Pub Biomen, un shampoing
Publicité, Société

« Biomen : une publicité 100% mauvais goût »

 
Et non vous ne rêvez pas! Il ne s’agit pas d’une association douteuse d’images, mais réellement de clichés tirés d’une publicité diffusée depuis une semaine sur la télévision turque. Dans ce spot, la marque Biomen détourne des images du Führer doublées en turc et sous-titrées en allemand, pour vanter les mérites de son shampooing “100% réservé aux hommes”. « Si vous ne portez pas une robe de femme, vous ne devriez pas non plus utiliser son shampoing » clame le Führer en tapant du poing devant une foule en délire. Lors de sa diffusion, ce spot a suscité l’indignation d’associations luttant contre l’antisémitisme qui ont demandé son retrait immédiat.
Cette publicité est particulièrement insultante et de mauvais gout. Ici, le raisonnement est le suivant : tout d’abord il est établi que l’achat du shampooing est seulement l’affaire des femmes et que, par défaut, les hommes n’utilisent pas leur propre shampooing. Première conclusion : les hommes n’achètent pas de shampooing. Il est vrai que les marques s’adressent en général plutôt aux femmes qui sont les premières consommatrices de produits d’hygiène et de cosmétiques, mais depuis une dizaine d’années, le marché s’est ouvert aux hommes. Ensuite il semblerait que le choix du shampooing fasse partie de ce qui caractérise les femmes, comme la robe, le maquillage ou encore le soutien-gorge. Donc se laver les cheveux avec le shampooing de sa femme ferait de l’homme une femme. Dans ce cas, pourquoi ne pas bientôt proposer du savon masculin, de la lessive masculine ou des aspirateurs 100%  réservés aux hommes ?
Certes, le message de cette publicité s’adresse aux hommes, mais il ne faut pas oublier le cœur de cible secondaire : les épouses qui achètent pour leur mari ou les mères qui achètent pour leur fils. Comment une femme peut-elle se sentir séduite par ce genre de discours ? Il semblerait que Biomen ait volontairement fait le choix de s’amputer de l’adhésion des femmes en favorisant « l’humour » car oui, il s’agit bien d’humour ici !
Le choix du personnage est également discutable. Pour quelle raison la marque Biomen a-t-elle choisi d’associer son image à la personnalité certainement la plus haïe de toute l’Histoire de l’Humanité, au lieu des habituels acteurs ou joueurs de football ? Apparemment, Hitler était un homme, un vrai. Peu importe les millions de morts causées par l’idéologie nazie, peu importe la barbarie dont elles ont été les victimes, peu importe les traumatismes de la guerre, c’est ça être un homme et un homme se lave les cheveux avec du shampooing d’homme. On en est revenu à l’homme des cavernes et sa massue, qui hurle pour faire fuir ses adversaires.
La publicité se doit de séduire sa clientèle, non de l’insulter ni de la stigmatiser. Elle doit être plaisante et on doit pouvoir s’y assimiler. Biomen a fait le choix de jouer sur l’aspect macho des hommes et ce qui lui semble être la définition de la virilité, et pourtant, quand on voit ce spot, que l’on soit un homme ou une femme, on ressent un rejet immédiat. Qui a envie d’être associé au plus tristement célèbre meurtrier de masse ? Ici, l’aspect séduction a totalement été mis de côté au bénéfice de la stratégie de buzz.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l’image d’Hitler a souvent été détournée dans les campagnes de publicité afin de susciter l’intérêt des consommateurs. Il semblerait que ce soit la stratégie adoptée par Hulusi Derici qui a réalisé cette publicité ; il se justifie dans le magazine Marketing Turkiye : « Si les gens parlent de la publicité pour un produit, cela fait exister le produit ».  Cependant, le Führer reste un personnage hors du commun, qu’il faut savoir prendre avec précaution. Il est dangereux de le présenter dans une pub comme un personnage sympathique. Hulusi Derici ajoute : « s’ils ne comprennent pas la blague, c’est leur problème. » L’agence publicitaire refuse de supprimer la vidéo, affirmant que «le message du commercial était plein d’humour». Une bonne blague qui ne risque pas de faire Führer…
 
Camélia Docquin

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Archives

Jakadi : tous au ski !

