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Les Incels, une réelle idéologie de la misogynie, favorisée par internet

Les incels : qu’est-ce que c’est ? 

In – cel : contraction de involuntary et de celibate, en français “célibataire involontaire”.

Vous l’aurez compris, aujourd’hui, Fast N Curious s’attaque aux fameux incels, ces individus masculins qui, sur Internet, relâchent une vague de haine envers les femmes. Sous prétexte de ne pas réussir à avoir des relations affectives et/ou sexuelles avec celles-ci, les incels les critiquent, font la promotion de la violence envers elles, et tiennent des propos extrêmement misogynes.

Actuellement, on en compte plusieurs dizaines voire centaines de milliers, même s’il est difficile d’estimer parce que cette communauté est majoritairement présente sur le web.

Si FastNCurious a déjà exploré un sujet similaire sous l’angle du marketing d’une figure masculiniste, Andrew Tate (article ici), nous souhaitons avec cet article explorer le sujet sous un autre regard. 

Ainsi, nous voulons montrer de quelle manière internet favorise cette idéologie de la misogynie

Une idéologie incel

Pour Roland Barthes, philosophe et sémiologue français du XXème siècle, l’idéologie serait un “ensemble plus large de croyances, de valeurs et de représentations qui façonnent la façon dont nous percevons le monde” (Roland Barthes, 1957). Chez les incels, celle-ci se traduit par un vocabulaire spécifique, des mythes et histoires racontées et enfin la création de sites destinés aux incels comme incels.me et d’autres forums. 

Une présence majoritairement en ligne avec des sites ou forums dédiés

L’ampleur du phénomène se constate lorsque l’on regarde la quantité de tweets, de forums, de sites de discussion et de memes mis en ligne par ce groupe. Les plateformes sur lesquelles ces groupes sont présents sont très nombreuses, mais les principales sont : 

  • Des forums dédiés : incels.me, incels.co et braincels (bien que certains de ces forums ont été fermés ou restreints car problématique)
  • Des sites web : en plus des forums, il existe des sites web entiers consacrés à la communauté incel, comprenant articles, blogs et ressources
  • Des chans et image boards, qui sont des espaces en ligne moins réglementés et anonymes, comme 4Chan
  • Des réseaux sociaux comme Discord, Reddit ou Twitter

La multitude et surtout la diversité des plateformes accueillant l’idéologie incel est notable.

Un jargon spécifique, des références, des terminologies…

Cette forte présence en ligne est accompagnée de la création de jargon, composé de mots créés pour l’occasion, alimentant un point de vue misogyne. Ce jargon déshumanise les femmes, notamment en les renommant “femoids” (contraction de female + humanoid). Pour vous aider à y voir plus clair, et surtout pour visualiser les dégâts, FastNCurious vous a préparé un lexique incel.

LEXIQUE INCEL : (pitié n’en devenez pas un)

Chads : hommes n’ayant aucun mal à avoir des relations sexuelles (les ennemis des incels). Grands, musclés, n’ont jamais eu de mal avec les filles

Et parce que les communautés sur internet sont connues pour leur créativité, il existe même des variations !

Chang (pour un chad asiatique), Chadpreet (pour un chad indien), Chaddam pour un chad arabe…
Stacy : femme désirable mais superficielle : blonde, s’habille en robe avec un gros décolleté, possède typiquement un Only Fans…
Becky : femme peu désirable, féministe, qui va en cours et qui travaille pour son avenir, se teint les cheveux
Femoids : contraction de female + humanoid (manière de désigner les femmes, qui sont comparées à des robots)

Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à aller consulter ce glossaire, plus complet : ici !

En quoi internet favorise-t-il la montée de cette communauté ?

Les incels deviennent donc une réelle communauté, une vraie tribu au sens Maffesolien, tribu facilitée justement par la montée d’internet. Si “leur philosophie a largement irrigué le web”, comme le dit Vincent Glad, dans un article de Libération, c’est justement parce que certaines caractéristiques du web favorisent la montée en puissance de cette communauté.

  • Internet est de plus en plus considéré comme un vecteur de radicalisation.
  • Un anonymat garanti donc une facilité déconcertante de critiquer les femmes.
  • Des lieux du web comme champ de bataille : l’existence de plateformes qui favorisent ces communautés : comme vu plus tôt, la présence en ligne est notable. Elle est fragmentée et dispersée sur différents endroits du web, plus ou moins réglementés, ce qui rend le combat contre les incels difficile.

Le phénomène des chambres d’écho médiatiques et des bulles de filtre :

Sur internet, les utilisateurs trouvent des communautés en ligne où leurs idées et croyances sont renforcées, même – surtout – si elles sont extrêmes. Ce phénomène s’appelle les chambres d’écho. Ainsi les incels se retrouvent dans celles-ci, où leurs visions négatives des relations hommes-femmes sont amplifiées, ce qui renforce davantage leurs idées négatives sur les femmes.

Les chambres d’écho favorisent la radicalisation parce qu’elles :

  • Renforcent les biais
  • Renforcent la polarisation 
  • Diffusent de la désinformation, les individus étant plus susceptibles de croire ce qui provient de cette chambre d’écho
  • Enfin, les opinions opposées à celle de la majorité ne sont souvent pas exprimées, par peur d’exclusion ou de rejet social. Il ne faut pas oublier que les incels sont souvent des hommes entre 18 et 35 ans, manquant cruellement de confiance en eux. Ainsi, tout ce qui serait susceptible de les exclure d’un groupe serait à condamner.

La facilité d’en faire un champ de commerce, l’exemple de Thaïs D’Escufon :

Enfin, Thaïs D’escufon, jeune militante d’extrême droite, profite de cette communauté en publiant des messages détracteurs de femmes au profit des incels, qui, selon elle, auraient toutes les raisons d’être dégoûtés par l’archétype de la femme contemporaine. Critiques des femmes ayant eu plusieurs partenaires sexuels, remise en cause du consentement, insultes envers des femmes… la jeune militante enchaîne tweet sur tweet. Et le pire, c’est que ça marche : 200k d’abonnés sur YouTube, 59,1k sur Twitter… il semblerait qu’elle soit devenue une “influenceuse incel”. Ainsi, la facilité de monter en puissance et en influence concernant ce genre de sujets contribue largement à l’ampleur du mouvement.

Ainsi, la montée en puissance de l’idéologie incel est un phénomène intéressant car il permet de comprendre en partie comment internet favorise la montée en puissance de communautés radicales (voir photo à gauche montrant les différentes attaques ayant eu lieu par des incels). Cette communauté incel propage une haine virulente envers les femmes, alimentant ainsi un climat toxique, misogyne et violent. Cette problématique, cependant, ne peut être ignorée, d’autant plus que plusieurs attaques, mortelles, ont déjà eu lieu pour la cause incel. Plus que jamais, il est essentiel de sensibiliser le public à cette réalité, promouvoir l’égalité des genres et lutter contre la montée de ce genre de communautés, en s’attaquant à la racine du problème – internet.

Sophie Vandenabeele


Bibliographie :

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