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Michel et Augustin ne sont pas dans leur assiette

Au cours de l’année 2016, Michel de Rovira et Augustin Paluel-Marmont, les deux dirigeants de l’entreprise éponyme Michel et Augustin, ont dû essuyer plusieurs polémiques. La dernière en date porte sur leur soutien indirect à la manif pour tous. La proximité des deux dirigeants avec les milieux homophobes et anti-IVG a suscité la fronde de certains consommateurs sur les réseaux sociaux qui ont appelé au boycott de leurs produits. Ces réactions publiques risquent à terme de ternir l’image de marque du groupe agroalimentaire.
Une erreur de communication
Jusqu’à présent, le duo ne s’était pas prononcé politiquement et était resté fidèle à la ligne stratégique de son modèle entrepreneurial, Ben & Jerry’s. Le groupe s’était investi essentiellement au niveau social et sociétal, et tout particulièrement sur le terrain de l’insertion professionnelle, comme le suggère une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux montrant Anne-Claire Long, la Directrice des Ressources Humaines de Michel et Augustin, proposer aux passagers du métropolitain un poste de web designer au sein de l’entreprise ou la possibilité de préparer son CAP pâtisserie dans les locaux de la « bananeraie » (le siège social de l’entreprise). Ces deux initiatives mettent en exergue l’intention des trublions d’agir sur le marché du travail.
Cependant, les différentes prises de position politiques des deux dirigeants viennent porter atteinte, aux yeux de certains consommateurs, à l’image altruiste de la marque.
En mai 2016, Michel et Augustin ont fait parler d’eux en invitant à la « bananeraie », dans le cadre des rencontres « boire une vache avec… », François Fillon, personnalité politique choisie par le mouvement Sens Commun, lié à la manif pour tous. Ils avaient certes invité d’autres élus politiques de tous bords confondus, mais la rencontre avec François Fillon a marqué l’esprit des internautes dans la mesure où Augustin Paluel-Marmont, l’un des deux fondateurs du groupe, a ouvertement soutenu le candidat à la primaire de la droite et du centre en affirmant : « François Fillon est le seul homme politique à formuler un horizon politique pour la France. » .
D’autre part, une photo de Michel et Augustin en compagnie de membres de Gens de Confiance, une start- up proche du mouvement de la manif pour tous, a circulé sur Twitter. Cette photo n’a fait qu’attiser les accusations dont ils faisaient l’objet et a engendré de nouvelles réactions : certains consommateurs se sont organisés pour coller des post-it dénonciateurs sur les produits Michel et Augustin dans les supermarchés, tandis que d’autres ont appelés au boycott de la marque.

Pourquoi une polémique d’une telle ampleur ?
La dissonance entre les valeurs affichées par la marque (l’humanisme, le dialogue, la sincérité, l’humour), celles imaginées par une partie de ses consommateurs (la tolérance, l’esprit jeune, le cool) et les convictions des individus Michel de Rovira et Augustin Paluel-Marmont (le libéralisme économique et le conservatisme social) est devenue patente.
La stratégie de communication de l’entreprise a agi comme une caisse de résonance suite à ces révélations, étant donné que la communication de Michel et Augustin s’appuie sur la notion de friendship marketing. Il y a à la fois une hyper-personnalisation des deux créateurs, qui deviennent eux-mêmes un argument de vente à travers l’outil du storytelling (leur scolarité commune, le vélo de Michel, la kangoo bleue d’Augustin, les plantes vertes de Michel, la fille d’Augustin…) et une place considérable prise par les consommateurs dans la communication digitale du groupe : le feedback est sans cesse sollicité pour mieux cerner les attentes du consommateur en l’interrogeant sur le format de tel produit, la couleur de tel packaging, ou encore sa recette préférée. La participation des consommateurs renforce l’attachement de ces derniers à la marque et leur donne l’impression de faire partie de
l’aventure Michel et Augustin. Les consommateurs prennent part, de fait, à l’identité de la marque et une véritable relation se tisse entre eux et le groupe, ce qui correspond à un dépassement du modèle de l’échange marchand traditionnel.
Or, comme l’a mis en exergue Paul Ricoeur dans Soi-même comme un autre, la relation avec
autrui implique une sollicitude critique qui tient compte de la morale, et de fait engendre une
affection pour l’autre et suppose, en filigrane, des similarités éthiques.
Il n’en demeure pas moins qu’une telle stratégie marketing peut se retourner contre ses géniteurs : lorsque l’identité de ceux qui incarnent la marque ne correspond plus aux attentes morales des consommateurs, ceux-ci ont le sentiment de s’être fourvoyés sur ce qu’ils pensaient être leurs semblables, ce qui engendre de l’amertume.
La communication de crise
Dans un premier temps, le community management s’est organisé sur les réseaux sociaux, en répondant aux différents tweets afin de mettre un terme aux polémiques. Le 14 octobre 2016, ne constatant pas l’arrêt des offensives, Michel, Augustin et la tribu ont pris la parole dans un premier communiqué de presse. Ils démentent d’emblée être homophobes et ré-contextualisent les rencontres qui sont à l’origine de la polémique en rappelant leur ambition d’ouverture et d’échanges.
S’en suit un deuxième communiqué de presse publié le 18 octobre, dans lequel le groupe réaffirme son leitmotiv, « #liberté, #différence et #fraternité » et ses valeurs : l’entrepreneuriat au sens très large, l’importance du savoir-faire manuel, l’attention à l’autre, le sens de l’effort, le respect de notre planète, le partage, le sport, la solidarité envers les plus démunis. Ils joignent au communiqué un lien de la vidéo du Palmashow, le duo d’humoristes qui avait fait une parodie de Michel et Augustin, « les internets » se jouant des haters. Ils confirment ainsi leur sens de l’humour et leur sens de l’autodérision. Un numéro de téléphone est aussi mis à disposition pour plus d’informations au sujet des valeurs de l’entreprise. Il s’agit, en définitive, de rétablir le dialogue et la confiance entre la firme et le consommateur.
Cependant cette stratégie de communication se retourne contre ses élaborateurs, puisque le communiqué de presse a été relayé par les médias traditionnels (Libération, Capital, 20
minutes, Europe 1 et l’Obs) qui ont remis le sujet sur la table et se sont davantage penchés sur les origines de la polémique plus que sur la plaidoirie des trublions du goût. Ils ont sorti le sujet de la sphère Twitter, quelque peu étriquée, pour l’exposer à la vue de tous. En somme, leur stratégie de communication a agi comme une caisse de résonance et n’a fait qu’envenimer la situation.
Judith Grandcoing
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Sources :
Taupin Benjamin. Michel et Augustin au-delà du « fun ». Le Monde, le 25.06.2015.                         Consulté le 29.10.2016
Le Roy Le Marrec Manon. Michel et Augustin, des gâteaux étouffe-bobos. Libération, le 22.10.2016. Consulté le 22.10.2016
Dancourt Anne-Charlotte. Michel et Augustin accusés de soutenir la Manif pour tous. Les
Inrockuptibles, le 18.10.2016. Consulté le 18.10.2016
micheletaugustin.com Consulté le 06.11.2016
Crédits :
webzinedemaelie.wordpress.com
yzgeneration.com
 

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#MorandiniGate : buzz ou moralité ?

Cet été, les révélations sur la web-série de Jean Marc Morandini n’ont pas pu vous échapper ! Face à un intense acharnement médiatique, JMM n’a pas réussi à garder son sang-froid. Entre une brève conférence de presse et une forte propagande sur son blog, le journaliste n’a pas appliqué les règles de base d’une communication de crise : prise de conscience de la gravité des actes, évocation du fond de l’affaire et réponse aux interrogations du public. Cette communication ratée a renforcé sa culpabilité aux yeux de l’opinion. Si Europe 1 a évincé le présentateur, iTélé a annoncé son retour sur la chaîne avec une émission quotidienne intitulée « Morandini Live ». Quand justice, morale et audiences s’emmêlent.
Rédaction : 1 ; Direction : 0 !
Le retour de Morandini a éveillé de fortes tensions au sein de la rédaction d’iTélé. Les journalistes voient cette arrivée comme destructrice pour l’éthique du journalisme et pour l’image de la chaîne. En effet, l’image d’une chaîne d’info sérieuse ne semble pas coïncider avec un présentateur accusé de corruption de mineurs. En plus d’une grève et d’une motion de défiance, les journalistes ont déployé une communication massive. Le Monde a notamment publié une tribune de la Société des journalistes, implorant Morandini de renoncer à sa venue. Mais une guerre moderne ne serait pas communicationnelle si elle n’était pas numérique. Le hashtag #JeSoutiensItélé est vite devenu TT (toptweet) France, relayé par de nombreux journalistes et téléspectateurs. L’implication du public a pris une telle ampleur qu’une pétition contre JMM a été lancée.

