bilan communucatione du gouvernement
Politique

L’an I du gouvernement : quel bilan communicationnel ?

Ca s’est passé jeudi dernier : l’agence Vae Solis, cabinet de conseil en stratégie de communication et gestion de crise, a publié la quatrième édition de son étude sur la communication des hommes politiques, intitulée « 1 an d’action, 1 an de communication : qui sont les meilleurs communicants ? ». Un rapport remarqué, qui met à l’honneur trois personnalités du gouvernement ainsi que les têtes montantes de l’UMP : Manuels Valls, ministre de l’Intérieur, caracole en tête du classement tandis que le suivent de près Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense, et Christiane Taubira, ministre de la Justice et Garde des Sceaux. La quatrième et cinquième place sont respectivement occupées par Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet, symboles de la « nouvelle génération des quadras de l’UMP ». Selon les mots mêmes du président de Vae Solis Corporate, Arnaud Dupui-Castérès, le rapport souligne que « contrairement aux années passées où la forme et les « coups » médiatiques semblaient l’emporter dans l’appréciation générale, l’avantage ait été ici donné au sérieux et à une communication centrée sur le fond, l’argumentation, la maîtrise des dossiers, la défense des idées…» L’étude se base sur les avis de quarante journalistes de la presse, de la radio et de l’audiovisuel français, et se décline en cinq étapes précises : le top 5 et le flop 5 de la communication des personnalités politiques, les pronostics quant à la prochaine nomination à Matignon et la candidature UMP pour 2017, la personnalité montante, le bilan de l’an I de François Hollande et enfin le best-of des avis sur les personnalités étudiées. Dans cette optique, quelles conclusions tirer d’une telle étude ?
Tout d’abord, le top 5 fait apparaître un besoin de sérieux et d’une communication de fond, qui s’accompagne d’action et de volontarisme politique.
C’est ainsi qu’on retrouve en tête du classement un Manuel Valls qui est vu comme le favori, avec Michel Sapin et l’outsider Martine Aubry, pour la succession de Jean-Marc Ayrault à Matignon. A noter aussi que celui-ci échappe de justesse au flop 5, avec une note de seulement 4,62 sur 10. Manuels Valls, grand gagnant de ce classement, peut se targuer d’une communication en osmose avec son action place Beauvau : il incarne l’autorité républicaine à laquelle aspirent les Français, réussissant la symbiose parfaite entre les idéologies de droite et de gauche. En ce sens, il répond très bien aux aspirations d’un électorat indécis, qu’il soit déçu par la politique sociale-démocrate d’un Président plus frileux (sans surprise cependant) que prévu sur les questions économiques et sociales, ou qu’il craigne la trop grande tolérance de la gauche gouvernementale sur des questions de sécurité, qui restent une préoccupation essentielle des français. Selon l’étude, le storytelling de Manuels Valls est à la fois ferme, clivant mais efficace. Il maîtrise la forme et donc la communication de crise, faisant entendre une parole forte et claire, et donc rassurante. Mais il marque aussi des points sur le fond, en apparaissant comme un homme de convictions, avec une ligne politique solide. Cependant, l’enquête a été réalisée avant les événements du Trocadéro qui ont suivi la victoire du PSG : or ces incidents ont entamé la cote de popularité de Manuels Valls, fustigé par la droite pour son inertie et son incompétence face aux casseurs.
La grande surprise de ce classement reste néanmoins la seconde place accordée à Jean-Yves Le Drian, discret ministre de la Défense, qui a tiré son épingle du jeu de la guerre au Mali. « C’est la vraie surprise. Il n’a pas une exposition médiatique et je ne suis pas sûr qu’il ait une notoriété. Mais les experts interrogés ont identifié chez lui une maîtrise de sa communication politique et des sujets de fond », analyse Arnaud Dupui-Castérès. La rupture avec l’ère Sarkozy est ici pleinement consommée : après un interventionnisme forcené et une présence hypermédiatique favorisant souvent le discours et les mots forts, la nouvelle majorité gouvernementale a joué le jeu d’un volontarisme somme toute assez consensuel, dans la lignée d’une présidence voulue « normale ». Un positionnement communicationnel qui n’est pas surprenant de la part d’un gouvernement bien souvent perçu, dans ses décisions et prises de positions, comme plus technocratique que politicien.
La troisième place attribuée à Christiane Taubira ne surprendra, cette fois-ci, personne. La ministre de la Justice a pleinement profité du boulevard médiatique qui s’est offert à elle avec le projet de loi du mariage pour tous, grand fer de lance du gouvernement en cette première année de mandat. Ses discours fleuris et enflammés à l’Assemblée Nationale et au Sénat ont fait d’elle l’idole des pros mariage pour tous, et elle a pu démontrer autant sa compétence et sa connaissance de ses dossiers que sa volonté de se positionner comme un élément fort du gouvernement.
L’enquête fait la part belle à Nathalie Kosciusko-Morizet. En plus d’être désignée comme la personnalité montante de manière assez unanime (ce qui, à l’aube des municipales de 2014, n’est pas vraiment une nouvelle surprenante), les journalistes interrogés la voient bien se présenter à l’investiture présidentielle pour l’UMP en 2017. De manière assez conventionnelle et presque caricaturale, les journalistes perçoivent en elle l’incarnation d’un renouveau de la droite. A la fois ferme et naturelle, elle a l’avantage d’un style original et d’une solidité intellectuelle. « Dans un monde politique d’hommes », (on avait vu les mêmes arguments à l’époque de Ségolène Royal), elle sait user de détermination, de courage, de modernité. En cela, elle saurait presque « séduire » une partie de l’électorat de gauche, notamment la classe énigmatique des « bobos parisiens ». Son acolyte Bruno Le Maire est lui aussi décrit comme un quadra rafraîchissant, qui prend des risques au sein de sa famille politique par ses positionnements et qui à la politique idéologique substitue la politique pragmatique. La place des choix personnels face aux positionnements partisans est un véritable plus qui les positionnent en tête de classement, quand Jean-François Copé ou Christian Jacob trottent en fin de cortège.
Enfin, l’enquête se propose de faire un bilan de la première année du quinquennat Hollande. Qu’en retient-on ? Dans ses rapports avec la presse, François Hollande bénéficie de la mauvaise image de son prédécesseur. Quand Sarkozy privilégiait la séduction ou la confrontation avec les médias, Hollande oppose une proximité placide, une distance contrôlée et bienveillante. Pour autant, les journalistes n’hésitent pas à pointer le manque de cohérence de son discours et l’absence notable d’un cap clair à sa politique, qui noient bien souvent son discours. La « présidence du consensus » reste un fait : le leadership présidentiel, la parole assumée, claire et haute, ce n’est pas pour maintenant. Il privilégie le temps long à la réaction politique immédiate, ce qui peut être parfois mal perçu par l’opinion publique, qui est en quête de réponse et de volontarisme politique notable surtout en période de crise sociale, économique, politique et institutionnelle. La « présidence normale » était une stratégie communicationnelle gagnante en temps de campagne car elle avait un contrepoint : la présidence hyperactive d’un Sarkozy dont le bilan plus que moyen permettait de proposer de vraies alternatives constructives et construites. Mais aujourd’hui, la France de la Vème République, sans réelle surprise, attend un Président dont la communication soit forte et symbolique, elle attend un homme exceptionnel dans sa normalité, car telle est la fonction qui lui est assignée. Comme le souligne l’étude, la normalité devient alors « l’alibi de l’impuissance » et ce n’est plus sa personnalité mais sa stratégie et son action politique qui sont sévèrement critiquées.
Argumentée et bien construite, cette enquête cède néanmoins aux sirènes de la communication alors qu’elle essaie paradoxalement d’en montrer les ficelles. Parce que le panel des journalistes est réduit (une quarantaine), que la diversité de la presse n’est pas représentée et surtout parce que l’enquête cible seulement les journalistes, l’étude vire plus au décryptage qu’à l’enquête scientifique précise. La présence d’un verbatim rassemblant les meilleures « catch phrases » à propos de certaines personnalités (« Quand il parle, on décroche…et plus il parle, plus on décroche ! » – à propos de Jean-Marc Ayrault) montre que ce travail, qui se propose d’analyser des discours et des stratégies communicationnelles, se base en fait sur des propos déjà chargés de valeur ajoutée, des propos stylisés et marqués par l’analyse journalistique.
En période de crise sévère, qui ne peut plus être simplement réduite au volet économique, il aurait été plus intéressant, si ce n’est plus décent, d’analyser l’impact de la communication des personnalités politiques auprès de l’opinion publique. Car si ce n’est envers les citoyens électeurs, à qui se destine la communication des personnalités de l’espace publique, dont les journalistes ne sont que le relais ?
Laura Garnier
Sources :
Le rapport de Vae Solis
Libération
Le JDD 