 
Même si bien moins médiatisé que le sacro-saint football, Jacques nous a conseillé dernièrement un autre type de sport : la glisse.
Du 14 au 16 mars, à Tignes, ce sont déroulés les Winter X games 2012 pendant lesquels de grands champions, pourtant inconnus en France, se sont affrontés lors d’épreuves de ski, de snowboard ou encore du célèbre snowmobile… Vous faites peut-être partie, comme moi, des étrangers à ces disciplines mais cela n’est pas le cas de tout  le monde : l’édition 2012 a attiré 103 600 personnes pendant ces trois jours.
Mais ce ne sont pas les résultats sportifs qui m’intéressent aujourd’hui. C’est plutôt la couverture médiatique de l’événement réalisée non pas par un journaliste, non pas par une marque mais par les deux ! En effet, le journaliste Clément Gargoullaud, à travers des vidéos, a couvert cet événement pour Jeep, le constructeur automobile partenaire et sponsor des Winter X Games. Une manière audacieuse d’allier publicité et  journalisme, qui avouons-le, a meilleure réputation que la première. C’est aussi une nouvelle preuve qu’il n’y a pas d’information sans communication, ou de communication sans information. Au choix.
Comment marche cette alliance ? C’est très simple : le sérieux journaliste spécialiste des sports extrêmes nous livre de son œil d’expert et  professionnel, une série de vidéos pour nous faire connaître et vivre ses trois jours de  glisse. On ne remet en question aucune info et on ne critique pas. Ben non, c’est de l’information journalistique. On oublierait presque qu’il le fait du point de vue de Jeep. Enfin, on pourrait l’oublier si les vidéos n’affichaient pas constamment le logo de la marque. Mais il faut reconnaître que le tour est subtil. Quelques apparitions de 4×4 dans les vidéos qui nous montrent à quel point elles s’adaptent aux différents terrains, un rapide plan sur une banderole Jeep mais aussi la forme classique du reportage. Cette publicité est alors mieux reçue dans les différents médias.
Evidemment, quel meilleur moyen de voir les photos et vidéos produites par Clément Gargoullaud que d’aller sur la page facebook de l’évènement ? Et cette page n’est pas celle de l’événement ou du journaliste, c’est bien celle de Jeep France L’occasion d’en apprendre un peu plus sur la marque et de découvrir que l’on a vraiment besoin d’un de leur fabuleux modèle, oui même si l’on n’habite pas dans la montagne enneigée ou dans un désert de sable.
Bref (pour plagier un autre événement à la couverture médiatique étonnante) journalisme et publicité peuvent s’allier efficacement même si, une fois de plus, cette efficacité semble être plutôt bénéfique pour la marque que pour l’amateur de snowboard en route pour le magasin Jeep le plus proche.
 
Manon Levavasseur
Sources :
jeep.fr
influencia.fr
xgames.net

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Flops

Crédit Mutuel : LA banque pour s’engueuler

 
Aujourd’hui, ce n’est pas tout à fait d’un bide que nous allons parler. Mais plutôt d’une certaine vision de la communication qui me semble juste, et d’une autre qui, à mon avis, est maladroite.
On m’a toujours appris qu’en matière de communication, il fallait dégager une atmosphère positive. Ainsi, dans une publicité, il vaut mieux montrer des gens heureux et dire « mon produit vous rendra comme ces gens », et non pas montrer des gens malheureux et dire « mon produit ne vous rendra pas comme ces gens » (évidemment, je schématise), parce que la personne qui reçoit la publicité se souvient de l’ambiance générale qu’elle a vue, des images, du ton, et c’est l’image négative qu’elle retient alors, quel que soit le message derrière.
Attention, je ne dis pas ici que les consommateurs sont idiots et ne sont pas capables de comprendre le message qui leur est adressé, mais inconsciemment, nous assimilons ce que nous voyons, et ce que nous associons à la marque c’est la tonalité générale de la publicité. On associe des émotions positives à une publicité qui nous montre un visage souriant, et des émotions négatives à une publicité qui nous montre un visage en pleurs. Bref, vous m’aurez comprise.
A ce sujet, je trouve la série de publicités du Crédit Mutuel plutôt maladroites.
Déjà, l’une de ces publicités avait fait un peu de bruit. En effet, elle révélait que le Père Noël n’existait pas, chose un peu gênante pour un spot passant à la télévision et donc susceptible d’être vu par des enfants … d’autant plus que la publicité avait été diffusée juste avant le dessin animé Ratatouille ! Le Crédit Mutuel s’était justifié en disant que le spot passait à des heures tardives, puis avait finalement opté pour une version raccourcie du spot, pour ne plus heurter les enfants et surtout embarrasser leurs parents.
Mais ce n’est pas uniquement de cette pub en particulier que je veux parler, car il y en a toute une série. Vous les connaissez probablement, on voit un jeune adulte et son père se disputer au sujet de la banque. En voici une, par exemple, pour vous les remettre en tête :