Face à cet engouement, le groupe a répliqué avec son argument principal: #JeSoutiensLaPrésomptionDinnocence. S’il a été retweeté par Morandini, ce hashtag n’a finalement pas connu un grand succès…
Le privilège de l’audience
La nouvelle image que devait bâtir la chaîne en se rebaptisant Cnews est entachée par la polémique. Face à des employés et à un public mécontents, la communication de la direction se fait attendre. Au lieu d’apaiser les tensions, elle s’est opposée au reste du monde. La guerre numérique pouvait paraître bon enfant, mais la proposition d’une clause de conscience, si elle avait pu constituer une communication efficace (la direction se montrant alors compréhensive), sonne comme une injure pour les journalistes, invités à accepter ou à démissionner. Celle-ci fut alors perçue comme une simple formalisation juridique de la provocation de Serge Nedjar, patron d’iTélé : « Si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à partir».
La stratégie du groupe – ne jamais baisser la garde, donne l’impression d’un refus de régler le conflit. Mais pourquoi défendre un présentateur tant rejeté par l’opinion ? Pour défendre l’ami de Vincent Bolloré, pour essayer de faire de l’audience quitte à sembler immoral ? Une telle polémique pourrait effectivement attirer les téléspectateurs, curieux de voir si JMM saura rebondir ou bien s’il subira l’humiliation. L’audimat serait donc privilégié au détriment de l’image de marque. Pari très risqué pour iTélé !
(In)succès
Lundi 17 octobre, point culminant du scandale : nouvel article des Inrocks révélant une nouvelle affaire de corruption de mineurs impliquant Morandini, nouveau déchaînement médiatique, grèves et bataille numérique. Bref, de quoi déstabiliser JMM pour sa première. Si le présentateur le précédant a laissé l’antenne sans lui adresser un mot, il n’a rien laissé paraître. Néanmoins l’émission a donné à la twittosphère de quoi alimenter les conversations, du sujet sur la série New York, unité spéciale (sur la lutte contre les agressions sexuelles) aux problèmes techniques et aux nombreuses allusions à ses détracteurs. Stéphane Plaza s’est fait lyncher pour avoir fait sa promo à travers l’émission, tandis que les annonceurs, refusant d’être associés à l’animateur, ont laissé les coupures pub démunies.

Sur son blog, JMM s’est trop vite réjoui des premières audiences, sûrement dues à une simple curiosité. Dès le lendemain, les audiences ont chuté. La stratégie de la direction a donc échoué, s’attirant au passage les foudres du public et de ses propres salariés. Mais depuis ce jour, la com’ de la direction a pris un tournant inattendu : émission introuvable sur le site d’iTélé, suspension provisoire du programme et nouvel habillage remis à plus tard. Bref, la chaîne semble prouver son incapacité à gérer la crise.
Comment faire croire aux employés qu’on les comprend en éliminant le problème seulement pendant la durée de la grève ? Les tensions entre salariés et directeurs ne vont certainement pas s’estomper de sitôt.
La question reste de savoir si la présomption d’innocence est applicable à une personnalité publique ou si la moralité devrait l’emporter. Quoi qu’il en soit, la réputation d’un homme semble pouvoir déteindre sur l’image d’une chaîne, et la polémique n’amène jamais de bons résultats. Entre le Morandinigate et la nouvelle grille des programmes, Cnews n’en a pas fini avec les polémiques. Affaire à suivre…
Charlotte Delfeld
Sources :
– Delcambre, Alexis et Picard, Alexandre. « I-télé: Morandini à l’antenne, malgré la grève ». Le Monde. Publié le 18/10/2016. Consulté le 18/10/2016.
– Kucinskas Audrey. « Affaire Morandini : comment l’animateur gère sa crise grâce à son blog ». L’express. Publié le 09/08/2016. Consulté le 15/10/2016.
– Le Point. « Affaire Morandini : la guerre des hashtags ». Publié le 15/10/2016. Consulté le 16/10/2016.
– Morandini, Jean Marc. « Le Monde publie une tribune de Jean-Marc Morandini qui répond à la société des journalistes de iTélé». Publié le 14/10/2016. Consulté le 16/10/2016.
Crédits photos:
– Closer
– Twitter : @canal+groupe / @Marcfauvelle / @francoisgapihan

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"La France prise en otage": 3 mois de déchaînement sémantique dans les médias

Depuis trois mois déjà, la France est au bord de la crise de nerf. Le temps médiatique s’ajuste au rythme des derniers rebondissements d’un mouvement social de grande ampleur, qui se base comme on le sait sur le refus d’une réforme du Code Civil concernant les règles qui régissent le travail.
Contrairement aux protestations passées, on peut dire que d’un point de vue communicationnel ce mouvement dénote par son originalité. Originalité de la manifestation avec l’organisation des Nuits Debout place de la République à Paris par exemple, mais aussi originalité des moyens et des supports de transmission avec Periscope et la multiplication des « radios Debout ».
Envahissant les colonnes des journaux et les grilles des radios et télévisions, ce mouvement global de contestation, de Nuit Debout aux récentes grèves, est plus que jamais l’objet d’interprétations et de mises en scènes médiatiques. Puisqu’il n’y a jamais de mot au hasard, il est intéressant d’observer les manifestations sémantiques qui découlent de ce brouhaha de revendication et d’altercations.  
La sémantique de la peur : 3 mois de couverture, entre bruit et fureur médiatique

Comme le rappelle un article d’Acrimed, faisant un état des lieux de la médiatisation de la contestation, la réforme du code du travail suscitait dès septembre 2015 l’affolement des médias et un déchaînement sémantique pro-réforme. Loin d’une pluralité des discours médiatiques, le Code du travail est décrié par des journaux de tous bords, et la réforme montrée comme libératrice. On observe ainsi la reprise de nombreuses formules prônant une libéralisation du travail, comme celles de « dynamiser » ou « d’assouplir » le marché. Quand L’Opinion préconise de « déverrouiller le code du travail », Le Monde plaide que « Le Code du travail n’est pas une vache sacrée ». Il y a là une logique de démystification de cet objet symbolique, considéré comme un poids mort et rétrograde.
Une vidéo enregistrée pour l’émission de radio « Là-bas si j’y suis » montre que les médias se sont par la suite concentrés sur les effets des grèves et non pas sur leurs causes. En insistant sur la pagaille et l’énervement suscités, les discours des journalistes offrent une vision d’une France sombrée dans le chaos. L’expression de la contestation adoptée par une grande partie des médias est alors celle du français qui, agacé des mouvements de grève, revendique son « droit à travailler ».
Et les ennemis du dialogue social sont tout trouvés : quand ce n’est pas la CGT, ce sont les fameux « casseurs ». On dénonce alors l’escalade de leur violence, motivée par une rage baptisée « haine anti-flic ». Et certains n’ont pas lésiné sur les comparaisons douteuses… Quand Pierre Gattaz accuse Philippe Martinez de « terrorisme », Franz-Olivier Giesbert ose la comparaison entre Daech et la CGT, qui retiendrait tout bonnement la France « en otage ». Bref, le pays semble s’effondrer, la confusion est totale, et la sémantique apocalyptico-médiatique surfe sur une vague de peur incontrôlable et incontrôlée.
Les mots ont un sens
 

 
Dans son ouvrage Des miroirs équivoques, Louis Quéré nous rappelle la fonction sociale qu’occupent les médias. Il insiste particulièrement sur la visée identitaire des médias « positionnés dans un univers d’intérêts et de rapports de forces » dans lequel ils occupent un « rôle de fondation », « supports pratiques d’un mode historique d’objectivation de la médiation symbolique constitutif d’un système socio-culturel ». Par leur mode de narration, les médias se font « le théâtre des pratiques sociales ; ils donnent une assise à l’identité et à l’action individuelle et collective ». On ne peut donc que déplorer la quasi absence de pluralité des angles donnés aux contenus médiatiques sensés commenter les évènements.
Cet affolement médiatique et de cette confusion sémantique généralisée nous rappelle à quel point les mots ont un sens. Pierre Bourdieu dans Ce que parler veut dire entame une réflexion sociale sur le langage. Il y voit la société comme un marché, où le pouvoir s’exerce à travers une violence symbolique, bien plus intense que la violence physique, et dans lequel le langage est un échange de signes plus ou moins valorisants. Lorsqu’ils reprennent en masse des expressions similaires pour décrire les évènements relatifs à un mouvement social, les médias participent à cette violence, et assoient leur discours symbolique.
Au troisième mois du mouvement social, les médias, qui orchestrent le débat, semblent en majorité se focaliser sur des faits peu démonstratifs du mouvement dans sa globalité. En préférant la sûreté de la redondance des termes, ceux-ci prennent le risque de noyer l’analyse et de faire le jeu des préjugés sur un mouvement social dont on oublierait presque les fondements.
Mathilde Dupeyron
Linkedin 
Sources :
Acrimed, Julien Salingue, « Trois mois de couverture médiatique des mobilisations contre la « Loi Travail » », 6 Juin 2016
France Inter, Guillaume Meurice, « Terrorisme syndical », 3 juin 2016
Louis Quéré, Des miroirs équivoques, aux origines de la communication moderne, Aubier, 1992
Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire : L’économie des échanges linguistiques, Fayard, 1982
Crédits images: 
Le Monde
Huffington Post
Le Parisien 

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Harcèlement sexuel: ne nous taisons plus

Elles sont de tous bords politiques et incarnent toutes les générations, dix-sept femmes, ministres ou anciennes ministres, ont décidé, dimanche 15 mai, de dénoncer ensemble le harcèlement sexuel au sein de l’hémicycle dans les colonnes de l’hebdomadaire Le Journal du Dimanche. Cette réponse à l’affaire Denis Baupin n’est certainement pas du goût de tous, chez les hommes… comme chez les femmes.
L’élément déclencheur : l’affaire Baupin

