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« Et pour quelques tweets de plus » ou la passion de Trump pour Twitter

Ce n’est un secret pour personne : Trump utilise de manière privilégiée les réseaux sociaux — et en particulier Twitter — pour communiquer sur des sujets très variés : politique intérieure comme extérieure, actualité internationale, et même pour commenter les actions de certaines célébrités. Au risque de se montrer impertinent à l’égard de la fonction qui est la sienne, voire de déclencher des polémiques et des tensions diplomatiques. Mais quels sont les véritables ressorts de cette communication trumpienne presque intempestive sur Twitter ? En quoi celle-ci lui est parfois plus nuisible que bénéfique ? FastNCurious a mené l’enquête !

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Hyperloop: le futur n'a jamais été aussi proche

Petite histoire non exhaustive de la mobilité
Si l’Homme s’est autant impliqué dans le perfectionnement et l’optimisation de ses moyens de transports, c’est pour amplifier le nombre et la qualité de ses déplacements. En France, comme ailleurs, la vitesse fut ainsi le moteur des réflexions sur la mobilité puisqu’elle garantit une certaine efficacité. Dès l’Antiquité romaine, on pava les routes pour faciliter les déplacements. L’industrialisation marqua, en Europe et aux Etats-Unis, une unification des territoires et une généralisation des transports. En 1842, le télégraphe électrique (Wheatstone et Cooke) permet de réguler le trafic des réseaux de chemins de fer et d’optimiser la mobilité. Puis en 1862, les Etats-Unis imaginent la première ligne de chemin de fer liant le Far West à l’Est industrialisé. La première guerre mondiale marquera un tournant dans l’histoire de la mobilité notamment en popularisant l’aviation, la première compagnie aérienne sera créée en 1921. L’Historique des transports et des réseaux serait encore long, d’autant plus que le train, par exemple, alimente encore tout un imaginaire littéraire (le Transsibérien, « l’Orient-Express », l’Indian Pacific ou le Rovos Rail pour ne citer qu’eux)
Tout le monde voudrait monter à bord du Darjeeling Limited avec Bill Murray !
L’Hyperloop
C’est dans ce contexte, qu’en 2013, Elon Musk, l’inventeur sud-africain des voitures électriques Tesla et du mode de paiement Paypal, présente son dernier projet, « l’Hyperloop » : un nouveau train se déplaçant à la vitesse du son, soit à 120O km/heure ! Ce train futuriste se présentera comme une capsule propulsée dans un tube et évoluant sur une plateforme électromagnétique soutenue à la surface par des pylônes. En élaboration depuis 2016 dans l’état californien, il permettrait dès 2020 de relier Los Angeles à San Francisco en 30 minutes (lorsque le trajet est d’environ 45 minutes en avion).
Il est déjà prévu qu’un Hyperloop soit ensuite construit en Europe, notamment entre Bratislava et Budapest, ce qui permettrait de réduire considérablement la durée du trajet (10 minutes au lieu de 2 heures en voiture). La Slovaquie est le premier pays à avoir signé avec l’entreprise « Hyperloop Transportation Technologies » mais on peut aisément imaginer une extension à toute l’Europe si la mise en place des infrastructures le permet.
   Hyperloop Transportation Technologies
Le discours d’escorte d’Elon Musk met l’accent sur certains avantages insoupçonnés de l’Hyperloop. En effet, il fait remarquer que l’optimisation du temps du trajet permettra une disponibilité optimale, avec des navettes régulières « qui partent dès que vous arrivez » (Elon Musk, septembre 2015). Cette disponibilité est perçue comme une véritable avancée dans la mesure où l’enjeu principal du trafic mondial est l’encombrement. En outre, il estime que le coût de l’Hyperloop San Francisco/Los Angeles sera nettement inférieur à celui de ses concurrents ferroviers : 6 milliards de dollars au lieu de 10 pour les autres compagnies. Et un prix au ticket autour de 20 dollars, accessible au plus grand nombre ! Néanmoins, le coût ainsi que le prix public sont aujourd’hui discutés par certains spécialistes. La dimension écologique est également non négligeable puisque l’Hyperloop, fonctionnerait grâce à des panneaux solaires et serait très peu gourmande en énergie.
Hyperloop Transportation Technologies
 