Publicité et marketing

Baby & Me

On connaissait les Bébés nageurs et les Bébés rollers, place maintenant à « Baby and me », le tout dernier concept lancé par l’agence BETC pour Evian le 19 avril.
Concrètement, ça donne des visuels créés par l’agence BETC et disposés en « miroir » de part-et-d’autre des quais, sur lesquels on voit des portraits d’adultes. Mais qui diantre dévisagent-il de cet air médusé ? Leur propre reflet pardi, pour le moins rajeuni…
Ce qui donne à peu près ça :

Ou ça :

Ou encore ça :

Un concept humoristique plutôt réjouissant donc, à travers lequel Evian démontre une fois encore sa créativité et son originalité. Parmi les portraits, deux visages connus : ceux de Maria Sharapova (championne de tennis) et de Melissa Reid (golfeuse). Ici, les visuels sont d’une grande simplicité. Le fond neutre met en avant l’expression des visages, et la symétrie est parfaite entre les versions adulte/bébé des personnages, jusqu’au logo qui est inversé dans la version reflet !
La campagne se décline aussi à travers une vidéo où l’on aperçoit des adultes jouant avec leur reflet version bébé au rythme de « Here comes the hotstepper » de Yuksek.

L’engouement est au rendez-vous, puisque la vidéo a été visionnée plus de 50 millions de fois à ce jour, et que des parodies circulaient sur le net moins d’une semaine après sa mise en ligne.
Vous avez dit originalité ?
Si l’idée d’utiliser l’espace des quais pour placer les portraits et leurs reflets face à face est créative, d’aucuns reprochent à Evian une redondance dans l’utilisation répétée des bébés. Pour autant, on ne change pas une recette qui marche, et le succès des campagnes babies de la marque n’est plus à prouver.
Il y a trois ans déjà, Evian avait créé le buzz avec ses « Rollers babies ». Avec plus de 250 millions de vues sur Youtube, la vidéo a décroché une inscription dans le Guinness Book, raflant par la même occasion le titre officiel de la vidéo publicitaire la plus vue ! Les Rollers Babies ont par ailleurs engendré de nombreux produits dérivés, dont les fameux T-shirts qui nous sont maintenant familiers.
La clé du succès ?
Simplicité et optimisme, les maîtres mots de la marque. Le message véhiculé est clair : boire l’eau Evian, c’est conserver jeunesse et dynamisme, c’est « être connecté avec sa jeunesse intérieure pour un sentiment de liberté, de lâcher prise, un joyeux délire spontané et communicatif ». Les vidéos comme les affiches constituent une mise en scène du bébé qui sommeille en chaque adulte.
Avec le slogan « Live young », c’est le mot « jeunesse » qui est désormais associé à la marque, dont, rappelons-le, le point de départ est de se constituer eau des bébés. Evian a su mettre à profit cet imaginaire et l’associer à son univers, mais de manière décalée et fun, évitant l’écueil d’une image trop scientifique ou liée exclusivement à la santé. Et le message prend : quel que soit l’âge, la véritable jeunesse réside dans un état d’esprit enthousiaste, débordant d’énergie et d’émerveillement.
Bonne humeur, fraîcheur, humour : contre la morosité ambiante, la campagne Evian exhibe un optimisme régénérant. On aura beau dire, la marque reprend les codes du succès, et ça marche !
 
Clara de Sorbay

Culture

JR, ni vu ni connu… Quoi que !

