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Jacques a dit : le client est Empereur

 
Ou So Ouest, l’anti-centre commercial.
« So Ouest, le centre commercial urbain chic qu’attendait l’Ouest parisien »
Ainsi se définit le nouveau complexe commercial qui a émergé du sol levalloisien cette année, affichant la motivation de servir le confort et le bien-être du Consommateur. Il ne s’agit plus ici d’un client lambda, mais bien d’un portefeuille-sur-pattes ayant reçu ses lettres de noblesse. Le client est Roi n’est-ce pas, eh bien So Ouest le reconnaît Empereur. L’Ouest parisien que vise le centre constitue en effet un vivier d’habitants aux revenus aisés, des quartiers de nantis qu’on ne présente plus. Les mots d’ordre, « confort » et « bien-être », sont exactement  ceux que rechercherait tout  hôtel de luxe. Cette analogie ressort d’autant plus avec le scintillement des quatre étoiles en dessous du nom So Ouest, et se veut constitutive de l’identité du centre… d’une contre-identité.
Le centre commercial non seulement s’adapte au terrain qui l’accueille, répondant à une attente, mais se démarque également en innovant. Eldorado d’hier,  sa raison d’être serait facilement caduque aujourd’hui quand il suffit de quelques clics au e-consommateur pour accéder à la caverne d’Ali Baba. Il devient alors impératif de justifier le déplacement de ce pantouflard : transposition de l’intérieur cosy qu’on lui fait quitter (cf la galerie de portraits au détour d’une allée et les puits de lumière naturelle), exotisme et rareté (marques phares étrangères comme Hollister ou Marks & Spencer), design et matériaux nobles (le guichet information devient un comptoir en marbre style Louis XV) et surtout, surtout, offre d’une qualité de services incomparable. Outre les i-pads en libre consultation, un personnel en veston rouge se tient également à sa disposition, lui indique aimablement telle enseigne, voire fait le pied de grue au service voiturier/scooturier. Un bus aux couleurs de So Ouest le ramène même jusqu’à la place de l’Etoile…à condition qu’il soit détenteur du sésame de fidélité. Faut pas (trop) rêver non plus.
C’est ainsi tout ce que promet le label « **** », sur les affiches de publicité tapissant les murs du métro…à l’opposé de l’imaginaire rattaché au centre commercial, glauque et commun, jalon du quotidien, telle une corvée devenue superflue grâce au e-commerce. Plus qu’un regroupement de magasins, le centre se constitue comme une destination à part entière, classée dans la catégorie des loisirs. Il prend la tangente de l’acte banal et presque animal de consommation, en affirmant un caractère exceptionnel, caractère dont la revendication appartient au monde du luxe, de ce qui est hors du commun. Sa nouvelle identité est bel et bien créée et consolidée par toute la stratégie de communication qui vise la personnalisation du centre, sa démarcation : le consommateur représenté par une jeune femme dans la campagne publicitaire se repose sur le sigle du centre. Celui-ci sert de soutien, on y prend appui, ce qui justifie la promesse de confort et de bien-être. Cette identité se décline aussi dans l’application So Ouest pour Smartphones et I-pads, surfant sur la vague de l’air du temps technologique. Elle devient même emphatique, créatrice de buzz par exemple à propos de l’ouverture du centre. Cette naissance officielle s’institue comme rendez-vous incontournable, prenant les allures d’un spectacle dont le concert de Yuksek marque justement le clou, et que les vidéos en ligne invitent à revivre.
So Ouest se renouvelle par la contre-identité, instituant une nouvelle ère d’hybridation des structures commerciales.
 
Sibylle Rousselot
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