prix sweat shop
Agora, Com & Société

"Sweatshop", quand la télé-réalité met les marques devant leurs responsabilités

« Sweatshop – Deadly Fashion » est un programme de télé-réalité norvégien produit par le journal Aftenpost et diffusé sur son site internet depuis mai 2014. On y suit trois jeunes blogueurs mode norvégiens plongés durant un mois dans l’enfer d’une usine textile à Phnom Penh au Cambodge. Les consommateurs occidentaux avaient déjà été avertis de l’existence des « ateliers de la sueur » lors du drame du Rana Plaza en avril 2013 qui avait fait 1138 morts. Des géants de la grande distribution textile comme Auchan, C&A, Zara, Primark ou encore H&M avaient été au cœur du scandale pour avoir fait fabriquer leurs produits dans des usines où la dignité humaine est sacrifiée sur l’autel du rendement.
Une télé-réalité au service de la bonne cause ?
Choc et sensationnalisme assurés : trois blogueurs mode vivant dans un des pays les plus riches de la planète, la Norvège, se retrouvent à travailler pendant un mois dans les conditions inhumaines des « sweatshops ». Dans l’usine de Phnom Penh, ils réalisent ce qu’est le travail à la chaîne, même si celui-ci n’est pas l’apanage des pays pauvres. Il s’avère rapidement que cette jeunesse dorée n’a aucune conscience de cette réalité et fait rapidement son mea culpa : « Nous sommes des enfants gâtés. J’ai honte. » déclare Anniken Jorgensen sur son compte Instagram.

Cependant, faire culpabiliser les consommateurs ne semble pas être une manière efficace de changer les comportements. En effet, le choc des images, la distance géographique et culturelle entre la Norvège et le Cambodge, risquent de placer le consommateur dans une situation d’impuissance, il va alors préférer ignorer cette réalité qui lui échappe. Il faut aussi garder à l’esprit que l’Europe subit une grave crise économique depuis 2008 et que face à la baisse du pouvoir d’achat et à une société de consommation qui crée sans cesse de nouveaux besoins, les classes pauvres et moyennes n’ont d’autres choix que de consommer à bas coût.
En revanche, un tel programme peut jouer un rôle essentiel dans la dénonciation des pratiques de grandes marques du textile. Ainsi une des participantes n’a pas hésité a dénoncer H&M menaçant de manière imminente l’image de la firme.
Le déni au péril de la réputation
Au lendemain de la catastrophe du Rana Plaza, les grandes marques européennes impliquées ont été rapidement montrées du doigt par les médias, les ONG et les différentes associations de consommateurs. Le drame humain a été tel que les marques se sont retrouvées dans une crise sans précédent. Plutôt que de choisir la transparence, elles ont préféré pour la plupart rester dans le déni, s’appuyant sur l’absence de preuve de leur participation à un tel business.

C’est le cas par exemple de la firme suédoise H&M qui a nié les faits. Alors que des étiquettes portant le logo de la marque avaient été retrouvées et photographiées dans les décombres, H&M a maintenu son absence de responsabilité. Il n’empêche qu’H&M a, au lendemain de la catastrophe, annoncé qu’elle cofinancerait, avec l’agence suédoise d’aide au développement, un projet « d’exportation du modèle social suédois dans l’industrie textile des pays asiatiques et africains ». Cela lui permettait de présenter l’image d’une entreprise responsable et touchée en sa chair par le drame survenue dans l’usine cambodgienne.
Avec l’émission du Aftenpost un nouveau scandale éclabousse la firme suite aux accusations d’une des participantes. Au lieu de faire preuve de transparence, la marque a préféré réitérer dans un communiqué son engagement pour « la mode éthique » et son appartenance au programme Better Factories Cambodia program de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).
La communication responsable : un atout pour les marques
A travers ces faits d’actualités, c’est le problème de la responsabilité sociale de l’entreprise qui est soulevée. Celles-ci ne peuvent plus se cacher derrière le succès de leurs ventes. Il en va de leur image et de leur réputation. Les médias sociaux se sont ajoutés à la pression que pouvaient avoir les ONG sur les pratiques de ces grands groupes du textile. Ils constituent un levier d’envergure alors que les enjeux de réputation sont devenus fondamentaux. Il est de plus en plus difficile pour les marques de cacher leurs pratiques alors que des réputations peuvent se défaire en quelques tweets.

L’attitude négationniste de certaines marques comme H&M sont incohérentes et suicidaires notamment lorsque la marque suédoise a lancé sa campagne « conscious » qui promeut une « mode éthique » . Les consommateurs ne sont pas dupes et la marque risque lourd en terme d’image en utilisant l’argument éthique à des fins uniquement marchandes sans le respecter dans son fonctionnement interne. Plus récemment, dans le domaine de l’agro-alimentaire, MacDonald a dévoilé dans une vidéo les ingrédients contenus dans ses frites mettant en avant l’importance de la transparence quant à la fabrication de ses produits.
La prise de conscience de ces enjeux ne semble pas encore très effective dans le domaine de la fabrication textile. Même si des accords internationaux ont été signés par les grands noms du textile (C&A, Benetton, Marks & Spencer, H&M…) les engageant à un comportement responsable, notamment à garantir un salaire minimum décent, ceux ci manquent de force coercitive et semblent ne pas avoir les effets escomptés.
Alice Rivoire 
Sources :
lemonde.fr
challenges.fr
france24.com
youphil.com
Crédits photos :
ecouterre.com
sympatico.ca
france24.com
madame.lefigaro.fr