Société

Jacques a dit : ouvrons les champs des possibles !

 
Quand la publicité devient imagination poétique
« Nourrir nos rêves », « nourrir nos aventures » et « nourrir notre joie de vivre » sont des slogans qui rythment la campagne publicitaire de Lu. Les campagnes qui mettent en scène de jeunes personnages qui vivent grâce à des biscuits détournés de leurs buts premiers : la Paille d’Or devient balançoire et le Véritable Petit Lu devient des ailes.
Légereté et imagination
Ces grand panneaux où le blanc domine sonnent comme des promesses de rêves enfantins. Cette couleur lumineuse est une invitation à avoir des pensées légères. Paradoxalement, parce que loin des tons agressifs des autres publicités qui cherchent à tout prix à attirer le regard, Lu a réussi avec sa nouvelle campagne publicitaire aux blancs reflets, à capturer les yeux des passants. Nuages, pureté, enfance, beauté… Le blanc est accompagné de tout un imaginaire merveilleux qui nous entraîne dans un tourbillon de rêveries.
Ce tourbillon s’intensifie avec les visions mirifiques d’une balançoire-paille-d’or et des ailes-petit-lu qui nous plongent dans un univers digne de Charlie la Chocolaterie ou dans celui plus effrayant d’Hansel et Gretel. Loin des photos provocantes et suggestives des autres campagnes publicitaires, Lu joue sur notre imagination : la marque ne nous impose rien et ce faisant entraîne une explosion plus intense dans notre imaginaire. Lu ne joue pas sur le produit mais sur l’image de sa marque. Le rêve remplace la consommation… sans toutefois desservir le produit !
En effet, tout cet imaginaire de légèreté décomplexe aussi dans un certain sens le consommateur. Un gâteau qui fait voler ne peut alourdir. Un biscuit qui donne des ailes ne peut faire grossir. Manger une paille d’or c’est comme faire de la balançoire et sortir en plein air. Ainsi, le message transmis serait : manger sucré, c’est bon pour la santé !
L’enfance
Un petit homme qui étend ses bras pour prendre son envol… Scène connue et vécue de tous. En effet, voler est le rêve que nous avons tous eu étant jeune. Montrer cette photo c’est reprendre un rêve commun aux filles comme aux garçons. Un rêve encore vivant chez les plus jeunes, enfoui chez les plus âgés mais toujours présent. Le thème évoqué s’adresse donc à chacun : qui de nous ne se sent pas nostalgique en contemplant ce petit homme qui s’imagine aviateur, explorateur, conquérant ?
Manger de Véritables Petit Beurre, c’est retrouver l’innocence des jours plus anciens pour les adultes et c’est un moyen de réaliser ses rêves pour les plus jeunes d’entre nous.
La cohérence d’énonciation
L’ambiance créée se retrouve sur le site. La graphisme est simple et coloré mais encore une fois, le blanc (et tout ce qu’il implique) domine. Dans le fond d’écran, les biscuits semblent voler en toute légereté. Des défis et le verbe à l’infinitif sont des adresses personnelles au visiteur. Le site invite ainsi à défier le quotidien et à sortir de notre routine. Le consommateur n’est pas celui qui subit les pubs mais bien celui qui est acteur de sa vie.
Vous l’aurez compris, ces publicités m’ont séduites. Faire rêver pour pousser à consommer… Voilà un programme réussi.
 