 
Il existe un artiste qui ne passe pas inaperçu… Et pour cause ! Il expose partout dans le monde des œuvres toutes plus grandes les unes que les autres… Sa galerie ? C’est la rue. Et comme il le dit lui-même, c’est bien « la plus grande galerie d’art du monde ». Son nom ? JR. Oui, JR, c’est tout. Des initiales, un chapeau et des lunettes de soleil : voilà le personnage. Petit rappel pour ceux qui n’auraient pas encore entendu parler de celui qui fut, pourtant, élu l’artiste le plus populaire sur Internet en 2012…
Son projet semble simple : coller ses images en noir et blanc sur les murs, les ponts, les toits… Faire vivre le street art à l’échelle mondiale. En flirtant sans cesse avec l’interdit, il repousse les limites de la nature intimiste de l’art en proposant à tout un chacun de participer à cet engagement en collant sa propre photographie quelque part. Apporter sa pierre à l’édifice et construire son chapitre dans le grand livre de JR…
En effet, si au départ, il affichait ses tirages à travers des projets plus personnels, comme 28Millimètres ou Face2face, c’est en 2011, lorsqu’il reçoit le Ted Prize, que son art prend un nouveau tournant. Ce prix lui offre la possibilité de formuler « un souhait pour changer le monde ». De là, il concrétise ses valeurs et ses aspirations à travers Inside Out, un projet d’art participatif international. Désormais, les personnes du monde entier peuvent recevoir leur portrait puis le coller pour soutenir une idée, une action et partager cette expérience. Pour ceux qui voudraient en apprendre davantage, je vous laisse découvrir son site internet, son dossier de présentation ou encore sa revue de presse.
Car aujourd’hui, je me penche donc sur ce projet précis, Inside Out, et tout ce qu’il implique en matière de communication, d’image, d’identité et de revendications.
Mondialisation ou délégation ?
Dans cette nouvelle conception de l’art à grande échelle qui rassemble des centaines de personnes, une première critique brûle alors les lèvres… Qui est JR et qu’est-ce qu’il est ? Car lui-même ne se voit ni comme un photographe, ni comme un street artiste… Mais plutôt comme un pratiquant de « l’art infiltrant ». Mais il ne prend plus toutes les photographies, ne peut pas être présent sur tous les sites, et délègue finalement à de nombreuses petites mains un travail désormais complètement collectif… Alors, JR est-il toujours un « artiste » ?
Cependant, cette idée de « délégation », mais surtout de « partage », s’inscrit dans la logique d’anonymat que conserve et revendique JR : il ne s’agit pas de signer ses photographies ni de crier son nom sur tous les toits, mais bien de créer un mouvement, un rassemblement, derrière un message, un projet qui montre, somme toute, un aspect positif de la mondialisation. Ainsi, si l’artiste est critiquable pour certains, le projet lui, n’en reste pas moins admirable.
L’anonymat… Un aspect sur lequel JR ne plaisante pas, déclarant notamment pour Le Supplément sur Canal +, qu’il peut aller à son propre vernissage sans qu’on le reconnaisse et que cela reste « un luxe assez incroyable ». JR est donc insaisissable. Et lorsqu’une grande partie de son « exposition » se fait de manière sauvage, sans autorisation et dans certains pays plutôt restrictifs, cet anonymat apparaît comme une solution efficace.
Pourtant, en 2012, il reçoit donc le Grand Prix de la e-réputation, attribué par l’agence de production de contenu éditorial Smiling People, qui récompense la popularité des artistes sur la Toile, en France et dans le monde. Alors, pas si anonyme que ça ?
JR, artiste ou communicant ?
Il faut donc bien se concentrer sur l’ampleur que prend Inside Out, aspect qui apparaît comme remarquable au regard d’un combat pour la liberté d’expression à une telle échelle. Mais si l’on poursuit le questionnement sur l’artiste que serait JR en avançant que finalement, il est désormais une « star » pour un projet qui rassemble les artistes qui sommeillent en chacun de nous. Alors, que représente-t-il ? Une autre réponse possible : un excellent communicant !
À tel point qu’il nous faut préciser un certain nombre d’enjeux qui reflètent cette idée : JR est mondialement connu et réussit un peu plus chaque jour à faire grandir son projet par la transmission de ses idéaux. Et tout ça, sans aucun sponsor, en série limitée et en finançant lui-même ses projets… Chapeau bas tout de même !
Car c’est principalement un discours bien formulé et qui parle à notre société, qui se cache derrière ces collages : créer le lien entre les gens, faire en sorte qu’ils aillent chercher l’histoire de ces photographies, partir de l’intime, de l’identité personnelle pour créer une œuvre d’art. Voilà ses mots d’ordre. À ce titre, JR serait « porteur d’avenir » pour ceux qui participent à Inside Out, devenant acteurs de ce projet par leur propre histoire et contribuant à son étendue toujours plus grande.
« In your hand it has more meaning than in mine, so do it ! »*
JR est donc un très bon communicant et cette idée est tout à fait visible dans ses interviews ou même dans son discours du Ted Prize : charisme, prestance et sensibilité sont au rendez-vous. Cet aspect se double d’une très forte présence dans les médias et sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Instagram, Canal +, GQ, Le Monde Magazine, The New York Times Magazine… et j’en passe ! Il envahit les médias comme il le fait dans les rues.
De plus, il ne choisit pas ses lieux par hasard. Outre le fait qu’il aime jouer avec les limites du possible, JR vise quand même des sites précis et symboliques : du trottoir et des écrans publicitaires de Times Square à New York en passant par le Pôle Nord avec le mouvement (et le hashtag) #savethearctic, il s’infiltre dans des lieux-clés, marquant de manière efficace les esprits.
Le succès est lui, véritable, puisque si JR reste habituellement ferme quant à ses financements et sa « liberté » sur le plan marketing, sa dernière intervention à Marseille fût entièrement prise en charge et valorisée par la ville, capitale européenne de la culture. Celui qui a commencé dans la rue et qui n’a jamais voulu la quitter est désormais une personnalité phare du XXIème siècle.
Entre omniprésence et censure ?
Pourtant, s’il est partout sur la toile et sur les murs, cette omniprésence se double d’une dimension paradoxale quant à l’utilisation de ses images. Si tout le monde peut voir ses œuvres et les immortaliser, JR émet une restriction sur les photos qu’il fait lui-même de ces collages. Et oui, les photographies de JR sont soumises à conditions : on ne peut les publier seulement si l’on parle de son travail !
La vision de JR en tant que communicant prend ici toute son importance : on peut tout à fait découvrir et faire découvrir son univers mais uniquement s’il est au centre des discussions. En effet, pour la distribution de ses images, c’est par l’Agence VU’ à Paris qu’il faut passer, mais l’on se trouvera confronté à cette instruction : « Ces images ne peuvent pas être utilisées en illustration, mais uniquement dans le cadre du travail de JR ». Alors si je veux montrer les favelas de Rio ou bien les façades de Berlin, ça sera sans les collages de JR. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que je n’ai pu mettre que des captures d’écran pour cet article. Toujours aussi anonyme que ça ? Toujours aussi altruiste que ça ?
Mais oui, ne l’oublions pas, ce projet est collectif : ce n’est finalement plus de JR dont on parle mais bien de l’Histoire (avec un grand H) qu’il est en train d’écrire avec les petites histoires de chacun. Ces restrictions renvoient finalement au statut de l’artiste qu’il faut protéger : l’agence photographique est bien là pour faire valoir les droits sur les images des photographes et artistes qu’elle représente. Si JR est véritablement partout, cette omniprésence se trouve, non pas censurée, mais limitée. Serait-ce pour accentuer l’impact de son travail, qui transcende justement la définition de l’artiste – qui cherche à se faire reconnaître comme tel – pour atteindre des concepts plus révolutionnaires, novateurs et marginaux ? Ne serait-ce pas justement, pour se construire une identité qui transcenderait le personnage pour devenir une véritable aventure humaine ?
 