C’est au lendemain de l’affaire Baupin que dix-sept voix se sont élevées ensemble. Denis Baupin, vice- président de l’Assemblée nationale et député écologiste est la cible de plusieurs de ses consœurs, qui l’accusent de gestes déplacés, voire de harcèlement sexuel. Les témoignages ont été recueillis par Mediapart et France Inter. Pour certaines, les faits remontent à plusieurs années, pourquoi alors une soudaine sortie du silence ?
Baupin lui-même aurait entraîné sa chute en publiant, à l’occasion de la journée internationale des droits des Femmes, une photo sur Twitter le mettant en scène avec plusieurs autres députés, arborant du rouge à lèvres pour « dénoncer les violences faites aux femmes » écrit-il en légende.
Le député fait là une criante erreur de communication, puisque les principales victimes de ses agissements ont vécu la photo comme une authentique preuve d’hypocrisie. « Cela a provoqué chez moi une vraie nausée » raconte Elen Debost, adjointe au maire du Mans, « On ne pouvait pas continuer à se taire ». Quelques mois plus tard, plusieurs femmes font éclater la vérité au grand jour et mettent des mots sur des actes parfois violents que le vice-président de l’Assemblée nationale leur aurait fait subir.
Le piège se referme sur Baupin, contraint, sur ordre de Claude Bartolone lui-même, de quitter sa fonction au sein de l’Hémicycle. Il conservera néanmoins sa place de député de Paris et, s’il le peut, sa dignité. En effet, l’intéressé, par le biais de son avocat, nie les faits et envisage même de porter plainte pour diffamation contre ses anciennes collègues du parti écologiste.
Sa compagne, l’actuelle ministre du logement Emmanuelle Cosse, avait préféré jouer « à la reine » du silence en coupant court à un débat sur le harcèlement sexuel qui avait été entamé à l’Assemblée.
Grave erreur car, malheureusement, ce refus de communiquer contribue à donner à son mari un air coupable.
Le changement, c’est maintenant
C’est une autre tournure que l’affaire Baupin prit dimanche dernier, elle s’étendit à toute la classe politique dès lors que dix-sept ex-ministres s’emparèrent du sujet. Le harcèlement sexuel fait figure de monnaie courante dans l’Hémicycle, expliquent-elles. Gestes déplacés, railleries, comportements inappropriés, actes sexistes, les femmes politiques se battent au quotidien pour une place que certains pensent non méritée. « La classe politique doit donner l’exemple » explique Nathalie Kosciusko Morizet à Laurent Delahousse sur le plateau du journal télévisé de France 2. Le but de cet appel est d’encourager les femmes issues de tous les milieux professionnels à se faire entendre et à dénoncer ceux qui se donnent le droit de les harceler. Le choix du support, Le Journal du Dimanche, n’est pas anodin, puisqu’il est le premier à être distribué aux PDG, lesquels ayant le devoir de se tenir informés et le pouvoir de lutter contre ces abus au sein de leur propre entreprise. Aujourd’hui, une femme sur cinq déclare avoir déjà été harcelée sexuellement sur son lieu de travail.
Les 17 signatures ne portent pas les couleurs d’une famille politique mais les représentent toutes, sans distinction. De gauche comme de droite, toutes ces femmes se sont unies, une manière de montrer que chacune peut mener la lutte contre le harcèlement sexuel au travail, peu importe son corps de métier ou la place qu’elle occupe dans l’institution qui l’embauche. Il faut pourtant croire que certaines ne rejoindront pas le mouvement. Pour preuve, Christine Boutin n’était pas de la partie et, pire encore, a affirmé via un tweet avoir « honte de ces femmes qui laissent entendre que les hommes sont des obsédés ». Ambiance.
Certaines autres femmes politiques reprochent aux dix-sept ex-ministres d’élever leurs voix trop tard, après des années de silence, alors même qu’elles avaient « les moyens de s’exprimer et de se défendre ». Bref, l’appel n’a clairement pas été entendu de tous, lui qui pourtant semblait incarner l’unité au-delà mêmes des familles politiques.
 

Tout reste encore à faire
Pourquoi alors la tribune peine à faire l’unanimité ? On peut évoquer deux raisons possibles à cela. Tout d’abord, l’absence d’hommes. En effet, aucun homme politique n’a signé la tribune. Et pourtant, eux aussi peuvent être témoins de harcèlement sexuel vis-à-vis de leurs collègues féminines, et prendre le parti de le dénoncer. François Hollande n’a-t-il rien à répondre à ces femmes qui décident de lever l’omerta ? Silence radio. La prise de parole, la dénonciation du geste, le brisement du tabou du harcèlement sont autant du ressort des femmes que de celui des hommes.
Surtout si l’on prend en compte le fait qu’eux aussi peuvent se retrouver à la place de la victime. Ils sont 7% à affirmer avoir déjà été victimes de harcèlement. Malheureusement, la prise de parole masculine sur le sujet reste très délicate, en témoignent les noms des associations d’aide aux victimes de harcèlement, comme Femmes solidaires ou encore Fédération nationale solidarité femmes… N’en déplaise à Patrick Juvet, on aurait envie de crier : où sont les hommes ?
Enfin, il est difficile de faire sortir les victimes de leur silence puisque pour la plupart d’entre elles, la dénonciation s’accompagne d’un licenciement en bonne et due forme. Pour en finir avec cette double peine, il faut agir au niveau de la loi. Or, si bien évidemment des propositions sont faites dans la tribune, telles que l’allongement des délais de prescription en matière d’agression sexuelle, la possibilité pour les associations compétentes de porter plainte en lieu et place des victimes, la création d’un référent ‘agression ou harcèlement sexuel’ dans les commissariats et gendarmeries, une meilleure indemnisation des victimes de harcèlement sexuel, à la fois par les auteurs condamnés et par leurs anciens employeurs quand elles ont été contraintes de quitter l’entreprise entre autres, il n’en reste pas moins que le chemin de l’acceptation et de la mise en application sur le terrain dans les années à venir risque d’être long et tumultueux.
On peut néanmoins considérer, avec cette tribune publiée le 15 mai dernier, que la prise de conscience a eu lieu et que les prises de position s’affirment au sein de la classe politique. Cette classe qui est précisément en charge des lois et qui a donc le pouvoir de faire bouger les choses.
Manon Depuiset
LinkedIn 
@manon_dep
Sources:
Libération, Harcèlement sexuel: «Nous ne nous tairons plus», disent 17 anciennes ministres, 15/05/2016
Le Point, Harcèlement sexuel : Christine Boutin a « honte » pour ses consœurs, 16/05/2016
Libération, Harcèlement sexuel : les hommes ne doivent pas se taire non plus, 15/05/2016, Johan Hufnagel
Crédits photo:
Le JDD
Twitter @Denis_Baupin
Twitter @christineboutin
 

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Roosh V: le coach en séduction "qui vous veut du bien"

Coqueluche du mouvement néomasculiniste (mouvement qui prône le retour à la domination masuline), Daryush Valizadeh (plus connu sous le pseudonyme de Roosh V) est un bloggeur et youtubeur américain de 36 ans, coach en séduction autoproclamé, ouvertement raciste et misogyne.
Doté d’une véritable communauté d’internautes, tous plus charmants les uns que les autres, constituée et fédérée autour de l’idéal du retour de la domination masculine ( très loin des préceptes de l’amour courtois), Roosh distille ses conseils en amour, sexualité et politique grâce à une stratégie de communication bien rodée. Livres, conférences, site internet, réseaux sociaux : retour sur le bloggeur le plus détesté des Etats Unis (voire du monde) ?
Roosh, le grand frère
Son site sobrement intitulé Le retour des rois ne laisse pas de place au doute. Roosh V et quelques « invités » publient des articles portant sur des sujets aussi variés que les phénomènes de société, la politique, la paternité et bien sûr la place de la femme (quasi inexistante). Les titres de ses articles sont courts, nets, précis, destinés à interpeller le lecteur et les internautes, à les faire réagir (Why Anglo-American Women Are Terrible Financial Investments – Pourquoi les femmes Anglo-Américaines constituent-elles un mauvais investissement financier ? ; Are There Legitimate Reasons To Be Fat?- Y a-t-il des excuses à l’obésité ?) en sont des exemples frappant.
Tous ces articles, florilèges de la théorie masculiniste, s’adressent aux hommes tout d’abord sur un ton didactique : Roosh part d’une question générale, d’un constat, d’exemples tirés de sa propre vie présentés comme des arguments d’autorité, pour les interroger et les étudier afin d’en tirer une vérité générale énoncée de façon virulente. Il se met dans la position de l’éclaireur, du prophète venu pour guider les hommes, et les rassurer sur leur situation en expliquant que le retour à la domination masculine est possible, mais que les hommes manquent juste de clés pour rétablir la situation.
Selon lui, les hommes blancs seraient les nouveaux souffre-douleurs de la société. Roosh n’hésite ainsi pas à critiquer les pouvoirs politiques, la société, ainsi que les médias dans une logique conspirationniste. On ne nous dit pas tout, et tout est fait pour écraser l’homme blanc.
Ce mentoring s’illustre d’abord dans la séduction et l’amour : il défend dans un de ses articles que « L’homme est le chef de la famille », et s’attèle, tout au long du texte, à déculpabiliser les hommes de leur volonté de retrouver une situation de leadership. Une idée qu’il explique dès le début en écrivant : « il faut rappeler que l’homme est naturellement le chef de la famille. Ce n’est pas un fait culturel ». Pour guider son apprenti, et en bon coach qui se respecte, Roosh tire ses idées de l’histoire, prouvant ainsi le bien fondé de ses propos (la Grèce Antique et l’Empire romain dans son texte).
Youtubeur, Roosh communique aussi avec des vidéos pédagogiques notamment en matière de femmes, la plupart sont courtes et sont l’occasion d’accompagner les spectateurs de la même façon que le ferait une youtubeuse beauté. Dans l’une d’elles, il explique ainsi que s’intéresser aux filles est une perte de temps : « When you overvalue a girl by thinking you need to spit your high-octane game, your brain concludes that it’s dealing with something ‘important.’ It will then increase your anxiety and fear about making a mistake…” (« Lorsque vous surestimez une fille en pensant que vous avez besoin de sortir le grand jeu, votre cerveau conclut qu’il a affaire à quelque chose d’ « important ». Il augmentera alors votre anxiété et la peur de faire une erreur … ») Or, c’est bien connu, à quoi bon s’embêter à séduire une fille ? Au fond elle n’a pas son mot à dire, elle n’existe que pour assouvir les désirs masculins.