Une communication originale
Fort de son potentiel fantasmatique, le projet aux allures futuristes mobilise un large public, fan de high-tech et d’innovation. Ainsi, le projet est collaboratif, et repose en partie sur la plateforme « Jumpstartfund » où des talents du monde entier s’engagent à réfléchir au projet en échange de stock-options (rémunération variable en fonction du cours de l’action de l’entreprise). Hyperloop bénéfice donc de la réflexion de 400 nerds et ingénieurs impliqués gratuitement sur leur temps libre. Le choix originel de la Californie, proche de la Sillicon Valley, est donc stratégique car ses habitants sont célèbres pour y être les plus réceptifs aux nouvelles technologies. Amazon, Microsoft, Boeing, la Nasa et Aecom ont par ailleurs rejoint l’aventure. Actif sur les réseaux sociaux, et orchestrant savamment la révélation progressive d’informations sur le projet, Elon Musk se garantit une communauté séduite par l’idée d’une science-fiction devenue réalité. Les dessins et les vidéos accompagnant la présentation du projet surfent dès lors sur cet engouement.
Hyperloop Transportation Technologies
 La fin du voyage ?
 Parmi tous les superpouvoirs et les aptitudes olympiennes, le pouvoir de se déplacer à la vitesse de la lumière a toujours été un ardent désir humain. Arriver à temps lorsque nous sommes tous d’éternels retardataires, écourter la durée d’un trajet long et pénible, retourner chercher le pass Navigo oublié, bref anéantir les distances, autant d’avantages qu’offre la vélocité. Dans l’Antiquité, Hermès était le Dieu le plus rapide, messager et voyageur, grâce aux deux petites ailes accrochées à ses sandales. Puis les nouveaux héros des comics américains, post Seconde Guerre Mondiale, alimentèrent cet attrait pour la vitesse en imaginant des personnages tels que Flash ou Silver Surfer.
Il ne fait aucun doute que l’Hyperloop réaliserait cette aspiration. Cependant, cette innovation porte également en son sein la mort du voyage, pour ne pas dire la mort du lointain. Cette maîtrise consubstantielle de l’espace et du temps viendrait en effet anéantir la notion même de lointain en créant de nouveaux usages liés à la distance. Sa définition serait à relativiser, si l’on imagine un train dont les arrêts seraient les grandes capitales pour des durées dérisoires (25 minutes pour Londres et Bruxelles, 1h pour Berlin, 1h30 pour Rome…). L’Hyperloop engendrerait alors un monde on ne peut plus globalisé, où le plaisir de la distance, de l’évasion et du voyage, non pas comme fait mais comme déplacement, serait à repenser tout autrement. De ce fait, cela impliquerait nécessairement de nouvelles mobilités, et de nouveaux usages, modifiant l’urbanisme et la géographie telles que nous les connaissons. Lorsqu’on pense que certains trajets Paris/Lille sont plus rapides que Paris/Marne-la-Vallée, l’Hyperloop interroge par avance un nouveau nivellement dans la mobilité qui serait cette fois-ci à l’échelle internationale.
Emma Brierre
LinkedIn
Sources :
http://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-3493007/Hyperloop-coming-Europe-Superfast-tube-people-continent-just-25-minutes-2020.html

Hyperloop : Comment une stratégie de communication est-elle devenue un levier d’action communautaire pour développer une entreprise du futur ?


http://www.points-de-vue-alternatifs.com/l-habile-campagne-de-communication-sur-l-hyperloop
http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/hyperloop-le-train-supersonique-du-futur_1696881.html
http://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/20130717.OBS9849/elon-musk-annonce-l-hyperloop-un-moyen-de-transport-revolutionnaire.html
http://www.latribune.fr/blogs/cercle-des-ingenieurs-economistes/20140905tribb778c713d/l-hyperloop-est-il-un-roman-de-science-fiction.html
 

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Génération WTF

« Et moi, et moi, et moi » chantait mélancoliquement Jacques Dutronc en 1966. Qui aurait su que cet appel lancinant de l’ego trouverait un écho bien plus tard fin 2014, dans le monde surprenant d’Internet. « Me ! Me ! Me ! », court-métrage d’animation japonais issu de la série Nihon Animator Mihonichi n’a pourtant que le titre en rapport avec la chanson de Dutronc. La vidéo a ému les internautes du monde dès 2015, par son mélange d’ecchi (voire hentai), cet érotisme propre aux mangas, d’ultra-violence et de gore, ainsi que ses références claires au monde de l’animation. Les débats ont fait rage pour savoir quel était le sens caché de cette vidéo énigmatique, dont les spectateurs pressentent bien qu’elle signifie quelque chose. « Me ! Me ! Me » n’est en réalité qu’un exemple.

L’omniprésence du WTF
En réalité le What the Fuck est un élément bien implanté dans la pop culture, issu de l’usage immodéré de ce sigle par les nouvelles générations. Utilisé sans cesse, il est en passe de devenir une expression consacrée sur toutes les plateformes populaires. Internet est devenu pour de nombreux internautes un jeu de piste où il s’agit de retrouver la vidéo, le site, bref ce qui étonnera le plus ses connaissances. Et ce jeu n’a pas de limites, des snuff movies qui montre des scènes de violence réelle aux performances artistiques les plus étranges, nombreux sont ceux qui font leurs délices des pratiques les plus étranges. LE WTF est même le fond de commerce de nombreuses personnalités sur Internet. En France, c’est la marque de fabrique des chaînes d’Antoine Daniel (What the cut) et de Mathieu Sommet (SLG) pour ne citer que les plus célèbres parmi eux. Leur audience trouve un plaisir effréné et communicatif à contempler les extravagances d’un enfant qui s’amuse à embrasser tous les enfants à sa portée en les mettant sur ses genoux ou la propagande délirante des témoins de Jéhovah.


