Flops

Matteo Renzi, la com à l'italienne

Dès son arrivée à la tête du Conseil des ministres, en février 2014, Matteo Renzi s’est imposé comme un virtuose de la communication. Avec plus de 2 millions d’abonnés sur Twitter, plus d’1 million de fans sur Facebook et même un compte Instagram, le jeune chef du gouvernement est aujourd’hui le dirigeant européen le plus suivi sur les réseaux sociaux. Il a ainsi transformé la communication politique italienne, passant d’une communication pyramidale à une communication en réseaux.
Sa stratégie de communication de proximité lui a permis de construire une forte communauté et ainsi de diffuser ses idées. En adoptant un style décontracté, que ce soit par son look ou sa façon de parler, Renzi a réussi à créer sa propre image de marque. Jusqu’ici admiré pour ses talents de communicant, l’ex-publicitaire a pourtant échoué lors de sa dernière campagne. Retour sur un flop à l’italienne…
Le Président du Conseil en campagne médiatique
Dans la continuité de ses hashtags #Italiariparte (faire repartir l’Italie) et #lavoltabuona (le bon moment), Renzi a amorcé une campagne massive placée sous le signe du changement pour promouvoir sa réforme, soumise au referendum le 4 décembre. Celle-ci propose une transformation assez importante de la Constitution. En effet, une volonté de renforcer le pouvoir exécutif et de mettre fin à l’instabilité politique propre à l’Italie depuis plus de soixante ans est clairement affichée. Pour cela, le projet de loi avait pour objectif de redéfinir intégralement le rôle du Sénat.
Afin de récolter un maximum de « Oui », le résidant du Palais Chigi s’est lancé dans une campagne qui a duré près de cinq mois afin de s’adresser à l’ensemble de la population. Il a ainsi déclaré vouloir employer un « langage simple pour parler de contenus compliqués ».
Et quoi de plus simple qu’une série de spots diffusée sur les réseaux sociaux ? Après avoir divulgué de courtes vidéos mettant en scène des Italiens disant « Sì » à la réforme, c’est à Firenze que Renzi a dévoilé les spots phares de sa campagne, à savoir celui de l’enfant et celui de la grand-mère. Tandis que l’enfant pense à un avenir impossible en Italie si les choses n’évoluent pas, la grand mère justifie tous les éléments du projet par « Si tu votes non, rien ne changera. ».

Sa stratégie est digne de celle d’une grande marque. Il utilise en effet la répétition d’un même discours par le biais de la grand-mère afin d’ancrer sa volonté de réforme dans l’esprit des électeurs. Mais vendre son programme politique, est-ce la meilleure façon de faire adhérer la population ?
Rien ne changera, sauf le Chef du gouvernement…
Le « non » l’a finalement emporté, et la campagne n’a donc pas porté ses fruits. Cet échec est-il dû aux propositions en elles-mêmes ou à une communication un peu trop personnalisée ? Si les Italiens, très attachés à la Constitution, n’étaient certes pas tous d’accord avec la réforme, Renzi a aussi sa part de responsabilité. En effet, de par ses résultats mitigés et sa façon de communiquer, il n’a pas toujours fait l’unanimité.
Il est parfois perçu comme un personnage arrogant à cause de son style et de son comportement, parfois un peu trop décontracté et sûr de lui. Cette attitude assez particulière pour un homme politique a même attirée les caméras du Petit Journal de Canal + qui, en 2015, lors d’une journée avec Martin Schulz, avait remarqué l’impolitesse du Chef du gouvernement italien. Celui-ci, après être arrivé en retard, a fait attendre le Président du Parlement Européen pour répondre à un appel et prendre un selfie avec de belles Italiennes.
Bref, une arrogance qui commence à agacer, d’autant plus pour cette campagne durant laquelle Matteo Renzi a mis en jeu sa démission, faisant passer la réforme pour un enjeu personnel beaucoup plus que pour un enjeu national. Cette personnalisation du projet a servi d’argument pour les opposants qui ont lancé leur propre spot, ironisant sur celui de Renzi, en allant même jusqu’à ré-utiliser le petit garçon pour réfuter tous les arguments en faveur du « Oui ». La publicité de Renzi n’a pas obtenu un grand succès, la contradiction entre l’enfant et la grand-mère ayant plus divisé que rassemblé.
Cette communication, peut-être trop simple pour un programme politique, s’est attirée les foudres de quelques Italiens qui ont créé une parodie de celle-ci, partagée avec le hashtag #Sevotino (si tu votes non).
La communication politique doit être unificatrice plus que personnelle. Être un bon communiquant ne suffit pas, d’autant plus que l’on reproche au « pro de la com » de n’être innovant que dans ses discours.
En effet, Renzi négligerait sa politique numérique et utiliserait peu l’innovation puissante que représente le web. La médiatisation avant le concret — Renzi en a payé les frais. Il est en effet parfois comparé à Silvio Berlusconi dans son rapport aux médias. Face à son échec, Matteo Renzi a finalement démissionné. Ce départ est encore une fois très médiatisé. Dans un énième spot, les bénéfices de mille jours d’un Renzi au pouvoir sont exaltés.

Alors quel avenir pour le Président du Conseil après ce flop politique ? Lors d’une interview pour le magazine Vanity Fair, il avait évoqué l’idée de se recycler en présentateur télé. Renzi présentateur de Grande Fratello, on adorerait voir ça… Ou pas !
Charlotte Delfeld
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Sources :
• DE LA ROCQUE Jean-Pierre. « Pourquoi Matteo Renzi a perdu son referendum en Italie ». challenges.fr. 5/12/2016. Consulté le 10/12/2016.
• GRASSO Aldo. « Renzi, la nonna, il bambino e gli spot (bruttini, ma concreti) per il sì al referendum: « Se voti no non cambierà nulla » ». corriere.it. 30/09/2016. Consulté le 10/12/2016.
• LA REPUBLICCA. « Renzi:  » Pronto a cambiare Italicum, referendum più importante Pronto » ». 29/09/2016. Consulté le 10/12/2016.
• Redazione News. « Dopo tutto questo ? Mi darò alla TV. ». vanityfair.it. 20/02/2014. Consulté le 11/12/2016.
• MARTEL Frédéric, « Matteo Renzi, l’as de la com’ numérique au grand flou politique. ». slate.fr. 18/10/2015. Consulté le 8/12/2016.
• TOSSERI Olivier. « Pour Matteo Renzi, révolutionner l’Italie, c’est d’abord communiquer ». lopinion.fr. 27/03/2014. Consulté le 8/12/2016
Crédits :
• Marc Hom pour Vanity Fair
• Twitter @matteorenzi