 18 novembre 2016 : http://www.lacroix.com/Sport/Guirado-Un-match-charniere-pour-XV-France-2016-11-18-1300804179
Image de l’AFP pour Le Dauphine, article du 2 novembre 2015 : http://www.ledauphine.com/sport/2015/11/02/louis-picamoles-quittera-toulouse-pour-northampton-la-saison-prochaine

SEPP BLATTER
Société

Le football est-il ballonné ?

Nous avons tous plus ou moins entendu parler du scandale qui depuis mai, règne sur le monde du football. En effet, depuis l’arrestation pour corruption de sept de ses dirigeants par la justice américaine, la FIFA fait face à un sacré tourbillon. Mais de QUOI est-il vraiment question ?
Le mythe face à la réalité
Oui, le foot, ce sport qui transcende les Hommes au delà des frontières, qui rassemble autant qu’il divise. Principale cause de prise de poids grâce au trio traditionnel “bière-canapé-match à la tv”, mais également principale cause de divorce au XXIe siècle. Oui, le foot passionne, à tel point que cela en est devenu un acteur économique majeur participant à sa propre mythification. Simple nom de joueur ou Coupe du Monde, une conclusion s’impose : le football est un mythe.
De prime abord, on pourrait imaginer que le retentissement du scandale de la FIFA engendrerait la mise en péril de ce mythe et de ses représentations. La dénonciation (ou plutôt le rappel) de l’existence de la corruption et des mensonges frappe l’imaginaire commun et défie le mythe.
Mais peut-on vraiment parler de crise ? Il est vrai que ce mot devient aujourd’hui « un mot valise », utilisé à torts et à travers. Didier Heiderich, directeur de l’Observatoire International des Crises, explique que pour qu’une crise soit totale, il faut que le mythe s’effondre. Cependant, malgré le scandale de la FIFA, le monde du football connaît encore aujourd’hui une popularité sans limite.
Cette non-réaction de la part des supporters démontre les pouvoirs du mythe. En effet, ce dernier a la capacité de se protéger lui-même : on ne peut pas toucher au sacré. Par le fait même que le foot soit érigé en mythe, il ne peut être en crise totale.
Ce n’est donc pas une crise du foot mais davantage une crise institutionnelle. Or, il en ressort que la FIFA en tant qu’institution n’est pas réellement en crise. En effet, ce qui est véritablement touché, c’est le gouvernement de la FIFA. Le nom médiatique du « scandale de la FIFA » semble alors être un leurre. Le « mal de la corruption » mis en exergue dans les médias, fait écho aux personnes qui sont en charge, les décideurs. Le principal concerné au centre du scandale est Joseph Blatter (aka Sepp Blatter).
Il est nécessaire de faire un double constat :

Le foot n’est pas la FIFA.
La FIFA n’est pas ses dirigeants

La communication de crise : preuve d’un détachement de l’institution par rapport à ses dirigeants
Une communication de crise qui, dès le départ, s’est avérée confuse. Même si la réaction a été immédiate, l’ambiguïté de Blatter concernant sa responsabilité lors de sa première conférence de presse le 30 mai 2015 intrigue. Il reconnaît dans un premier temps qu’il y a une crise, mais il ne reconnaît pas sa responsabilité juridique et morale. Dès sa réélection, S. Blatter mise sur une « stratégie du complot », aussi connue sous le nom de la stratégie du projet latéral. Il contre-attaque lors de son interview à RTS (chaîne suisse) et se place en victime. Il s’en prend à la fois à l’UEFA en visant M. Platini, et aussi aux États-Unis. On voit déjà ici qu’il n’est plus réellement question de la FIFA mais surtout de lui.