Laura Lalvée
* JR dans son trailer du film Inside Out : « Dans vos mains, cela a plus de sens que dans les miennes, alors faites le ! »
Sources :

/jr
http://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/le-street-artiste-jr-retourne-time-square/

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Jacques a dit : I need music for every moment

 
La musique rythme notre vie, à la fois personnelle et sociale. Faisant profondément appel à notre identité, nos émotions, elle constitue donc un ressort intéressant pour les marques afin de toucher leurs consommateurs. Ce lien marques/musique se limitait jusqu’à présent principalement à du sponsoring d’artistes, de concerts, ou tout simplement une musique de pub qui ne vous sort plus de la tête ! Mais ça, c’était avant l’arrivée du nouveau Spotify…
A cette occasion, le leader européen d’écoute de musique en streaming se paie sa première campagne publicitaire aux Etats-Unis, pays encore peu converti à la marque, et exprime bien ses valeurs en choisissant un spot très institutionnel, n’abordant à aucun moment les services proposés :

Il s’agit en effet pour Spotify d’accroître sa notoriété et son image, car le site offre désormais des services très innovants pour les marques. D’après une étude menée par Spotify, 57% de leurs usagers déclarent se définir en grande partie par la musique qu’ils écoutent. Véritable aspect identitaire, la musique est également un lien social fondamental : qui n’a jamais discuté ou écouté de la musique avec ses amis ? Et les marques vont à présent pouvoir entrer dans cette sphère personnelle musicale, et s’infiltrer dans cette discussion au meilleur moment pour toucher leurs consommateurs. Quelques exemples pour mieux comprendre cette révolution du brand content musical à venir.
Le générateur de playlist

Converse
Que l’on soit plutôt « shoes » ou « sneakers », après avoir répondu à quelques questions amusantes, Converse nous propose une playlist personnalisée. La marque, qui joue depuis longtemps sur le côté lifestyle devient donc un leader d’opinion au niveau musical, en conseillant directement les musiques jugées “cool”, qui collent avec son image. Une marque peut donc se doter à présent d’une vraie personnalité musicale, renforçant toujours davantage son image par un lien amical avec ses consommateurs (voir à ce sujet l’article : http://fastncurious.fr/jakadi/marques-et-consommateurs-une-grande-histoire-damitie.html).
Reebok Fitlist : faire une place musicale à la marque à un moment de la journée

En permettant à l’utilisateur de créer sa playlist personnalisée, la marque propose non seulement un outil bien pratique, mais s’intègre pour le consommateur au rituel du jogging. Et cela peut s’appliquer à n’importe quel moment de notre journée, de notre vie. Le slogan de Spotify “Music for every moment” traduit bien l’utilisation que nous faisons de la musique, comme un accompagnement de tous les instants. Autant d’occasions pour les marques de s’adresser à leurs cibles, en sachant nous trouver au bon moment, que ce soit au sport, dans notre bain ou dans les transports
La nouvelle offre de Spotify va donc dans le sens d’un brand content toujours plus proche du consommateur, et donnant toujours plus de caractère et de profondeur à l’image de marque. Des campagnes déjà très créatives et innovantes ont été mises en place outre-Atlantique, et devraient bientôt donner des idées aux marques françaises… A suivre de très près !
Judicaëlle Moussier
 

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« MARKET’-MOI SI TU PEUX»

 
Toujours  plus de communication, toujours plus de marketing, toujours plus loin  ; cette dynamique du « toujours plus » est à l’œuvre partout et elle gagne aujourd’hui le monde du sport ; plus précisément la planète tennis,  actuellement à l’heure parisienne.
 
Dernière trouvaille en date, l’application  « Tweet and Shoot » : un dispositif connecté créé par « We Are Tennis », l’agence de BNP Paribas  à l’occasion de ses 40 ans de partenariat avec Roland Garros. Le concept est aussi simple que saugrenu : 40 internautes se sont transformés en « twitto- entraîneurs» de Jo-Wilfried Tsonga, huitième joueur mondial et premier français, lors de sa séance d’entraînement du 23 mai. Un robot lanceur de balles activé via Twitter qui a dicté la séance du français. Pour faire partie de ces 40 chanceux, la marche à suivre était la suivante : il fallait envoyer un tweet d’encouragements à Jo Wilfried Tsonga sur le site « http://tweetandshoot.wearetennis.com » et les meilleurs étaient sélectionnés pour devenir « twitto-entraîneurs ».  Ainsi le 23 mai dernier, les coups fictifs des internautes sont devenus des balles réelles aux trajectoires variées que le tennisman français se devait de renvoyer.
Le coup marketing est bel et bien là même s’il prend des allures plus amusantes que dérangeantes. Néanmoins, cette opération de communication nous force à nous interroger sur les limites du marketing dans le sport ; jusqu’où peut-il aller ? Jo-Wilfried Tsonga semble s’être plié de bon cœur à la demande de l’emblématique partenaire de Roland Garros. Vous allez me dire : «  2h de perdues sur son programme ça n’est pas grand-chose, d’autant plus  qu’il tape la balle ». Pas sûr que Rafael Nadal, le septuple vainqueur de la Porte d’Auteuil  ou encore Roger Federer, partagent cet avis.
Autre dimension intéressante dans l’opération marketing « Tweet and Shoot » : ici le tweet  prend une nouvelle ampleur. Il agit, il impacte physiquement le réel, il décide de la trajectoire d’une balle.  A quand l’institutionnalisation des « twittos-entraîneurs » ? Tout cela peut prêter à sourire, il n’empêche que ce coup de communication dévoile une nouvelle dimension du tweet  quelque peu inquiétante.
« La Terre est bleue comme une orange »[1]
 