Les vidéos permettent alors à tous d’avoir accès à des phénomènes marginaux considérés comme étranges, comme la découverte des « looners », ces personnes sexuellement attirées par les ballons ; commence alors une course effrénée pour avoir accès à la vidéo la plus étrange ou au phénomène le plus méconnu. Cette curiosité insatiable permet à des sites comme Spion.com d’exister, gigantesque vidéothèque des phénomènes les plus étranges.
Le WTF est même en passe de devenir une certaine institution culturelle dans certains pays, et bien entendu en affirmant cela, on ne peut penser qu’au Japon. Loin des thèses culturalistes et historiques hasardeuses, la prépondérance des éléments dits étranges dans la culture nippone reste mystérieux. Toutefois, on peut simplement l’expliquer en affirmant que les Japonais ont un rapport bien plus décomplexé avec le surnaturel et l’étrange que les autres pays occidentaux, et que ce goût particulier s’est de plus en plus affirmé jusqu’à devenir le marqueur le plus important de leur pop culture. De la musique à la publicité en passant par les mangas, le WTF se décline sous tous les modes et sa particularité, ce qui choque généralement les étrangers, c’est que cette weirdness est tout public. C’est en réalité loin d’être le cas hors du Japon, où le bizarre est réservé à quelques happy few.

Cette publicité s’est répandue dans le monde entier ; ce qui marque l’internaute c’est qu’une publicité de ce genre soit réservée à un public enfantin (les chocoballs sont des friandises) et ait été diffusée à une heure de grande écoute, tout comme la pub Dole pour les bananes.
La musique n’est pas en reste : certains artistes comme Kyary Pamyu Pamyu ou Wang Rong Rollin ont d’ailleurs acquis une renommée internationale grâce aux partages de leurs clips étranges sur Internet.


Mode ou phénomène culturel ?
Ce phénomène WTF et toutes ses déclinaisons : « what did I just see ? », « I’m on that part of YouTube again… » ne semblent être qu’un phénomène de passage. Pourtant, ils sont des marqueurs de toute une génération d’internautes qui a grandi avec Internet et qui s’est formée avec. Les réseaux sociaux et les sites de partage (comme Reddit, 4Chan, 9gag) ou par extension les plateformes médias telles que YouTube qui laissent s’exprimer les internautes ont vu peu à peu triompher le sarcasme. Le cynisme est devenu un marqueur générationel en soi : on le voit à travers les figures d’Hitler et de Kim Jong-Un, reprises et parodiées à l’infini, les commentaires politiquement incorrects (« that post gave me cancer ») qu’on a tous croisés, l’usage des memes et des gifs pour tourner en ridicule ce que l’on a coutume d’appeler en France les « bien-pensants ». Finalement, cette acrimonie quasi sanctifiée aboutit à ce constat sans appel : « The Internet broke me ».
Ce constat en réalité résume deux courants qui constituent l’utilisation contemporaine populaire du média Internet. D’un côté, la conviction d’avoir tout vu sur Internet, même les choses les plus glauques – qui très généralement, sont en rapport avec la sexualité. Se crée alors le fantasme d’une sorte d’innocence perdue à cause d’Internet et d’avoir créé des utilisateurs irrémédiablement pervers (bien que ceux-ci en tirent la plupart du temps un sentiment de fierté.
 

Le constat que le WTF a émergé récemment dans certaines cultures est particulièrement frappant dans le cas de certains pays comme les Etats-Unis. Peu importe le nombre d’heures passées sur Google ou Youtube à chercher désespérément des weird ads par exemple, aucun résultat probant ne pourra être trouvé. Cette culture de l’étrange et du bizarre n’affectait pas du tout l’Amérique pre-Internet, et cela est visible notamment dans les publicités pour les années 80, où tout semble être au premier degré : les publicités reprennent alors des éléments populaires comme des chanteurs ou des séries connues en y instillant une image idéale donnant l’impression que la publicité se déroule dans une perfect America.

Les publicités les plus anciennes sont par contre très souvent évoquées sur Internet pour leur racisme et leur sexisme qui paraît aujourd’hui inenvisageable. C’est une nouvelle forme de WTF, dans le sens où cela ne correspond politiquement correct qui est alors recherché.

La différence entre les générations pre et post WTF est d’ailleurs le fonds de commerce de la chaîne youtube Fine Brothers Entertainment ou l’on voit des individus d’une catégorie d’âge définie visionner les plus grands (et les plus bizarres) succès sur Youtube. La chaîne aux 13 millions abonnés a un succès qui ne se dément pas depuis des années, au point que les deux créateurs de la chaîne ont voulu agrandir leur chaîne en demandant aux internautes de leur envoyer leurs propres vidéos de réactions. Cette idée a été énormément critiquée, au point de faire un gigantesque bad buzz momentané à la chaîne, puisque les deux créateurs ont été accusés de vouloir s’emparer d’un concept. C’est dire à quel point le WTF et tout ce qui y touche est aujourd’hui perçu comme un élément essentiel de la culture Internet.

C’est le cas édifiant de Carlos Boyero, critique cinéma d’ El Pais (l’équivalent espagnol du Figaro) auquel ses collègues font regarder des vidéos d’ElRubius, gamer survolté qui ne s’interdit rien devant la caméra. Alors que le jeune homme est une véritable célébrité en Espagne, ses vidéos rassemblant autant de spectateurs que le plus grand succès au cinéma de l’année 2015 (Ocho apellidos vascos, une sorte de Bienvenue chez les Ch’tis espagnol), Boyero avoue n’y rien comprendre. Il s’avoue même choqué, et trouve tragique et incompréhensible que toute une génération puisse trouver drôle ce genre de gesticulations. Le critique se désespère alors que les amateurs du genre s’agacent de voir quelqu’un aussi peu réceptif à une nouvelle forme de divertissement et faire preuve d’une ignorance profonde à ce niveau. Les commentaires sur YouTube s’en prennent d’abord généralisations de Boyero, rappelant qu’il s’agit d’un type bien particulier d’humour auxquelles toutes les productions des Youtubeurs ne se rattachent pas, loin s’en faut.

