Annonce de la mort de Kim Jong II à la télévision par une présentatrice en pleurs
Société

L'art des médias nord-coréens

Le dictateur Nord Coréen Kim Jong Il est mort le 17 décembre dernier à la suite d’une crise cardiaque à l’âge de 69 ans. Après 17 ans d’un règne sans partage, c’est son plus jeune fils Kim Jong-eun qui prendra sa place en tant que « Dirigeant Suprême de la République populaire démocratique de Corée».
L’annonce en direct de la disparition du « Cher Dirigeant » par la télévision d’état KRT a donné lieu à  une nouvelle démonstration du puissant appareil de propagande nord-coréen. A l’écran, la mort de Kim Jong Il est présentée comme un véritable drame national. La présentatrice,  mise en scène en tenue de deuil sur fond de montagnes et de forêt, peine, à grand renfort de pathos, à annoncer la nouvelle : le soleil de la nation est mort. D’un ton grave et solennel, elle déclame fastidieusement ses quelques lignes tout en ravalant ses larmes : « nous faisons cette annonce avec une grande tristesse ». On s’attend presque à la voir s’effondrer de désespoir. Au regard des conditions de vie catastrophiques des Nord-Coréens, il est difficile de ne pas se demander si la jeune femme pense réellement ce qu’elle clame. En tout cas, sa prestation médiatique ne doit rien laisser paraître.
Le choix de l’arrière-plan n’est non plus pas anodin puisqu’il s’agit du mont Paektu, décor de nombreuses légendes coréennes, notamment la légende officielle qui raconte la naissance du dirigeant nord-coréen. Ce jour-là, un grand glacier du mont Paektu aurait émis un son mystérieux, pour ensuite se briser et laisser échapper un double arc-en-ciel. Puis la plus haute étoile du ciel serait apparue. Tout un symbole donc : éternité et immortalité d’un dirigeant et d’une dynastie qui veille, qu’ils le veuillent ou non, sur tous les coréens. Le dirigeant est mort mais son pouvoir reste immuable tout comme les forces de la nature.
Un arrière-plan unique, immobile, standard comme sur beaucoup de chaînes d’Etats totalitaires. Il n’y aura rien de plus à voir que ce que l’on nous donnera à voir, c’est-à-dire rien. Rien du quotidien du peuple nord-coréen qui meurt de faim. Rien de la misère et rien de la répression. Malgré les images de coréens hystériques à l’annonce de la mort du dictateur qui ont circulé sur les médias étrangers, on peut imaginer une réalité bien différente de ce fond immobile et de cette présentatrice éplorée.
Cette mise en scène ne change en rien des thèmes habituellement abordés sur KRT qui, comme tout bon média de propagande, traite essentiellement et glorifie tous les faits et gestes du « Dirigeant Bien-Aimé ». Il n’est donc pas absurde de supposer une  annonce réglée comme du papier millimétré. On aurait pu espérer un relâchement dans l’appareillage médiatique de l’Etat mais cette mise en scène et l’ensemble des images que nous avons pu observer nous prouve que la mort de Kim Jong Il ne menace pas pour autant la stabilité de ce régime dictatorial. Ce qui est sûr c’est que même après son décès, l’ombre de Kim Jong Il plane toujours sur la Corée du Nord.
 
C.D.
 
Crédits photo : ©20 minutes

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Micro et chronomètre
Société

Le CSA comme arbitre des joutes médiatiques de 2012

2012 ! La rubrique Asymétrie vous souhaite une très bonne année ! Profitez bien de ces trois centaines de jours à venir, on entend certains dire que ce sont les derniers… Mais avant la fin du monde, les citoyens prendront le temps d’élire celui ou celle qui présidera la  France jusqu’en 2017. Le pays ne prendra pas tant de temps que ça puisque le scrutin a lieu dans moins de cinq mois maintenant !
Dans un souci de démocratie et de représentation du pluralisme politique, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) a défini les règles de la campagne de 2012. Elles sont entrées en vigueur hier !
 
Les règles* 
 
Pour les quelques temps à venir, l’opposition n’a donc plus seulement le droit à 50-70 % du temps de parole de la majorité (N. Sarkozy + UMP) :
• Jusqu’au 20 mars, les candidats « déclarés » et « présumés » doivent avoir un temps d’antenne (c’est-à-dire une visibilité médiatique) et un temps de parole (c’est-à-dire d’expression directe de leurs messages dans les médias) équitables (« en rapport avec leur notoriété et leur influence, leur représentativité et leurs activités de campagne » selon les mots de l’ancien président du CSA, Dominique Baudis).
• Ensuite, jusqu’au 9 avril, les candidats ayant obtenu au moins 500 signatures devront disposer de temps d’antenne équitables et d’un temps de parole égaux.
• Enfin, le 10 avril s’ouvre officiellement la période de campagne officielle pendant laquelle temps d’antenne et temps de parole devront être rigoureusement identiques. Les conditions de programmation devront évidemment être comparables (pas de candidat à 3h du matin pour compenser un prime time sur un autre candidat…).
Cette équité se fait au sein de chaque chaîne sur des périodes bien délimitées. En somme, ce sont les mêmes règles que pour la campagne de 2007 à cette différence près que ces règles avaient été appliquées un mois plus tôt lors du précédent scrutin présidentiel.
Ah non, il y a un changement !
 