Autre coup marketing en 2012, lors du Masters 1000 de Madrid. Nous avions eu le droit, cette fois-ci, à une terre battue bleue, un choix du propriétaire du tournoi Ion Tiriac. Questions de gros sous et stratégie de buzz, il avait décidé de faire ce clin d’œil au sponsor principal du tournoi, « Mutua Madrilena » dont le logo est bleu, ainsi les joueurs ont  dû jouer sur une terre battue aux couleurs du partenaire.  Les réactions ont été immédiates ; les cadors du circuit, Nadal et Djokovic en tête, ont mis en garde les organisateurs de la dangerosité de la surface : trop glissante et de mauvaise qualité. Ils ont menacé de ne pas revenir l’année prochaine si l’ocre ne faisait pas son retour. Après cette fronde généralisée,  les joueurs ont finalement eu gain de cause pour l’édition 2013. Si cette fois l’avantage a tourné du côté des sportifs, cette bataille « sportifs-marketing » tourne malheureusement bien trop souvent à l’avantage du marketing.
Un set partout, début de la troisième manche, match à suivre.
 
Manon Conan

[1] Paul Eluard, « Premièrement », L’amour de la poésie

Société

So cute and disabled

 
Mignon, c’est bien. Mignon et handicapé, c’est encore mieux.
Qu’entends-je au fond ? Du mauvais goût ? Certainement. Mais comment ne pas céder au cynisme devant la célébrité Web unanimement relayée du moment, Ray Charles le bien nommé Golden Retriever aveugle.
Cette adorable créature connaît en effet un succès fulgurant, avec 38k Likes à son actif sur Facebook (pour une page créée le 5 Mars). Certes, nous sommes bien loin de Boo, son rival et modèle dans la catégorie canine, qui caracole  avec 7 millions de Likes. Mais Boo tient plus de l’exercice de viralité, ayant pour maîtresse une employée du réseau social.
C’est plus une véritable appropriation par les utilisateurs qui a eu lieu ici, sans planification ni établissement de contact maturé par une entreprise. Une sorte de Fruit d’Oasis, sans Oasis.
Il faut dire que Ray a tout pour faire fondre les cœurs. Né en décembre dernier, il était promis à l’euthanasie. Son handicap et sa santé fragile n’aidant pas, le centre animalier qui l’hébergeait avait peu d’espoir de pouvoir lui offrir un destin très éloigné des cages de ses locaux. Jusqu’à ce qu’un preux amoureux des animaux, Andrew Fales, lui fasse rejoindre les trois Goldens Retriever qu’il possédait déjà.
Depuis, l’heureux propriétaire s’est livré à un Community Managing effréné, alimenté d’innombrables clichés – tous commentés de sincères « cuteness overload ! » [1] – et de courtes phrases which wewe spewed wike dat [2]. Lui-même a été surpris par son succès, comme il l’a confié au Today Show de NBC. A l’heure actuelle, il fait gonfler une pétition pour que Ray puisse lâcher la « puck » (le palet, dont la libération cérémonielle marque le coup d’envoi d’un match de Hockey) lors de la prochaine performance des Boston Bruins, son équipe fétiche.
Grumpy blind spaghetti puppy-cat monster
Évidemment, ni Ray ni Boo ne sont exactement les premiers animaux à être devenus célèbres sur Internet, avec ou sans réseaux sociaux. Grumpy Cat, ou Maru en son temps, ont déjà pleinement illustré la terrible vérité : le Web n’est pas composé à 60% de pornographie, mais, en vérité, de chats.
En marketing, on parle parfois d’une multiplication par six des vues d’une vidéo Youtube ou d’une publication Facebook dès lors que leur aperçu intègre un chat. FastNCurious l’a d’ailleurs vérifié récemment.
L’originalité de ces stars web-sociales est cependant de répondre aux utilisateurs, là où les félins cités plus haut n’étaient que des memes. Le fait d’admettre une forme d’anthropomorphisme est devenu monnaie courante pour quiconque est sensible au discours d’une marque à travers ses personnages fétiches. Mais rien n’avait jusqu’alors été fait pour que les particuliers bénéficient du même contrat de lecture.
Pourtant, les publics se prêtent spontanément au jeu. Les visiteurs de Ray ne se l’approprient pas en le détournant comme un meme, ils ne l’associent pas à un attirail de valeurs ou de blagues répétitives, pas plus qu’ils n’attendent que son propriétaire produise un contenu centré sur autre chose que sur son délicieux chiot. Les commentateurs lui répondent comme à une personne réelle, mettant à bas toute conception qui voudrait que Facebook soit encore plus engageant que Twitter, et empêche à ce titre de répondre avec enthousiasme aux messages d’à peu près n’importe quelle entité – de l’animal à l’objet inanimé.
Bien sûr, il ne s’agit là que d’un engouement éphémère. Le filon a son côté novateur, mais est tout sauf profond. Cela étant, ces nouveautés forment comme un bruissement. Un très léger décalage de pratiques. A l’heure où les professionnels de la « relation client » (du centre d’appels à l’assistance technique) redéfinissent leurs métiers pour s’adapter à un utilisateur voulant toujours plus d’autonomie, c’est un signe de changement bien plus large qui se dessine.
Il y aurait presque matière à penser que, une mode « so cute » [3] après l’autre, Internet revient progressivement à l’état fantasmé, véritable transposition macluhanienne, qui lui était attribué avant le Net 2.0. Celle du village, où les goûts des utilisateurs font force de loi spontanée.
 
