Société

Milka dans tous ses états

 
Vous souvenez-vous de la tablette de chocolat au bon lait du pays alpin méticuleusement enveloppée d’aluminium et d’un papier mauve par une marmotte ? Ce chocolat est la propriété de Kraft Foods depuis 1990. Le géant américain de l’agro-alimentaire a également racheté les biscuits LU à Danone en 2007. Suite à une scission intervenue en 2012, c’est désormais un groupe nommé Mondelez International qui gère, entre autres, les fameux biscuits et le célèbre chocolat. La force de frappe biscuitière de LU combinée à la notoriété de Milka en France, telle est l’offensive que compte mener Mondelez dans la guerre qui se déroule aux linéaires biscuiterie.
C’est d’abord une diversification monstrueuse qu’ont mise en œuvre les équipes marketing, permise notamment par le savoir-faire des biscuiteries françaises : Choco Moooo, Choco Suprême, Mini Tablettes, Choco Twist, Cake and Choc, Mini Cônes, Crispy Snax, Cônes, Cônes Daim… Autant de biscuits et de glaces brandés Milka qui habillent les rayonnages de leur mauve tendre. Beaucoup de ces références existaient déjà chez les concurrents ou… chez LU, à l’exemple du Napolitain ou des Princes. Oui mais voilà : les marques distributeurs ont développé leur offre au point de proposer pour moins cher des biscuits équivalents avec une qualité qui tend à rejoindre celle des marques nationales. Dans ces conditions, et lorsque l’on surveille son budget, pourquoi choisir les biscuits les plus onéreux… Bonne Maman est vraisemblablement à l’abri puisque la marque joue sur une gamme très différente : Bonne Maman, c’est le biscuit des parents. Mais les biscuits LU, grand public et copiés à tout va par les marques distributeurs, ne peuvent plus se prévaloir d’une compétitivité hors prix suffisamment solide. La solution toute trouvée par Mondelez, c’est de capitaliser sur la notoriété du chocolat au pays alpin pour apporter une nouvelle valeur ajoutée perçue aux produits : ce n’est pas n’importe quel chocolat, M. le Consommateur, c’est l’inimitable chocolat Milka.
Or s’il a bien une chose que les marques distributeurs ne pourront pas copier, c’est le chocolat Milka. De même que le Kinder Bueno et son cœur nutellesque demeurent à l’abri des imitateurs, Milka apporte aux biscuits la différenciation qui commençait à manquer à LU. C’est donc à un véritable raz-de-marée que l’on assiste, une offensive qui s’appuie sur des corners dédiés en magasins, des affiches, des jeux concours… Le merchandising est travaillé, en témoignent une grande vache gonflée à l’hélium et une fausse pelouse encore plus verte qu’au pays alpin dans l’espace animation du Monoprix de l’avenue des Ternes.
La stratégie de Mondelez International est intéressante à plusieurs titres : elles révèlent le paradigme nouveau qui régit les marques nationales dans la grande distribution, où les marques distributeurs rencontrent le succès et laissent de moins en moins de place à leurs concurrentes. Elle montre aussi comment une acquisition peut démultiplier le potentiel d’une marque et comment la conjoncture peut stimuler l’innovation.
Il y a évidemment fort à parier que toutes ces nouvelles références ne seront pas d’égales réussites, c’est le début de l’offensive qui commande d’investir massivement les linéaires. Par la suite, c’est probablement les références qui fonctionnent le mieux qui seront conservées.
A noter que la diversification de Milka ne touche pas qu’au rayon biscuits ou glaces : on remarque l’apparition du Milka/Philadelphia, nouvelle pâte à tartiner qui vient chasser sur les terres du baron Nutella, le Milka aux Oréos… Cette montée en puissance doit évidemment s’accompagner d’un regain de valeur : ces références sont vendues bien plus chères que les marques distributeurs. Elles risquent toutefois de phagocyter les produits LU existant en multipliant artificiellement l’offre sur des produits à peu de choses près identiques. Si la perte sur les produits LU est compensée par le gain en valeur sur les produits Milka, le pari est réussi. On risque aussi d’ajouter de la confusion à un rayon déjà bien garni et concurrentiel ; auquel cas le prix dictera le produit.
 
Oscar Dassetto