Une nouveauté importante
 
Jusqu’à hier, les temps de parole des soutiens  des candidats n’étaient pas comptabilisés s’ils n’appartenaient pas au parti du candidat. Maintenant : si ! Toutes les expressions d’opinion, toutes les analyses exprimées qui sont « manifestement favorables » à un candidat, que celles-ci émanent d’un spécialiste politique ou non sont comptabilisées.
Cette règle peut contribuer à améliorer la visibilité des « petits » candidats qui ont moins de soutien de grande notoriété que les principaux candidats. Le CSA espère peut être ainsi rééquilibrer la visibilité de tous les candidats.
 
Les choses sérieuses démarrent
 
Jusqu’au scrutin, la distribution du temps de parole va être surveillée avec plus de précision par le CSA, et ce de manière accrue à mesure que l’on approchera des échéances. On peut donc espérer que les candidats tenteront de rationaliser leur temps d’apparition médiatique en jouant moins le jeu des petites phrases -parfois amusant, certes, mais dont l’aspect guéguerre est indigne de l’importance du scrutin à venir- et en insistant d’avantage sur les questions de fond. Autrement dit, avec l’arbitrage du CSA qui vise à plus d’équité puis à plus d’égalité, un candidat ne peut plus s’en tenir aux phrases futiles pour se démarquer. En ces temps de crise, peut-être faut-il mieux briller par les compétences plutôt que par le succès lors des joutes verbales parfois superficielles et enfantines.
 
Thomas Millard

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Affiche du film L'exercice de l'Etat sorti en 2011
Agora, Com & Société, Politique

La politique m'a tuer

Intouchables  vs.  L’Exercice de l’État
 
Pourquoi les gens sont-ils tous allés voir Intouchables plutôt que L’Exercice de l’État ? La mauvaise langue que je suis dirait d’abord qu’il faut arrêter de considérer le succès du film d’E.Toledano et O.Nakache comme une surprise. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde agit comme s’il n’y avait pas eu une énorme campagne médiatique AVANT sa sortie ? Personnellement j’ai entendu parler d’Intouchables pour la première fois en août, et le film était déjà présenté comme le coup de cœur de la rentrée 2011. Un film à Césars, me suis-je alors dit. Attention, pas de méprise : ce n’est pas une critique. Bien au contraire. Le film est non seulement très réussi, mêlant avec subtilité comédie et film social ; mais mérite son succès, dans le sens où il relève l’un des paris les plus difficiles du cinéma : atteindre un large public, donc divers. En revanche, le pari du large public est perdu pour Pierre Schoeller. On peut comprendre le relatif échec de L’Exercice de l’État  au box-office (le film a fait 26 fois moins d’entrées qu’Intouchables).
En même temps il faut avouer que Bertrand Saint-Jean, ministre des transports, tenant l’affiche avec un autre quinqua quasi chauve; ça attire moins que la bonne bouille de Driss, sourire parfait ressortant blanc sur noir. Le contraste, ça marche vachement. Surtout quand il n’est pas subtil, bizarrement. Parce que du contraste, dans L’Exercice de l’État , il y en a. Le personnage public est tiraillé entre ses convictions et une vie simple ; entre ses fonctions et son appartenance au gouvernement. Il y a même de la réflexion. Mais c’est finalement peut être pas le plus important dans un film. Ce que le public cherche, on le sait, c’est avant tout l’émotion. Il ne faut pas que j’oublie que le cinéma est un divertissement, jamais…
 
La politique m’a tuer
 
…Ce qui semble exclure d’emblée les films politiques ! Dans le cinéma français, on hésite à plonger directement dans les coulisses du pouvoir et dans les dilemmes des gouvernants ; on utilise plutôt les thèmes de la justice (Omar m’a tuer), de l’armée (L’Ordre et la Morale) de manière détournée. C’est certainement plus confortable. Non pas que ces sujets soient moins délicats, mais ils sont plus dramatiques et appellent un certain imaginaire qui semble difficilement permis par le réalisme du quotidien, disons, de l’hémicycle…
Pourtant, certains sont arrivés à nous faire fantasmer. A l’exemple : Le Nom des gens, de Michel Leclerc qui met en scène les tribulations d’une jeune femme qui s’amuse à convertir par le sexe des hommes de droite en gauchistes convaincus. Mais peut-on vraiment parler de film politique ? Il relève quand même plus de la jolie fable amoureuse…Avec la sortie, inattendue pour le public français, en 2011, de trois films politiques: La conquête,de Xavier Durringer qui retrace l’ascension de Nicolas Sarkozy à la fonction présidentielle, Pater, d’Alain Cavalier mettant en scène la relation d’un présidente et son premier ministre, et l’Excercice de l’Etat; nombreux critiques cinéma ont émis l’hypothèse d’un « renouveau » du cinéma politique. Néanmoins, aucun de ces films n’a bénéficié d’un réel succès auprès du public. Pourquoi?
Est-ce un thème trop éloigné de notre quotidien? Pourtant, non, la politique nous touche tous les jours. Justement, l’élément déclencheur du film de P. Schoeller, c’est l’éventuelle privatisation de la SNCF… Qu’on ne vienne pas me dire que cette préoccupation ne concerne pas tous les niveaux de la société. Seulement voilà, si le film ne parle pas du clivage gauche droite (Ma part du gâteau, de Cédric Klapish, une histoire pseudo-amoureuse entre un trader et une femme de ménage), ou d’une personnalité publique en particulier (La conquête pour Nicolas Sarkozy, Le Président pour Georges Frêche), la fiction politique ne retient pas l’attention et ne crée aucun buzz. Un peu comme la vie politique française. Finalement, le cinéma est fidèle à la Société dont il s’inspire…
 