Ce dont je veux parler ici, c’est bien du ton général de ces publicités. Spot après spot, on nous montre un père et son fils en désaccord, incapables de se comprendre. Le fils est sans cesse excédé de ne pas arriver à convaincre son père têtu. Cela a pour moi plusieurs conséquences. Non seulement cela génère un climat général de dispute et d’incompréhension qui marque les esprits et qui met mal à l’aise, mais en plus, on voit un personnage qui, malgré les nombreuses tentatives de son fils, ne se laisse jamais convaincre, et n’adhère toujours pas au Crédit Mutuel. Bien sûr, la publicité veut que l’on s’identifie au fils et non au père et que nous soyons convaincus, mais cela ne prend pas vraiment.
De plus, à une heure où de nombreuses marques tablent sur la solidarité familiale intergénérationnelle (il n’y a qu’à allumer la radio pour s’en rendre compte : de nombreuses pubs pour des supermarchés ou des magasins d’ameublement mettent en scène une mère et sa fille se refilant le bon plan du moment), je trouve étonnant que le Crédit Mutuel persiste à montrer ces deux individus d’une même famille qui n’arrivent pas à communiquer. Miser sur le conflit générationnel pour nous convaincre et nous donner envie me semble une démarche étonnante.
Evidemment, si pour moi ces publicités véhiculent une atmosphère négative plutôt déplaisante, elles doivent cependant avoir une retombée satisfaisante (dont la raison m’échappe), sinon le Crédit Mutuel ne persisterait sûrement pas dans cette lignée !
Si quelqu’un a la réponse, qu’il m’éclaire, car voilà en tout cas la leçon que j’en tire, et qui corrobore ce qu’on m’a enseigné depuis bien longtemps : en publicité, et plus largement en communication, c’est une image en tous points positive qu’il faut associer à la marque que l’on veut vendre, afin que le consommateur ait envie de s’y identifier.
En ce qui me concerne, quand je pense « pub Crédit Mutuel », je pense « Père et son fils qui s’engueulent », et non « offres avantageuses ».
 
Claire Sarfati
Crédits photo et vidéo : ©Crédit Mutuel

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Affiche Fauchon Bouche 2004
Les Fast

Mises en bouche

 
Celle qui papote, qui sourit, qui fait parfois la moue se balade de plus en plus sur nos écrans. Peut-être l’avez vous remarqué mais la bouche est mise à l’honneur dans des contextes pour le moins différent ces derniers temps.
On peut la voir se délecter dans cette chorégraphie rythmée et colorée :

On peut l’admirer dans l’univers du rouge à lèvres qui lui est propre grâce à un montage entre le stop motion et Parker Lewis (série adorée des années 90) :

Et finalement, depuis le 5 mars, on peut l’imaginer au volant d’une Peugeot 107 « so girly » à en croire le spot :

Alors, il y a de quoi se demander à quelles symboliques de la bouche les publicitaires font-il appel dans chacun de ses films. La bouche y est représenté quasiment de la même manière : gros plan sur la partie inférieure d’un visage féminin arborant des dents blanches et parfaitement alignées en contraste avec des lèvres aux couleurs parfois délirantes.
La campagne de Fred et Farid (celle qui eu le don d’agacer Fauchon) pour la marque de régime au système de points use de la bouche à la fois pour son rôle de mastication, mais aussi pour sa symbolique sensuelle et glamour offrant aux yeux un film très esthétique malgré un sujet peu ragoûtant qui aurait pu virer au « Super Size me ».
Lancôme fait une fixette sur cet organe tout d’abord car il est le plus démonstrateur d’un des plus produit qui résiste à toutes épreuves. La bouche est ici vectrice de dialogue et les lèvres se montrent sous tous les angles grâce aux différentes actions enchainées (baisers, moues diverses et variées).
Enfin, chez le constructeur automobile le but était de créer un univers « girly » avec des couleurs flashy parcourant l’arc en ciel de bout en bout. Tous les clichés sont là afin d’imposer la voiture comme partenaire idéal du shopping. La bouche est surtout présente car elle renvoie à la féminité et la sensualité mais elle rappelle aussi le dynamisme du clip « I love u so » de Cassius qui eu un grand succès.

Ces bouches chantantes risquent de nous en faire voir de toutes les couleurs pendant encore un moment !
 
Marion Mons
 
Crédits photo et video :
©Fauchon – ©Weight Watchers – ©Lancôme – ©PSA

Meetic Affiche Metro Parisien Saint Valentin
Société

Comment ça, vous êtes célibataires ?

