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Fillon et la refonte de la Sécurité Sociale : le premier faux-pas.

Fin novembre et contre toutes attentes, François Fillon l’emportait à la primaire de la droite et du centre, devenant ainsi le présidentiable du parti Les Républicains (LR). Cette victoire a sans doute été possible grâce à la réaffirmation d’une ligne droitière forte portée par un candidat aux convictions conservatrices assumées. Parmi les propositions de son programme, celle portant sur la modification des remboursements de la sécurité sociale a très rapidement fait du bruit dans le Landerneau.
Une remise en cause historique
Pour pallier le déficit de la sécurité sociale, Fillon a exprimé le souhait que seules les maladies chroniques et les infections longue durée soient remboursées par la sécurité sociale; le reste devrait dès lors être pris en charge par les mutuelles. Ce système implique donc des remboursements plus ou moins importants selon l’organisme auquel on souscrit. En somme, il s’agit de faire un pas vers la privatisation de la sécurité sociale en se rapprochant du modèle américain. Seuls les plus nécessiteux, c’est-à-dire les personnes aux revenus trop modestes pour se munir d’une mutuelle, seraient éligibles à une sorte de bouclier sanitaire qui leur fournirait une couverture maladie accrue gratuitement, les préservant ainsi de ce grand recul social.
Avec cette proposition, au départ bien inscrite dans son programme, Fillon est le premier candidat à remettre en question le système de santé français, pourtant plébiscité et pris en tant que modèle par d’autres pays. Ce projet n’a rien d’anecdotique puisque c’est l’esprit et la lettre d’une conquête sociale emblématique de après-guerre qui se trouvent menacés d’extinction. Dans l’article qui lui est consacré dans le journal Libération du 19 décembre 2016, Henri Guaino, député LR des Yvelines, dit à propos de cette réforme : « C’est une purge comme jamais proposée depuis la Seconde Guerre mondiale […] peut-être le pire programme de casse sociale qui a été imaginé depuis 1944 ». Fillon fait donc des mécontents dans tous les camps, y compris le sien. Sans doute parce que sa proposition tente d’effacer le socle du modèle social républicain établi.

Une idéologie libérale en guise de faux-semblant
En lieu et place du modèle actuel dans lequel chaque citoyen consent à un effort financier pour les autres, François Fillon propose de substituer une idéologie de responsabilisation et de souci des grands équilibres. Au point, là encore, de troubler son propre camp et de s’attirer les remontrances de ceux qui y voient une vision moralisatrice du salut par la souffrance. Aujourd’hui tout le monde a le droit à la même pres- tation sanitaire quel que soit sa situation financière. En cela, la sécurité sociale fran- çaise repose sur des valeurs de solidarité. Privatiser, entièrement ou partiellement la sécurité sociale, c’est défaire un pilier de l’État-providence. Donner la priorité aux mutuelles signifie effacer l’égalité entre tous et défavoriser davantage les plus précaires. En effet, d’après Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, cette réforme coûterait des milliers d’euros supplémentaires par an à chaque foyer. C’est donc l’instauration d’un système à deux vitesses que Fillon plébiscite : d’une part se trouveraient ceux qui ont les moyens de se payer le luxe d’être en bonne santé et d’autre part, ceux pour qui ce serait impossible.

L’homme rattrapé par son image
Les primaires républicaines s’adressaient à une fraction de la population. Mais une fois la victoire acquise, la véritable compétition implique de brasser un public bien plus large. Le jeu de la surenchère à droite n’est donc plus autant permis. Dans un souci de réalité et pour ne pas hypothéquer ses chances à la présidentielle, Fillon opère un renoncement malgré lui. Avec ce recul, c’est le spectre de l’homme transparent, pointé du doigt comme tel, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, dont le courage et l’audace ne sont pas les premières vertus, qui revient. Quoi qu’il en soit, ce renoncement aura tôt fait d’apparaître aux yeux d’un grand nombre de citoyens comme le premier faux pas du grand favori de cette élection, mieux vaudrait alors pour lui que ce soit le seul !
Déborah MALKA
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Sources
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« La réforme de la sécurité sociale vue (et revue) par François Fillon », Sciences et Avenir, mis en ligne le 14/ 12/ 2016, consulté le 21/ 12/ 2016. http://www.sciencesetavenir.fr/politique/la-reforme-de-la-securite-sociale-vue-et-revue-par-francoisfillon_108889
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