Léo Fauvel
[1] « surcharge d’attendrissement ». Oui eh bien si vous avez une meilleure traduction, dites-le.
[2] « which were spelled like that », soit « qui étaient écrites comme ça » avec une prononciation supposément infantile et irrésistible. Urk.
[3] « si mignonne »

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Thalys dépoussière la communication des compagnies de transports

 
D’ordinaire, les campagnes de publicité pour les réseaux de transports ne sont jamais bien charmantes. Au mieux elles sont insipides, dans le pire des cas elles frisent la désuétude. C’est donc avec beaucoup de surprise que j’ai pu observer récemment les nouvelles affiches de Thalys, dans beaucoup d’arrêts de métro et de transilien. La compagnie transeuropéenne avait déjà une longueur d’avance niveau communication sur les campagnes nettement moins réjouissantes, au hasard, de la SNCF qui en possède pourtant 62% des parts, ou même de la ratp. En effet, Thalys jouait déjà plus sur le graphisme que sur les photos de destination ou de trains. J’en veux pour exemple ce visuel datant de 2009 :

Thalys se distingue beaucoup par son originalité et particulièrement par le ton que la compagnie emploie : très souvent l’humour. Pensez à la campagne « Bienvenue chez nous » de 2012 ou à celle « A quoi bon voler » de 2010. Thalys joue rarement sur les avantages intrinsèques de ses lignes ferroviaires, et prend le parti de mettre en valeur la personnalité de ses voyageurs ou des destinations qu’elle dessert.

Une campagne de jeuns
C’est dans cette perspective que Thalys affiche aujourd’hui sa nouvelle campagne avec fraîcheur, sobriété, et surtout beaucoup d’esthétisme et de classe. Pour les trois affiches que j’ai pu apercevoir, il s’agit de mettre en scène un couple dont les corps se touchent obligatoirement. Chaque élément du couple représente une ville, et sur son dos sont reproduits les éléments architecturaux emblématiques de la ville qu’il ou elle représente. Voici l’exemple à mon sens le plus réussi :

Les villes de départ et d’arrivée sont mises en valeur avec beaucoup de pureté et d’élégance, et les affiches se dégustent et se découvrent petit à petit. Au départ, le slogan semble banal, on regarde ensuite l’image et il faut un petit temps avant que cela fasse « tilt » et qu’on finisse par se dire que c’est une réussite. Sur le visuel seul (sans les slogans et les logos Thalys), la présence même de la compagnie est modeste mais amplement suffisante puisque le train est représenté graphiquement sur les bras d’Amsterdam, de Cologne, de Düsseldorf et de Paris.
Le voyageur, parce que la ville est personnifiée, est de fait beaucoup plus mis en valeur et permet une identification du client potentiel. Fidèle à son image de compagnie légèrement déjantée, de part ce qu’elle décide de mettre en avant dans les destinations qu’elle propose, Thalys choisit de cibler les jeunes adultes, les touristes, ou ceux qui, et ils sont de plus en plus nombreux, ont des contacts dans les grandes villes européennes hors travail.  Thalys connait ses clients et sait comment les séduire, c’est, et cela l’a été pour toutes ses campagnes, une de ses grandes forces : des migrateurs pendulaires aux jeunes baroudeurs, la compagnie ne laisse personne de côté dans ses campagnes en les faisant passer à tour de rôle pour les toucher plus contentieusement.
Politique, toute en subtilité
Vous l’aurez bien compris, Thalys ne fait, pour cette campagne, que suggérer un certain mode de voyage, motivé par des raisons personnelles. L’implicite du couple, de la relation amoureuse entre deux villes, c’est avant tout suggérer celle entre les habitants des dites villes. Les photographies des jeunes couples des trois affiches transpirent la sensualité et la douceur, comme une sorte de tendresse qui n’est pour une fois pas suggérée par la sexualisation des sujets. Bien au contraire, ils sont tous habillés décemment, ce sont simplement leur inclinaison les uns vers les autres, subtile mais tangible, et l’expression de leurs visages quand nous pouvons les voir.
Dans cette perspective de couple et n’ayant en premier lieu vu que l’affiche Paris-Amsterdam, j’ai dû avoir le sourire en coin de la plupart d’entre vous en pensant : « ça alors, un couple hétérosexuel !» Car oui, vous n’en entendiez (presque) plus parler, mais dans ce contexte de mariage pour tous, le parti de mettre en scène un couple plus ou moins implicite d’homosexuels pour l’affiche Paris-Düsseldorf ne me parait pas tout à fait innocent. On peut y voir une opinion politique subtilement affichée ou la conscience que le mariage pour tous remporte l’adhésion de beaucoup de jeunes.
Le mot (parisien) de la fin
Un autre détail m’a surprise également : le visage du jeune homme ou de la jeune femme représentant Paris et souvent caché ou à moitié dissimulé. Une manière pour Thalys de mettre un peu plus en valeur, non pas la ville d’où l’on part, mais celle où l’on arrive, tout en conservant l’ego parisien intact en le représentant tout de même sur le dos des sujets photographiés. Une audacieuse subtilité sur toute la ligne, qu’elle soit réelle ou simplement le fruit de mon imagination, qui ne manque pas de séduire un peu plus.
Il n’y a pas à tergiverser, la compagnie Thalys parvient à se rendre sympathique et réussit même à éclipser par l’originalité de sa nouvelle campagne l’information principale qu’elle donne : vous l’aviez vu, vous, le « à partir de 35€ » ?
 
Noémie Sanquer
Sources :
http://www.thalys.com/img/pdf/presse/release/fr/10.09.21._CP_Thalys_-_Campagne_business.pdf
http://www.strategies.fr/creations/annonceurs/Thalys/