Clothilde Varenne
Source : http://www.lulechampdespossibles.fr/

Société

L'Opinion : on change tout et on recommence

 
En 1996, le Monde Diplomatique lançait son site Internet, où l’on retrouvait, avec une esthétique très épurée, le contenu de ses articles papier. Depuis, toute la presse a épousé cette stratégie. Émotion, émulation, excitation d’un nouveau canal chargé d’un imaginaire fort en utopies : les années 2000 furent marquées par une fantastique idée du tout gratuit et du libre accès aux connaissances. Hélas, ce modèle, comme on le sait, s’est avéré peu rentable, a nui aux journalistes comme au journalisme tout court ; l’impératif du clic engendrant une course au « buzz » et au contenu vain et vaguement amusant, le LOL. Face à cette double crise dont on nous a déjà bien trop parlé, quelles alternatives ?
Certains décidèrent d’adapter le journalisme à cette nouvelle matière qu’est Internet, plutôt que d’opérer un simple transfert. Ils se saisirent des possibilités qu’il offrait : interactivité, objets dynamiques… C’est l’histoire de cette curieuse soucoupe que fut OWNI, un « pure player » (un média n’existant que sur Internet), avec un aspect graphique, fortement artistique et qui a été repris même dans les journaux papiers désormais. Un média qui prétendait à une information différente, en exploitant le mythe des données, supposées neutres et révélatrices de vérités. Le contenu n’en était pas moins intéressant, et l’on doit à cette initiative beaucoup d’innovations et une nouvelle conception de ce que peut être l’information à l’ère du Web. Seulement, OWNI a fermé cette année.
Quant aux autres grands titres, des déboires de Libération aux difficultés du Monde, en passant, si l’on fait un petit détour à l’international, par la fermeture de Newsweek, le modèle qui saurait concilier écrit et écran semble encore bien flou. Il y a bien le New York Times qui a adopté un “paywall”, un mur payant où l’on peut ne peut lire que le début des articles gratuitement – la page d’accueil se présentant comme une sorte de Une cliquable, assez surprenante. Mais n’importe qui n’est pas le New York Times, et il est peu probable que cette solution soit applicable à tous les médias.
Pourquoi ces échecs ?
Eh bien peut-être parce que les médias traditionnels ne se sont toujours pas saisis d’Internet. Ils l’interprètent encore comme un faible écho aux productions écrites. Certains prennent tout de même acte du fait que leurs lecteurs ont changé d’usage. Le Monde a récemment refondu sa page d’accueil, plus dynamique et mouvante, plus adaptée à la rapidité d’Internet tout en proposant en parallèle un temps propre à la réflexion avec des articles qui se rallongent dans son journal. On peut y trouver une carte qui permet de visualiser ce qui se passe dans le monde, ce qui serait impossible à réaliser sur papier.
L’Opinion tente d’aller encore plus loin. A l’heure où cet article est écrit (13 mai), on peut lire sur la page de présentation de ce tout nouveau journal : « ce média sera à la fois un site Internet, une application pour mobiles et tablettes, une chaîne vidéo et un journal papier. » Les sites d’information ont forgé un nouveau terme pour en parler : c’est un « média web-papier ».
Pour la première fois, les deux supports sont mis sur un pied d’égalité. Même, selon France Culture, c’est Internet qui prend le dessus : « son modèle économique est inédit, puisque pour la première fois, le papier n’est que l’extension d’un support web majoritairement payant. » Nicolas Beytout, créateur de ce nouvel ovni, souligne son caractère radicalement nouveau. L’Opinion sera présenté sous forme d’une grille radio : on donnera des rendez-vous à heures fixes aux lecteurs (une méthode qu’applique déjà le Huffington Post avec le 13h de Guy Birenbaum par exemple). On y trouvera des mini JT vidéo, où les journalistes se filmeront, et le journal à 22h pour les abonnés. Quant à la ligne éditoriale : « libérale, pro-business et pro-européenne », pour se démarquer.
Coup de com’ ou nouveau modèle économique viable ? Le magazine sortira en kiosque demain, distribué gratuitement. Ensuite, affaire à suivre…
 
Virginie Béjot
Sources :
Le Nouvel Economiste : L’aventure de l’Opinion, le nouveau journal de Nicolas Beytout
BFM TV : l’Opinion, nouveau site d’info pensé comme une grille de radio
France Culture : l’Opinion, nouveau modèle économique de la presse en ligne ?