 
C.P

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Débat des candidats républicains aux présidentielles à Las Vegas en 2011
Com & Société

En janvier : l'Odyssée républicaine débute…

Aux États-Unis, la campagne pour les présidentielles de 2012 est lancée et on  voit poindre les challengers potentiellement éligibles au milieu d’une pléthore de prétendants.
Si Barack Obama ne s’est pas encore prononcé quant à une probable candidature pour briguer sa propre succession, c’est le branle-bas de combat du côté des Républicains puisque les primaires vont commencer le mardi 3 janvier.
Au gré des affaires, les candidats tombent et laissent place à de nouveaux favoris : si Herman Cain, mis hors course pour cause de scandales sexuels était en bonne place dans les sondages, son éviction a redonné de l’espoir aux candidats aspirants à l’investiture de leur parti. À l’heure où nous écrivons, ils sont sept, sept à pouvoir prétendre affronter le candidat démocrate, et parmi eux, trois fringants sexagénaires, sinon septuagénaires, prêts à se lancer dans la bataille des primaires qui ne consacrera qu’un unique vainqueur.
Newt Gingrich, 69 ans, Mitt Romney, 64 ans et enfin le doyen Ron Paul âgé de 76 ans ont pour point commun d’être les candidats les plus âgés de la campagne. Si ce point pourrait paraître anecdotique, on peut toutefois s’interroger sur ce phénomène et son incidence sur la future campagne électorale. En effet, depuis 2008 et la campagne victorieuse d’Obama, les codes ont changé. Ces seniors sont-ils capables de s’adapter ? Quelles stratégies seront mises en place pour l’emporter ?
 
Une campagne gagnée sur la toile
 
Si l’élection d’Obama en 2008 porte aux nues tant un candidat que des valeurs qu’il incarne telles que le dynamisme, la nouveauté ou la jeunesse, elle pose aussi de nouvelles questions en termes de communication. La campagne d’Obama est en effet sans précédent, donnant au marketing politique de nouveaux codes qui font souffler un vent de fraîcheur sur la campagne, l’affluence aux urnes témoignant de cette ferveur citoyenne. Cette campagne a su toucher les jeunes (66% des 18-25 ans ont offert leur vote à Obama) et les minorités, qui avaient le sentiment d’être délaissés, en parvenant à entrer dans leur quotidien et à les atteindre par le biais de la toile.
Vraie révolution politique qui s’est massivement fondée sur les nouvelles techniques de communication, Obama est parvenu à faire entrer sa campagne dans l’Histoire. Mû par un formidable plan de bataille, Obama a conquis la toile où la résistance de son ennemi était dérisoire. Les réseaux sociaux furent son premier porte-voix : les désormais traditionnels Twitter et Facebook associés à des dizaines de sites communautaires se firent l’écho de cette campagne et lui apportèrent un grand soutien. Avec son propre réseau social MyBarackObama.com, le candidat impulse un militantisme virtuel et efficace qui se retrouve sur une plate-forme gérant les réunions, l’organisation des meetings, le partage des informations entre ses soutiens et à travers le pays : grâce à « MyBo » les actions sur le terrain et sur le net se multiplient. Énième ressort ; son site officiel ObamaBidensite.com, extrêmement actif ET interactif. En un mot : le concept d’échange au carré.
Notons la réactivation de ce site pour la prochaine campagne (on ne change pas une équipe qui gagne !). L’« e-publicity », les plates-formes dédiées aux vidéos de soutien du candidat, la diffusion massive d’informations par SMS sont d’autres vecteurs utilisés par l’équipe d’Obama en 2008.
Ce phénomène nouveau dit du « grassroots » (littéralement les « racines »), exprime le mouvement du « bottom up » au cœur de la stratégie de communication politique d’Obama : l’émulation doit venir des citoyens et être portée par eux.
 
Des seniors prêts à s’y mettre ?
 