On observe deux tournants dans sa communication de crise :
D’abord, sa démission. « Démissionner, ça voudrait dire que je suis fautif, or je lutte depuis 4 ans contre toute corruption » avait-il dit au moment de sa conférence de presse. Cela va être, pour l’opinion publique, un aveu de culpabilité implicite. A partir de ce moment là, il y a clairement la volonté d’une distinction entre l’homme et l’institution.
Par ailleurs, le nom médiatique se modifie subtilement, du « scandale de la FIFA » au « scandale à la FIFA ». On sous entend ici que le scandale ne concerne pas véritablement l’institution en elle même, mais encore une fois les hommes à sa tête.
Vient ensuite, sa suspension avec M. Platini.
Joseph Blatter continue de nier sa responsabilité, autant morale que juridique : « That’s the president, Blatter, he is responsible!” But I object. How can I be responsible morally for all the people? » demande t-il lors d’une interview avec le média TASS (Russian News Agency), le 28 octobre.
Sans pour autant changer de la stratégie du complot, il change de cible : les médias. Dans le même temps, il s’insurge contre M. Platini, encore et toujours.
Anecdotique en apparence, la pluie de billets qui s’est abattue sur Blatter lors de la conférence de presse du 20 juillet est lourde de sens. C’est l’apogée de l’humiliation pour l’ex-président de la FIFA. Cet incident traduit de nouveau le mépris d’un public envers le personnage de Joseph Blatter et de ce qu’il incarne : la corruption et non le foot.
Enfin, envisageons le fait qu’au lieu de vouloir inverser les rôles et de se positionner en victime, Blatter use de la stratégie de la reconnaissance. Autrement dit, admettre sa responsabilité, se remettre en cause et demander pardon. Selon Thierry Libaert, professeur en sciences de l’information et de la communication, cette stratégie de l’aveu pourrait engendrer la possibilité d’acquérir des circonstances atténuantes, voire même d’accroître son capital image.
Blatter demeure l’épicentre du scandale, néanmoins d’autres acteurs internes à la Fifa (Platini, Valcke…) viennent apporter des renversements qui élèvent ce scandale au rang de fiction médiatico-judiciaire.
Et les médias dans tout ça ?
Le rôle des médias est primordial. Dans le cas d’une crise liée au sport, son rôle prend déjà tout son sens en amont, car ce sont les médias qui participent à la mythification d’un sport et de son institution.
Joseph Blatter et ses confrères ont bien compris leur importance et le rôle qu’ils jouent dans une crise. C’est d’ailleurs un argument principal dans leur stratégie de victimisation.
En ce qui concerne l’ex-président de la Fédération, il s’en sert pour les dénoncer : « I think it was the pressure of the media. It was the pressure to get rid of the FIFA president » dans TASS, le 28 octobre.
Cette manipulation médiatique par Joseph Blatter est couronnée par une interview de sa fille, Corinne Blatter-Andenmatten dans le journal Blick. Elle insiste pour clamer son innocence et blâmer les médias qui auraient ruiné la réputation de son père : « Pourquoi s’en prennent-ils à lui? Que leur a-t-il fait? Ce n’est pas seulement de la jalousie. C’est de la haine ».
Cet échange résume particulièrement bien la stratégie de victimisation, que Thierry Libaert définit par le fait de « réduire l’intensité de la crise en recourant au registre de l’émotion et en se positionnant autour de la souffrance engendrée par l’ensemble des critiques ».
Enfin, toujours sous l’angle médiatique, lorsque l’on analyse certaines Unes de journaux sorties à la suite du scandale, on remarque encore une fois une distinction entre la FIFA et Joseph Blatter.

 
 
Tout d’abord, visuellement, par les photos qui le représentent avant de représenter la FIFA. Ensuite par les titres qui mettent en avant ce personnage et non l’institution. Ils sont crus et percutants : ils représentent le spectacle de la chute, un spectacle qui fait particulièrement vendre.
Pour le mot de la fin, on peut également dire qu’un mythe c’est aussi un personnage, un masque, un costume. Comme disait Gainsbourg : « le masque tombe, l’homme reste et le héros s’évanouit », c’est tout le souci de ce scandale : que reste-t-il de l’homme ?
Clémence Midière
Sources : 
La communication de crise – Thierry Libaert
« La crise dans le sport » – Magazine de la Communication de crise et sensible (Vol.22)
« Blatter: FIFA scandal provoked by Michel Platini » – TASS (28 Octobre 2015)
« FIFA : Blatter dénonce une campagne de haine de la part de l’UEFA » – Le Monde (30 mai 2015)
«  FIFA : Blatter noyé sous les dollars pendant sa conférence de presse » – Le Monde (20 juillet 2015)
« Fifa-Krimi: Tochter Corinne verteidigt Blatter » – Blick (5 octobre 2015)
Crédits images : 
Le Figaro.fr
The Guardian
The Times
Bild
L’Express

FranceTV Sport
Publicité, Société

Quel sport pour la télévision publique ?