 
Vous n’y pensez pas quand même ? Pas avec ce que vous avez sous les yeux !
Il est effectivement difficile d’échapper aux campagnes diverses et variées que nous offrent les sites de rencontres en ce début d’année. Ces acteurs majeurs de notre réseau préféré semblent avoir décidé de se liguer contre un grand fléau de notre société : le célibat.
A croire que Meetic, Adopteunmec.com, Attractive World ont écouté aux portes lors des soirées du nouvel an, pour entendre les bonnes résolutions et les souhaits des milliers d’âmes seules en ce bas monde… Ou essaient-ils simplement de nous les souffler à l’oreille ?
Pour preuve, certains ont commencé leur campagne en décembre 2011, histoire de bien être en place lors des lancés de cotillons. E-Darling reprend pour cela le concept et même les images de ces spots TV diffusés courant 2011, chacun basé sur le témoignage d’un couple formé grâce au site. Il propose alors pour la fin d’année une compilation épurée et élégante en noir et blanc, qui s’intègre parfaitement dans l’ambiance des fêtes de fin d’année où l’on ne demande souvent qu’un peu de magie pour y croire un peu…

En effet, une nouvelle année est souvent propice à un nouveau départ pour les personnes qui ne sont pas satisfaites de leur vie. Il est impensable pour ces sites de louper le coche puisqu’après le 1er janvier pointe le 14 février, date phare dans leur calendrier. Il y a donc beaucoup en jeu en un mois et demi en ce qui concerne le nombre de membres et la satisfaction des inscrits.
Pour cela, Meetic a décidé pour sa nouvelle campagne d’être tout sauf pragmatique. Au lieu de miser sur le sérieux et l’efficacité de ces services, le site s’est offert l’aide d’une réalisatrice renommée. Il profite de l’image et de la médiatisation de Maïwenn pour promouvoir son nouveau spot TV et tente alors de changer la nature même de ce spot publicitaire en lui donnant un caractère de court métrage. Ce ton plus artistique est un moyen de modifier  le regard du public : avoir envie de regarder une pub est rare, mais avoir envie de regarder une vidéo faite par une personnalité majeure du cinéma français d’aujourd’hui, c’est autre chose.
Ainsi, finissons sur une note poétique :
« Parce que moi je pense que l’amour, le vrai, il n’en a rien à faire des statistiques, et qu’il ne se trouve pas  forcément au bureau, dans mon immeuble ou au coin de ma rue. Moi, je pense que les belles rencontres, elles se font partout, mais surtout ailleurs. »

 
Justine Brisson
Crédits photo et video :
©Meetic.fr
©AttractiveWorld.net
©AdopteUnMec.com
©Edarling.fr

Publicité Axe Anarchy Déodorant pour Femme 1
Publicité, Société

Publicité Axe Anarchy

 
« Boumchikawawa », ça vous dit quelque chose ? On connaît bien sûr tous, les déodorants Axe, leurs pouvoirs « attractifs » et leurs pubs sulfureuses dans lesquelles des hordes de mannequins aux jambes interminables se précipitent sur leur proie. Ces pubs mettent en scène les fantasmes des hommes de manière souvent caricaturale en maniant auto-dérision et fond de vérité. Et ça marche ! Axe est en effet le leader du marché de déodorants masculins, ses produits sont distribués dans plus de 60 pays et l’entreprise incarne aujourd’hui la marque de soin pour hommes la plus populaire au monde. L’orientation des campagnes Axe a permis au grand groupe de se forger une vraie identité, qui explique d’ailleurs son succès : le déodorant Axe est bien plus qu’un déodorant, il incarne la puissance séductrice des hommes. La raison d’un tel engouement ? Les noms des produits, toujours évocateurs (il suffit de se souvenir de la campagne pour le déodorant « Hot Fever » et son slogan « Qui a les plus grosses marracasses ? ») jouent pour beaucoup dans l’image de marque, mais ce sont les campagnes publicitaires qui mêlent tous les ingrédients clés de la réussite : le buzz, l’humour et le sexe. Les femmes sont toujours de superbes créatures de rêve, à moitié dénudées, qui révèlent leur instinct animal dès qu’elles se trouvent à proximité du déodorant miracle.
Les pubs Axe ont souvent été dénoncées par les organisations de défense de l’image de la femme ; la meute des chiennes de garde a ainsi déjà plusieurs fois dénoncé les campagnes de l’enseigne considérées comme « des publicités à caractère sexiste ». Elles sont même allées jusqu’à porter plainte auprès du « jury de déontologie publicitaire » en réclamant une modification du spot publicitaire « plus t’es clean, moins elles le sont ». Evidemment Axe joue sur le second degré : les pubs sont toujours caricaturales et ne se transposent jamais dans la vraie vie. Les femmes peuvent parfois se sentir blessées, mais dans la plupart des cas elles sont simplement amusées face au grotesque du fantasme masculin.
De toute manière cela a peu d’importance car mesdames, nous ne sommes pas la cible et Axe n’a jamais eu besoin du consentement des femmes pour vendre ses produits aux hommes.
Oui mais voilà ! Il y a eu récemment un brusque retournement de situation. Axe est arrivé là ou on ne l’attendait pas du tout : la marque de soin pour hommes par excellence change brusquement de stratégie et tente de conquérir le marché du déodorant féminin.

