Hollande
Les Fast

L’humour du chef

 
Le président Hollande a fait une blague lundi soir à l’occasion du retour de Manuel Valls après son voyage en Algérie, précisant que celui-ci était rentré « sain et sauf. » Les réactions ont été vives en Algérie, les journaux nationaux y ont critiqué le mépris du président Français pour l’Algérie. Le ministre algérien des affaires étrangères Ramtame Lamamra a qualifié cette plaisanterie « d’incident regrettable. » Au delà de la simple maladresse, une véritable question se pose : un président peut-il être drôle ? L’humour, mode de communication perçu de manière positive dans la vie quotidienne, peut-il être porté à la tête de l’État ? La parole présidentielle concernant un nombre important de personnes, le président doit-il sacrifier au prix de certains un humour qui plaira à d’autres ? Et il semble qu’aujourd’hui le second de degré et l’humour aient laissé place à la vexation et aux regrets. Plus symptôme de relations diplomatiques tendues que d’une maladresse communicationnelle, cet incident vient illustrer une communication politique de plus en plus pointilleuse. L’humour doit être encadré, extrêmement contextualisé, comme on peut l’observer lors du dîner de la presse après l’investiture des présidents américains.
Car au-delà de ce simple incident communicationnel c’est bien la personnalité du président, connu pour son humour, qui rentre ici en jeu. Du rire consensuel, à la vexation susceptible, faire rire au sommet de l’État aujourd’hui n’est pas une mince affaire.
 
  Arnaud Faure
Sources
Lejdd.fr
Libération.fr
Lexpress.fr
Crédit photo : Alain Jocard, AFP

Montcuq
Agora, Com & Société

À 46€/Litre : Montcuq ne manque pas d'air

 
« Je respire à pleins poumons l’air (pur) de Montcuq », déclarait d’un ton goguenard à la caméra l’humoriste Daniel Prévost en 1976. C’était lors d’un reportage mythique du « Petit Rapporteur » consacré à cette minuscule bourgade lotoise au nom bien potache : le village de Montcuq.
Daniel Prévost était alors à mille lieues de se douter que, pas moins de 37 ans plus tard, en novembre 2013, un ancien étudiant en communication de Toulouse, Antoine Deblay, lui donnerait la réplique en décidant de commercialiser pour de bon « l’air (si) pur » de
Montcuq. Mais alors, pour reprendre la vanne de Prévost, « quelle est la spécialité de Montcuq », si ce n’est, justement, la communication autour d’un nom qui prête à sourire ?
Quelle est la « spécialité de Montcuq », si ce n’est, dès lors, de proposer un marketing territorial assez inédit, un marketing purement toponymique ? Et d’ailleurs, plus généralement, ce coup de pub insolite n’est-il pas révélateur du pouvoir incontestable de la Communication, indépendamment-même de l’objet dont elle fait la promotion ? 
C’est ce que nous vous proposons de voir à travers l’étude de ce coup de com incroyable.
L’Air de Montcuq, une spécialité insolite ?
C’est ainsi qu’Antoine Deblay, originaire dudit village, a décidé de prendre au mot le sketch de Prevost et de mettre véritablement en vente en ligne des boîtes de conserve d’une contenance de 250 ml remplies de l’« air pur » (et certifié « 100% bio »!) de Montcuq. En effet, dès fin juin 2013, le site de financement participatif Kisskissbankbank lui avait permis de faire appel à l’humour et à la générosité des internautes et de récolter ainsi plus de 800€ en l’espace d’un mois. Il a immédiatement investi cette somme rondelette dans la commercialisation (mise en boîte, étiquetage, maintenance du site web – pages Facebook et Twitter, également-) de cette fragrance lucrative pour le moins insolite, l’« Air de Montcuq ».
 

