Edito

Ils sont forts ces British !

Il paraît que la télévision, toujours plus énervée par la concurrence d’Internet, redouble d’efforts pour rivaliser et attirer davantage d’annonceurs. La rumeur court depuis que BSkyB, l’opérateur de télévision par satellite britannique, a fait le pari de relancer les publicités locales. Très répandues dans les années 1970 au cinéma (pour un restaurant asiatique du quartier par exemple), BSkyB compte les remettre à jour sur le petit écran.
Le retour de la publicité personnalisée
Mais d’abord, comment cela fonctionnerait-il exactement ? Sky reste assez flou sur ce point. Il prévoit le lancement d’un nouveau service dans quelques mois nommé « AdSmart ». Celui-ci proposerait plusieurs « gammes de solutions pour répondre aux besoins des marques », comme l’énonce Andrew Griffith, le directeur financier de Sky. Or pour les annonceurs, l’enjeu est de taille. Il s’agit pour eux de s’adresser directement aux foyers désirés en fonction de leur composition, de leur localisation ou de leurs programmes favoris. BSkyB entend aller très loin en leur permettant de diffuser leurs publicités dans des zones géographiques précises, voire dans quelques maisons ciblées dans une rue donnée.
Mais encore ?
Andrew Griffith explique aussi : « on pourrait par exemple réserver les cinq dernières secondes d’une publicité automobile à un concessionnaire local, ou bien proposer plusieurs variantes pour une case publicitaire. » En fait, « AdSmart » sera disponible sur les 7,3 millions de décodeurs haute-définition de l’opérateur dans des foyers en Grande Bretagne. Ainsi la chaîne diffusera ces spots personnalisés par-dessus les spots dits « linéaires » de façon fluide pour les téléspectateurs qui n’auront pas désactivé cette nouvelle fonction sur leur boîtier. Quant à la segmentation des foyers, l’équipe de Sky serait aidée par des entreprises spécialisées dans la gestion du risque de crédit, en bons connaisseurs des revenus et des modes de vie des consommateurs.
Jackpot pour Sky qui pense attirer non seulement les annonceurs locaux mais aussi les plus grandes marques. Ces dernières pourraient voir dans ce système un moyen de diminuer les pertes liées aux campagnes publicitaires classiques. Comme le souligne Anthony Ireson, directeur marketing de Ford en Grande Bretagne, « la moitié de notre travail est gâché. La publicité personnalisée est un moyen de cibler les gens à qui vous avez besoin de parler. » Ainsi, le Financial Times estime même que des marques haut de gamme comme Porsche qui ont toujours laissé de côté la télévision car trop « grand public », pourraient être attirées par une telle approche.
Cependant, le prix n’a pas encore été déterminé. Un ciblage plus précis devrait être plus cher, mais Sky prendrait alors le risque de faire reculer les annonceurs locaux censés être les principaux intéressés.
Une réponse au défi numérique
Apparemment, le projet a déjà été tenté aux Etats Unis par les chaînes ComCast et Time Warner Cable en 2008 sous le nom de Canoe Project. Si aujourd’hui leur offre a évolué principalement vers des vidéos diffusées en différé (et non en direct comme le souhaite BSkyB), l’idée de départ était d’adapter les outils de personnalisation d’Internet à la télévision. BSkyB espère même exploiter les comportements des foyers sur le web. Les mots clefs tapés dans les fameuses barres de recherche génèrent bien des publicités ciblées sur Internet. Pourquoi ne pas imaginer diffuser des publicités sur les chaînes de télévision à propos de prêts hypothécaires dans une famille qui en aurait fait la recherche sur le net ? C’est en tout cas ce qu’argumente l’opérateur. Mais ils oublient les bonnes vieilles interrogations sur le respect de la vie privée des internautes et des consommateurs, encore et toujours présentes et prégnantes. Le cas BSkyB n’est pas sans rappeler celui de l’EyeSee ou celui des chaînes françaises utilisant les données personnelles. L’opérateur entend de plus personnaliser les annonces en fonction des goûts des familles, détectés à partir de leurs habitudes télévisuelles. On se demande alors s’ils pourront déjà aller jusque là.
Effectivement, il semble que le projet de BSkyB soit (un peu trop) ambitieux. L’opérateur de télévision par satellite se perd dans les promesses. Il est aussi envisagé de créer un service de publicités interactives (le spectateur pourrait par exemple appuyer sur un bouton et « visiter » la voiture aperçue), alors que les questions de prix et de vie privée ont à peine été soulevées. Or, rappelons le contexte économique et social dans lequel nous nous trouvons. La diminution des budgets des annonceurs et la méfiance croissante des consommateurs envers les entreprises et les publicités sont des obstacles à intégrer dans leur stratégie. On attend la suite !
Camille Sohier
Source : article du Financial Times « La télé vous regarde » sélectionné par le Courrier International.