Pas question cette fois de présenter des femmes soumises au désir des hommes ! Non car pour la première dans l’histoire de la marque, l’avis des femmes est pris en compte et influence le scénario publicitaire. Le défi est incroyable : ne pas déstabiliser le marché masculin par une féminisation de l’image, tout en parvenant à lancer un message suffisamment positif envers les femmes pour qu’elles achètent le produit. Axe doit détruire son éternelle image virile et machiste. La nouvelle campagne publicitaire « Axe Anarchy » présente donc deux produits : un déodorant pour homme et un déodorant pour femme. La logique est la même que dans l’industrie du parfum avec la présentation symétrique « pour lui » et « pour elle ». La marque ne rompt pas totalement avec ses codes traditionnels : l’humour et le sexe restent les éléments fondateurs de la publicité. Il y a toutefois une différence de taille : il n’y a plus d’opposition homme / femme mais une logique de couple dans lequel les partenaires sont mutuellement attirés. Les femmes ne sont plus des proies mais des êtres humains à part entière. Exit les milliers de femmes pour un seul homme : place à l’égalité des sexes ! Image bien rangée pour une marque sulfureuse me direz-vous ? Axe reste tout de même dans le registre de l’excès en présentant l’attraction réciproque dans un cadre apocalyptique de fin du monde avec beaucoup d’humour. Le slogan « Unleash the chaos » (« libère le chaos ») associe l’idée d’attraction sexuelle à l’anarchie et au désastre. Ce qui aurait dû être un symbole d’harmonie devient alors la cause d’un chaos profond et irréversible. Défi pleinement relevé !
 
Charlotte Moronval
Crédits photo et video : ©Axe

Affiche censurée du film Les Infidèles avec Dujardin sortie début 2012
Edito

Quand l’ellipse se fait de moins en moins subtile…

 
Durant ces dernières semaines vous avez certainement eu le plaisir de vous retrouver face à une nouvelle tendance dans l’affichage que j’aime à surnommer « Parce que les publicitaires prennent leur pied ». En effet, je doute que les affiches du film Les Infidèles vous aient échappé, ou encore celles de Virgin pour son opération Love spéciale Saint Valentin (of course).
Par ces temps si froids, toutes ces jambes dénudées ont attiré mon regard (sans sous-entendu aucun). C’est d’abord l’ellipse qui m’a intéressée, le fait de montrer la partie pour le tout et d’exprimer ainsi bien plus qu’un banal message de publicité pour rasoir. Oui les jambes sont jolies, fines, épilées de près mais ce n’est pas tout. Elles sont coupées afin de laisser le reste du corps à l’imagination. L’esprit formule ainsi une image certainement bien plus crue que celle que l’on aurait pu afficher. Et pourtant cela est déjà en montrer trop il semblerait.

Dans le cas de Virgin, on reste dans du soft avec la présence à la fois d’une jeune fille et d’un jeune homme, à en juger par le teint et la tonicité de leurs peaux, ainsi que par une minceur souvent associée au bel âge. Le fait que les deux protagonistes pieds nus soient mis sur un pied d’égalité laisse penser à une relation amoureuse stable et respectueuse. Accrochés à leurs chevilles, ayant fait leur chemin le long de leurs jambes nues, reposent deux sous-vêtements, étrangement identiques. Nous avons là une première ellipse, au niveau des jambes coupées afin de ne pas heurter la bienséance, précisée par une seconde d’autant moins subtile. Dans l’espace qui sépare nos deux amoureux, le mot « Love » trouve sa place, racontant l’histoire de ces deux corps à la fois par ses multiples sens, par le choix d’une typographie féminine via sa couleur et masculine via son épaisseur imposante sans empattement.  Certains parlent de vulgarité, d’autres ne voient rien à redire mais il semblerait tout de même que ce type de visuel ne passe pas encore inaperçu malgré une certaine démocratisation de l’acte sexuel.