Enjeu pour France Télévisions depuis toujours, la retransmission du sport est devenue un casse-tête insoluble entre déséquilibre du marché et devoirs moraux. Mais France Télévisions adopte-t-il la meilleure stratégie possible ?
Le 19 octobre dernier, l’Assemblée Nationale a voté une augmentation de taxes au bénéfice de l’audiovisuel public. Mais cette hausse vient compenser la baisse des subventions directes de l’Etat à France Télévisions instaurée plus tôt. Pas suffisant pour concurrencer les gros acteurs de l’achat de droits TV sportifs. BeIn Sports a étendu son offre pour devenir une référence, quitte à délaisser des sports. Canal+ et TF1 ont concentré leurs offres sur le football (Ligue 1, Ligue des Champions pour l’un, Equipe de France pour l’autre) et les grands événements. La dernière Coupe du monde de Rugby en est un, France Télévisions n’y a pas pris part. Le groupe pourtant premier diffuseur de rugby (VI Nations, Equipe de France masculine et féminine, Coupe d’Europe) n’a pas surenchéri face à ses concurrents.
Est-ce un problème de budget ? En partie oui, il est difficile de dire le contraire. Mais le portefeuille sportif de France Télévisions est large, on peut donc s’interroger sur l’utilisation de ce budget. Les performances nationales dans des sports jusque-là peu médiatisés permettent une multitude de positionnements. Les victoires successives de l’Equipe de France de Handball ont toujours entraîné une hausse du nombre de licenciés, il en sera logiquement de même avec le Volley-Ball et la récente victoire de la « Team Yavbou » en Ligue Mondiale puis aux Championnats d’Europe.
Un autre gâteau plutôt que des miettes
Alors quel est le problème si des publics se créent par les résultats ? Le problème est qu’ils n’entraînent pas automatiquement un besoin. Il est difficile de nier qu’un sport, à partir du moment où il répond à un besoin, est source d’audiences hors-normes. Pour une rencontre de Ligue des Champions entre le Paris-Saint-Germain et un cador européen, Canal+ franchit régulièrement la barre des 2 Millions de téléspectateurs, soit plus de 10% de parts de marché et 30% de son audimat interne. Sur son offre historique (Roland-Garros, Tour de France), France Télévisions est encore capable de dynamiser ses audiences : 3,5 millions de téléspectateurs de moyenne pour le Tour de France 2015 sur des cases ne dépassant que rarement les 2 millions.
Mais les investissements récents dans les compétitions espoirs et féminines peinent à rentabiliser leur prix. Une partie du problème se trouve dans l’attitude de France Télévisions à l’égard des sports qu’il diffuse. Reprenons l’exemple du volley-ball : la « Team Yavbou » a remporté au printemps la Ligue Mondiale, premier titre majeur de son histoire. La presse écrite s’est vite emparée de cette performance pour capitaliser dessus, comme avec les « Barjots » en Handball 15 ans plus tôt. Les championnats d’Europe (à savoir que les meilleures équipes sont européennes) étaient donc un investissement plus que judicieux pour « France Télé » qui n’a pourtant diffusé que la finale sur France 4. Aucune possibilité de teasing et donc audience mitigée : 756 000 téléspectateurs et 2,7% de PdA. En face sur TF1, le quart de finale Australie – Ecosse a bien performé pour une rencontre sans le XV de France. Le face à face entre rugby et volley-ball était prévisible, les parcours des deux équipes françaises également. France 2 pouvait se mettre en concurrence frontale avec TF1 dès les demi-finales et ainsi créer un contre besoin, celui de résultats positifs face au naufrage du XV de France.
A chaque chaîne son positionnement
Dans cette course à l’audimat et à la rentabilité, France Télévisions possède un avantage indéniable mais parfois dangereux sur ses concurrents excepté Canal+ : la variété de ses chaînes. Les groupes TF1 et M6 utilisent leurs autres chaines comme une seconde main, BeIn Sports et Eurosport sont eux contraints d’augmenter leur volume de diffusion pour satisfaire le besoin primordial de direct pour ne pas devoir interrompre la diffusion d’une compétition. France Télévisions possède 5 chaines différenciées mais à trop avoir le choix, peut se tirer une balle dans le pied. Actuellement, le sport est réparti entre les grands événements sur France 2, les événements « mineurs » sur France 4, le sport « régional » sur France 3 et quelques compétitions d’athlétisme, sur France Ô.
Ces positionnements sont faillibles, notamment les rôles donnés à France 2 et France 4. La hiérarchisation évidente entre les deux chaines tire France 4 vers le bas. Tous les groupes médias utilisent cette méthode mais sur des chaînes à cible similaire. France 4 vise les jeunes, le public le plus exigeant. Quand ils diffusent du rugby féminin ou le Challenge Européen (la « petite » coupe d’Europe), le public n’est pas celui visé habituellement ce qui empêche la chaîne de réaliser de grosses audiences. 3,4M sur TMC pour du handball, 4,1M sur W9 pour du football féminin tandis que France 4 n’a jamais dépassé les 2,3M (Ski lors des JO de Sotchi). Problématique quand on sait que la quasi-totalité des meilleures audiences de la TNT est faite par le sport.
On ne pouvait pas traiter ce sujet sans évoquer le football, sport qui trust les meilleures audiences de l’histoire. France Télévisions a beaucoup réduit son offre à cause de l’explosion des droits mais certaines compétitions restent accessibles, encore faut-il qu’elles en valent la peine. France 2 et surtout France 3 sont seuls diffuseurs de la Coupe de la Ligue. La chaîne régionale diffuse donc la compétition française la moins authentique, et les audiences s’en suivent. Le système « à chaque région son match » n’a pas empêché France 3 de se retrouver quatrième chaine le 29/10 avec seulement 7% de PdA, face à une forte concurrence il faut l’avouer. Mais que « France Télé » se console, les beaux jours vont revenir et avec eux des audiences dopées par Roland-Garros, le Tour de France et les Jeux Olympiques.