La question semble rhétorique : par la force des choses, chaque candidat se doit d’être présent sur ce nouveau terrain, au risque d’être tout simplement mis hors course avant même le coup d’envoi de la campagne. Si les démocrates bénéficient d’une bonne avance dans leurs infrastructures en ligne, les républicains ne sont pas en reste et ont habilement rattrapé leur retard, reconnaissant la maîtrise d’internet comme le nerf de la guerre.
Une présence quasi-formelle est nécessaire sur Twitter ou Facebook, un site officiel s’impose, et ça, les républicains l’ont compris.
Un candidat aussi vieux soit-il n’est en aucun cas un senior lambda qui rechigne à se mettre à la technologie, il est avant tout une bête politique prêt à tout pour gagner. Gageons donc que l’équipe de jeunes communicants dont le futur candidat investi sera bardé se chargera de pallier ses carences si, d’aventure, il en présentait.
 
Des politiques trop conservateurs ?
 
On pourrait donc s’inquiéter pour l’ensemble du parti plus que pour ces trois candidats.  Les conservateurs ont accusé un sérieux retard et cette image de parti courant après le train, acquise en 2008, risque de leur coller à la peau.
Ce qui pourrait faire la différence entre les candidats serait leur manière d’investir ces outils. Les termes « voter », « réseaux sociaux », « Obama » formaient le même paradigme en 2008 ; voter s’était fait avec le même naturel qu’utiliser Twitter pour une bonne partie des citoyens et Obama fut le candidat de ces « virtual citizen ». Le défi de 2012 pour Obama : réitérer l’exploit. Celui des républicains : pouvoir y prétendre.
Pourtant se mettre à jour est-il suffisant pour remporter l’élection ? En effet pendant que les républicains se démènent pour se mettre à niveau, il est certain qu’Obama et ses équipes continuent de perfectionner leur plan de bataille et réservent des surprises (à l’image du site MyBo, devenu une référence en la matière) en terme de communication politique  pour 2012.
La bataille sera rude et épique, mais il est certain que tel Ulysse dans l’Odyssée, le prétendant qui voudra éliminer tous ses concurrents devra user de ruse et de finesse pour gagner le cœur de l’Amérique.
 
Marie Latirre
 
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Chirac dans le métro
Société

Chirac et l'inconscient français

« J’apprécie plus le pain, le pâté et le saucisson, que les limitations de vitesse »

 … Jacques Chirac
 
Le 15 décembre, le tribunal correctionnel de Paris a rendu une décision historique : la condamnation de l’ancien Président de la République, Jacques Chirac, à deux ans de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris de 1990 à 1995. Cette décision, bien que relayée par tous les grands médias, ne semble pas particulièrement choquer l’opinion publique française.
En effet, Jacques Chirac et les français c’est une longue histoire d’amour, qui dépasse les clivages politiques. Il est leur personnalité préférée depuis la fin de son mandat en 2007.
Parallèlement, la popularité de N. Sarkozy souffre des affaires Karachi et Bettencourt. Certes la crise économique rend la question de l’argent plus sensible, mais il est aisé d’observer un phénomène de deux poids deux mesures dans ces scandales. Existerait-il une tolérance particulière de l’opinion publique française à l’égard de Jacques Chirac ?
La réponse est certainement positive. La communication chiraquienne autour de ce scandale, couplée à la construction de son personnage médiatique pendant sa carrière, lui ont permis de conserver une certaine aura malgré les différentes affaires qui ont émaillé son parcours.
A l’automne 2010, Chirac, la ville de Paris, et l’UMP ont signé un accord les engageant à rembourser la mairie de Paris à hauteur de 2,2 millions d’euros. Celle-ci, en échange, ne se constituera pas partie civile. Un arrangement rendu public sous forme d’aveu de culpabilité, qui a pourtant reçu l’adhésion de l’opinion. Jacques Chirac rembourse, accepte la sanction (en refusant de faire appel) et dit prendre ce jugement « avec sérénité » bien qu’il se défende toujours d’être coupable.
Une histoire ancienne, qui semble être vue comme une erreur de parcours tout au plus. Pourtant, certaines personnalités politiques ont chuté pour bien moins que ça. Le personnage sympathique, jovial, convivial et en accord avec l’inconscient français fonctionne bien comme une protection pour l’ancien Président.
Jacques Chirac, toujours plus capitaine que réel acteur. Des hommes susceptibles de sauter à sa place : Dominique de Villepin pour le CPE, Alain Juppé pour l’affaire de la mairie de Paris. Jamais de petites phrases. Homme politique à l’ancienne, cultivé, distingué. Une vraie hauteur de vue en somme.
A l’ancienne peut-être, mais toujours préoccupé par le fait d’être en accord avec la France et ses aspirations. En 2003, il dit non à la guerre en Irak et rassure l’orgueil français. Nous sommes encore de ces nations qui peuvent dire non à la première puissance mondiale nous insuffle t-il.
Aujourd’hui malade, il n’inspire pourtant pas la pitié. Il garde cette étiquette un peu gaullienne de grand homme politique, qui savait faire passer ses décisions avec intelligence et diplomatie et qui n’allait jamais en force contre la rue.
Jacques Chirac aimait le pouvoir, l’argent et les femmes. Les Français ne lui en veulent pas car il n’a jamais rompu publiquement le contrat qu’il avait passé avec eux. Peu importe que les politiques dérogent à la loi, tant qu’ils le font dans les règles de l’art. La communication politique entre alors en jeu pour perpétuer le mythe.
 