Pour Les Infidèles le verdict aura été plus tranché. Je n’ai pas besoin de vous expliquer ce que les féministes reprochent aux affiches… Il semblerait que nous n’ayons pas eu le plaisir de voir toutes les déclinaisons à ce jour car certaines ont été censurées avant même d’arriver dans les rues. A la différence de l’affiche de Virgin, nous avons là une très nette supériorité de l’homme sur la femme qui se retrouve, elle, réduite à un simple objet sexuel destiné à souligner le titre de « l’œuvre ». Comme si le nom du film n’était pas assez clair, les publicitaires ont jugé bon de le représenter, sans la moindre métaphore. On parlera encore sûrement d’un coup de buzz par provocation pure et simple mais si cela jouera peut-être en faveur du film qui verra ses entrées augmenter, ce ne sera pas forcément le cas d’un de ses acteurs principaux, Jean Dujardin. En effet, « The Artist » pourrait bien voir lui échapper son bel oscar en raison de toute cette affaire sordide (surtout aux yeux des américains).
Si l’ellipse n’est pas forcément l’une des meilleures techniques pour déjouer la censure, il en reste encore quelques unes qui pourraient bien faire le bonheur des publicitaires : une petite métonymie ? Qui sait…
En tout cas, je ne demande qu’à enrichir ma collection d’affiches « Parce que les publicitaires prennent leur pied » donc si vous en avez d’autres, envoyez !
 
Marion Mons
Crédits photo : ©Virgin – ©Mars Distribution/JD Prod

Le Bateau Costa Croisière échoué
Flops, Publicité

La leçon de pub du Costa Concordia

Le 13 janvier dernier, lors d’une croisière de 7 jours en Méditerranée, le Costa Condordia, navire de croisière de la société Costa Croisières, faisait naufrage au large de la Toscane, entraînant la mort et la disparition de nombreuses personnes.
Ce n’est pas le drame en lui-même qui m’intéresse aujourd’hui, mais les dommages communicationnels de l’événement.
Tout d’abord, le naufrage d’un de ses navires est évidemment une très mauvaise image pour Costa Croisière. En matière de publicité, la compagnie aura dorénavant du mal à se doter de slogans et de spots qui, en plus d’attirer la clientèle, réussissent à faire oublier la tragédie du Costa Concordia.
Le groupe Costa a d’ailleurs annulé toutes les communications publicitaires qui avaient été programmées. Ainsi par exemple, une nouvelle émission présentée par Mireille Dumas intitulée « La Croisière des Idoles » devait suivre des passagers et des chanteurs sur une croisière de luxe et être diffusée sur France 3 les 23 et 30 janvier, mais, par respect pour les victimes et les familles, Costa a dû annuler la diffusion de cette émission.
Récemment, la marque avait également lancé une grande campagne de spots télévisés dont le slogan annonçait fièrement la couleur : « Le paradis sur mer ». Quand on découvre ces publicités rétrospectivement, elles paraissent de très mauvais goût, puisque le paradis s’est transformé en enfer, à l’image du Titanic. On ne peut pas reprocher à la marque d’avoir voulu vanter les mérites de son produit, ce qui est tout de même le but de la publicité. Cependant, on peut quand même souligner que les choix du groupe Costa n’ont pas toujours été judicieux.
Ainsi, dans un de leurs spots, la voix off disait : « Quand vous avez goûté à une croisière Costa, c’est difficile de revenir à la vie de tous les jours. ». L’actualité donne à cette simple phrase un aspect morbide, et on imagine l’amertume des familles de victimes face à un tel slogan. Evidemment, Costa Croisière ne pouvait pas prévoir qu’un de ses bateaux allait faire naufrage, mais on peut tout de même exiger d’une marque de transport qui porte un certain pourcentage de risque (idem pour les compagnies aériennes) qu’elle choisisse des thèmes qui ne menacent pas de lui faire du tort par la suite ou de porter à confusion.
Le travail du publicitaire est donc délicat : il n’est pas seulement de donner au produit une belle image mais également d’envisager toutes les éventualités pour que sa pub, qui promet le paradis, ne devienne pas en un rien de temps le reflet amer d’un souvenir cauchemardesque.
Costa Croisière devra attendre un certain temps avant de pouvoir reprendre un vrai travail de publicité, le temps de réinstaurer un certain climat de confiance, impossible actuellement, alors même que les recherches des corps se poursuivent sur l’épave du navire.
 