Un poète maudit ?
Roosh V se considère pick-up artist. Il considère en effet que ses techniques pour “draguer” les filles peuvent être élevées au rang d’art, la drague est pour lui un jeu.
Ce mouvement né il y a une quarantaine d’années a fait parler de lui « grâce » à Julien Blanc. Dans une vidéo de 2014 il expliquait comment attraper des jeunes japonaises dans la rue en collant leur visage à son entrejambes pour mimer une fellation (le coach s’était vu interdire l’entrée dans plusieurs pays comme le Canada et le Brésil, et avait été expulsé d’Australie où il résidait à l’époque). Face au tollé, il s’était justifié en expliquant qu’il s’agissait uniquement d’une blague de mauvais goût.
Dernièrement, Roosh a été propulsé sur le devant de la scène via un de ses articles relayés sur son compte Twitter (très actif) et les réseaux sociaux. En 2014, il propose une idée quelque peu surprenante pour éradiquer le viol : “Si le viol devient légal, une fille n’entrera plus jamais dans une chambre avec un homme qu’elle ne connaît pas à moins d’être absolument sûre qu’elle est prête à coucher avec lui”
Après le tollé d’une telle déclaration, Roosh a bien essayé de se défendre prétendant que l’ironie était un de ses procédés favoris pour défendre ses idées, et qu’il ne fallait pas prendre cela au premier degré.
Il n’empêche, qu’est ce qui nous prouve qu’il ne pense pas ce qu’il dit ?
Après tout, son site défend l’idée d’une femme intéressante « uniquement pour sa beauté et sa fertilité », incapable de réfléchir. L’un de ses articles propose aux hommes des solutions pour littéralement « ramasser des jolies filles ». La femme n’est qu’un objet de d’ornement comme un autre.
De là à faire du viol un bienfait de société, il n’y a qu’un pas.
Ces coachs en séduction ne sont pas forcément influents (Roosh ne compte « que » 21 880 abonnés), mais ils restent dangereux : quoi de mieux que d’exploiter les peurs et les faiblesses de certains hommes pour donner de la force à ses idées ? Roosh s’adresse essentiellement à un public d’hommes blancs, qui se sentent comme dépossédés de leur virilité, craignant les femmes. Les commentaires que l’on peut lire à la suite de ses articles ne laissent pas de place au doute quant aux caractéristiques majeures des fans de Roosh. Sur l’article parlant des femmes américaines que nous avons évoqué plus haut, un certain Jason exprime son mépris total « I would, without a doubt, be more comfortable with having a 7 year old boy handle my money than I would 95%+ of adult women. They want money but they can’t handle it.” (“J’aurais, sans aucun doute, plus confiance à laisser un garçon de 7 ans gérer mon argent qu’à plus de 95% des femmes adultes. Elles veulent l’argent, mais ne savent pas le gérer »).Il parait si simple alors de faire des femmes des objets intrinsèquement inférieurs aux hommes et interchangeables, tantôt soumises au bon vouloir des hommes, tantôt sorcières villes et perverses transformant les garçons innocents en des fourbes séducteurs.
Face à cette peur du féminisme et de sa conception par beaucoup comme une théorie extrémiste qui vise à assoir une domination de la femme sur l’homme, il parait important de rappeler que le féminisme est « un mouvement militant pour l’amélioration et l’extension du rôle et des droits des femmes dans la société » (Larousse).
Face à ces mauvaises interprétations, plusieurs personnalités ont décidé de définir et de réhabiliter le féminisme par l’humour. On pense notamment à Orelsan et Gringe qui livrent leur propre version du féminisme dans la mini-série Bloqués.
Arianna Delehaye
Sources :
Terrafemina, Un « coach en séduction » raciste et misogyne incite à agresser sexuellement les femmes japonaises, Novembre 2014
Les inrocks, Roosh V, le “pick-up artist” qui voulait légaliser le viol, annule ses conférences, 05/02/2016
Et juste pour le plaisir :
Crédit photo : 
YOUTUBE/ROOSH V
 

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Le tabou, on en viendra tous à bout

Le tabou est un outil indispensable pour les annonceurs. Il est presque un truisme de dire que les publicitaires choquent et dérangent pour communiquer. Mais ce même tabou peut aussi être un poison. En ethnologie, le terme désigne une prohibition sacrée dont la transgression peut entraîner un châtiment surnaturel. Par définition, il est donc préférable d’éviter le tabou. Suivant ce conseil, l’esprit cherche automatiquement à l’occulter : le tabou finit par tomber dans les méandres de la non-pensée. Il appartient si l’on puit dire à l’ordre de l’immonde qui menace le nôtre par son impureté ou sa dangerosité. Son évocation ne suscite alors qu’une réaction de rejet rendant toute pensée impuissante. Communiquer à travers le prisme du tabou ne revient-il donc pas à limiter le dialogue aux sentiments ? Quelles sont les limites d’une telle communication ?
Le tabou : un garde-boue sociétal
Dans son acception commune, le terme « tabou » désigne un sujet qu’il est préférable de ne pas évoquer au risque de transgresser les codes de la bienséance. Sa forme varie en fonction du temps et de l’espace. On parlera moins de son salaire en France qu’aux États-Unis, on parlera moins de sexe en Arabie Saoudite qu’en Islande … Ainsi, l’être social obéit à des règles plus ou moins tacites qui pèsent sur son comportement et sur son langage.
Le tabou auquel Freud a consacré une œuvre entière structure nos pulsions en prohibant l’inceste et conditionne l’existence de la morale et l’émergence de la culture. Freud s’appuie sur l’hypothèse d’une société primitive -la horde sauvage- dominée par un père tout puissant disposant du seul droit d’accès aux femmes. Il explique la naissance de la société par le meurtre du père qui est paradoxalement devenu objet de vénération. En voulant libérer leur désir du pouvoir paternel, la rébellion a conduit à le contenir. La proscription de l’inceste et l’interdit du meurtre ainsi que du parricide assurent les liens familiaux et sociaux. Cette explication mythique structurerait notre inconscient.
Dans l’esprit polynésien, le tabou est lié au sacré et ne peut se concevoir qu’en relation au mana, équivalent très approximatif de l’esprit qui anime les êtres et les choses que l’on ne peut toucher ou dont on se protège car les forces peuvent être négatives. Ces notions participent d’un ordre que l’on doit absolument respecter. Mais dans l’usage courant, en dehors de l’univers magique et religieux, il renvoie à ce que l’on ne peut pas dire ou faire. Sur quoi dès lors repose cette interdiction ? Quelle justification peut-elle avoir ? Quels que soient nos univers d’appartenance, sommes-nous si loin de cet univers magique, nous qui appartenons à une culture privilégiant la raison ?
Les forces surnaturelles nous menacent sans cesse si nous transgressons le tabou en l’amenant à la communication. La croyance fait sa force dans le domaine mythique et religieux. Que peut-on craindre quand on appartient à un univers laïque et désacralisé ? Si on transgresse l’interdit, on suscitera la gêne ou l’on subira le rejet car on remettra en cause les valeurs fondamentales qui régissent la société. La crainte du tabou semble inscrite dans notre esprit. Au lieu d’avoir affaire à une puissance surnaturelle, c’est la société elle-même, tel un dieu, qui nous imposera tacitement le respect de limites à ne pas franchir. Le tabou est maintenu par un système dont nous sommes nous-mêmes les garants.

Les sociétés archaïques et les sociétés modernes ont-elles un but si différent ? Derrière l’interdit, il s’agit de préserver un monde constitué de valeurs communes au périmètre plus ou moins grand. Nos sociétés se distinguent en effet par l’importance qu’elles reconnaissent à l’individu et à sa liberté. Les sociétés anciennes privilégient la communauté par rapport à l’individu qui lui appartient complètement à l’inverse des sociétés modernes. A travers le tabou, la société nous rappelle aux valeurs communes qui la fondent. C’est une limite infranchissable par laquelle elle se défend comme un corps contre des agressions extérieures qui menacent sa cohésion. Ainsi, les menaces d’exclusion qu’elle nous impose perpétuent le tabou. L’individu peut se croire totalement libre – de communiquer – mais la pression sociale lui rappelle qu’il fait parti d’un monde qui lui reconnaît dans le meilleur des cas une liberté relative.
Y a-t-il encore des tabous dans la publicité ?
La publicité semble échapper à l’interdit. Elle n’hésite pas à le braver. Elle joue fréquemment avec lui. Dans un monde saturé de messages, les communicants n’hésitent pas à provoquer, à extraire le potentiel polémique du tabou pour mieux marquer. En fait, l’utilisation du tabou s’inscrit parfaitement dans une communication dite  » transgressive ».
 

 
Comme le tabou parle à l’émotionnel, il est difficile d’avoir une vision claire de la réaction suscitée par une pub exploitant un tabou. Toutefois, le bon communicant pourra anticiper les conséquences de son énonciation.
Il y a des règles à respecter. D’abord, il paraît évident qu’il faut prendre en compte le contexte socio-culturel dans lequel on souhaite développer une campagne. Ensuite, il ne faut pas confondre communication et provocation gratuite : il faut éviter que le choc du tabou phagocyte le message. Ce phénomène correspond à ce que les communicants les plus aguerris appellent sentencieusement « le risque de monopolisation mémorielle par le tabou ».
En 2009, une publicité distribuée au nom de Carrefour Discount était publiée sur le web avec comme titre : « J’aime pas Mamie ». Carrefour démentit aussitôt son affiliation à cette pub. La pub met en scène une famille qui mange tranquillement. Le téléspectateur s’aperçoit rapidement qu’il mange “Mamie”. Le tout est brillant puisque l’humour noir dédramatise le lien grossier fait entre précarité et cannibalisme. La pub amène à penser que Carrefour Discount est assez bon marché pour éviter de tomber dans le cannibalisme. Le message est clair !