Ludivine Preneron

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Sarkozy et Merkel se font la bise
Edito

Carla Bruni-Sarkozy aurait-elle du souci à se faire?

De nombreux journaux ont choisi cette semaine d’illustrer leur article, désormais rituel, sur La Crise – de l’euro, la dette qu’importe : tremblez ! – par la photographie d’un Nicolas Sarkozy et d’une Angela Merkel que l’on croirait sur le point de s’embrasser. L’initiative est sans doute la bienvenue en ces temps douloureux où l’on appelle les populations du monde entier à se « serrer la ceinture » (Nicolas Sarkozy, le 1er décembre 2011 au meeting UMP de Toulon), alors que les dirigeants n’ont rien d’autre à promettre que de la sueur, du sang et des larmes. Un peu de dérision, donc. Ce fut en outre l’occasion pour nos médias d’informations, muselés par la gravité de la situation, de laisser s’exprimer leur sens de l’humour et leur imagination – de quel brillant toupet sait faire preuve la presse française, quelle liberté de parole et d’image ! Il faut admettre que la photographie rompt avec les traditionnelles et ô combien ennuyeuses poignées de mains.

Mais un tel choix n’est-il réellement que l’expression toute simple d’un besoin de fraîcheur et de légèreté ? Puisque c’est aujourd’hui pratique courante, livrons-nous au décryptage. Et commençons pour ce faire par mettre en relation la médiatisation de nos fausses embrassades avec la diffusion des images montrant la ministre italienne des Affaires sociales Elsa Fornero en larmes à l’annonce de l’adoption d’un plan de rigueur. Si le rapport n’est pas évident à priori – passer si brutalement du transport au désespoir ! –, le dénominateur commun apparaît rapidement : les sentiments – ou plutôt : la sentimentalité…
 
La transmission de l’information est aujourd’hui systématiquement accompagnée d’un volet communication soigné ; les journalistes ont peut être un peu abdiqué leurs prétentions à l’objectivité. Car tout le travail ne consiste plus à rendre l’information disponible : il faut qu’elle touche. C’est pourquoi les médias et médiateurs cherchent à paraître toujours plus proches du public.
L’émission Place Publique, présentée pour la première fois lundi soir sur France 3 par notre PPDA national, illustre cet effort. Le concept de l’émission est d’ailleurs brillamment résumé par son titre – « Place Publique » : il s’agissait de laisser s’exprimer les Français dans un cadre de prétendue démocratie directe, à propos de sujets les concernant de manière immédiate. En première partie, nous rencontrons Nassira, qui nous parle de sa précarité dans un Français plein d’imperfections que les concepteurs du programme imaginent sans doute touchantes : « Je suis handicapée par rapport à moi-même », annonce-t-elle, ajoutant « J’ai mal au crâne, j’ai mal tout ce que vous voulez à cause de toutes ces factures là, qui arrivent comme de la pluie sur moi » – et la voix-off de surenchérir : « Cette année encore, il n’y aura rien sous le sapin. Dans la chambre de Marion, leur fillette de 10 ans, aucun jouet, la petite est résignée »…
Oui, en voilà un vrai débat. Les Français, leur quotidien : nous sommes loin des discussions au sommet, des querelles lointaines des Politiques. Si seulement…
 
En effet, je n’ai jamais eu autant l’impression que le débat politique fut si pauvre. Par quoi est-il alimenté, sinon par de petites phrases assassines que tous passent leur temps à se renvoyer à la figure, comme le font les couples pendant une scène de ménage ? Mélanchon qualifiant Hollande de « capitaine de pédalo », alors qu’Aubry le taxait il y a quelques semaines d’être « mou »… Il est très souvent, et classiquement reproché aux Politiques d’utiliser leur position de pouvoir pour manipuler les populations ; or ils n’ont jamais parus si semblables à nous – « normaux », comme dirait l’autre, prompts à l’emportement, mesquins aussi parfois…
… Mais surtout si effrayés à l’idée de perdre le contact que la communication politique tend à se réduire à de la communication phatique.
 
Elodie Dureu

Marine Le Pen dans les rues de New York
Flops

Le rêve américain s’effondre pour Marine Le Pen

Mardi 1er novembre, Marine Le Pen, présidente du Front National et candidate à la présidentielle de 2012, s’est rendue aux Etats-Unis pour y rencontrer plusieurs ambassadeurs et représentants américains. Le but de cette tournée américaine est simple : Marine Le Pen veut se doter d’une stature internationale à quelques mois de la présidentielle, afin de prouver qu’elle a l’étoffe d’une future présidente, ou au moins d’une candidate sérieuse. Cette démarche est assez courante chez les politiques français, mais dans le cas de Marine Le Pen, les choses ne se sont pas exactement passées comme le FN l’avait prévu.
 
