Publicité et marketing

Google + Facebook : la publicité, terrain d’entente entre frères-ennemis

 

Véritables Caïn et Abel 2.0, Google et Facebook affichent une rivalité marquée, source de multiples dissensions publiques dont l’affaire Burson-Marsteller / Google fut la manifestation la plus éclatante . Marquante également fut la décision prise par Facebook au lancement en juin 2012, de Facebook Exchange (FBX), sa plate-forme d’achat publicitaire en temps réel reposant sur le reciblage; d’interdire aux clients de DoubleClick, la régie publicitaire en ligne de Google, d’acheter les espace proposés par Facebook via cet outil, en les contraignant de facto à utiliser d’autres plates-formes que DoubleClick pour réaliser de pareilles opérations.

Cette mesure est toutefois appelée à disparaître, et il sera bientôt possible aux utilisateurs de DoubleClick d’acheter des espaces publicitaires sur Facebook via FBX. Ce revirement n’est toutefois pas le fruit d’une décision de justice comme l’a priori pourrait autoriser à le penser, mais bien d’un accord entre les deux frères-ennemis.

Retour sur les logiques sous-tendant ce rapprochement.

Le déclin de l’hégémonie de Google dans la pub digitale

Les qualificatifs trompeurs de « moteur de recherche », et de « réseau social », respectivement attribués à Google et à Facebook, ont conduit à l’évanouissement dans la perception collective, de l’importance de leurs activités publicitaires. C’est pourtant sur ce marché – seule véritable source de revenus des deux acteurs – que se cristallise la tension concurrentielle au cœur de cette rivalité.

Estimés à près de 39 milliards de dollars pour 2013, les revenus publicitaires en ligne de Google représenteraient plus d’un tiers du marché. Toutefois l’avance prise sur Facebook et ses 6,4 milliards de dollars, n’est que relative tant ce dernier chiffre tend à croître de manière exponentielle, bondissant de 66 % entre 2012 et 2013.

revenus publicitaires
 

Google doit donc se préparer à continuer de partager le marché avec Facebook, qui devrait de surcroît poursuivre sa croissance notamment grâce à FBX, qui lui a permis d’étendre avec succès le champ de ses activités publicitaires.
En effet les publicités de Facebook étaient traditionnellement axées vers la seule création de demande : des publicités présentant un produit donné à un prospect qui, eu égard à certaines de ses informations personnelles (âge, sexe, profession), serait susceptible d’être intéressé par ledit produit. Ainsi, le recours au reciblage via FBX a permis à la firme de se lancer dans un secteur qui était historiquement l’exclusivité de Google, la publicité de réalisation de demande : la publicité présentant à un prospect un produit pour lequel il a déjà manifesté un intérêt plus ou moins direct, détecté via ses cookies.

Or c’est ce second type de publicité qui tend à remporter les faveurs de nombre d’annonceurs, d’abord en raison de la meilleure qualité du ciblage inhérente au cookie-tracking ; mais également en raison de leur nature même, qui permet de mieux mesurer le retour sur investissement, dans la mesure où ces publicités sont souvent le dernier clic avant l’achat.

Facebook exchange

Partialité au conditionnel

Face à ces données, la tentation est grande d’avancer une lecture mettant en scène un Google en danger pactisant avec l’ennemi bien qu’il apparaît toutefois difficile de mettre en lumière un déséquilibre manifeste entre les parties à cet accord, qui semble profiter également aux deux firmes.

D’abord parce que tous deux devraient en retirer une hausse significative de leurs revenus publicitaires. En accédant à la possibilité de servir d’intermédiaire dans la vente d’espaces publicitaires proposés par Facebook, Google devrait augmenter le volume global des commissions perçues via DoubleClick, tandis que Facebook doperait la demande pour ses espaces, désormais accessibles via DoubleClick, qui est de loin la plate-forme la plus usitée. Facebook touchera certes davantage sur chaque opération, mais Google a désormais accès à une source de revenus nouvelle et non négligeable.

Plus fondamentalement cet accord permet d’assurer la pérennité de DoubleClick, qui aurait perdu de sa pertinence s’il avait continué à fonctionner sans la possibilité pour ses clients d’acheter de l’espace sur Facebook, tandis qu’il permet à ce dernier de limiter le risque de perdre des budgets publicitaires.

Mais cette profitabilité commune farde l’ascendance de Facebook dans cet accord, décelable à trois niveaux :

– D’abord, parce que les gains de Facebook sur chaque opération réalisée via DoubleClick sont largement supérieurs à ceux de Google qui ne perçoit qu’une simple commission.

–  Ensuite, l’augmentation de la demande consécutive à cette opération devrait entraîner une hausse importante du prix desdits espaces, qui restent disponibles à l’achat via d’autres plates-formes que DoubleClick.

–  Il semble enfin que l’éventualité de ce revirement avait été envisagée par Facebook, et ce, à l’instant même où fut prise la décision d’exclure Google de la plate-forme FBX (i.e. à son lancement). Il est certes indéniable que ce faisant, Facebook confesse son échec dans la bataille qui l’a opposé à Google, qu’elle avait initialement tenté de concurrencer en se positionnant sur le même segment qu’eux avec FBX ; mais décaler l’arrivée de Google sur cette plate-forme a eu le mérite de permettre à Facebook de laisser à une foule de petits acteurs opérants via FBX (Critéo, AppNexus, AdRoll…), le temps de parfaire leur développement et de se consolider, brisant ipso facto l’omnipotence totale qu’aurait connu Google en entrant en lice l’an passé. Seul au milieu de petites structures encore fragiles, il les aurait rapidement absorbées ou écartées du marché, asseyant très rapidement un monopole total.

Toutefois, la fragilité de cette ascendance – qui n’est d’ailleurs point encore caractérisée – force à la prudence, d’abord parce qu’elle repose sur le présupposé très hypothétique du maintien sur le long terme de ces petites structures toujours fragiles. Sans cela, la partialité présentée supra prendra le dessus.

Nuance à nouveau, en cela que ce rapprochement induit une perte de statut de Facebook qui, après avoir tenté de se positionner sur le même segment que Google avec FBX, revient en arrière pour revêtir à nouveau son habit de simple éditeur.

Quoiqu’il en soit, cet accord devrait prendre concrètement effet d’ici quelques mois. Peut-être sera-t-il ensuite étendu à d’autres secteurs. Aucune certitude en ce domaine, bien que la vidéo en ligne semble être un terrain particulièrement fertile.

 

Teymour Bourial

Sources :
Stratégies.fr
Slideshare.net
Statista
Facebook.com
 

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