« (…) Il ne faut pas oublier que ces vidéos sont destinées à un public très jeune et non pas à des adolescents ou à des adultes »
D’autres s’irritent de l’incompréhension totale du critique face à des œuvres nées grâce à Internet et qui restent imperméables à l’éclatement des schémas médiatiques traditionnels.

« Demander à un critique de cinéma son opinion sur les Youtubers revient à interroger un jardinier sur son opinion sur la théorie quantique de la gravité. Bienvenue sur YouTube, un nouveau monde audiovisuel de divertissement totalement différent du cinéma et de la télévision, et qui accueille des milliers de personnes par jour ! »
Boyero est en tous cas symptomatique de cette différence profonde qui existe entre les familiers des réseaux sociaux et ceux qui ont grandi dans un monde où ils n’existaient pas. Pour le vérifier, mettez vos parents devant l’épisode spécial Japon d’Antoine Daniel et guettez leur réaction horrifiée. Avec un peu de chance, ils vous jetteront des regards consternés à chaque fois que vous rirez devant la vidéo, s’interrogeant sur la santé mentale de leur progéniture.
Myriam Mariotte
Sources :
http://verne.elpais.com/verne/2015/02/17/articulo/1424187974_312017.html?id_externo_rsoc=FB_CM
 http://www.1001web.fr/youtube-polemique-autour-du-copyright-react-des-fine-bros-134547.html
 

miss irak
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Miss Irak: ISIS, gloire et beauté

Les élections de Miss et autres concours de beauté ont été au coeur de l’actualité people de ce mois de décembre. Iris Mittenaere, couronnée Miss France le 19 décembre dernier, sèche encore ses larmes de joie; Miss Univers 2015 a eu un large retentissement médiatique, dû au moins en partie à l’énorme fail de l’animateur Steve Harvey, qui ne sait plus très bien où se mettre depuis. En revanche, l’élection de Miss Irak a davantage fait couler d’encre chez les spécialistes du Moyen-Orient que dans la presse à sensation.
C’est peut-être parce qu’elle impressionne peu ici, en Occident, où l’on est habitués à ces cérémonies terriblement kitsch, pleines de paillettes et de sourires forcés. Peut-être parce qu’on s’en fiche, au fond, de l’élection d’une pouliche dans un pays lointain. Mais l’histoire a montré que l’Irak n’est pas n’importe quel pays lointain. L’Irak, c’est la guerre contre Daesh, l’instabilité sociale chronique, les violences quotidiennes faites aux femmes. La tenue de Miss Irak 2015 n’est donc pas anodine. Et pour cause, pour la première fois depuis plus de quarante ans, l’Irak s’autorise cette fantaisie, ce spectacle qu’on veut présenter comme une bouffée d’air frais, la preuve que « la vie continue ». Une belle jeune femme de vingt ans du nom de Shaymaa Qassim Abdelrahman a été élue à Bagdad, choisie pour renvoyer au monde l’image d’une Irak moderne et dynamique. La Miss s’est déclarée « très heureuse de voir que l’Irak va de l’avant, grâce à dieu » (AFP). Message d’espoir ? Simple diversion ? On s’interroge.
Un message clair: Life goes on

Les élections de Miss diffusent rarement une image très positive de la femme, et comme le dit Faisal Al Yafai dans les colonnes du quotidien The National, « pas besoin d’être féministe pour détester les concours de beauté ». D’autant plus qu’on y célèbre la beauté féminine à l’occidentale, loin de déclencher un quelconque phénomène d’identification chez les Irakiens. Mais au-delà de ces considérations que l’on pourrait avoir dans bon nombre de pays du monde, il y a quand même la volonté – louable – de faire respirer un peu la population, de la faire rêver de tapis rouges et de reconnaissance internationale. Entre deux attentats-suicides, les Irakiens ont pu se plonger dans les grands yeux verts de Shaymaa Qassim et oublier un instant les morts et la violence. Certes, pas de défilé en maillots de bain. Évidemment, même toutes habillées, les candidates ont fait l’objet de nombreuses attaques; en ne portant pas le voile lors du concours, et voulant promouvoir l’image de femmes indépendantes et épanouies, elles ont régulièrement reçu des menaces de mort. Plus de 150 de ces candidates se sont retirées de la course, craignant pour leur vie. Donneurs de leçons, conservateurs et extrémistes religieux qui peuplent aussi le pays rejettent catégoriquement cette initiative de la femme moderne, trop occidentalisée, trop souriante peut-être.
Une élection-diversion au milieu du chaos

