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Les Liaisons Dangereuses

 

« La haine est toujours plus clairvoyante et plus ingénieuse que l’amitié ». Évoqué par Laclos au 18e siècle, ce principe n’a pas pris un pli et les enveloppes envoyées au sénateur Roger Wicker et au président Barack Obama en sont bien l’exemple.
Comment les moyens de communication deviennent-ils des armes destructrices ?
Lorsque Valmont et la marquise de Merteuil correspondent, c’est le contenu des lettres qui est dangereux, leurs actions, leurs secrets, leurs projets. Et déjà la relation épistolaire devient dramatique par les propos qu’elle tient et les conséquences qu’elle implique à leur découverte.
Avec les lettres du 16 et 17 avril dernier, c’est le moyen de communication lui-même qui est empoisonné.
La recette, un peu fantastique mais malheureusement vérifiée, est simple : saupoudrez vos écrits d’une pincée de poison mortel ! En effet, à partir d’une certaine dose, le pouvoir toxique de la ricine, cette macro-molécule, peut être létal.
Alors quand le moyen de communication est empoisonné, il devient difficile de communiquer. Ce ne sont plus les mots qui sont toxiques, ce ne sont plus les manières de les utiliser qui sont néfastes mais c’est la lettre qui devient une arme.
De la peur de l’autre à la peur d’une communication homicide
Les interactions entre les hommes sont souvent compliquées. En effet, les valeurs, les sentiments, le tempérament propre à chacun, amènent à la méfiance de ce qui est autre. D’autant plus que ce qui est méconnu voire inconnu a tendance à attiser cette peur.
La communication reste le moyen pour appréhender et connaître autrui. Cependant lorsque les codes de cette dernière sont corrompus il est difficile de ne pas s’en méfier.
Avec la remise au goût du jour des lettres empoisonnées c’est la peur de la souffrance et de la mort qui entrent dans l’imaginaire de la communication interindividuelle.
En parallèle des attentats à la bombe de Boston, le bioterrorisme et la terreur d’une mort invisible sont de nouveaux éléments à ajouter à ce moyen de communication. L’évolution des usages de la lettre fait aussi évoluer sa conception. Au delà de la lettre de cachet qui vouait arbitrairement à la prison ou à la mort ceux à qui elle était envoyée, la lettre empoisonnée agit sans que celui qui la lit ne s’en rende compte. Et c’est cette invisibilité qui inquiète.
Cette pratique marginale de la rédaction entre dans le champ de réflexion des relations épistolaires.Heureusement, notre indifférence, plus ou moins prononcée, ne nous empêche pas de continuer à vivre.
Par ailleurs, les autorités et les médias n’évoquent ni le contenu des lettres envoyées ni le possible lien entre elles. Cela pourrait être remis en question. Les États-Unis sont ébranlés de toutes parts et les temps sont durs du côté de la superpuissance ; composée d’humains elle reste toujours mortelle. Enfin, le fameux Memento Mori nous rappelle que les liaisons dangereuses sont surtout celles que nous entretenons avec la mort.
 
Maxence Tauril