La transgression, l’énonciation du tabou doit avoir un but. Les campagnes contre les MST sont à prendre en exemple : elles tentent de lever les tabous pour libérer la parole, oublier « la honte » pour mieux se soigner. Ici, le tabou est énoncé pour mieux dénoncer. Au contraire, la campagne « Unhate » (2011) de Benetton mettait en scène des visuels sans grand rapport avec les vêtements : on y voyait des chefs d’États ou des responsables religieux s’embrasser. Cet exemple montre comment la shockvertising relève de la pure vacuité. Le tabou doit être manipulé avec pertinence.

Le propre du tabou est de gêner, de repousser et même d’horrifier. Cependant, tout comme il existe une “licence poétique”, la publicité est un lieu où le tabou peut s’énoncer sans être suivi de châtiment. Il prend un autre sens sous la bannière publicitaire. L’absence d’un sujet déterminé de l’énonciation favorise la liberté que l’on peut prendre vis-à-vis de lui. Cela ne veut pas dire que la publicité peut tout se permettre : il faut éviter les interdits archaïques tels que le tabou de l’inceste fondé à la fois sur des lois ancestrales, morales, religieuses et scientifiques. Et au-delà de ce simple constat, il faut trouver le ton qui permette d’oublier le tabou pour mieux cerner le message.
En énonçant l’imprononçable, la publicité soulève des questions et modifient les mentalités. Elle habitue à l’inhabituel et dédramatise l’inconvenant. Malgré de nombreux jeux sur les clichés, la pub ouvre parfois le débat sur des sujets tels que la sexualité ou la sécurité routière. En provoquant, en jouant sur le sentiment, la publicité éveille celui qui la regarde. C’est le bon côté de ce genre de communication : elle pousse à la polémique et donc à la réflexion.
De l’utilité du silence dans la communication : une hypocrisie nécessaire
Le tabou provoque. C’est cette vertu que le communicant exploite. Quel intérêt y a-t-il à le braver si cet acte soulève l’indignation et empêche la communication ? Au contraire, le silence fracassant propre au tabou ne serait-il pas un bienfait pour la communication ?
L’interdit de l’inceste par exemple repose sur des explications et des justifications sociologiques voire scientifiques. Statistiquement, il est prouvé que l’endogamie entraîne des conséquences génétiques graves. Lévi-Strauss, un anthropologue contemporain, voit dans la prohibition de l’inceste – une loi fondée sur la nature et la culture – une condition nécessaire pour assurer l’existence sociale en élargissant les relations matrimoniales. Le tabou préserve ainsi la société des conséquences néfastes de l’endogamie. Le respect de la loi ne fait donc pas directement appel à la raison cependant il se justifie rationnellement. Certains comportements pour le dire autrement ne sont pas prohibés pour les bonnes raisons : on ne fait pas telle ou telle chose par sagesse mais par peur, par superstition comme si les dieux allaient se retourner contre nous.
Dans notre société certaines questions sont aujourd’hui taboues. La répartition ethnique en est un exemple. Quand on parle de tabou dans ce cas, il ne faut cependant pas voir seulement le fait qu’on écarte la question, il y va aussi d’un choix de valeurs et de principes. Le risque serait de résumer les individus à des appartenances et des explications biologiques.
Que cela ne soit pas un tabou aux États-Unis relève de raisons historiques. L’absence de ce tabou peut conduire à conforter les séparations entre les hommes. À ce niveau, le tabou est une façon de parler. Il y va en même temps d’une certaine dimension du sacré qui correspond au respect de principes fondamentaux. L’histoire du XXème a vu de surcroît le développement de l’idéologie eugéniste -théorie pseudo-scientifique d’hygiène raciale – qui a entraîné les pires monstruosités politiques.
Le tabou dans l’exemple précédent donnait un sens sacré vis-à-vis de ce qu’il représentait. On pouvait y voir conséquemment la marque d’un attachement à des valeurs. Peut-on conclure de ces observations à quelque possible vertu du tabou ?
Voltaire semble allègrement franchir ce pas lorsqu’il écrit dans ses Dialogues : « Je veux que mon procureur, mon tailleur, mes valets, ma femme même croient en Dieu ; et je m’imagine que j’en serais moins volé et moins cocu. » La croyance devient garante de la morale. C’est un moyen en sacralisant ses règles de conduire les hommes. Cette formule plutôt pessimiste sur la nature des hommes relève d’un acte de prudence sauvegardant nos intérêts. En devenant intouchables, les règles garantissent un ordre impossible de discuter soumis que nous sommes à la suprême autorité qui nous prive en passant de toute autonomie. On reste dans une société d’autorité, celle des anciens opposés aux modernes pour reprendre une distinction établie par Benjamin Constant. Est-ce une entrave à la communication que d’avoir des tabous dans une société ? Supprimer le tabou pour en parler librement suppose qu’il faudrait passer du superstitieux au rationnel. Cela suppose de laisser, peut-être naïvement, les tabous aux griffes de l’intelligence individuelle. S’il n’y a plus de règles de communication, le reste dépend de l’homme. Le risque évident est que l’interdit lié au tabou ne soit plus aussi fort s’il perd sa sacralité arbitraire et que l’homme transgresse sans réfléchir.
La modernité signe-t-elle la fin progressive des tabous ? Le tabou semble appartenir à un univers théologique. En entrant dans l’univers positif ou scientifique perd-il alors son sens ? Dans la mesure où le tabou fait partie du domaine du sacré, le fait de vivre dans une société et une culture caractérisées par la raison n’en fait-il pas pour le dire autrement une relique du passé ? Sans base rationnelle, le tabou demeure un interdit fondé sur des croyances surnaturelles. Il n’est pas le fruit de l’intelligence mais de la crainte superstitieuse. C’est notre peur qui fait sans doute sa force, l’absence de pensée. C’est l’analyse que développe Spinoza en particulier dans la préface au Traité théologico-politique. Rien n’est interdit à la libre pensée. C’est la condition essentielle de notre libération. Le tabou est une limite à penser pour en comprendre la nécessité et accéder au salut pour parler comme le philosophe.
De nombreuses choses restent taboues. « Le phénomène du tabou n’a pas cessé d’exister. Il existe toujours, aussi dans les sociétés modernes, comme il existait dans les sociétés primitives. Ce qui a changé, c’est seulement son caractère, les prémisses sur lesquelles il se base, les causes pour lesquelles il existe. » écrit Stanislas Widlak. Êtes-vous homosexuel ? Combien tu gagnes ? Êtes-vous dérangé par la présence d’une personne séropositive? Êtes-vous malade ? Ces questions gênantes traduisent nos peurs et notre besoin d’ordre, d’appartenir au monde commun. C’est l’expression archaïque de notre être dont nous avons gardé la mémoire ou bien le produit de notre culture.
Existe-il des moyens de communiquer sur un tabou sans heurter ? Pour chaque tabou, il y a un vocabulaire « politiquement correct » spécifique. Le tabou et l’euphémisme sont frères. Toutefois, les mots sont tellement aseptisés qu’ils ne semblent plus renvoyer à des réalités humaines. De plus, Il y a un réel paradoxe, si ce n’est une contradiction, à utiliser ce langage à l’heure où l’on parle de « minorités visibles », de « discriminations positives » ou bien d’ « égalité des chances ». On cache en même temps que l’on essaye de lever certains tabous. On peut peut-être y voir une volonté maladroite de manipuler les sujets tabous pour les exorciser sans dévoiler totalement leur arbitraire nécessaire. En effet, le silence que le tabou suppose empêche certaines minorités d’exister normalement, c’est-à-dire à l’intérieur de la norme, et entraîne parfois des contestations politiques légitimes.
Il y a donc des sujets dont « on peut » parler et d’autres non : la communication est donc encadrée par une « normalité », des normes qui se veulent assurément civilisatrices. Toutefois, il reste une volonté de savoir comme dirait Foucault. Remplacer cette norme par une autre changerait-il quelque chose ou bien la norme actuelle est-elle particulière, organisée et réfléchie, c’est-à-dire basée sur des critères civilisateurs et visant le bien commun ? À y regarder de plus près, les constructions sociales semblent arbitraire. Le philosophe explique entre autres que les normes sexuelles se seraient développées sous l’influence des États du 17ème siècle en partant du simple constat qu’il fallait encourager la natalité. Ainsi, ils auraient soutenu la sexualisation du corps féminin en marginalisant les autres sexualités.
Ameziane Bouzid
Linkedin
Sources :
« « J’aime pas mamie »: mais qui a fait cette fausse pub Carrefour ? », Le Poste Archives, 14/12/2009
 » Comment communiquer sur un sujet tabou en publicité ? « , Études & analyses, 30/03/2008 
« Les briseurs de tabou. Intellectuels et journalistes « anticonformistes » au service de l’ordre dominant », Sébastien Fontenelle, Paris, Éd. La Découverte, coll. Cahiers libres, Paris, 2012, 180 p.2016 
 » « Unhate » : la nouvelle campagne choc de Benetton « , Pure Médias, 16-11-11 
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BNP
AIDES
Reuters/Stefano Rellandini
 

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S'éclairer au nucléaire

Pétitions, polémiques, peurs. Trois P associés au nucléaire dans sa représentation médiatique. Mais plus on creuse sa réalité, plus on constate que cette méconnaissance craintive est particulièrement la conséquence d’une mauvaise communication. A défaut d’un décryptage par l’aval, expliquons par l’amont : lumières sur le nucléaire.
Fukushima : l’espace du risque plaide coupable
Une centrale nucléaire produit de l’électricité à partir de vapeur d’eau qui entraîne des turbines et un alternateur. La production de vapeur est assurée par la réaction en chaîne de fission nucléaire, que l’on peut modérer par adjonction d’acide borique à l’eau du circuit primaire ou par abaissement de barres de contrôle dans la cuve.