Société

Bonnes Nouvelles

 
L’actualité brûlante de ces dernières semaines ne semble pas s’apaiser. Une partie de la Suède est en flammes, Londres a été coupée au couteau, le Niger baigne dans le sang des attentats, et ainsi en est-il de la Guinée, du Liban, de l’Inde, du Pakistan, de la Syrie et de tous les pays du monde.
Nous sommes bombardés d’informations sur la haine et sur la violence. Nous mangeons des revendications et du « fait divers » dès le matin au réveil. Les combats de gladiateur se déroulent dans notre télévision et on en trouve des résumés ou des commentaires sur les sites d’informations.
Le monde est en crise, il hurle à la mort et tape sur la vie ! D’ailleurs, les médias se plaisent à nous en montrer ce sombre aspect, entrecoupé de publicités sur le bien-être.
Et alors qu’on en appelle hypocritement au calme, plutôt qu’à la paix, les médias semblent choisir leur angle d’attaque. Quand les technologies de l’information et de la communication influent un peu trop sur la parole du monde, quitte à ne laisser transparaître que ses penchants extrêmes.
Dépourvus de scoop, déboussolés de tendances, les médias s’accrochent aux « news ».
Dans la rubrique international du Monde.fr, on recense différents articles qui dressent le noir portrait de l’atmosphère ambiante : « Chemical warfare in Syria », « L’extrême droite britannique réclame un « printemps anglais », « Vague d’attentats à Bagdad, une cinquantaine de morts », etc.
Chez Libération, même ambiance : « Des attentats à la bombe font près de 60 morts en Irak », « Soldat tué à Londres : trois des interpellés libérés sous caution », « Effet papillon : le graffiti d’un ado chinois en Égypte fait scandale en Asie », « Une journaliste syrienne tuée près de Qousseir ».
En dehors de la France, le ciel est d’ébène, aussi dur et aussi sombre. Que dis-je ? Ah mais non, tout n’est pas si noir : « New York lance son programme de vélos en libre-service » ! Entre trois articles sur les guerres ethniques et cinq sur celles biochimiques, ça nous redonne le sourire !
Si l’Homme attend ou retient peut-être mieux les mauvaises nouvelles, les médias devraient éduquer leurs lecteurs ou téléspectateurs à recevoir les bonnes. Il n’est pas question d’oublier les cris de tristesse, de peur, d’indignation, de protestation, ou de revendication. Mais il est à l’ordre du jour d’entendre les cris de joie et ceux de surprise, car l’information devrait aussi s’établir sur le réjouissement : au delà de la Patrouille de France, des célèbres anniversaires mortuaires ou des merveilleuses larmes oscarisées.
Des initiatives ont déjà été mises en place comme « Reporter d’Espoir », « Courant Positif », « Newzitiv » ou encore « Bonnes nouvelles ». Cette communication différente reste pourtant un phénomène de petite ampleur médiatique qui vise principalement ceux qui ont le moral à zéro.
Mais devons-nous attendre et atteindre la limite vers le suicide ou la paranoïa ? En effet, l’idéal serait peut-être de faire de la bonne nouvelle une information à part entière, ayant une place aussi intégrante et de même amplitude que la mauvaise.
Alors comment s’explique cette dévalorisation de la « bonne nouvelle » dans les médias ? Aurait-elle trop de ressemblance avec la publicité ? Son rayonnement serait-il moins attrayant ? Question, aussi et surtout, d’habitude, ce sont alors les enjeux des pratiques et usages qui se soulèvent.  Le comble de l’ironie serait quand même d’avoir peur des bonnes nouvelles.
 
Maxence Tauril
Sources :
Le Monde
Libération
Et autres médias positifs : http://www.reportersdespoirs.org/wordpress/, http://www.newzitiv.com/, etc.

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Société

Jakadi : « Pour ne pas tenter les pickpockets, fermez bien votre sac et surveillez vos objets personnels »

 
Mâtinée de mutineries et d’escamoteurs, la France revêt un habillage peu reluisant. L’éclat de la « Ville-Lumière » se ternit dans la fête de son équipe championne, tout comme le scintillement culturel est maculé de vols à la sauvette, au Louvre ou sur la croisette, du sac à main d’une touriste quelconque aux bagages d’un prestigieux cinéaste chinois.
Ces récents évènements de vol à la tire ont poussé le comité Colbert à tirer la sonnette d’alarme. Regroupant les plus grands noms du luxe, ce comité rappelle que son secteur assure la moitié de ses ventes grâce aux touristes. Ce n’est pas vraiment le moment, dans le marasme économique ambiant, d’érafler l’un des seuls moteurs économiques de la France…
La publicité du pays comme destination touristique repose évidemment sur la façon dont on bichonne et rassure ceux qui nous visitent. Il n’y a qu’à voir la Tunisie qui affiche ses paysages ensoleillés dans les couloirs du métro, pour faire oublier son climat révolutionnaire.
Et la sécurité d’une destination touristique est un argument majeur pour son attraction. C’est même le premier, selon une enquête CNN « Online Consumer Survey » sur le tourisme et le voyage ; 67% des personnes interrogées font de la sécurité le critère numéro un dans leur choix de destination. La notoriété du lieu est ici secondaire. C’est du reste plutôt contre-productif de la part de nos pickpockets : en faisant les poches des touristes, ils dégradent l’image de la France, qui est en quelque sorte leur marque employeur. Ils en profitent en l’endommageant.
Comment rectifier le tir ? Le directeur de l’Office du tourisme de Paris prend ainsi la parole pour ramener l’affaire du pillage de ce car de touristes, dont la vidéo circule énormément sur le Net au Japon, à un simple débordement ponctuel, lié au sport (l’incident s’étant produit au Trocadéro, où le PSG fêtait sa victoire). Le problème, c’est que le visionnage de la vidéo répète et pérennise l’acte momentané.
Le réseau contribue à tisser l’image, et Zhang Qiang l’a bien compris, lui le numéro deux du plus influent conglomérat d’Etat chargé du 7ème Art en Chine, dont les bagages ont été volés à Cannes dans sa chambre d’hôtel. « La sécurité publique en France est vraiment mauvaise et, face à une telle arrogance, il ne faut pas hésiter à ne pas venir à un tel festival ! », s’est-il emporté sur son compte de Microblog. Les retombées de ce qu’il qualifie « d’expérience dramatique », sont lourdes. Mauvaise presse, ce message a été republié à l’envi par les internautes chinois. Il vient, de fait, corroborer l’inquiétude de la Chine, qui a récemment demandé aux autorités françaises de faire attention à la sécurité de ses visiteurs. C’est sans parler des vols de bijoux qui sont survenus ces derniers jours au festival de Cannes.
Les agents de sécurité du Louvre en viennent également à mettre le holà par une grève, pour dénoncer la défaillance des autorités à contrôler l’essaim de mineurs, d’origine roumaine, qui détroussent les touristes autour du musée, et même jusque dans les salles d’expositions.
Dans ce contexte, c’est avant tout l’e-réputation de la destination France qui doit être soignée. Ainsi 759 parutions d’articles ont été recensées par Baidu News à propos d’un fait divers sur l’agression d’un car de touristes chinois à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. Or le public chinois est très réceptif aux buzz négatifs. Selon le CIC (organisme de veille des tendances digitales), « 58, 7% des chinois prennent des décisions d’achat basées sur les informations online générées par les utilisateurs », avec 19% par exemple pour les Etats-Unis.
A l’agence de développement touristique « Atout France », unique opérateur de l’Etat dans le secteur du tourisme, de bien prendre en main cet enjeu de la communication digitale.
 