Si depuis 1972 aucune véritable élection de Miss Irak n’a eu lieu, c’est parce que le pays est plongé dans un chaos qui n’en finit pas de durer. L’invasion par les États-Unis en 2003, sous le fallacieux prétexte d’un maintien de la paix dans la région, a eu de lourdes conséquences sur le développement économique. L’Irak traverse depuis de nombreuses années une période désastreuse sur le plan humanitaire, qui empêche une élévation du niveau de vie moyen et perturbe la paix sociale. L’insurrection djihadiste, qui est finalement la conséquence de cette crise
prolongée, est une source supplémentaire de difficultés et monte sournoisement les irakiens les uns contre les autres. Il est évident que l’élection de Miss Irak n’a pas grand chose à voir avec ces problématiques géopolitiques. Mais il se trouve qu’elles ne sont pas sans lien avec le recul significatif des droits des femmes dans le pays ces quinze dernière années. La constitution post-2003 fait complètement abstraction des efforts de protection de la femme qui avaient existé jusqu’à lors, sous un statut juridique établi lors de la fondation de la République de 1958. Les protections légales contre le mariage précoce et le divorce arbitraire ont été complètement édulcorées et n’ont qu’une valeur à peine symbolique. Le congé maternité n’existe plus; sans parler d’un taux d’emploi des femmes désespérément bas.
Il a donc fallu à Shaymaa Qassim Abdelrahman un courage indéniable pour mener à bien sa candidature, et pour finalement parvenir à la victoire en ignorant les menaces de mort et d’enlèvement de Daesh. C’est d’ailleurs ce courage qui pourrait faire parler d’un signe de progrès, d’espoir, d’une bonne nouvelle en somme. Il est toutefois nécessaire de souligner que l’Irak devra actionner un long processus de mise en perspective de l’image de la femme pour espérer un jour que l’élection d’une Miss devienne aussi peu significative en Irak qu’en France.
Mariem Diané
Sources:
Courrier International, Moyen-Orient: Miss Irak est de retour et ce n’est pas une bonne nouvelle
The National, Why the Miss Irak beauty pageant offers merely a sham of stability
L’Express, Miss Irak: le pays a élu sa première reine de beauté depuis 45 ans
Clarionproject.org, ISIS Warns Iraqi Beauty Queen: Join Us or We Kidnap You
Crédits photos:
Reuters/Ahmed Saad Photo

Election de la première Miss Irak depuis 40 ans


Camp de civils en fuite des combattants djihadistes: © Gerard GUITTOT/REA

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Quand le monde se lève pour Charlie

L’onde de choc
Au lendemain des attaques perpétrées contre Charlie Hebdo, journal hebdomadaire satirique, la France est en état de choc. « Le 11 septembre français » titre Le Monde, ou encore « La liberté assassinée » pour Le Figaro.  « Horreur », « carnage », « boucherie » reviennent constamment dans la presse. Mais si la France est la première touchée par cet attentat, c’est un hommage unanime que les rédactions du monde entier ont tenu à rendre aux victimes de l’attentat et à la liberté d’expression.
C’est ainsi que douze journaux Québécois ont publié en Une la caricature de Mahomet de Cabu, publiée pour la première fois le 8 février 2006. Nombreux sont les journaux qui firent le choix de publier plusieurs des caricatures ayant créé la polémique, rendant ainsi hommage à leurs auteurs. Le New Yorker rend pour sa part un hommage symbolique à Charlie en publiant sa Une sous forme de dessin, mettant en scène une Tour Eiffel flottant dans un nuage rouge de sang et dont le sommet se transforme en crayon. Une belle façon de laisser entendre que le crayon qui se dresse ici fièrement vers le ciel triomphera toujours sur la barbarie.
Le crayon, outil de travail du dessinateur de presse, apparaît d’ailleurs dans de nombreuses Unes telles que celles du journal norvégien Bergens Tidende ou du journal belge DeMorgen. Souvent présenté comme l’unique arme du dessinateur, le crayon devient un véritable symbole de dénonciation du rapport de force inégal qui s’est instauré ce jour là entre journalistes et terroristes.

Bon nombre de quotidiens ont également réagi en titrant leurs Unes en français. C’est notamment le cas du journal danois Information qui titre sa Une « Nous sommes tous Charlie Hebdo », du Berliner Morgenpost allemand qui titre un sobre mais parlant « Je suis Charlie » ou encore The Sun qui titre un puissant « Je suis 4 million ».
Au total, ce sont plus de 70 Unes de presse mondiales qui seront publiées à la suite de ces attaques.

Le soutien face à l’horreur
Nombreux sont également les journaux qui, au-delà de leurs Unes, ont tenu à apporter leur soutien dans leurs pages. Le site Algérie Focus exprime ainsi sa consternation et sa solidarité envers Charb, Cabu, Tignous ou encore Wolinski et souligne qu’ils sont « morts de rire », avant de rappeler que les journalistes de Charlie Hebdo n’ont jamais hésité à heurter ou à fâcher pour s’exprimer librement.  Le quotidien algérien El Watan invite lui à ne pas céder à l’amalgame et à la stigmatisation des communautés musulmanes. Le magazine marocain Tel Quel publie quant à lui l’interview réalisée en 2012 avec Charb dans lequel le caricaturiste affirmait préférer « mourir debout que de vivre à genoux ». Du côté de l’Asie, un chroniqueur du South China Morning Post affirme que les discours racistes ou incitant à la haine doivent être condamnés.
Suite aux tragiques événements, une marche républicaine est organisée le dimanche suivant les attentats. Elle devient la manifestation la plus importante depuis la libération de la capitale à la fin de l’occupation nazie, et le quotidien russe Moskovski Komsomolets rappelle que c’est seulement la deuxième fois dans l’histoire de la France moderne qu’un président de la République participe à une manifestation. De son côté, l’Allemagne indique dans son quotidien économique Handelsblatt qu’en manifestant par millions, les Français « ont écrit l’Histoire ». On retiendra également cette image très forte d’Angela Merkel, les yeux fermés et penchée sur l’épaule de François Hollande dans un instant de compassion profonde « qui montre ce que l’Allemagne ressent quand la France pleure ».
Au-delà des réactions de la presse, le soutien envers la France s’est également manifesté au travers des nombreux rassemblements qui se sont déroulés à travers le monde, accompagnés parfois du chant de la Marseillaise à San Francisco et Madrid notamment.