Société

Leak me

 
En dépit d’une législation controversée mise en place en France, on impute toujours la chute record des ventes physiques de disques au téléchargement illégal. Intéressons-nous à un pan de ce dernier, le leak. Le mot, « fuite » en français, désigne le fait qu’un album en entier est mis en ligne illégalement avant sa sortie officielle.
Le leak pose problème : il rompt complètement la chronologie de la sortie d’un album. Alors que jusqu’ici l’avis des critiques jouait beaucoup dans la décision d’achat, les utilisateurs peuvent se fonder sur leur propre avis, en amont de la sortie du disque. Lorsque le leak est très prématuré, l’utilisateur achètera-t-il quand même l’album s’il s’en est déjà lassé ? En outre, la qualité de cette édition est parfois hasardeuse. Alors qu’un fichier mp3 de qualité est encodé sur 360 kbits, le leak atteint rarement plus de 128 kbits. Sans parler de la mise en ligne de chansons non mastérisées, comme ce fut le cas pour Veckatimest de Grizzly Bear.
Ces nouveaux enjeux pénalisent indéniablement les artistes, d’autant plus qu’ils mettent à mal leur stratégie de communication. Qu’un artiste la planifie ou non, il y a toujours une montée de buzz en amont de la sortie d’un album. Les informations sont lâchées au compte goûte : longueur de l’album, nom des pistes, premier single, premier clip, premiers interviews, annonce d’une tournée… Les fans commentent, font monter le buzz, jusqu’au jour de sortie. Le leak vient perturber ce rythme. Pire, il rend superflue la stratégie visant, en premier lieu, à créer une forte attente auprès de la communauté musicale, symbole d’achat le jour de la sortie.
Le concept de jour de sortie change complètement de sens, d’autant plus que bon nombres d’artistes mettent l’album en streaming légal dès la sortie du leak pour offrir aux utilisateurs une expérience d’écoute en bonne qualité. Le jour si longtemps attendu ne devient plus que le jour où l’édition physique est disponible. Or, les artistes, longtemps pénalisés par le leak comprennent de plus en plus l’enjeu de cette nouvelle définition.
Si les vinyles sont de plus en plus populaires, c’est bien grâce à une demande croissante face à l’objet physique du disque. La pochette se fait œuvre d’art, d’où l’intérêt pour certains de la posséder en 12″, format rendant le plus justice à l’artwork.  Les artistes, poussés par le leak misent donc de plus en plus sur des formats vinyles. Cantonnés durant les années 90 et le début des années 2000 à la communauté alternative et indépendante, les vinyles sont désormais utilisés par des artistes davantage mainstream comme les Rolling Stones, Muse – qui sort aussi des clés USB – ou Lady Gaga, qui profitent de l’objet pour sortir des éditions ultra-collectors. On compte aussi de nombreuses rééditions de classiques en vinyles colorés, comme les Olivia Tremor Control proposant leur deux albums en vinyle orange  et violets, assortis de coupons de téléchargement proposant plus de trois heures de bonus par album.
En plus d’un regain d’intérêt pour le format physique, on distingue un travail de plus en plus approfondi sur les bonus offerts aux utilisateurs. L’album très attendu de Phoenix, Bankrupt ! a leaké le 26 Février, presque deux mois avant la sortie officielle. C’est sans doute pour répondre à ce leak prématuré que le groupe a annoncé une édition deluxe comportant 71 chansons de démo et de sketchs. De même, le groupe Deerhunter, suite au leak de leur album Microcastle est retourné au studio enregistrer dans le secret un nouvel album, Weird Era Cont. [1]. L’intérêt de ces versions deluxes et autres bonus est que ces versions n’ont pas à être envoyées à la presse, réduisant ainsi considérablement le risque d’un leak. La stratégie de communication peut alors faire son grand retour autour de ces éditions limitées voire surprises, créant une nouvelle émulation autour de la date de sortie.
Cependant, il faut se demander si le leak n’est pas cantonné à un certain public de niche : seulement les fans vont écumer les sites de téléchargement illégal pour récupérer en avant-première l’album de leur groupe fétiche. Dans cette optique, c’est bel et bien à eux que les artistes répondent en sortant des éditions collectors, plus onéreuses mais offrant plus de contenu : c’est une réponse de niche à un problème de niche.
 