Sibylle Rousselot
Sources :
http://www.docnews.fr/actualites/etude,culture-patrimoine-subliment-france,32,17219.html
Un producteur chinois se dit victime d’un vol et critique le Festival
Vol de plus d’un million de dollars de bijoux sur la Croisette
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0202778168458-le-luxe-francais-s-inquiete-de-la-montee-de-l-insecurite-a-paris-569080.php
http://www.marketing-chine.com/tourisme/linsecurite-en-france-inquiete-la-chine

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Culture

Parce que Toulon !

 
Après 20 années plutôt médiocres, le Rugby Club Toulonnais a refait surface dans l’élite du rugby français en 2007 et est sur le point d’accomplir l’impensable (ou « l’impossible » pour Guy Novès, l’entraîneur français le plus titré) : gagner la coupe d’Europe et le Top 14 (championnat de France). Pour autant, si le RCT fait parler de lui, ce n’est pas seulement pour ses qualités sportives actuelles. C’est aussi un modèle communicationnel particulier dans un monde rugbystique qui éprouve encore des difficultés à assumer les conséquences de sa professionnalisation.
Le RCT : un OVNI communicationnel dans le rugby français ?
L’arrivée de Mourad Boudjellal n’est pas innocente dans la transformation de ce vieux club de rugby provençal. Fort de son succès dans le monde de l’édition (il est le créateur de Soleil Productions -maison d’édition à laquelle on doit notamment Rahan et Lanfeust de Troy), cet homme a tout d’un génie marketing et a construit ce qu’il aime appeler un véritable « modèle économique ». Dans le sport il s’agit d’abord de construire une « grande émotion et une grande passion » avant de construire des stades. Après avoir injecté toutes ses économies, soit tout de même 6 millions d’euros, Mourad Boudjellal affirme être parvenu à faire du RCT une entreprise auto-suffisante, en se proclamant « vendeur de rêve ». L’arrivée très critiquée de Jonny Wilkinson en est l’exemple le plus flagrant. Pour Toulon, ce n’est pas un investissement, « c’est un cadeau, c’est du bénéfice, il nous coûte zéro ». Au RCT le rêve est la source du revenu, ce n’est pas la dépense puisque sa recette est toujours supérieure au coût. Comme il le résume lui-même sur BFM : « j’ai développé une marque basée sur l’émotionnel et le passionnel ».

Tout ce modèle économique se double d’une stratégie communicationnelle plus ou moins voulue et travaillée. Les années Boudjellal au RCT seront aussi celles de la révolution. Il a su donner une nouvelle dimension à l’image du rugbyman, plus moderne, et créer ainsi un véritable style de vie toulonnais. De la coupe de cheveux jusqu’aux couleurs des chaussures, aux tatouages et aux chants, rien n’est laissé au hasard.

Le fameux « Pilou-pilou » est à son apogée, les joueurs se prennent au jeu, et participent à la création de cet univers si particulier. Ce sont les plus présents sur les réseaux sociaux, et on a pu voir à l’occasion de quelques matchs le nom de leur compte Twitter inscrit sur le dos de leurs shorts (ce qui a valu au RCT de nouveaux ennuis avec la Ligue Nationale de Rugby). De même, les représentants du RCT sont présents sur tous les médias, et non uniquement ceux réservés au rugby. Mourad Boudjellal était récemment au grand journal pour présenter son livre Ma mauvaise réputation, accompagné du joueur Frédéric Michalak et de l’entraîneur Bernard Laporte.

En somme, l’image du RCT est plus jeune, plus connectée, mais aussi plus contestée. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas ce Toulon 2.0, Mourad Boudjellal a bien compris que ce qui compte, c’est qu’on en parle (quasi credo de la com depuis le début des années 2000).
Le revers de la (double ?!) médaille
Ce rugby de « mercenaires » est évidemment amplement critiqué dans le cadre de la planète rugby, tant par ses acteurs que ses spectateurs. Pour eux, le rugby est avant tout une société à part, où il fait bon vivre, où l’on mange du cassoulet, et l’on boit beaucoup lors des troisièmes mi-temps. C’est aussi une société où la morale a une grande importance, notamment dans le respect des adversaires, des supérieurs et surtout de l’arbitre. Or le président de Toulon n’a pas respecté ces valeurs (cf. la polémique sur la « sodomie arbitrale »). Mourad Boudjellal propose un rugby décomplexé, qui assume l’argent et le business. En d’autres termes, il renvoie au rugby français une image de ce qu’il a longtemps cherché à éviter : un sport professionnel et ses conséquences capitalistes. Les polémiques autour du RCT ne sont en réalité que des aspects d’une guerre entre la modernité et la tradition, l’argent et la préservation des valeurs de ce rugby de clocher.
Il faut savoir que les dites « valeurs du rugby » ne sont pas totalement propres au rugby, mais relèvent d’une éthique sociale et d’une morale rurale. Elles ressemblent à peu de choses près à la morale du XIXème siècle définie par Durkheim : esprits de discipline, d’abnégation et d’autonomie. Même si elles sont parfois formulées autrement aujourd’hui, l’idée reste la même. Pour Daniel Herrero, le rugby est bien « l’abnégation, la rigueur, le rudoyant ».
Ainsi le RCT pourrait incarner une sorte de « postmodernité populaire », dans la mesure où il cherche à réactualiser ces valeurs. Et si le rugby plaît autant aujourd’hui, c’est peut-être grâce à ce contexte de repli sur soi général, auquel il répond par la fierté régionale, presque rurale. L’attachement à la terre propre de ce sport obtient un écho important dans la société actuelle, d’autant plus que certains clubs comme le RCT savent se moderniser et apporter de l’espoir, là où le football reste parfois dans la nostalgie, le « c’était mieux avant » ou « c’est mieux ailleurs ».
 
Camille Sohier
Avec la très grande aide d’Isaac Lambert