Marine est abandonnée par ses hôtes
 
Si Marine Le Pen avait des rendez-vous prévus (elle avait annoncé des rencontres avec des représentants des communautés noires et juives, des élus au congrès, etc.), personne ne s’est bousculé pour la rencontrer. Une à une, les personnes en question ont annulé ou écourté leur rendez-vous avec la candidate d’extrême droite. Doit-on y voir le refus d’associer son image à celle d’un parti d’extrême droite française ? Ou bien doit-on comprendre que les dirigeants américains n’ont pas de temps à accorder à une personnalité qu’ils connaissent finalement peu, voire pas du tout ? Le fait est que celle-ci a fini par faire du tourisme dans les rues de Washington.
En fait, ce n’est pas tout à fait juste, Marine Le Pen a bel et bien rencontré un représentant américain, et pas des moindres : l’ambassadeur d’Israël à l’ONU. Tout un symbole pour la fille de celui qui avait qualifié les horreurs de la Shoah de « point de détail », et peut-être, qui sait, cela aurait-il eu un effet positif pour le FN si l’ambassadeur n’avait pas, ensuite, qualifié cette rencontre de « malentendu » et de « bourde ».
En définitive, Marine Le Pen n’a finalement été vraiment reçue que par une seule personne, qui n’a pas voulu assumer cette rencontre.
 
Marine se met les médias à dos
 
Alors que le voyage avait une visée médiatique évidente (montrer aux français la carrure internationale de Marine Le Pen), celle-ci s’est échinée à fuir les journalistes, à refuser de répondre à leurs questions, et comble du comble, la candidate en voyage a même semblé les trouver pénibles. Evidemment, on comprend mieux cette attitude quand on découvre que l’entreprise du Front National a été un véritable fiasco. Marine Le Pen n’a probablement pas eu envie de devoir lister devant les caméras tous les refus qu’elle a essuyés.
Les journalistes français ne se sont pas gênés pour rendre à Marine la monnaie de sa pièce. Tous les médias ont évoqué l’affaire et se sont accordés pour parler de flop.
 
Marine donne un bel exemple d’échec communicationnel
 
Non seulement le FN n’a pas atteint l’effet escompté, mais il a obtenu l’effet inverse. Ce que l’opinion française aura retenu de ce voyage c’est l’image d’un Front National méconnu à l’étranger et auquel on ne veut surtout pas être associé parce que cela fait tâche. Et après cet épisode, les élus étrangers ne risquent pas de se presser au portillon pour rencontrer Marine Le Pen. On peut se demander si cela entachera finalement la campagne de la candidate. Peut-être pas, mais sa sortie américaine ne lui aura probablement pas apporté de nouveaux électeurs.
Le Front National aura tout de même réussi, on peut le reconnaître, à faire parler de lui. Mais en avait-il vraiment besoin ? Le FN est suffisamment connu des français et peut se passer d’un nouveau bad buzz. Il va donc falloir qu’il redouble d’efforts pour travailler son image, parce que de ce bad buzz là, on oubliera vite le « buzz » pour ne garder que le « bad ». Et le bide.
 
Claire Sarfati
 
Crédits photo :
AFP/Emmanuel Dunand
AFP/Alberto Pizzoli
AP/Jacques Brinon

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President Barack Obama and Vice President Joe Biden, along with members of the national security team, receive an update on the mission against Osama bin Laden in the Situation Room of the White House
Agora, Com & Société