 
Claire Sarfati
Crédits photo : PAUL HANNA/REUTERS

Campagne Dolce&Gabbana choquante
Société

Le shockvertising

Vous n’avez rien demandé à personne. En bon citoyen intégré à la société sur-consommatrice vous avez parfaitement intégré la présence des publicités dans votre milieu naturel, vous ne les voyez même plus, vous avez renoncé à vous battre contre cette hyper-publicitarisation qui vous envahie. Selon certaines agences, les Français subiraient entre 600 et 800 messages publicitaires par jour (2 500 selon la « Brigade anti-pub »).
Face à une telle omniprésence, les spectateurs sont devenus hostiles : la lassitude a peu à peu gagné les Français qui sont désormais passifs quant à l’abondance de ces messages.
Les entreprises, de leur côté, tentent désespérément de capter votre attention dans cette jungle où la compétition est rude. Certains misent sur l’humour, d’autres sur le glamour mais dans le meilleur des cas, une publicité ne retient notre attention que quelques instants. Il n’y a pas à tergiverser : celles qui nous sortent de notre torpeur habituelle, sont d’une toute autre nature. Vous les avez certainement déjà remarquées… Elles nous offusquent, nous terrorisent parfois. Elles se fondent dans la masse de slogans et de réclames pour mieux nous frapper.
Certaines affiches cherchent en effet à nous choquer, non par pur plaisir sadique mais par désir de sensibilisation et de lutte pour des causes nobles : combat contre l’exclusion, les violences conjugales, le tabagisme, la protection de l’environnement et des animaux, la faim dans le monde… Le spectateur ressent alors souvent un tel malaise qu’il accepte de faire un don pour soulager sa conscience.
Jusque là rien de bien nouveau, il existerait deux grandes familles publicitaires : celles qui nous vendent un produit en nous attirant et celles qui défendent une cause en nous choquant. L’une nous manipule, l’autre nous sensibilise. L’une incite à l’achat, l’autre nous pousse à nous remettre en cause. Ces deux ensembles semblent donc complètement distincts. La réalité est bien sûr beaucoup plus compliquée.
Les marques ont compris que le meilleur moyen de se différencier de la concurrence était de recourir à une stratégie plus agressive à l’égard des consommateurs. C’est la stratégie adoptée par Benetton sous l’égide du photographe Oliviero Toscani. Celui-ci a renoncé à l’idée de vendre du rêve ; pour lui la publicité « ne vend pas des produits ni des idées, mais un modèle frelaté et hypnotique du bonheur ». Exit donc le mythe de la publicité qui défendrait des valeurs et une vraie image de marque, place à la créativité, à la liberté d’expression et aux images fortes. Les photos de Toscani sont toujours percutantes, choquantes et contraires à l’opinion publique.
Une nouvelle technique publicitaire est donc en plein essor : le shockvertising. Exploiter les tabous de la société : le sexe, le racisme, la violence, la mort, la maladie pour faire la promotion d’un produit qui n’a aucun lien avec ces grands thèmes de société. Les publicitaires utilisent des éléments qui ne passent pas inaperçus dans le but de susciter des émotions négatives chez les consommateurs (révolte, tristesse, colère).
Pourquoi les marques cherchent-elles à choquer leurs clients potentiels ? En quoi cela est-il favorable à la vente ?
Le shockvertising est en réalité très efficace car le fait de troubler les spectateurs renforce la mémorisation et donc l’efficacité de la technique marchande. Ces campagnes entrainent la confusion chez celui qui les regarde car aucun lien apparent ne semble lier l’idée du message au produit lui-même ; cela oblige donc les spectateurs à réfléchir sur la connexion entre les deux. On peut prendre l’exemple de l’affiche Dolce Gabbana qui montre une scène de viol, ou encore la marque de vêtement Sisley qui est très connue pour ses publicités outrancières dans lesquelles les thèmes de la drogue et du sexe sont très souvent repris. On y voit notamment des jeunes filles en train de « sniffer » un T-Shirt blanc comme s’il s’agissait de cocaïne. D’autre part, une publicité censurée crée du scandale et attise ainsi la curiosité des consommateurs qui chercheront par tous les moyens à voir ce qui semble si dérangeant ; ce fut le cas pour les affiches de campagnes contre le Sida sur lesquelles la maladie était comparée à Hitler, Staline et Hussein.
Le shockvertising est une technique publicitaire controversée et souvent dénoncée.
Jusqu’où les marques sont-elles prêtes à aller pour nous inciter à l’achat ? Les valeurs morales que nous partageons peuvent-elles être irrespectueusement utilisées à des fins commerciales ? Les publicitaires se défendent en affirmant que la liberté d’expression et la créativité sont les bases de leur métier. De plus, l’argument marketing est incontestable : les campagnes choquantes font parler d’elles et donc des marques qu’elles représentent. Attention tout de même car donner un nom à une technique (le shockvertising), ne la rend pas légitime pour autant et les dérives sont fréquentes. Ames sensibles s’abstenir.
 