Arthur Guillôme
[1] Lequel album fut mis en ligne accidentellement par le chanteur Bradford Cox.

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Publicité et marketing

The Great Gatsby at Tiffany’s

 
Deux mythes qui se rencontrent pour célébrer « le chic et le swing » avec la récente adaptation du roman de Fitzgerald au cinéma pour laquelle le célèbre joaillier Tiffany a créé une collection inédite de bijoux.
Catherine Martin, la styliste du film explique que la production a établi ce partenariat car Fitzgerald était un de leur client et que Louis Comfort Tiffany avait, comme Gatsby, fréquenté les cercles de Long Island. Ses créations se rapprochent donc du style du film. Certains bijoux ayant été repris de très anciennes collections et d’autres ayant été créés spécialement pour l’occasion. L’actrice principale, Carey Mulligan, évoque également l’influence de ces bijoux si délicats sur son allure et son jeu d’actrice.
Le film est une fabuleuse vitrine pour Tiffany qui est présenté comme le parfait joaillier pour cette mission. Grâce à la couverture médiatique qui touche la sortie du film, Tiffany fait un retour aux années 20, raconte à nouveau son histoire et revient sur le devant de la scène, s’affirmant comme le joaillier éternel qui sait façonner les bijoux à la perfection.
Depuis 1837, Tiffany, joaillier d’avant-garde
Charles Lewis Tiffany ouvre sa boutique d’objets de fantaisie à New York en 1837. C’est depuis la découverte d’un diamant jaune et après que la marque lui ait donné son nom que Tiffany est assimilé à l’empire du diamant. Louis Comfort Tiffany, son fils, un designer visionnaire et romantique rêvant à la « perfection of spectacular beauty », hisse la marque au sommet et l’impose comme une figure de proue de l’Art Nouveau.
Tout un mythe réside dans ces bijoux : celui de susciter en nous la vision de bijoux à la fois exceptionnels et issus d’une tradition, d’un passé américain.
Un joaillier en perte de vitesse ?
En mars 2013, Le Monde, assez critique à son sujet, titre un de ses articles « Tiffany profite peu de l’engouement mondial pour le luxe ». Le jugement tombe : « trop classique, trop américain, le joaillier a vu son bénéfice chuter de 5% en 2012 ».
En effet après des résultats décevants en 2012, la marque a accumulé cinq profits warning (avertissements destinés aux investisseurs informant que les résultats seront moins bons que prévu). Avec une hausse du prix de l’argent dans la joaillerie, qui représente un quart des ventes du Tiffany, la marque ne peut augmenter indéfiniment ses prix sous peine de perdre une grande part de sa clientèle, qui a l’habitude d’acheter des bijoux pour moins de 500$.
L’imaginaire créé par Tiffany
Malgré des problèmes financiers, Tiffany communique et pour ce faire, joue toujours avec sa couleur phare : le bleu Tiffany ou PMS 1837 est devenu son code privilégié d’expression. Il peut quelque fois s’agir uniquement d’une page bleue avec un message du type « something perfect wrapped in blue » laissant la curiosité du consommateur en suspens.
Ces publicités jouent sur l’image de la tradition Tiffany et celles qui paraissent souvent avant Noël ou la Saint Valentin se fondent sur le même modèle : une photo assez sombre d’un couple chic, glamour, sous la neige, au bord de l’eau ; une mère et son enfant ; une petite fille. Aucun texte, rien, ou juste la Blue Box cachée dans un coin. Tout est dit. Sans dévoiler le produit, Tiffany laisse le choix au consommateur de ce que la Blue Box pourrait contenir.
Deuxième image et plus importante encore, 1961, Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s devant la vitrine de la boutique sur la 5e Avenue. « Nothing very bad could happen to you there. If I could find a real-life place that’d make me feel like Tiffany’s, then – then I’d buy some furniture and give the cat a name! *»
Le succès était tellement prévisible qu’Audrey Hepburn portait déjà le diamant jaune, monté sur collier et découvert par Charles Lewis Tiffany sur les photos publicitaires prises pour la sortie du film. Ce film a donné toute son aura à la marque et fait encore d’elle un lieu mythique à New York.
La sortie de The Great Gatsby ajoute un élément de plus à l’imaginaire des clients, suscite de nouvelles envies : les fans du film seront fans des bijoux. L’impact joué par le cinéma est très fort et permet à une marque de créer le buzz. Espérons que le film continue de transmettre de manière plus ou moins explicite le mythe du joaillier américain et qu’il ne finisse pas comme l’avait écrit Fitzgerald : « so we beat on, boasts against the current, borne back ceaselessly into the past ** ».
Félicia de Petiville
* Si tranquille, si majestueux que l’on sent que rien de grave ne peut vous arriver dans un tel endroit. Moi si un beau jour je trouvais un appartement qui me fasse le même effet que Tiffany, eh je le prendrais, je le meublerais et je donnerais un nom au chat instantanément.
**   Et nous luttons ainsi, barques à contre-courant, refoulés sans fin vers notre passé.
 