La plume plus forte que l’arme
Au-delà du soutien manifeste des populations du monde, c’est toute la profession des dessinateurs de presse qui est en deuil. Parce que ces hommages se passent de mots, nous vous laissons observer vous-même l’étendue du soutien des dessinateurs du monde :

La censure face à la peur ?
A la suite des attentats perpétrés contre Charlie Hebdo, le journaliste Simon Jenkins écrit dans The Guardian « C’est le moment pour que les éditeurs et rédacteurs en chef de publications grand public à travers le monde honorent les journalistes assassinés de Charlie Hebdo en refusant de s’autocensurer ». Cependant, force est de constater que plusieurs organes de presse anglo-saxons ont fait le choix de ne pas diffuser les caricatures de Mahomet.  Le Telegraph ainsi que le New York Daily News ont ainsi décidé de flouter le dessin. Ces décisions ont suscité de vives réactions chez les internautes qui décrivent comme « lâches » ces organes de presse. Le Telegraph et le New York Daily News ne sont pas des cas isolés, puisque même le New York Times et le Wall Street Journal se sont abstenus de publier les caricatures en préférant des images dénuées de toute référence religieuse. Du côté de la télévision, CNN ainsi que toutes les grandes chaînes américaines ont également refusé de diffuser les caricatures. Paradoxalement, certains de ces journaux anglo-saxons qui se refusaient à diffuser les caricatures jugées trop controversées ont opéré le choix éditorial de mettre en image l’acte terroriste en Une, tels que le Courier Mail, le Daily Telegraph ou encore le Herald Sun.
« Ils ont tiré, mais qui a armé les tireurs ? »
Si la majeure partie des journalistes apporte soutien et hommages à tous ceux touchés par ces attaques, la Russie s’est montrée quant à elle beaucoup plus critique à l’encontre de la France. Un parti pris adopté par le site d’actualités Vzgliad qui considère que la France fait preuve de laxisme, en précisant que les « français ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes ». Le rassemblement républicain du 11 janvier est également moqué, qualifié d’élan « naïf » et « pathétique ». Le journaliste Mikhaïl Boudaraguine précise que « le président français est coupable d’avoir donné naissance à l’Etat islamique et il en porte la responsabilité ». Un point de vue délicat à assumer en cette période de deuil et d’hommages.
L’assassinat des caricaturistes de Charlie Hebdo dans leurs locaux provoque ainsi une véritable onde de choc dans le monde entier. Entre indignation, hommages et tristesse, le monde est bouleversé et la presse ne manque pas de consacrer de nombreuses pages à ces événements tragiques à l’origine d’un véritable écho médiatique mondial.
Pauline Flamant
Sources :
Courrier International, n°1263 du 15 au 21 janvier 2015
Lefigaro.fr
Vanityfair.fr
Divertissonsnous.com
Lemonde.fr
tempsreel.nouvelobs.com
Courrierinternational.com
Crédits images :
The New Yorker
DeMorgen
Bergens Tidende
Information
Berliner Morgenpost
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AFP Peter Macdiarmid
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Ernesto Benavides
AFP Photo Don Emmert
Afp Photo Marc Braibant
Liniers
Ruben
 

Flashmob dans la rue
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Le flashmob : rite tribal dans un village planétaire?

« Il n’est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.» Charles Baudelaire, «Les Foules», Le Spleen de Paris.
Le bain de foule peut se révéler pour le poète un véritable voyage, une démarche artistique, comme s’il était poussé par une volonté de mêler sa solitude à la multitude.
Si je cite Baudelaire pour entamer mon article, ce n’est pas que pour faire une jolie captatio, tentant ainsi d’éveiller l’attention des littéraires. C’est parce que j’ai décidé d’écrire à propos du phénomène des flashmobs et que je trouve, aussi discutable cela soit-il, qu’il a une dimension éminemment poétique.
En effet, le flashmob (entendez: mobilisation éclair) se veut être un rassemblement de personnes dans un lieu public, effectuant d’un même élan des actions préétablies, avant de se disperser rapidement. Oui, une mobilisation éclair, quoi. Pour être antichronologique, je parlerai d’abord de la plus connue, datant du 8 septembre 2009.