Charlotte Moronval
 
Crédits photo : ©Dolce&Gabbana – ©Aids – ©Sisley

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Balle de football américain au sol représentative du Super Bowl Américain
Com & Société, Publicité

La publicité, grande gagnante du Super Bowl

Commençons avec une devinette : quel est le jour de l’année où les Américains consomment le plus de nourriture ? Okay, Thanksgiving, that was an easy one. Et le deuxième sur le podium ? Réponse : le Super Bowl Sunday. Le what ?
Le Super Bowl, c’est la finale du championnat national de football (américain, of course). Mais c’est aussi 1,25 milliards d’ailes de poulet, 4000 tonnes de guacamole, 14 500 tonnes de chips et surtout, environ 100 millions de téléspectateurs. Ce dimanche‑là est presque considéré comme un jour férié à part entière, le match est regardé en famille ou entre amis, et la consommation suit le mouvement, ainsi que les taux d’audience ! Le Super Bowl XLV (la 45ème édition du match depuis la toute première en 1966) est même à ce jour l’émission télévisée américaine la plus regardée de l’Histoire.
111 millions d’Américains rassemblés devant leurs téléviseurs par la seule beauté du sport ? Pas tout à fait. Chez l’oncle Sam, un match de football est toujours accompagné d’une fanfare, de cheerleaders, de l’hymne américain… Autant dire que lors du Super Bowl Sunday, le spectacle est à son comble ! Chaque année, le processus de sélection de la ville qui organisera la grande finale s’apparente aux sélections olympiques. Important aussi, le choix de l’artiste qui aura l’honneur de chanter l’hymne américain, et de celui qui animera la mi‑temps par un mini‑concert (mais avec un maxi‑public). Cette année pour le Super Bowl XLVI, qui aura lieu le 5 février, ce sont Indianapolis, Kelly Clarkson, et Madonna qui ont raflé la mise.
Mais pour les téléspectateurs, le spectacle ne se joue pas uniquement sur le terrain, il est aussi dans les coupures publicitaires. Eh oui, quand on s’appelle Coca Cola, Doritos ou Budweiser et qu’on s’adresse au tiers de la population américaine à travers un spot qui peut coûter jusqu’à 100 000 dollars la seconde, on s’arrange pour ne pas louper son coup. Résultat : les publicités diffusées lors du Super Bowl sont bien souvent des merveilles d’ingéniosité et de drôlerie, et sont une des raisons pour lesquelles tant d’Américains se regroupent devant leur télé ce soir-là. Dans une société dite de plus en plus publiphobe, quel drôle de phénomène que celui-là: la pub est appréciée, voire plébiscitée, elle est presque appréhendée comme une forme d’expression artistique, à la manière du cinéma ou de la photo. Alors que les pauses publicitaires sont traditionnellement pour les téléspectateurs un moment propice au zapping ou à la satisfaction des besoins les plus élémentaires de l’organisme, ici les annonceurs s’efforcent de contrer le phénomène et de retenir les Américains dans leur canapé à l’aide de talentueux exercices de style. D’une certaine façon, pendant le Super Bowl, la pause pipi c’est le moment où le match reprend ! Selon Stephen Master, le vice président de l’institut de recherche et de sondage Nielsen, près de 50% des téléspectateurs allument la télé pour regarder les publicités, plus que pour regarder le match*.
Néanmoins, on peut s’interroger. Les bijoux publicitaires dévoilés lors du Super Bowl Sunday valent-ils vraiment leurs 3,5 millions de dollars (pour un spot de trente secondes) ? Il semble pourtant que les marques trouvent leur compte dans cet investissement. En effet, l’audience atteinte par les publicités du Super Bowl ne se limite pas aux quelques 111 millions d’Américains qui auront passé le dimanche devant le match. Les publicités du Super Bowl sont un tel phénomène que désormais on voit fleurir sur Internet les listes récapitulatives et autres « tops des 20 meilleures pubs du Super Bowl ». Si par ailleurs, on tient compte de la dimension affective qui lie les consommateurs à ces perles attendues chaque année avec impatience, on imagine sans peine l’impact que peut avoir un spot au Super Bowl pour les marques. Faire partie des happy few qui communiquent lors du Super Bowl est déjà en soi une raison d’être au cœur de la conversation ! En témoigne l’attention que reçoivent dès aujourd’hui GoDaddy.com, Doritos, Skechers, Teleflora, Pepsi, ou encore Kia pour avoir annoncé qu’ils diffuseraient un spot lors de ce Super Bowl XLVI.
 
Esther Pamart
* Source: money.cnn.com
Crédits photo : ©Anderson Mancini Flickr

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