Sources :
Financial Review
Tiffany & Co official website
Vidéo Youtube: The Tiffany Jewels of the Great Gatsby

Publicité et marketing

Desigual, original vous dites ?

 

En matière de publicité, le sous-entendu est roi. C’est ce que nous prouve la dernière campagne publicitaire Desigual, qui met en scène, dans de courts spots télévisuels, quatre femmes dans leur routine matinale. Censuré par l’ARPP pour son contenu jugé « inapproprié », la version diffusée sur M6 et TF1 se passe de scènes trop explicites, la vue d’un sein, et floute celle d’un sextoy. Décision marginale dans le paysage télévisuel européen qui ne voit rien à redire dans le comportement des représentantes de la marque (Espagne, Allemagne, Italie diffusent le spot dans son intégralité). Le hashtag de la campagne, #faislelematin, lui non plus ne cache pas sa connotation sexuelle. A vrai dire, il ne comporte pas réellement d’autre sens que celui-ci.

Qui est Desigual ? Adepte du street-marketing, la marque est connue en Espagne, et depuis peu en France, pour son goût du buzz. Sa communication se veut profitable et à bas prix, ainsi son ancien PDG, Manel Adell, se targue de n’allouer que 4% de son budget global à la publicité, un record pour une marque qui explose depuis quelques années. Son succès peut en partie s’expliquer par une identité forte : la marque se veut légère, originale et affirmée, selon le principe du « simplifying luxury » (ressemblance avec des grands créateurs).
Un discours parfait pour incarner cette femme moderne ; un savant mélange d’héroïne de sitcom et de bienséance consumériste qui envahit les écrans. La précédente campagne, #jaiunplan, nous faisait déjà partager l’intimité de trois femmes, une homosexuelle prête à se déclarer, une working girl qui veut séduire son boss et une autre qui lâche tout pour partir « vivre en liberté comme les sauvages » en Thaïlande. Le message est clair, la femme Desigual est libérée, indépendante et prête à tout.
Pour #faislelematin, le message reste le même, mais sans le texte. Pas de narration, mais toujours cette même femme, calibrée. Elle est jeune, mince, blanche et hétérosexuelle. La condition de modernité de cette image passe alors exclusivement par une sexualisation poussive, symbole d’une indépendance à la frontière de la pudeur. La vida es chula (« la vie est chouette »), c’est avant tout un « je fais ce que je veux ». Car la femme Desigual n’a pas de contraintes, elle envoie tout en l’air, les tabous comme les billets de banque. Le message d’origine est positif, mais son traitement laisse sceptique. Après tout, la femme Desigual existe-t-elle ? Probablement pas, d’autant que la communication tente de recentrer la marque sur son cœur de cible, les 25-35ans, tout en constatant que les ventes concernent plus largement les 15-55ans.
#faislelematin provoque une douce polémique sur ce qu’il convient de montrer au grand public, mais aussi finalement sur l’image de la femme qui est véhiculée dans ce spot.
Est-il possible de construire une représentation moderne de la femme qui n’en appelle pas au sexe et à l’affirmation autocentrée ? Plus seulement mère ou épouse, la femme de publicité devient alors un corps libéré et hyper-sexualisé, au nom de l’indépendance et de l’affirmation de soi. En cela, la campagne « desigual » n’a malheureusement rien de « différent ».
 