Pour célébrer le lancement de la 24ème saison de son émission, Oprah Winfrey accueillait les Black Eyed Peas, interprétant leur nouveau titre «I Gotta Feeling» devant plus de 20 000 personnes. Jusque là, rien d’étonnant… Sauf qu’au son de ce tube voulu entraînant, une seule personne danse, au premier rang. Et là, dans un effet de cascade, le flashmob se met en route, avec d’abord dix autres personnes qui se déhanchent, puis cent. Puis mille. Jusqu’à ce que des milliers de gens dansent en rythme, coordonnant leurs mouvements devant une Oprah Winfrey plus qu’abasourdie. Je défie qui que ce soit de ne pas frissonner devant un tel exploit.
Mais qu’importe l’effet, la cause en est d’autant plus intéressante; car ce sont bien les réseaux sociaux qui sont à la base des flashmobs. Or, si nous sommes des êtres solitaires derrière les écrans, il est curieux de voir comment les réseaux peuvent amener les individus à se rassembler et, l’espace d’un court instant, à ne former plus qu’un seul et même mouvement. De la solitude à la multitude, c’est là que se situe le voyage.
Mais derrière cette poésie du rassemblement se lit une problématique communicationnelle forte. En effet, à moins que je ne sois obsédé par le cours de «Réseaux» que nous avons eu l’occasion d’avoir ce lundi au Celsa; il y a selon moi comme un écho au fantasme du «village planétaire» que l’on retrouve chez McLuhan. Selon cette théorie, les médias de masse auraient le pouvoir de fondre les micro-sociétés en une seule, constituant ainsi un «village global», une communauté partageant une même culture. Or prenons un nouvel exemple de flashmob, ayant cette fois-ci eu lieu en juin 2009 à l’occasion de la mort de Michael Jackson. Un grand nombre de mobilisations éclairs ont eu lieu dans des grandes villes du monde à l’instar de Chicago, Paris, Stockholm, Montréal ou encore Taipei; où la chorégraphie de «Beat It» a été réalisée simultanément par bon nombre de participants. Une telle démarche se veut en réalité être un «hommage» rendu à un défunt, faisant partie de notre culture à tous.

Dans cet exemple précis, on passe donc d’un réseau dit «social», dans lequel des communautés se sont mises d’accord sur Internet, à un réseau physique, où des gens rendent hommage à une même personnalité, en même temps, aux quatre coins du monde. N’est-ce pas là l’exacerbation de l’âge néo-tribal qu’observait déjà Marshall McLuhan avec la télévision; cette fois-ci rendu concret par la mise en pratique d’une «danse» commune?
Un nouvel exemple de ce déploiement d’une culture commune, plus récent cette fois, est la célébration du nouvel an chinois… à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, ce lundi 23 janvier.

C’est en effet l’agence W&Cie, à la tête de cet évènement, qui a permis de voir des danseurs en tenue de soirée exécuter un charleston autour d’un couple unifiant une chinoise et un français. Mélange des cultures à travers la danse, donc, la portée communicationnelle du flashmob n’a pas échappé aux agences.
Concluons que, par sa consistance poétique et communicationnelle, le flashmob est un pas de plus vers un brassage des cultures, par la danse.
D’ailleurs, n’oubliez pas de réviser les pas du prochain flashmob qui se déroulera au Parc Botanique de Bruxelles le 2 février prochain à 16h30, sur le rythme de la «Danse des canards»!

Lucas Vaquer
Crédits photo : ©Grenier aux nouvelles

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Jacques a déclaré la guerre de l’internet

En vérité, plus que Jacques, c’est l’oncle Sam qui l’a dit la semaine dernière en fermant par l’intermédiaire du FBI l’un des sites de partage de fichiers les plus populaires du moment: Megaupload et son équivalent streaming, Megavidéo mais également 17 autres sites. Pour resituer un peu le contexte, cette décision s’inscrit dans le débat de deux lois américaines, PIPA et SOPA, assez controversées puisque  même la Maison Blanche a  annoncé qu’elle ne soutiendrait pas « une législation qui réduit la liberté d’expression, augmente les risques pour la sécurité cybernétique et sape le dynamisme et le caractère innovant de l’Internet mondial » [1].  Ce serait donc là que se situe le cœur du problème: la violation d’une liberté reconnue comme fondamentale par de nombreux pays du monde et pour laquelle certains se battent tous les jours, la liberté d’expression. On ne serait donc plus libre de communiquer de contenus comme bon nous semble.
Cette décision a évidemment provoqué un tollé parmi la communauté internaute et en particulier dans la communauté hacker. Ainsi, des membres du collectif Anonymous ont immédiatement riposté par un déni de service en rendant hors-service des sites tels que celui du ministère de la justice américain, d’Universal ou encore Hadopi qui visent à restreindre la liberté sur internet au nom de la protection du droit d’auteur. D’autres sites participatifs, tels que Wikipédia, WordPress ou Reporters sans frontières ont également réagi par une sorte de grève à cette tentative de putsh sur la toile.
La question à se poser alors est de savoir quel camp défend quoi ? En vérité, les enjeux de cette guerre du net sont bien entendu économiques. D’un côté les Etats qui interdisent de manière générale le partage gratuit d’informations ou de fichiers au nom du droit des auteurs à être rémunérés pour leur travail, et c’est bien la moindre des choses. De l’autre, il y a d’une part l’ensemble des protagonistes cités dans le paragraphe précédent, Anonymous, les sites participatifs qui se voient contraint en quelque sorte à une publication contrôlée ; et d’autre part sans doute, de nombreux internautes dont vous faites peut être parti qui ne voient pas d’un très bon œil le fait d’être privé de leurs séries télé préférées ou plus généralement de ne plus avoir accès gratuitement et en illimité à des contenus culturels.
Si l’on considère la question objectivement, l’extension de la loi au monde virtuel (une zone relative de non-droit il faut le reconnaître) n’est pas si choquante que ça. Une forme de censure y existe déjà au nom par exemple de la lutte contre la violence ou la pédophilie, allez faire un tour sur les conditions d’utilisation de Facebook. Cependant, la censure de contenu au nom de la protection du droit d’auteur est plus problématique. En effet, cela revient à dire que je n’ai pas le droit de dire, faire suivre, partager quelque chose sans en mentionner l’auteur initial et pour ce qui est des films par exemple, sans le rémunérer. Le problème ici se situe dans le fonctionnement même du web qui peut se décrire comme un média participatif auquel tout le monde contribue et où il est, de fait, souvent difficile d’établir la paternité d’un contenu sur la toile ou d’en limiter la diffusion. Pour illustrer mon propos, si on s’en tient à ce type de raisonnement dans la régulation en ligne, Facebook ou Twitter pourraient très facilement être suspendus alors même qu’ils sont tous les deux des réseaux sociaux incontournables.
En vérité, il faut effectivement trouver un moyen de protéger le droit d’auteur (chacun a droit à  la reconnaissance de son travail). Pour autant, il me semble que la répression pure et dure n’est pas le moyen le plus adapté à l’heure actuelle : il s’agit davantage d’un retour en arrière qui entrave et bloque la communication parce qu’elle bloque la diffusion, l’échange et le partage de contenus. Comme je l’ai dit plus haut, le web est participatif et encourage  l’émulation intellectuelle, la contribution de tous peut donc être requise. Si on considère la question du partage de films ou de musique par exemple, cela pourrait passer par une sorte de redevance culturelle, à l’image de la redevance télévisuelle, reversée aux auteurs de musique, films… En somme, un système participatif jusqu’au bout ainsi qu’on me l’a suggéré récemment (oui, je ne revendique pas la paternité de cette suggestion et, finalement, peut être que tout commence ici !)
 