 
Ces barres de contrôle ont été automatiquement abaissées lors du séisme survenu à Fukushima, en 2011. Les réacteurs à l’arrêt devaient cependant être refroidis mais le tsunami a détruit les moteurs en contre bas qui assuraient ce refroidissement grâce à de l’eau puisée et rejetée – eau non-contaminée – dans la Mer grâce à un passage dans un échangeur thermique. Le problème : sans refroidissement, l’eau du circuit primaire se vaporise dans la cuve. Par conséquent, les crayons combustibles contenant les pastilles d’uranium radioactif qui doivent être immergées dans l’eau afin de contenir la réaction en chaîne ne le sont plus. Les crayons, constitués d’un alliage de zirconium, réagissent alors avec cette vapeur d’eau en formant de l’hydrogène, gaz explosif. La température anormalement élevée suffit à enflammer le mélange gazeux, entraînant la destruction de la cuve et de son enceinte de confinement en béton, libérant ainsi dans l’atmosphère un panache de radioéléments. Les crayons fondent ensuite en un magma – corium – qui s’accumule et perce le fond de la cuve.
On constate l’inefficience de l’espace du risque des moteurs d’urgence car on a mal anticipé le risque de tsunami qui les immergerait : la catastrophe est bien d’origine structurelle. Pour une prévention en aval, malgré les qualités indéniables du zirconium, la recherche travaille pour concevoir une matière plus infaillible. De plus, en récupérant l’eau radioactive du circuit primaire en attente de décontamination on fait face à l’absence de station de traitement d’eau radioactive. Des centaines de barils d’eau contaminée s’entassent : l’état liquide contient la radioactivité à l’inverse de l’état gazeux qui permettrait à la radioactivité de s’échapper au gré du vent. Pour éviter l’infiltration de l’eau radioactive, le sol est gelé en attente de solution. Areva avait pour projet une station de décontamination, mais trop coûteuse, celui-ci a été avorté.
Trois piliers essentiels
Une grille de lecture face aux articles qui circulent.

Distinguer EXPOSITION et CONTAMINATION

L’exposition : la source radioactive est externe au corps qui subit ces rayons ionisants (gamma, X, UV). D’où l’importance du dosimètre pour les salariés : cela permet de mesurer, contrôler et ainsi limiter l’exposition.
La contamination peut être externe, plus aisément remédiable (particules radioactives en contact avec le corps) qu’une contamination interne (ingestion des particules). 
Le problème étant que lors d’une dense exposition et surtout lors d’une contamination,  les éléments radioactifs modifient la formule sanguine et le corps produit ainsi des anticorps contre lui-même,  ce qui peut-être mortel (exemple de Marie Curie).
Solution en aval lors d’une contamination ? Face au rejet massif d’iode radioactif lors d’un accident nucléaire, la thyroïde peut s’en imbiber. Or, une prise d’iode stable en amont sature la thyroïde permettant d’éviter cela. Cependant, les autres organes n’en sont pas plus épargnés. Radioprotection en amont est donc maître mot.

La DUREE DE VIE d’une centrale

C’est la durée de vie de la cuve où se situe le combustible nucléaire qui impose celle du réacteur car  la paroi s’abîme sous le coup de l’ionisation permanente et elle est irremplaçable. En 2014, l’Autorité de Sûreté Nucléaire a mené 381 inspections dans les centrales, dont 28 % de façon inopinée. Contrairement à ce qu’on peut lire, la transparence des contrôles est constatable à travers ses rapports disponibles en ligne. Tous les dix ans a lieu une visite décennale qui permet ou non d’accorder l’exploitation du réacteur une décennie supplémentaire.
Solution ? Les nouveaux réacteurs de type EPR ont une durée de vie théorique de 70 ans et, bien que coûteux sur le court terme, restent avantageux sur le long terme. De plus, les EPR, contrairement aux réacteurs français actuels, peuvent fonctionner avec 100% de MOX (déchets radioactifs recyclés en pastilles de combustible nucléaire) et sont conçus afin que le corium ne puisse pas, en cas d’accident, percer  la cuve.

La gestion des DECHETS radioactifs 

Véritable source d’inquiétude : si  96% des déchets nucléaires sont recyclables (MOX), 4% ne le sont pas et sont parmi les plus dangereux. Chaque année, une partie du combustible nucléaire des réacteurs est renouvelée. Le combustible usé est plongé dans l’eau 15 ans en moyenne (La Hague site d’Areva) durant lesquels il va se refroidir puisque la réaction en chaîne se perpétue. Ils sont ensuite conditionnés puis enterrés (confinement de Bure) jusqu’à ce qu’ils deviennent stables, soit n’émettent plus de rayonnements radioactifs, et pour certains cela durera des milliers d’années.
Le problème étant les fuites à cause de la déficience des matières choisies permettant le confinement. C’est un objet de recherche aujourd’hui.
Médecine nucléaire : un mariage qui vous veut du bien

Sans la radioactivité, la médecine perdrait un grand pouvoir d’action. De la radiologie au traceur radioactif, ou encore de la radiothérapie à la radio-immunologie elle est essentielle. La curithérapie par exemple (branche de la radiothérapie) est représentative puisqu’elle permet de soigner le cancer du col de l’utérus, de la prostate, ou du sein grâce à un positionnement précis du rayonnement qui permet de réduire le champ d’exposition en épargnant les tissus sains alentours.
Et si vous avez la banane, il est bon de savoir que la radioactivité n’est pas un danger en elle-même mais un processus de transformation : la banane contient du potassium radioactif qui, en se désintégrant dans notre corps, devient de l’argon (gaz) ou du calcium !
Et vous, pensez-vous que c’est le doxique qui est toxique dans tout ça ?
Allison LEROUX
 
Sources : 
Site de la Sfen – Durée de vie d’une centrale : http://www.sfen.org/fr/le-blog-des-energies/40-ans-et-au-dela-cest-possible
Site de la Sfen – Les autres utilisations du nucléaire : http://www.sfen.org/fr/lenergie-nucleaire/les-autres-applications-du-nucleaire
Site de l’ASN – Effets des rayonnements ionisants : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers/Les-effets-des-rayonnements-ionisants
Site de l’ASN – Gestion des déchets radioactifs : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers/La-gestion-des-dechets-radioactifs
Fiche de l’ASN PDF – Les principes de la radioprotection : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Les-principes-de-radioprotection
Fiche de l’ASN PDF – Les situations d’urgence nucléaire :  http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Les-situations-d-urgence-nucleaire
Fiche de l’ASN PDF – 6 réflexes pour bien réagir : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Brochure-d-information-Les-6-reflexes-pour-bien-reagir
Site de l’IRSN – Qu’est-ce que la radiothérapie ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/applications-medicales/radiotherapie/radiotherapie-generalites/Pages/sommaire.aspx
Site de l’IRSN – Prise d’iode stable – Mettre fin aux idées reçues : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/radioprotection/situation-urgence/Pages/idees-recues-iode-stable.aspx
Site de l’IRSN – Les leçons tirées par la France de l’accident nucléaire à Fukushima : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2016/Pages/7_lecon-France-fukushima-2016.aspx?dId=a4c10d10-3eb2-4f22-abe4-f2e1390f8278&dwId=e54a8fba-14b7-402c-b39c-a81eec4df160
Site de l’IRSN – Information sur le nucléaire, entre secret et transparence : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/3-nucleaire-secret-transparence.aspx
Site de l’IRSN – Faut-il encourager les chercheurs à vulgariser ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/20-vulgarisation-scientifique.aspx
Site de  l’IRSN – Regards croisés : société civile et expert : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/7-debat-societe-civile.aspx?dId=b2ac4afe-ab25-4376-a1ec-e633d8cee49f&dwId=e1445010-b6d4-4b73-91ad-122400d00e3c
Site de l’IRSN – Comment répondre aux français face au risque nucléaire ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/14-preoccupations-Francais-risque-nucleaire.aspx
Site de l’ASN – Des dossiers pour s’informer et aller plus loin : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers
Site de la Sfen – Le combustible nucléaire : http://www.sfen.org/fr/lenergie-nucleaire/le-combustible-nucleaire
Rapport de sûreté nucléaire : Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2014, p. 148
Crédit images :
De Panafieu et Revenu, Nucléaire, pour quoi faire ? Gulf stream éditeur, et toc !
Physagreg.fr
Ledacademy.fr
IRSN.FR

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Haro sur les bobos !

« C’est toi le bobo, d’abord ! ».
Concise et efficace, cette invective permet de discréditer l’adversaire sans effort. Retour sur un mot-valise, qui est devenu une arme de communication massive.
Allô maman, suis-je un bobo ?
« Bo-Bo », contraction de « bourgeois-bohème », serait le nouvel animal social de la démocratie libérale dont l’ouvrage Bobos in Paradise de David Brooks (2000) symboliserait l’acte de naissance. Par ce néologisme, l’auteur pensait pourtant faire le plaidoyer de ces Américains d’un genre nouveau, sorte de successeurs des Yuppies (Young Urban Professional), qui réconcilieraient les valeurs de la contre-culture hippie avec le monde capitaliste.
Largement utilisé dans les médias, l’image du bobo renvoie aujourd’hui peu ou prou à une catégorie de la population pour qui le capital culturel serait plus déterminant que le capital économique.