Le déclin du martyr escamoté

 
Cette image est, peu ou prou, la seule épitaphe visuelle sérieuse que les médias aient diffusé pour « célébrer » la mort du leader taliban, Oussama ben Laden. Cette retenue est curieuse compte tenu du désamour, probablement tant unanime que légitime, dont souffrait cet ordonnateur des attentats du 11 septembre 2001. Mais pour comprendre le contraste que les chargés de communication de la Maison Blanche ont orchestré, déléguant aux médias le soin de le répéter et de le propager, peut-être faut-il retracer la généalogie de cet assassinat. Car le mépris de la justice commune dont Oussama ben Laden a été victime, fut-ce au nom de la vengeance nationale, transforme cette mort en exécution sommaire. Rien de moins. Heureusement, la question de la morale en politique ne nous concerne pas.
Reprenons. Il faut se rappeler le paradoxe où se fonde la terreur dont les attentats talibans procèdent. En effet, Oussama ben Laden est wahhabite et représente par là même ce segment musulman aniconique, particulièrement réticent aux différentes formes de la représentation et, par extension, au culte du spectacle. Or, la puissance symbolique des attentats talibans – suicide ou non – réside moins dans le phénomène que dans la monstration médiatique qui les reproduit a posteriori. Le carnage est « toujours » distant et la terreur, si elle est effective chez les populations directement impliquées, contamine la conscience collective par voie de médiation, par écrans interposés. A ce titre, les médias jouent pleinement leur rôle de – osons la tautologie – médiateurs entre deux espaces étrangers, naturellement voués à se méconnaitre.
Le premier versant de ce paradoxe réside donc en ce que les terroriste talibans vont à rebours de leur doctrine iconoclaste. Pour que les revendications de leur guérilla atteignent le fameux inconscient collectif, ils exploitent judicieusement la fascination démesurée – cette puissance consacrée – que la société occidentale voue à la messe des images médiatisées. Cette forme de terrorisme est donc fondée sur la visibilité du carnage, sur sa répétition par les images et sur le climat que cette « arme retournée » installe.
Or, quand Oussama ben Laden vient à mourir, les images viennent à manquer. Le commando ayant participé à la défaite du terroriste ne délivre aucune image. Le trophée national est jalousement conservé, privatisé, retenu. Comme si, privée de démonstration visuelle, la déclaration de la mort du premier des ennemis publics devenait indubitable, irrécusable. Les chargés de communication de la Maison Blanche, prétextant le respect du défunt et de ses convictions religieuses, opèrent donc un renversement des valeurs traditionnellement accordées aux pôles du complexe « image-texte ». Car la déclaration verbale de la défaite du terrorisme est immédiatement placée, dans les imaginaires occidentaux, en concurrence avec la non-image qui en est dévoilée. Ou plutôt, la seule image qui ait filtré du crible de la Maison Blanche excite-t-elle ces imaginaires irrités par des années de traque et de haine – régulièrement entretenue par une actualité chargée de nouveaux attentats. Le soulagement est ainsi frustré par un triomphe modeste, un martyr judicieusement refusé, un voyeurisme interdit. En fait, la véritable image se trouve hors du champ – dans le contrechamp, précisément – de la photographie de presse, à la croisée des regards suspendus de B. Obama et H. Clinton. La photographie employée en tête de cet article est ainsi composée que son centre est invisible, ou donné à voir dans le miroir de ses spectateurs affectés. Cette illustration unanimement reprise par les quotidiens papiers et numériques illustre parfaitement le pouvoir de suggestion des images – décuplé par la dissimulation. Le résultat de cette situation est nécessairement ambigu puisque la photographie des « chefs de guerre » insinue que le document visuel existe bel et bien, mais sous-entend que certains jugent le public inapte à en disposer et décident en conséquence de le dissimuler. Avec cette image, il est donc question de dévoiler la censure par contraste, en mettant en scène ceux qui la commandent.
Le second versant de ce paradoxe tient alors en ce que les funérailles médiatiques de Ben Laden sont célébrées sans les images crues et sanguines que les vengeances assouvies exhibent traditionnellement. Comme si, dans un ultime pied de nez, la présidence américaine refusait à Oussama ben Laden son véritable statut de paria taliban. Comme si, en escamotant la photographie finale, les U.S.A. remportaient par la ruse la compétition médiatique engagée et dominée par les terroristes depuis une décennie – exploitant habilement la soumission occidentale au régime des images. Pied de nez subtile, ou censure discrète… Car ici, la censure est le prix de la concorde.
 
Antoine Bonino

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Affiche de la campagne Benetton représentant un baiser entre Nicholas Sarkozy et Angela Merkel
Com & Société

Kiss for peace

Benetton n’a pas froid aux yeux. La nouvelle campagne « Unhate » de l’agence italienne Fabrica fait polémique dans l’hexagone et au delà de ses frontières. En effet, quand l’agence italienne Fabrica, centre de la recherche sur la communication du groupe Benetton, lance une campagne choc, ça donne : une série de dirigeants de ce monde s’embrassant de manière improbable. La campagne déclinée en plusieurs visuels montrent des images de baisers sulfureux entre les plus hauts gradés de ce monde : le Pape Benoît XVI embrassant sur la bouche l’imam sunnite de l’université égyptienne Al-Azhar, Barack Obama et le président chinois Hu Jintao, le président de la Corée du Sud et de la Corée du Nord. Même notre cher président n’y a pas échappé : c’est son homologue allemand Angela Merkel qu’il a le privilège d’embrasser.
Le caractère controversé des campagnes Benetton n’est plus à prouver. Nudité, vieillesse, diversité, famine, autant de thèmes que Benetton met en scène de manière crue et dissonante. Quand il s’agit de faire parler d’elle, la marque d’habillement italienne excelle. Sa campagne Unhate est un message qui nous invite à considérer que l’amour et la haine ne sont pas des sentiments aussi éloignés qu’ils en ont l’air. Selon le site dédié à la campagne, ces deux sentiments antagonistes sont souvent soumis à un fragile équilibre.
 