Zoom sur Montcuq
Zoomons sur la boîte.
Emmagasiné dans des boîtes de conserve de petite contenance (250 mL), cet air frais certifié « 100% bio » serait, rappelons-le quand même, « conditionné à la main à Montcuq ». Or, Antoine Deblay, en bon fanfaron et en commerçant consciencieux, pousse la plaisanterie jusqu’à satisfaire aux exigences du développement durable. Il déclare limiter scrupuleusement à 10 litres le prélèvement hebdomadaire du précieux gaz. Pour « ne pas vider Montcuq de son air », semble-t-il. Brasser de l’air « 100% bio » n’est pourtant pas donné : 5€ (auxquels il faut ajouter des frais de ports de 5€50). Ce qui nous fait du 42€ le litre d’« air pur » de Montcuq. Malgré ce prix exorbitant, les commandes affluent et les billets pleuvent : 70 boîtes ont été vendues à ce jour. Mais comme on dit, l’argent n’a pas d’odeur, alors que l’air de Montcuq, lui, oui.
 
L’Air de Montcuq, que du vent ?
Trêve de plaisanteries. Ce commerce florissant aux allures de poisson d’avril est tout à fait révélateur du pouvoir de la communication.
Aussi révélateur que peut l’être ce célèbre conte de Hans Christian Andersen, « Les habits neufs de l’empereur », réinterprété – il est vrai – assez librement. Dans ce conte, deux talentueux charlatans parviennent à faire se balader le roi entièrement nu après avoir prétendu qu’ils lui ont vendu un tissu précieux fait d’une étoffe quasi transparente. La morale, à nouveaux frais, est très simple : une bonne communication, même autour de rien et d’une absence de produit, peut beaucoup.
Est-il alors nécessaire de rappeler cette fameuse campagne d’affichage publicitaire de 1953, campagne « GARAP » lancée en l’honneur de de la Semaine mondiale de la publicité ? La vérité de cette campagne finit par se savoir, ce produit « GARAP » dont tout le monde avait nécessairement très vite entendu parler et que tout le monde avait fini par convoiter n’existait pas, et le mystérieux acronyme ne signifiait rien. C’était une campagne simplement destinée à signifier la (toute-)puissance de la publicité en ce milieu de XXe siècle.
Osons l’irrévérence, l’air de Montcuq n’est pas simplement le point de cristallisation d’une infra-ordinarité qui surpasse ses droits et qui fait de l’air un produit de luxe. L’air de Montcuq est un véritable objet d’art, insaisissable, unique et authentique (« à ne consommer qu’une fois » rappelle la boîte de conserve). La boîte d’air de Montcuq (2013) d’Antoine Deblay comporte donc quelque chose d’insaisissable et de purement contemporain – outre la cristallisation insolite des infinies potentialités de la publicité en régime médiatique -, à la croisée d’une non-oeuvre telle que l’«exposition sur le vide» (1957) de Klein (dont elle aurait pu être un bibelot) et de la banalité vulgaire du ready-made « Fontaine » (1917) de Duchamp.
Après ce coup de pub récent et lucratif, coup de com génial signé Deblay, en 2013, une chose est sûre : Montcuq a bon dos et ne manque pas d’air. Voilà au moins de quoi, pour ce patelin au nom de postérieur, asseoir un moment sa postérité.
 
Matthieu Parlons
Sources :
France3 Midi-Pyrénées
Wikipedia
Crédits photos :
Image de Une : Plaque d’entrée de la ville de Montcuq, le 6 octobre 2007 (TRAVERS ERIC/SIPA).
Boîte d’air de MontCuq : Site d’Antoine Deblay – airdemontcuq.fr

Agora, Com & Société

Les comédiens hors des planches : la promotion spectacle

 
Introduction
Sur les planches, ce sont les rois du rire et de l’improvisation. En dehors, les cartes sont redistribuées et le contrat de communication, instauré entre l’humoriste et son public, est ébranlé. Dans la tête du téléspectateur, de l’auditeur,  les humoristes sont toujours drôles. C’est d’ailleurs cette caractéristique qui pousse les producteurs à les inviter sur différents plateaux de télévision.
Pour assurer la promotion de leur spectacle à la télévision,  les comédiens français bénéficient de cadres d’énonciation  télévisuels – divertissement pur, émissions d’actualité et d’information, «infotainment». L’enjeu est de maîtriser le contrat de communication en fonction de l’environnement médiatique et du public visé par l’émission, généralement populaire. Plus facile à dire qu’à faire.
 