FOOTBALL
Thibaut CAILLET
@Caillet_Thb
Sources : 
– Ozap http://www.ozap.com/actu/audiences-les-profs-devance-asterix-bon-score-pour-arte-et-le-volley-ball/480313
– Le Figaro/TV Mag http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/television/87574/record-d-audience-historique-de-la-tnt-pour-w9-avec-le-foot-feminin.html
– Télé Loisirs http://www.programme-tv.net/news/tv/64295-france-4-comment-ligne-editoriale-chaine-evolue-10/
Crédits images : 
– N. Doychinov, AFP
– C. Gauberti, France Télévisions

Orangina
Les Fast

La canette Anti-Foot d’Orangina

 
La marque de soda light Miss-O d’Orangina vient de lancer une canette “Anti-Foot” destinée à celles et ceux qui se désolent à l’idée que les médias ne parleront que de la Coupe du Monde pendant un mois. Alors que les marques (mais aussi les hommes politiques *) profitent de la Coupe du Monde pour redorer leur communication à moindres frais, Orangina a pris le contrepied en déclarant vouloir contrer la “dictature du ballon rond”.
 La marque de sodas est partie du principe que plus de 37 millions de Français et près de 4 milliards de personnes sur Terre ne regarderont pas la Coupe du Monde, soit une majorité. Ce point de départ a mené à la création d’une canette à part, capable de capter les fréquences des télévisions : il suffit ainsi d’appuyer sur un bouton pour mettre fin aux matchs indésirables.
C’est avant tout une opération marketing (réalisée par l’agence Fred & Farid), mais l’objet magique existe réellement. Pour accentuer le buzz, la canette n’est pas en vente mais à gagner sur Facebook ou Twitter – ce qui permet aussi à la marque de resserrer le lien avec ses fans.
Le choix d’un positionnement “anti” est original, tout en étant en parfaite adéquation avec le discours de la marque qui s’était déjà mobilisée contre le foot en 2008. Orangina s’offre par la même occasion un plaisant pied-de-nez à son concurrent Coca-Cola, sponsor officiel de la Coupe du Monde.
L’opération pleine d’humour crée du buzz autour de la marque, qui profit donc aussi de la visibilité de l’événement…
Lucie Detrain
 
*
Sources :
https://www.facebook.com/Orangina

manifestations foot
Flops

L’image du football en danger

 
A 6 mois de la Coupe du Monde de football au Brésil, l’image de ce sport tend à se dégrader de jour en jour : que ce soit son image en France ou son image mondiale. Le football est le sport le plus populaire au monde. La dernière finale de la Coupe du Monde (Espagne – Pays-Bas) a été suivie par 700 Millions de téléspectateurs ! En France, nous avons 2 millions de licenciés. Autant dire qu’il est primordial que le ballon rond montre l’exemple.
La FIFA donne l’image d’un football au-dessus de tout
C’est paradoxal. La mauvaise image du football est véhiculée par l’instance footballistique suprême : la FIFA. C’est elle qui départage les candidatures pour l’organisation d’une Coupe du Monde. Ainsi, nous savons qu’en 2018, elle sera organisée en Russie et en 2022 au Qatar. En terme de communication, choisir ces 2 pays pour une Coupe du Monde, c’est déjà se mettre dans une position inconfortable. Dès l’annonce des lieux d’organisation, la FIFA est déjà fortement critiquée. Organiser une Coupe du Monde dans un pays où les gays n’ont pas droit de cité . Organiser une Coupe du Monde au Qatar alors qu’en été les températures peuvent atteindre les 50 degrés ! Néanmoins, une solution apparaît : créer des stades climatisés. Quoi de plus écologique ! Tout cela véhicule une image d’un football qui se moque des problèmes sociétaux.
En témoignent les manifestations qui ont eu lieu lors de la Coupe des Confédérations en juin dernier au Brésil. Si cette compétition devait à l’origine être une répétition de la Coupe du Monde 2014, elle est devenue un signal d’alarme ! Ce pays qui ne vit que pour le football a osé, pendant une compétition internationale, reléguer celui-ci au second plan. L’enjeu, protester contre les sommes colossales investies pour le Mondial : 11 milliards d’euros ! Des sommes qui auraient pu (dû) être utilisées dans le domaine social. Pendant les manifestations, Sepp Blatter, Président de la FIFA, met en place une communication surréaliste et affirme les propos suivants : « Je suis sûr que les manifestations vont s’apaiser. Le football est plus fort que l’insatisfaction des gens . La FIFA, au lieu de tenter de justifier les sommes investies et ce qu’elles peuvent apporter au Brésil, décide par la voix de son Président de provoquer les Brésiliens. Le message est le suivant : le foot est plus fort que vous. Le foot plus important que l’éducation. Pourquoi ne pas avoir communiqué en montrant que les deux pouvaient être intimement liés ? A l’inverse, ici, le football semble être une arme de manipulation.
Veille de sa déclaration : 250 000 Brésiliens dans les rues. Quelques jours après : 1 million de Brésiliens manifestaient ! Sepp Blatter découvre alors que le foot passe après l’éducation, le coût des transports en commun, la sécurité, la qualité des services publics… Eh oui ! Le football, même au Brésil, passe après de nombreuses conditions essentielles à toute population.
Cet évènement aura servi à prévenir la FIFA : pour les trois prochaines Coupes du Monde il est nécessaire de mettre en place un système communicationnel qui permettra de prévoir tout aléa. Par conséquent, une communication de crise dont le but n’est pas de communiquer pour se sortir d’une crise mais de l’éviter, même pour la Coupe du Monde 2022, peut (doit) dès aujourd’hui débuter !
Communiquer à travers les femmes
De plus, une communication locale doit se mettre en place en partenariat avec les Fédérations de football nationales. En France, l’image du football est de plus en plus négative : reportage de Cash Investigation (France 2), interview (en partie censurée) sur fond de règlement de compte de Patrice Evra, affrontements au stade entre des supporters de Saint-Etienne et Nice. Aujourd’hui, plusieurs stades peinent à se remplir. Mais avec cette image négative, comment attirer de nouveaux supporters ?
Certains clubs ont trouvé la parade. Améliorer l’image du foot à travers la Femme. Le foot est le sport le plus populaire au monde, mais est connoté comme un sport masculin