 
Cette campagne au-delà de son aspect polémique nous pousse à ne pas haïr. Avec Benetton, encore une fois, la communication est au service de la défense de valeurs. Le discours publicitaire s’adresse à l’inconscient et sort du seul discours rationnel. Ici le mécanisme du discours du surmoi vise à modifier les comportements pour les rendre conformes aux intérêts supérieurs de la société. La marque érige ses valeurs en idéal à atteindre. Elle s’efface, délaisse son identité de marque de mode et laisse place à son combat pour les valeurs.
Même si la démarche est habile, et que beaucoup applaudissent le succès de Benetton, tous ne regardent pas d’un œil clément cette singulière campagne. À commencer par les personnes concernées. La maison Blanche désapprouve l’utilisation du nom et de l’apparence physique du président, et le Vatican, quant à lui est très « fâché » également. Le Saint Siège a pris les mesures nécessaires pour bloquer la diffusion de l’affiche considérant ces clichés comme une atteinte à la dignité.
En somme, pari réussi pour Benetton qui a fait parler de lui mais cela demeure un exemple criant de l’éternelle ambigüité que suppose la liberté d’expression !
 
Rébecca Bouteveille
Merci à Benetton pour leur coopération !
Photos : ©Benetton

Archives

Jacques a dit qu’en matière d’élections il ne faut pas oublier la photo pour accompagner le CV

 
Et ce conseil a été suivi à la lettre par l’ensemble de nos politiques qui ne se lassent pas de s’afficher sous toutes les formes et sur toutes les plates-formes : affiches, blogs, site internet, réseaux sociaux, tout y passe. Cela dit, cette habitude ne serait-elle pas un des facteurs d’explication d’un mal être qui se fait de plus en plus profond chez les français ? En effet, si on excepte les élections présidentielles de 2007 qui peuvent être qualifiées de réaction automatique à la piqure de rappel infligée en 2002 lors de l’affrontement Chirac/Le Pen, force est de constater que l’abstentionnisme électoral est en train de devenir la norme[1]. A une époque où tout le monde s’exprime sur tout, tout le temps, il semble nécessaire de se demander ce que peut signifier ce manque de communication ahurissant entre gouvernants et gouvernés au travers de la non-utilisation de cet outil qu’est le droit de vote et pour lequel certains se sont battus. Il est possible de considérer cette question en observant deux phénomènes inter-reliés.
 
Dans un premier temps, comportons nous comme un passant en pleine campagne électorale. Dans la rue, nous croisons des affiches représentant la plupart du temps un candidat au sourire béat. Son slogan est généralement largement affiché à ses côtés dans un paysage correspondant à l’image qu’il veut renvoyer. Plus tard, il est l’heure de rentrer et au journal télévisé passe ce même candidat que nous avons pu observer dehors il y a quelques minutes à peine. Il a soigné son allure, ses vêtements et son discours est préparé, même les petites phrases assassines à l’égard de ses concurrents qu’il espère voir reprises par la presse le lendemain. Il a l’air plus gros que ce matin quand on l’a vu faire son jogging. Finalement, à la fin on nous citera les différentes plateformes où l’on peut discuter des « idées » débattues qu’il s’agisse de blogs, de site web ou de réseaux sociaux. Ce que l’on peut retirer de ces observations c’est que le dispositif de communication en soi se veut plus présent que les idées elles-mêmes. On multiplie les contenants sans les agrémenter du contenu nécessaire. On met en avant des hommes plus que leurs idées.
 
A partir de là, il est tout à fait compréhensible que l’on se sente l’objet de manipulations permanentes. La politique devient un objet de marketing où chacun devient une cible et non plus un citoyen capable de penser par lui-même. Une impression se dégage selon laquelle nous sommes une voix supplémentaire dans le compte électoral plutôt qu’une voix complémentaire dans le mécanisme démocratique. L’abstention alors peut être considérée de deux manières. Soit comme un vote de protestation parce qu’aucun des candidats en lice ne s’est montré à la hauteur des espérances du votant et que dans notre pays, aucune distinction n’est encore faite entre le vote blanc et le vote nul. Soit comme un vote d’indifférence parce que le votant est désabusé des discours politiques qu’il fourre dans un unique sac peu importe qu’ils soient de droite de gauche ou du centre et que de toute façon la seule chose qui compte pour M. Machin c’est d’être élu voir réélu.
 
On peut donc se poser cette question le plus sérieusement du monde : et si les hommes politiques ne s’affichaient plus ? Cela ne signifie pas qu’il faille abandonner toute forme de communication, celle là est évidemment plus que nécessaire, mais c’est un dispositif à repenser parce qu’aujourd’hui aux yeux des citoyens elle inspire d’avantage la méfiance que la confiance. Ne faudrait-il pas s’abstraire de la vision de l’homme en tant qu’être de chair et d’os pour une représentation de l’homme en tant qu’esprit productif d’idées. Au fond ce que les citoyens attendent aujourd’hui est ce que ce n’est pas une abstraction de l’homme plutôt qu’une abstraction des idées et des actes? Et si les hommes politiques ne s’affichaient plus ? Peut être qu’ilslaisseraient la place aux idées et que leurs actes pourraient parler pour eux…
 
Justine Jadaud

 

[1] Abstentions

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