Renaud – Les bobos par leebil

Malgré ce que laisse entendre la journaliste de Libération Annick Rivoire dans son article « L’été de tous les Bobos », ou le chanteur Renaud, le bobo ne représente en rien un groupe homogène.
Si dans l’imaginaire collectif, le bobo vote à gauche, qu’il est tolérant « parce que c’est bien », qu’il consomme bio, et se déplace à vélo, « parce que protéger la planète c’est bien aussi », le personnage est surtout un riche hypocrite. L’avantage du mot-valise réside dans le fait que chacun puisse se forger une image sur-mesure du bobo à pointer du doigt.
Etre sociologue à la place du sociologue
Par l’absence de définition précise, le terme « bobo » peut être considéré comme un « mot-besace » au sens de Pierre Schaeffer. Ces mots renvoient à des notions si floues, que chacun peut y apporter sa propre signification, et sont ainsi la hantise des scientifiques dont le métier nécessite une grande rigueur dans la manipulation des concepts. Si la vulgarisation de la science permet d’établir une communication, plutôt verticale, de la sphère scientifique vers le grand public, il semblerait que le destin du concept « bobo », ait pris la trajectoire inverse.
Comme le précise sur France Culture Anaïs Collet, maître de conférence en sociologie, le « bobo » est plus un objet social à analyser qu’un analyseur du social, dans la mesure où il est largement utilisé dans le langage courant.
Si fondement sociologique il y a, la « boboïsation » de la société semble recouper le concept de « gentrification ». Cette réalité urbaine, en cours depuis les années 1960-1970, traduit l’appropriation de l’espace dans la ville par les classes moyennes-supérieures, au détriment des classes populaires, repoussées vers des banlieues toujours plus excentrées. Ce processus sociologique, qui résulte de causes multiples, semble avoir été simplifié par l’idée selon laquelle le  « grand méchant bobo » envahirait les centres villes des grandes métropoles.
Bobouc émissaire
Et si le concept du bobo a été aussi massivement diffusé, c’est peut-être parce qu’il est un instrument politique redoutable.
Par exemple, et sans grande surprise, le bobo est l’ennemi imaginaire favori du Front National, dont Marine Le Pen s’insurge régulièrement, dénonçant les « délires de bobos citadins qui confondent écologie et retour à l’âge paléolithique ».
Mais le bobo est surtout un outil de communication politique, parce qu’il parvient, assez ironiquement, à créer un consensus autour de sa détestation sur l’ensemble de l’échiquier politique.
Globalement, la figure du bobo est affiliée au Parti Socialiste, comme le résume Nathalie Kosciusko-Morizet, alors porte-parole de Nicolas Sarkozy, lorsqu’elle affirme que « le droit de vote des étrangers, un truc de socialiste ou de bobo parisien, et ce sont souvent les mêmes ».
Fustigé à droite pour son progressisme, puisqu’il incarne à merveille la fameuse « bien-pensance », il l’est pourtant également à gauche pour son adhésion au libéralisme économique, ce qui le fait passer pour un traître. En somme, le bobo représente le parfait bouc-émissaire.
« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » (contre le bobo envahisseur)

L’utilisation de la figure du « bobo » comme instrument politique pose plus de problèmes que son fondement scientifiquement peu pertinent. Comme le souligne Éric Agrikoliansky, maître de conférences en sciences politiques à l’Université Paris-Dauphine, la stigmatisation continuelle dudit « bourgeois-bohème », voile réciproquement l’existence de la classe bourgeoise, dans le sens où l’entendent Monique et Michel Pinçon-Charlot, c’est-à-dire en tant que dernière classe en soi et pour soi.
Or, conclut Éric Agrikoliansky, si la gauche socialiste est devenue le parti des « bobos », et que la classe bourgeoise a disparu, il semble alors d’une logique implacable que la droite (longtemps taxée de défendre les intérêts bourgeois) et, plus encore l’extrême droite, puissent se revendiquer être les partis du peuple.
Aline Nippert
Crédit photos :
– Bobos in paradise, David Brooks (2000), première de couverture
– Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/02/14/31003-20140214ARTFIG00212-le-bobo-portrait-au-vitriol-des-internautes-du-figaro.php
Sources :
– « L’été de tous les bobos », par Annick Rivoire publié dans Libération (juillet 2000) 
– Des machines à communiquer, Pierre Schaeffer (1969)
– « À quoi servent les bobos ? », émission « Du Grain à moudre » de Hervé Gardette sur France culture (février 2014) 
– Oberti Marco, Préteceille Edmond, « Les classes moyennes et la ségrégation urbaine. », Education et sociétés 2/2004 (no 14), p. 135-153 
– « Le « bobo », repoussoir de la droite puis ennemi préféré de Le Pen », par  Nolwenn Le Blevennec dans l’OBS (2012) 
– « Recherche « bobos » désespérément… », par Éric Agrikoliansky, pour Médiapart (2012) 
– Manifeste du Parti communiste, Karl Marx et Friedrich Engels
– « Le paradoxe du bobo », Le Monde 
– Les Inrocks : http://www.lesinrocks.com/2014/02/06/actualite/la-republique-bobo-marre-du-bobo-bashing-11469944/
– Slate.fr : http://www.slate.fr/story/78698/les-bobos

Agora, Com & Société

#RIPTWITTER: quel avenir pour l'oiseau bleu ?

Twitter est considéré comme un géant des réseaux sociaux. Bien moins important, certes, que le roi Facebook, le réseau à l’oiseau a tout de même une place de choix dans le coeur de ses utilisateurs. Mais justement, son problème semble être aujourd’hui de  réussir à conquérir de nouveaux publics, de convaincre qu’il vaut la peine qu’on s’intéresse à lui.
Un nombre d’utilisateurs qui ne s’envole pas
Début février, Twitter annonçait que son nombre d’utilisateurs, s’élevant à 320 millions, avait stagné par rapport au trimestre précédent. Le groupe n’a jamais réellement dégagé de bénéfice: son modèle économique est encore peu rentable. Il est surtout basé sur la publicité qui représente 63% des revenus (tweets, trending topics et comptes sponsorisés) mais, comme l’expliquait Cédric Deniaud, co-responsable du site mediassociaux.fr, au journal LaCroix, « Sans audience, il est difficile de trouver une stratégie pour cibler les internautes autant que les annonceurs ». Les données publiées dans les tweets sont également jugées moins personnelles que sur Facebook par les annonceurs et donc les tweets sont moins attractifs. Twitter a perdu plus de 500 millions de dollars sur l’année 2015 indique un rapport de l’AFP. Ces problèmes financiers ajoutent donc une pression supplémentaire à Twitter: les investisseurs commencent à perdre patience et leurs inquiétudes quant à la croissance du réseau social ne font, elles, qu’augmenter. Parallèlement, l’action ne cesse de chuter depuis le début de l’année. Elle a perdu 80 % de sa valeur depuis ses sommets en décembre 2013, juste après son introduction en Bourse.
Le pourquoi du comment
Pourquoi Twitter n’attire plus ? Ce réseau social a été un réel succès à sa création: il a rapidement rassemblé un million d’utilisateurs et en deux ans, on comptait déjà deux milliards de tweets. Et même si Stromae chante que « l’amour est comme l’oiseau de Twitter, on est bleu de lui seulement pour quarante-huit heures », le site de microblogging ne semble pas si facile à utiliser pour tout le monde. En effet, Twitter est perçu comme un réseau social trop compliqué à appréhender. Les twittos eux-mêmes le reconnaissent, comme le montre ce tweet :

Twitter a en effet des codes bien ancrés: les RT, #LT, #NP, w/, #FF et autres #TBT peuvent décourager des utilisateurs novices pour lesquels on ne prend pas la peine de préciser ces spécificités. Et fil d’actualité instantané, qui plait beaucoup aux initiés, peut constituer un réel obstacle car sa rapidité et son instantanéité le rende parfois difficile à suivre par rapport à celui de Facebook par exemple.
En outre, l’utilité de Twitter n’est pas non plus une évidence pour les internautes. Pour beaucoup, Twitter est souvent associé avec le fait de raconter sa vie aux yeux du monde entier, or soit ils n’en ont pas envie ou ne considèrent pas avoir une vie assez intéressante pour le faire. En outre, certains ne voient pas pourquoi rajouter un réseau social à leur vie numérique déjà bien remplie, il semble que Facebook suffise à un grand nombre d’internautes. Ainsi, Twitter semblerait trop complexe à utiliser et pas assez utile pour que l’on mérite de s’y intéresser.
Il est intéressant de remarquer un phénomène étonnant, actuellement en pleine croissance, sur Facebook : des pages comme Urban Hit ou Les FDP du Net, pour ne citer qu’elles, rencontrent un réel succès en publiant majoritairement des captures d’écrans… de tweets ! Cette tendance montre bien l’intérêt qu’ont les utilisateurs de Facebook pour l’univers, souvent drôle et décalé, de Twitter. Ces publications peuvent avoir plusieurs effets pour le réseau à l’oiseau: elles peuvent permettre d’attirer du public en le médiatisant ainsi ou bien, au contraire, conforter les internautes dans l’idée qu’ils n’ont pas besoin de s’y inscrire puisqu’ils ont accès aux tweets via Facebook. Ce phénomène permet donc de  constater que les utilisateurs de Facebook pourraient être un terreau fertile pour Twitter qui doit donc réfléchir à la façon de leur donner envie de s’inscrire sur la plateforme.

Le changement n’est pas chose aisée
Si Twitter a besoin de changer pour attirer de nouveaux utilisateurs, il faut réussir à le faire sans mécontenter les utilisateurs actuels. En effet, si Twitter peine à attirer de nouvelles recrues, celles qu’il a déjà enrôlé sont totalement convaincues par le fonctionnement du réseau, à tel point que le moindre changement évoqué fait toujours l’effet d’une bombe. Ainsi plus tôt cette année, l’annonce du passage de 140 caractères à 10 000 avait fait débat sur le réseau, tout comme le passage du « favori » au « like » ou encore récemment le changement du fonctionnement du fil d’actualité qui a déclenché le hashtag #RIPTwitter tant il révolte certains utilisateurs. Ces changements tendent, en effet, à rapprocher Twitter de Facebook. Or bon nombre des aficionados de Twitter, sont fermement accrochés à la différence de Twitter par rapport au réseau de Mark Zuckerberg, les twittos n’hésitant d’ailleurs pas à railler Facebook dès qu’ils le peuvent.  Ces changements apparaissent donc comme une violation du contrat de lecture que proposait Twitter à sa création et permettent ainsi de voir à quel point il peut-être difficile de le modifier, l’importance qu’il peut avoir aux yeux des utilisateurs.