Même si certaines publicités sont osées, les clubs communiquent enfin vers ou à travers la Femme.
Casser cette image pour attirer les supportrices au stade et communiquer à travers le football féminin, davantage associé à ce qui relève du sport amateur. Et ce n’est pas péjoratif ! Car cette représentation donne l’impression d’un football sain, non soumis aux lois de l’argent. Communiquer à travers l’image stéréotypée de la Femme : douce, aimante. Loin de celle des supporters qui s’insultent et se battent.
Nul doute que la Coupe du Monde sera suivie par de nombreux spectateurs. Peu importe le pays, le nombre de morts et les conditions de travail pour la construction des stades, nous serons devant notre télé pour supporter l’équipe de France. Et c’est précisément ce comportement qui conduit la FIFA à ne pas changer de stratégie. Attention ! Au foot tout va vite. On croît à la victoire, et à la dernière seconde on peut tout perdre.
 Pierre-Yves Halin
Sources :
Lemonde.fr
Libération.fr
Huffingtonpost.fr
Crédits photos :
Paris St Germain Féminines
Stade Rennais
Le Figaro

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Foot
Société

Du sexe et du foot, que demande le peuple ?

 
  Le 19 novembre 2013, La France se qualifie pour la Coupe du Monde 2014, à l’issue d’un match contre l’Ukraine remporté à trois buts contre zéro. Un miracle pour les Français, qui bien loin de s’y attendre, avaient abandonné leurs rêves de conquêtes footballistiques depuis quelques années. Au fur et à mesure que le match se rapproche, différents people et entreprises s’amusent à jouer sur cette vague de défaitisme national, et y trouvent un terrain idéal pour un comique de répétition bon enfant, qui fait mouche. Ainsi, Carrefour s’engage à rembourser à 100% les téléviseurs achetés si les Bleus gagnent la finale, mais Doria Tillier, la miss météo du Grand Journal de Canal +, se montre encore plus audacieuse en annonçant la veille du match qu’elle présentera la météo du lendemain « à poil » si l’équipe de France sort victorieuse. Internet s’empare du phénomène, comme le prouve le Tumblr « Si les bleus gagnent », qui recense les promesses des peoples, tandis que de nombreux anonymes se lancent des défis personnels, comme aller acheter ses croissants en tenue de ski.
Une initiative mérite cependant d’être étudiée de plus près, au-delà de l’engouement potache d’un Cyril Hanouna teint en blond — il s’agit de celle de la société de production de films pornographiques Marc Dorcel. À 20h55, le compte de Dorcel tweete une annonce en forme de blague : si les Bleus l’emportent, leurs films seront disponibles en téléchargement gratuit toute la nuit. Le défi est pris au sérieux, retweeté plusieurs milliers de fois, et c’est sans surprise que le réseau du site se trouve saturé à 22h54, alors que la France exulte de sa victoire. Le site plante, certes, les responsables n’ayant pas eu le temps de préparer le terrain pour une telle affluence, mais ce n’est pas ce qui importe le plus dans cet immense coup de communication, au demeurant très réussi.