Com & Société

La reine de la pub

 
Élisabeth II et ses tailleurs colorés sont devenus des atouts royaux pour certaines marques en quête de visibilité.
La reine d’Angleterre est bel et bien le plus beau joyau de la Couronne ; mais à qui fait-elle profiter son rayonnement ?
Vous n’avez pas pu y couper, ce fut un véritable scoop, une révolution culturelle, un petit tour pour the Queen mais une odyssée pour le monde. Oui, Élisabeth II était au sein de l’usine Bailey le 22 novembre 2012 pour visiter des camping-cars !
On se demande, quand même, si les informés ne se sont pas fait écraser par le vide de la nouvelle.
En tous cas, pour le plus ancien constructeur d’Angleterre, l’égérie était parfaite et la foule de journalistes qui l’accompagnaient aussi.
L’histoire ne dit pas si cette idée est royale ou si elle vient de l’entreprise mais la notoriété de la reine fait du bien à l’économie britannique.
Sa lumière n’empêche t-elle pas finalement de bien voir les marques ?
En effet, quand toutes les caméras sont braquées sur la reine, le bruit des enseignes n’est qu’un murmure de fond.
Pourtant la marque « Bailey » a été citée dans tous les articles et dans tous les commentaires parus et entendus sur le sujet. Alors, comme un coureur, ce murmure est endurant, il perdure, on l’entend, on l’attend, on s’y attache.
La reine reste donc une véritable force marketing. Certes elle incite à l’achat, notamment par ses compliments, mais sa notoriété, son aura mondiale rendent surtout visibles certains acteurs de l’économie.
Et les Britanniques ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce type de placement de produit. D’ailleurs, c’est avec plaisir que la marque Samsung s’est s’invitée au Jubilé de la reine en juin 2012. Et quelles photos n’ont pas été prises de cette dernière recevant une tablette nouvelle génération ! La reine fait parler et par la même met en évidence, volontairement ou non. Est-elle le joujou des enseignes ou se joue-t-elle des marques ? Reste à déterminer.
Mais en quoi la visibilité permise par la reine est-elle spéciale ?
L’image de Buckingham accorde une noblesse à des produits déjà coûteux. Les objets bourgeois veulent acquérir leur titre, et en s’associant à un prestige royal, c’est un peu comme s’ils y parvenaient.
La reine est respectée, aimée, trendy. Elle détient même sa fan page officielle sur Facebook depuis 2010. La reine est fashionable, kitsch, mais surtout elle anoblit certains produits, elle les rend d’autant plus exceptionnels et luxueux.
Samsung, Rolls, Bailey et tout Piccadilly Circus l’ont bien compris.
En cette période de fêtes nous sommes donc heureux de vous annoncer que la bienveillance d’Élisabeth II est sans borne. Au-delà des traditionnelles œuvres de charité elle n’oublie personne, surtout pas les entreprises britanniques qui lui tiennent à cœur. Aussi et surtout, les entreprises ne la mettent pas de côté grâce aux symboles qu’elle représente : longévité, puissance, noblesse, luxe.
Et on attend avec impatience le nom de l’enseigne mortuaire qui organisera ses obsèques.
Le business jusqu’à la mort, Élisabeth II est vraiment la reine de la pub !
 
Maxence Tauril

Kate et William Mariage Baiser balcon
Com & Société

Noblesses et royautés

 
Il y a quelques mois, les yeux rivés sur le petit écran, nous Français, fervents admirateurs de Lady Di, regardions Kate, roturière, dire « oui » au célibataire le plus convoité du gotha. Consécration ultime pour cette « fille du peuple ». Il y a quelques jours, à la veille de leur premier anniversaire de mariage, les médias se sont emparés à nouveau de cette histoire qui a fait rêver tant de jeunes filles.
Premiers pas d’une princesse en devenir, premières sorties officielles, premier discours, sens aiguisé de la mode, les médias se sont littéralement emparés du phénomène « Kate ».  La duchesse de Cambridge n’échappe pas à l’exposition médiatique due à son titre, tout comme les autres têtes couronnées.  Aujourd’hui, envisager les monarchies régnantes revient à les considérer comme un produit médiatique. Charlène, jeune épouse du prince Albert de Monaco, Mathilde de Belgique, la famille Monégasque ou  encore les Bourbons d’Espagne, personne n’y coupe.
La monarchie, véritable symbole constitutif d’un pays, agit sur le sentiment et l’imagination des sujets. Véritable instance, symbole de cohésion et d’unité, la royauté doit être perçue avant tout comme humaine. Du moins c’est ce à quoi s’attèlent les différents services presse des palais.  Incontestablement, la stratégie d’image est un enjeu majeur. Semblable à un produit que l’on markète, chaque détail est minutieusement pensé, planifié. Un vrai ballet. Les activités officielles sont alors indubitablement mises en scène. Mise en scène du couple, mise en scène de la famille, mise en scène de la royale progéniture. La reine, les princesses héritières et chacun des membres de la famille deviennent de véritables atouts du tandem royal. La présence des épouses sur le devant de la scène est donc indéniable. Elles viennent compléter l’image du roi et apportent une dimension maternelle. Kate s’occupera donc des dimensions sociales dans le royaume et d’activités autour de la petite enfance pendant que son cher mari s’occupera des missions économiques à l’étranger. La royauté doit elle aussi chercher à gagner les faveurs de sa cible. Pas étonnant que la reine Elizabeth se serve de Kate pour insuffler un vent de modernité à la monarchie britannique, que Mathilde de Belgique et son mari contribuent à apporter un peu de sérénité en Belgique, que Charlotte Casiraghi contribue à perpétuer le mythe de beauté de sa légendaire grand-mère Grace Kelly.
Sang bleu ou roturiers, les journalistes sont toujours à l’affût de la nouvelle qui fera mouche. Et les familles royales ne se privent pas de mettre en avant les joyaux de la couronne et de les tourner à leur avantage : Kate la roturière devenue princesse, Letizia, divorcée et ex-présentatrice TV, désormais princesse des Asturies, Victoria de Suède épousant son coach sportif… Les journalistes savent où puiser dans les histoires familiales et ne s’en privent pas. Demeure l’éternel dilemme : jusqu’où aller pour satisfaire le besoin des lecteurs curieux ? Droit à l’information certes, et le respect de la vie privée ?
Une chose est sûre, les têtes couronnées font vendre.
 
Rébecca Bouteveille