De « Vendredi tout est permis » à « Vivement Dimanche » : du rire et encore du rire !  
Les émissions de divertissement proposent aux comédiens une situation de communication rattachée à leur univers qui rappelle la salle de spectacle. Il n’y a pas de décalage sémiotique entre un plateau de télé orienté vers le divertissement et la mise en scène de plusieurs humoristes sur ce même plateau. Ainsi,  les comédiens peuvent montrer qu’ils sont toujours drôles, qu’ils savent improviser selon les situations et qu’ils s’insèrent parfaitement dans la programmation télévisuelle du téléspectateur.
Néanmoins,  le contrat de communication est parfois volontairement flouté. La promotion du divertissement est de moins en moins assumée et les formes de communication se dépublicitarisent en s’insérant dans le divertissement.  Le 17 janvier 2011, Michel Drucker reçoit Jamel Debbouze dans « Vivement Dimanche », l’occasion pour Malik Bentalha, poulain de Jamel Debbouze, de faire une de ses premières interventions à la télé pour la promotion de son spectacle « Malik se la raconte » :
Michel Drucker : « Qu’est-ce tu peux dire pour te présenter ? »
Malik Bentalha : « Je m’appelle Malik Bentalha. J’ai 21 ans. En général, les gens disent que j’fais plus gros. »
(Rire)
Ici, la réplique provient du spectacle mais entre dans une logique de fausse improvisation  qui prend le public en otage en ne lui laissant que deux choix : rire parce que c’est drôle ou rire parce que ça le met mal à l’aise.

« Vendredi tout est permis », la nouvelle émission d’Arthur constitue l’environnement parfait pour montrer le potentiel comique de l’artiste. Dans l’émission du vendredi 8 février 2013, Arthur appelle Rachid Badouri pour effectuer quelques pas de danse sur Michael Jackson avant de lancer : « Faut aller voir le spectacle de Rachid parce que non seulement tu danses mais tu as un sketch sur Michael Jackson ! », ce qui permet à Badouri de placer une réplique de son show : « Je voulais même devenir blanc, j’étais jaune et je voulais devenir blanc. » Lors des émissions de ce type en prime time,  la promotion des artistes tend à devenir son propre objet et à créer une émission multi-promotionnelle, parasitée par une publicité incessante qui participe du divertissement populaire.
 
 
Les humoristes prennent la parole dans le débat public : rien qu’une histoire de casquette !
Être humoriste reste un métier à temps partiel, on ne peut pas être drôle tout le temps. Les humoristes prennent de plus en plus de poids dans le débat public, surtout depuis la dernière campagne présidentielle de 2012. Selon un sondage Ipsos, publié en automne dernier, les humoristes gagnent en crédibilité car ils sont perçus comme « hors-système » et donc dignes de confiance. À travers leur prise de parole hors-scène, les humoristes deviennent de véritables leaders d’opinion et influencent de plus en plus leur public, à l’image de Guy Bedos, Stéphane Guillon ou  encore Jamel Debbouze. Le 21 novembre 2011, Guy Bedos, humoriste, est invité dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché » pour parler de son nouveau spectacle. Pourtant,  la conversation  tourne dès le début à l’affrontement  entre E. Zemmour et G. Bedos sur la question du logement. Parler du spectacle devient ensuite difficile car la casquette de Bedos n’est plus celle de l’humoriste mais celle du militant social.

Il en va de même pour les présentateurs ou sportifs qui se reconvertissent dans le one-man show.  Arthur n’était jadis qu’un présentateur ordinaire du PAF,  jusqu’en 2005 où il passe de l’autre côté de la barrière en montant son one-man show « Arthur en vrai ». Résultat: Arthur présente ses émissions de télévision avec plus d’humour pour inciter son public à le suivre en salle. L’actualité de l’artiste détermine son mode d’expression et son rapport avec le public, ce dernier subissant, malgré lui, la promotion d’une actualité brûlante.
 
Steven Clerima