 Un tel phénomène interroge à nouveau les rapports qu’entretient un peuple avec l’équipe qui le représente, mais aussi la conception qu’il se fait de ce sport, dans son imaginaire collectif. À travers les hashtags #FRAUKR, #AllezLesBleus, #SiLesBleusGagnent, le match France-Ukraine a été un des évènements les plus commentés : à titre d’exemple, on dénombre plus de 1 244 161 tweets à son sujet, sans compter les milliers d’articles ou de statuts Facebook publiés. Nous assistons donc à une réelle ferveur, qu’il ne serait pas abusif de qualifier de patriotique, qui touche tout le monde, du supporter endurci au Français lambda qui ignore les règles les plus basiques du football. Dans un pays divisé comme la France, au cœur duquel les écarts sociaux ne cessent de s’accentuer, comment expliquer une telle cohésion, le temps d’un soir ? Le désir de prestige international gagné sur un terrain parvient-il à créer l’unité là où la politique échoue ? En serait-on donc toujours aux problématiques du pouvoir de l’empire, dont la portée s’étend au monde entier, à travers l’affrontement de l’autre ?
 D’autre part, le succès d’une plateforme pornographique à un tel moment réactive un stéréotype vieux comme le monde : celui de l’homme qui regarde la télé, les pieds posés sur la table, et sa femme… eh bien sa femme qui attend que ça passe. Il est tentant de voir dans la passion pour le football un épanchement de la virilité, une nouvelle façon de vivre en tant qu’Homme, celui qui porte un grand H, qui inspire le respect et marque son territoire à travers la guerre, la lutte pour son statut de mâle dominant. En 2013, à l’heure de stratégies communicationnelles toujours plus sexistes (que l’on songe en effet à la campagne de publicité de Darty au moins de novembre, qui faisait son miel d’une imagerie douteuse, mi-érotique mi-glauque), de tels clichés ont malheureusement la peau dure. La satisfaction sexuelle solitaire (c’est du moins l’acception que l’on se fait généralement du film porno) serait-elle le prolongement naturel d’un exploit sportif, un exploit permis justement par le corps ? Soutenir son équipe, une forme de sublimation comme une autre, si l’on s’en remet aux théories freudiennes ? Qu’en est-il alors de la femme ? Ceci expliquerait-il que le milieu du sport soit en général très majoritairement masculin, particulièrement en ce qui concerne le foot ?
 Marc Dorcel est bien le second vainqueur du match, en ce mardi de novembre. En proposant de faire durer le plaisir de la victoire de façon, disons, plus intimiste, il parvient à faire exploser son nombre de visites. N’oublions pas que Dorcel a toujours revendiqué une esthétique porno-chic, bien loin des films crus de seconde zone, assaisonnant ainsi des codes de publicité conventionnels à un imaginaire glamour et polie, mettant un scène des plastiques sans défauts rehaussées par des accessoires souvent luxueux. Alors, la recette d’un coup de communication réussi serait donc aussi simple qu’une déclinaison des aspects les plus valorisants du corps ? La victoire est un plat qui se mange chaud, très chaud.
 
Agnès Mascarou
Sources :
Libération
Le Figaro
Football.fr
Sexpress.fr

Didier Deschamps porté par les joueurs de l'équipe de France
Les Fast

Malheureusement pour certains, ils ont gagné …

 
Comme souvent en France, le football déchaîne les passions. Mais certains avaient mis en jeu beaucoup plus que d’autres sur ce coup-là…
Les paris se sont enchaînés sur les plateaux de télévision et surtout sur Twitter. Ce genre de choses se répand très vite sur la toile. Mais attention à ne pas parler trop vite … C’est ce qu’a découvert la société Dorcel (productrice de films pornographiques) à la fin du match. Cette société avait promis sur son compte Twitter un accès gratuit à sa VOD toute la nuit si les bleus gagnaient, et n’a pas pu tenir parole… Parce que les serveurs ont été complètement noyés sous l’affluence massive des internautes.
Pas besoin d’être connu pour que ses paris soient retenus, en témoigne ce tumblr  créé juste pour l’occasion, et qui va faire regretter très vite à ces tweetos d’avoir tweeté trop vite !
Antoines De Caunes a introduit l’émission en anglais, Augustin Trapenard a dû dire du bien du livre de Nabilla, Doria a fait sa météo dans la charmante ville de Poil (mais aussi à poil !), Cyril Hanouna s’est teint en blond… Bref, tout le monde a tenu son pari.

Tous ces éléments ont été rappelés allègrement tout au long de la journée d’hier sur les pages de ces émissions, pour tenir le public en haleine et pour s’assurer d’une très, très belle audience hier soir. Ou quand les réseaux sociaux, loin de réduire l’audience, sont un moyen de la maintenir, voire de l’augmenter en de grandes occasions. Une nouvelle façon pour les chaînes de télévision d’utiliser leurs pages Facebook, Twitter, Instagram, voire bientôt Bitstrips ?
 