Justine Jadaud

[1] Plus d’infos sur PIPA et SOPA

Crédits photo : ©Anonymous – ©Wikipedia

Annonce de la mort de Kim Jong II à la télévision par une présentatrice en pleurs
Société

L'art des médias nord-coréens

Le dictateur Nord Coréen Kim Jong Il est mort le 17 décembre dernier à la suite d’une crise cardiaque à l’âge de 69 ans. Après 17 ans d’un règne sans partage, c’est son plus jeune fils Kim Jong-eun qui prendra sa place en tant que « Dirigeant Suprême de la République populaire démocratique de Corée».
L’annonce en direct de la disparition du « Cher Dirigeant » par la télévision d’état KRT a donné lieu à  une nouvelle démonstration du puissant appareil de propagande nord-coréen. A l’écran, la mort de Kim Jong Il est présentée comme un véritable drame national. La présentatrice,  mise en scène en tenue de deuil sur fond de montagnes et de forêt, peine, à grand renfort de pathos, à annoncer la nouvelle : le soleil de la nation est mort. D’un ton grave et solennel, elle déclame fastidieusement ses quelques lignes tout en ravalant ses larmes : « nous faisons cette annonce avec une grande tristesse ». On s’attend presque à la voir s’effondrer de désespoir. Au regard des conditions de vie catastrophiques des Nord-Coréens, il est difficile de ne pas se demander si la jeune femme pense réellement ce qu’elle clame. En tout cas, sa prestation médiatique ne doit rien laisser paraître.
Le choix de l’arrière-plan n’est non plus pas anodin puisqu’il s’agit du mont Paektu, décor de nombreuses légendes coréennes, notamment la légende officielle qui raconte la naissance du dirigeant nord-coréen. Ce jour-là, un grand glacier du mont Paektu aurait émis un son mystérieux, pour ensuite se briser et laisser échapper un double arc-en-ciel. Puis la plus haute étoile du ciel serait apparue. Tout un symbole donc : éternité et immortalité d’un dirigeant et d’une dynastie qui veille, qu’ils le veuillent ou non, sur tous les coréens. Le dirigeant est mort mais son pouvoir reste immuable tout comme les forces de la nature.
Un arrière-plan unique, immobile, standard comme sur beaucoup de chaînes d’Etats totalitaires. Il n’y aura rien de plus à voir que ce que l’on nous donnera à voir, c’est-à-dire rien. Rien du quotidien du peuple nord-coréen qui meurt de faim. Rien de la misère et rien de la répression. Malgré les images de coréens hystériques à l’annonce de la mort du dictateur qui ont circulé sur les médias étrangers, on peut imaginer une réalité bien différente de ce fond immobile et de cette présentatrice éplorée.
Cette mise en scène ne change en rien des thèmes habituellement abordés sur KRT qui, comme tout bon média de propagande, traite essentiellement et glorifie tous les faits et gestes du « Dirigeant Bien-Aimé ». Il n’est donc pas absurde de supposer une  annonce réglée comme du papier millimétré. On aurait pu espérer un relâchement dans l’appareillage médiatique de l’Etat mais cette mise en scène et l’ensemble des images que nous avons pu observer nous prouve que la mort de Kim Jong Il ne menace pas pour autant la stabilité de ce régime dictatorial. Ce qui est sûr c’est que même après son décès, l’ombre de Kim Jong Il plane toujours sur la Corée du Nord.
 
C.D.
 
Crédits photo : ©20 minutes

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