En plus de ces changements qui touchent au fonctionnement même de la plateforme, Twitter essaye aussi de proposer de nouvelles fonctionnalités. Ainsi, l’onglet « Momens » a été lancé aux Etats-Unis dans une version test. Le principe est le suivant: les tweets sont regroupés par thème afin de faciliter le suivi de l’actualité, un peu à la manière d’une story sur Snapchat. Cette vidéo permet de mieux comprendre le concept de Moment. Twitter a donc choisi de tabler sur un de ses points forts : l’actualité. En effet, nombre d’utilisateurs sont sur ce réseau afin de pouvoir suivre ce qui se passe en temps réel (les informations sont très souvent diffusées sur Twitter avant n’importe quel média traditionnel), tout en essayant de simplifier le suivi de cette actualité sans pour autant heurter le fonctionnement actuel, puisqu’il s’agit d’une fonctionnalité qui vient s’ajouter aux autres.

Face à l’enjeu déterminant de réunir une plus grande communauté d’utilisateurs, Twitter doit réussir à allier innovation, simplicité et communication. Comme nous le montre la création de Moments, il semble que Twitter ait réalisé qu’il était maintenant en concurrence avec des réseaux sociaux largement basés sur l’image comme Instagram, Snapchat ou encore Vine qui réussissent, eux, à attirer des cibles plus jeunes. Néanmoins, cette fonctionnalité n’étant pas basée sur l’ego comme le sont en grande majorité les réseaux de l’image, nous pouvons douter de son succès auprès d’un public plus jeune.  En investissant dans Periscope, Twitter avait pourtant marqué un bon point dans cette stratégie de l’image et de la vidéo. Malgré cette mauvaise passe entendra-t-on encore longtemps gazouiller l’oiseau bleu ? #lavenirnousledira
Clémence de Lampugnani
@Clemydelamp
Sources:
Constance Léon, La Croix « Twitter cherche encore son #modèle économique »  
Le Monde.fr avec AFP pour lemonde.fr « Le nombre d’utilisateurs de Twitter a stagné à 320 millions au 4e trimestre »
GB avec AFP RelaxNews pour clubic.com « Pour éviter de stagner, Twitter veut se transformer »
Thomas Coëffé  pour le blogdumodérateur « Nouveauté: Twitter moments, pour découvrir les principaux événements et actualités du moment »
Crédits photos: 
Twitter
Urban Hit / Facebook 
http://thewrap.com 
 

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Agora, Com & Société

Télé-crochets : en voie d’essoufflement ?

Né dans les années 50 avec l’Eurovision en 1956, le télé-crochet est la version télévisée du radio-crochet qui lui existe depuis les années 30. Depuis, de nombreuses émissions se sont succédées face au succès de la première en France, Le petit conservatoire de la chanson, diffusé dès 1960. On a vu émerger et se révéler des noms comme Françoise Hardy, Mireille Mathieu, Guy Lux ou encore Jacques Martin et son adorable Ecole des Fans où Vanessa Paradis a fait ses débuts.
Puis, plus aucun télé-crochet ne voit le jour jusque dans les années 90/2000 où l’on voit arriver en masse de nouveaux formats, sur le modèle télé-réalité avec des candidats récurrents. Depuis, il ne se passe plus un vendredi ou samedi soir sans croiser un de ces formats sur les chaînes françaises.
Trop, c’est trop
Star Academy, Pop Star, X factor, Incroyable Talent, The Voice, The Voice Kids, Rising Star, The Cover, Prodiges… la liste est longue des shows vocaux, revenus en force à partir du début des années 2000 avec la Star Academy. Lancée en 2001, l’émission annonçait une longue période de chant suite à de très bonnes audiences (11 872 000 téléspectateurs pour le soir de la finale de la première saison, soit 51,4% de part de marché).
Arrêtée en 2008 sur TF1, tout comme la Nouvelle Star sur M6 en 2010, on a cependant vu revenir ces deux derniers sur des chaines de la TNT (NRJ12 et D8, respectivement) en 2012, face au franc succès de The Voice qui lança cette année-là sa première saison et qui a redéfini les codes du concours de chant télévisé. Cette dernière a également réalisé le meilleur démarrage d’un télé-crochet en France avec une moyenne de 9 124 000 téléspectateurs (soit 37,9% de part de marché) entre 20h50 et 22h55.
Depuis, de nombreuses chaînes essayent d’en tirer leur épingle du jeu et ont sans doute cru à un nouvel attrait du public pour les télé-crochets, mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles feraient parfois mieux de s’en abstenir… La Star Academy n’a fait qu’une seule saison sur NRJ12, The Cover lancée sur D8 en octobre 2014 a été arrêtée en cours de diffusion face à son échec, tout comme Rising Star qui avait débutée sur M6 en septembre 2014 pour être arrêtée deux mois plus tard.

Un concept fédérateur et transgénérationnel
Mais alors pourquoi ce concept est-il tant réutilisé depuis plus d’un demi siècle ?
Pour Thierry Lachkar, patron de la société de production Shine France, « les concours de talent font partie des genres appréciés par le public » car ils sont « fédérateurs » et « transgénérationnels ». « Le concours de chant a quelque chose d’unique, il est compréhensible par tous et traverse les décennies ».
En effet, le télé-crochet n’exclue aucun téléspectateur et possède cet atout d’identification pour le public : les candidats sont dans la majorité des cas des inconnus avides de reconnaissance. Le candidat de télé-crochet vient de partout, n’a pas d’âge particulier et provient aussi bien de sa chambre, d’une comédie musicale à succès que des couloirs du métro.
Enfin, selon Alexandra Crucq, directrice du développement chez le producteur indépendant Newen (Plus belle la vie par exemple), c’est « un produit qui rassemble les familles et ne fait pas fuir la publicité. Ce genre bénéficie d’une mécanique éprouvée qui rassure les téléspectateurs et les diffuseurs ». Bénéfique pour tout le monde donc.
Mais il faut aussi, trouver le bon programme, à l’heure où beaucoup de formats sont des créations étrangères. Ainsi, quand TF1 a acquis The Voice il n’était diffusé qu’aux Pays-Bas et en France peu de professionnels y croyaient, alors que les producteurs se disputaient Rising Star qui était un énorme succès en Israël…
Le secret réside dans l’adaptation du format : « Nous vivons dans une période où des créations télévisuelles arrivent tous les jours. Cela implique de mettre à jour nos programmes, de les rafraîchir en nous appuyant sur les expériences des années précédentes, souligne Monica Galer, présidente de FremantleMedia France qui produit la « Nouvelle star ». Il faut prendre en compte les spécificités culturelles de chaque pays. Par exemple, un prime time en Angleterre dure une heure une heure trente, en France, deux heures trente. Nous devons faire preuve de créativité pour étirer un format d’un pays à l’autre. » Et selon Thierry Lachkar, « Il faut réfléchir par rapport à un format et non à un genre, chercher des améliorations pour surprendre le public, trouver de nouvelles épreuves, des procédés qui ne sont pas des gadgets. »

Où en est-on aujourd’hui ?
The Voice a repris fin janvier sur TF1 pour une cinquième saison et le succès est toujours au rendez-vous : 7,25 millions de téléspectateurs (soit 36,5% de part d’audience, meilleure audience de la soirée) ont suivi les premières auditions à l’aveugle le 30 janvier dernier. Même si l’émission est leader le samedi soir, ce chiffre est cependant en baisse par rapport aux autres saisons qui enregistraient une moyenne de 9 millions de téléspectateurs.
Est-ce révélateur d’une nouvelle lassitude du public quant au concept ?
En tout cas pour Nouvelle Star, qui a repris le 16 février dernier, les audiences ne sont pas celles attendues (937 000 téléspectateurs soit 4,2% de part d’audience) avec un nouveau juré qui était pourtant prometteur : JoeyStarr. L’émission ne bénéficie plus non plus d’un animateur phare puisque c’est Laurie Cholewa qui prend le relai de Benjamin Castaldi. Pour les castings la production ne s’est déplacée que dans 4 villes de France, contre 7 entre 2008 et 2010 (meilleures années du programme).
Et cette tendance ne s’arrête pas là : W9 lance à partir du 22 février une émission quotidienne diffusée à 12h40 et qui portera le nom de : « Mon voisin est un chanteur ». Vous l’aurez deviné, des voisins se reçoivent chacun à leur tour chez eux pour se dévoiler leurs talents vocaux. Pour changer, les candidats vont se noter les uns les autres (sur les critères du charisme, de la mise en scène et de la voix) pour tenter de remporter le « micro d’or » et la somme de 1 000 euros. Un format repris et surtout usé.
Déjà diffusé entre le 27 octobre et le 10 novembre 2015 à 3h50 du matin, ce programme avait fait moins de 20 000 téléspectateurs, soit 2,1% de part de marché sur ce temps d’antenne.
Sur une case horaire pareille, on ne donnait pas beaucoup d’ambition à l’émission, pourtant la chaîne semble décidée à adopter une nouvelle stratégie en voulant concurrencer les jeux télévisés du midi. Néanmoins, on peut aussi la croire piégée face aux éternels JT  précédés de jeux déjà bien installés sur les chaînes concurrentes.

Sans surprises, l’échec est considérable : seulement 0,4% de part d’audience (53 000 téléspectateurs en moyenne) entre 12h36 et 13h23 sur les 4 ans et plus.
La question demeure : télé-crochets… à quand la fin ?
Capucine Olinger
LinkedIn 
Sources :
toutelatele.com
http://master-crdm.u-paris10.fr/evolution-des-tele-crochets/
nouveautes-tele.com
http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2015/02/21/le-tele-crochet-un-produit-renouvelable_4581003_1655027.html
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