Paola Paci
Sources
Lemonde
Legrandjournal

Com & Société

Le Qatar ou l'art de séduire

 
Le Qatar peut se flatter d’avoir réussi à jeter un voile opaque et duveteux sur sa politique intérieure.
Mohammed Aj-Jami, alias Ibn al-Dhib regrette probablement à l’heure actuelle de n’avoir pas saisi plus tôt la supercherie savamment orchestrée par cette petite nation du Golfe Persique. Arrêté en novembre 2011, condamné à la prison à perpétuité en novembre 2012 pour « atteinte aux symboles de l’état et incitation à renverser le pouvoir » suite à l’écriture d’un poème exprimant son désir d’assister un jour à une propagation du printemps arabe jusqu’aux monarchies du Golfe, il sera finalement condamné à quinze ans de réclusion par la Cour de cassation de Doha en ce 22 novembre 2013. Paradoxal dans un pays ayant fait l’apologie  de ce même printemps arabe me direz-vous ? Effectivement. Mais cette frasque ne fait que faire écho à de nombreux autres écarts régulièrement commis par le Qatar : participation active avec les autres pays du Conseil de Coopération du Golfe à la création d’un test médical visant à détecter l’homosexualité afin d’empêcher la présence d’émigrés homosexuels sur leur territoire ; mais aussi implication dans de nombreux scandales dits « d’esclavage moderne », ayant notamment donné lieu à la publication le 17 octobre d’un rapport de la Walk Free Foundation affirmant qu’entre 4000 et 4500 personnes étaient actuellement réduites en esclavage moderne dans ce pays. N’oublions pas non plus que cet émirat est aussi le plus grand émetteur au monde de CO2 par personne.
En dépit de tous ces dysfonctionnements internes, les relations entre les grandes puissances européennes comme la France ou l’Allemagne et le Qatar semblent cependant n’avoir jamais été aussi bonnes. François Hollande, lors d’une visite officielle à Doha en juin 2013 qualifia ainsi la relation de son pays avec celui de l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani de « relation de confiance, de transparence et de réciprocité. ». C’est à peine pourtant si une quelconque tonalité de réprobation pu être décelée lorsque le porte-parole du quai d’Orsay affirma que la France enjoignait les autorités quatariennes de manifester un « geste de clémence » envers Mohammed Aj-Jami et rappela « l’attachement de la France à la liberté d’opinion et d’expression ».
On ne compte plus en outre les accords commerciaux passés entre le Qatar et les pays européens. A titre d’exemples, mentionnons simplement le fait que depuis 2011 le Qatar soit le premier actionnaire de Lagardère, détenant ainsi plus de 12% de son capital ; l’entrée en octobre 2013 de fonds qataris dans le capital de Volkswagen ; ou encore la première place du Royaume-Uni sur la liste des pays récepteurs de capitaux en provenance de l’émirat. De manière plus générale, rappelons également que la monarchie du cheikh Al-Thani a même été choisie pour accueillir la Coupe du Monde de football de 2022.
Comment expliquer alors cette séduction que semble exercer le Qatar sur les pays européens ?
Outre des motifs économiques évidents –l’Europe ne pouvant se permettre de refuser des capitaux étrangers en cette période de crise-, il se trouve que de nombreuses stratégies de communication furent successivement mises en place par le Qatar afin d’apparaître comme un pays moderne et résolument disposé à resserrer ses liens avec les pays européens.
La première innovation communicationnelle de génie du Qatar fut ainsi de créer en 1996 la chaîne de télévision Al-Jazeera, chaîne ayant aujourd’hui le plus haut taux d’audience au sein du monde arabe (25.23 millions de téléspectateurs en moyenne). On constate en effet que depuis sa création, Al-Jazeera semble avoir toujours eu pour vocation de servir de tribune de contestation, allant jusqu’à s’enorgueillir d’avoir activement participé au « Printemps arabe », notamment via la retransmission en direct des soulèvements. L’accueil par la chaîne des  Doha Debates depuis 2011 – sorte de shows à l’américaine retransmis notamment par la BBC au sein desquels sont traités les sujets les plus controversés au sein du monde arabe – semble s’inscrire dans cette même lignée, le paroxysme de la supercherie étant toutefois atteint dans le fait que ces fameux débats soient victimes de la censure au Qatar.
Les incessantes tentatives du Qatar pour apparaître comme un pays favorable au développement des arts et de la littérature semblent également destinées à courtiser les pays occidentaux et à masquer sa propre politique intérieure. On remarque ainsi d’une part que de nombreux artistes européens -tels que Plantu- ont déjà reçu différents prix de la part de d’instances qataris, et d’autre part que les codes adoptés par le Qatar dans son développement culturel suivent bien plus une logique d’occidentalisation qu’une logique de modernisation accompagnée d’un respect des traditions et coutumes. La Cheikha Mozah bint Nasser al-Missne, mère de l’actuel émir, joue ainsi un rôle emblématique à ce sujet, notamment dans le domaine de la mode, le caractère typiquement occidental de ses tenues lui ayant ainsi par exemple valu d’être nommée deuxième femme la mieux habillée du monde par le magazine américain Vanity Fair en 2011. Il parait également intéressant de souligner qu’Al-Jazeera propose depuis quelques années un service d’e-learning destiné aux étrangers désireux de se perfectionner en arabe.
 S’il est un véritable Janus des temps modernes, il s’agit donc bien du Qatar.
Héloïse Lebrun-Brocail
Sources
Lepoint.fr
expressiondz.com
courrierinternational.com
Lefigaro.fr
Bloglemonde.fr
Nouvelobs.com

Al-Jazi Foot
Flops

Al-Jazi quoi ?

Le 6 décembre 2011, Al-Jazeera (ou Jazira pour les intimes) rentre dans la danse de l’attribution des droits télé de la Ligue des Champions, jusqu’à présent détenus par TF1 et Canal+. Pour les passionnés de curling ou ceux qui ne jurent que par « les valeurs de l’ovalie » — le rugby quoi —, la Champions League en VO c’est le top of the top du football européen. Pendant huit mois, les trente-deux meilleures équipes européennes se livrent une lutte sans merci pour régner sur le vieux continent. Outre la gloire — pour un footeux, remporter la CL, c’est aussi beau qu’une coupe du monde — une telle compétition c’est aussi l’occasion de remplir les caisses des clubs grâce aux juteux droits télé que l’UEFA (l’instance dirigeante du football européen) distribue en fonction de leurs performances dans la compétition. À titre informatif, l’UEFA balance plus de 750 millions d’euros chaque année aux Real Madrid, Manchester United et autres Milan AC ; le vainqueur de la coupe aux grandes oreilles — comme Mickey ouais c’est marrant — pouvant récolter à lui seul plus de 30 millions d’euros.
Tous les quatre ans les droits sont renégociés entre l’UEFA et les chaines de télé intéressées. Des appels d’offre sont lancés, et les plus généreux raflent la mise. Problème, cette année un petit nouveau coiffé de son keffieh est venu bouleverser le game : les Qataris d’Al-Jazira Sport. Jusqu’ici TF1 et Canal+ se partageaient les lots mis en jeu: TF1 récupérait les 13 premiers choix dont la finale, pendant que Canal+ raflait le reste (133 matchs, plus des émissions spéciales).
Côté qatarien on n’a pas pour habitude de s’embarrasser avec des histoires d’argent. Alors si Canal+ proposait 31 millions pour ses 4 lots habituels, les Qataris ont posé 60 millions sur la table. Le double, en toute décontraction. Bertrand Méheut — PDG de la télé du Plus — essayait de camoufler l’échec avec des « oh mais vous savez le foot n’est qu’un élément parmi d’autres de notre offre ». Ouais, pas à nous Bertrand. Humiliation suprême, Charles Biétry, ex-directeur des Sports chez Canal viré comme un malpropre en 1998, prenait la tête d’Al-Jazeera Sports France. Belle quenelle glissée à son ex-employeur. Pour sauver la face, et éviter de virer la ribambelle de consultants sportifs qui officient sur Canal — sachant que chaque ex-entraineur de Ligue 1, ou pseudo international français aussi mauvais soient-ils avec un sifflet, un ballon ou un micro peuvent postuler à un poste chez Canal, ça fait un sacré nombre — Méheut a ramassé les miettes en piquant le lot historique de TF1.
Résultats des courses, les soirées Champions League vont coûter un peu plus cher que la Domino’s pizza à 7€99 du mardi soir. Il faudra s’abonner soit à Al-Jazira soit à Canal+ pour se régaler devant les exploits de Benzema et ses copains.
Cette information faisait en fait écho à une précédente brève qui est passée un peu plus inaperçue. La même Al-Jazira s’était offert un petit lot de matchs de Ligue 1 — le championnat français qui nous offre parfois des petits bijoux comme un succulent Dijon – Valenciennes au stade Gaston-Gérard —, et ce pour 90 millions d’euros. Les emplettes des Qatariens font en réalité partie d’un dessein bien plus grand.
Petit rappel : si vous étiez sur une autre planète l’été dernier, le PSG — club de la capitale, éternel prétendant à devenir un « grand d’Europe »  — a été racheté par les mêmes Qatariens via Qatar Sport Investment. L’objectif est donc simple: promouvoir le club et le football français en France mais aussi dans tout le Moyen-Orient par le biais du championnat de France et la Ligue des Champions à laquelle le PSG participera l’année prochaine, sauf cataclysme. Effectivement, le Qatar accueillera sous 45 degrés le Mondial 2022, donc il est urgent de s’y mettre pour essayer d’insuffler la passion du football dans une région pas particulièrement portée sur le ballon, mais prometteuse puisque 65% de la population a moins de 25 ans.
Cependant Al-Jazira ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Plus ambitieux, Al-Jazira Sport pourrait jeter son dévolu sur la retransmission des Euro 2012 (Polo-Ukraine) et 2016 (France) diffusés en règle générale sur TF1 et M6.
Petit à petit, Al-Jazira vient grignoter le peu de sport retransmis gratuitement qui survivait sur les chaines gratuites. La question n’est pas tant de savoir si l’action d’Al-Jazira est légitime étant donné que de tels rachats profitent au football français dans son ensemble, et qu’il est normal que le plus offrant récolte son dû. En effet, le résultat est le même avec Canal+ qu’Al-Jazira : le foot quitte la sphère du gratuit. Que les matches de Ligue des Champions se retrouvent sur les chaines payantes est somme toute la conséquence attendue d’une compétition qui se place dans une logique purement économique ; certains clubs — comme l’Olympique Lyonnais — frisant la banqueroute en cas de non-qualification. Mais que des compétitions comme l’Euro mettant aux prises les équipes nationales du continent échappent peu à peu aux chaines gratuites semble être un dévoiement non souhaitable. Effectivement, le football et le sport en général ne peut se résumer à une affaire de gros sous. La télévision reste aujourd’hui le seul moyen de vivre ensemble — pour un pays — un moment de communion que seul le sport peut nous offrir. Il serait dommage que certains soient privés de ce spectacle parce que certaines chaines auraient failli à leur mission.
 
PAL