Clémentine Malgras
Le site de la marque :
Un article décodage : http://www.womenology.fr/fr/reflexions/desigual-la-feminite-exuberante/
Une interview du PDG (en anglais) : http://www.fashionfromspain.com/icex/cda/controller/pageGen/0,3346,1549487_5857812_5857549_443078_1,00.html

Société

Windows ne tient plus la chandelle

 
Le pitch
C’est un fait, aujourd’hui les smartphones sont préférés aux appareils photos lors des gros événements. Microsoft et les agences Crispin Porter et Bogusky Boulder jouent sur cette affirmation dans le dernier spot télévisé pour Windows Phone, « Don’t Fight ».
Lors d’un mariage, tous les invités sortent leur téléphone pour immortaliser le moment. De chaque côté de l’allée, tous lèvent les bras, mobile en main, jusqu’à ce qu’un membre de l’assistance (allée de droite) ose se lever pour un meilleur angle de vue. Une première remarque (allée de gauche) fuse, sur la taille démesurée du Smartphone de l’autre : « Excusez-moi, pouvez-vous bouger votre énorme téléphone ». Ni une ni deux, l’allée de droite se défend « vous voulez dire l’énormément génial Galaxy ? ». Et le mariage vire alors à une bataille acharnée entre détenteurs d’Iphone versus détenteurs de Galaxy. Aucun Windows Phone à l’horizon. Remarques acerbes et ironie agressive sont mises à l’honneur, reprenant les immuables répliques que l’on entend souvent, quand deux personnes vantent les mérites de leur mobile et déprécient celui d’en face.

La bonne vieille tactique de l’humour
Microsoft se sert des deux clans assis et affirmés qui se sont formés parmi les consommateurs du marché Smartphone pour mettre en valeur son nouveau produit, Le Nokia Lumia 920. Plus que cela, la marque ridiculise ses deux concurrents, Apple et Samsung, en pointant du doigt les défauts de leur produit dans des mises en scène minutieuses. Car la réussite de ce spot réside aussi dans la subtilité des dénonciations. L’humour permet d’amoindrir l’attaque de la marque. Ainsi peut-elle se défendre de chercher à faire rire plus qu’à critiquer. Les défauts ne sont pas seulement affichés tels quels, mais aussi cachés dans des scénettes cocasses noyées d’humour. Remarquez : lorsqu’un invité donne un petit coup sur son ennemi, ce dernier parcourt la moitié de la salle de réception dans un vol plané faramineux… il avait en effet une arme de qualité dans la main, l’ « énorme » Galaxy, que l’on entraperçoit seulement.
Rien de tel que des petits clins d’œil aux partisans de chaque clan pour mettre tout le monde dans son panier. Entre « Isheep » ( Imouton) et « Copymachine » (photocopieuse) chacun s’y reconnaît (en termes d’insultes), et c’est Windows Phone le gagnant. La signature de ce spot reste très simple : « Ne vous battez pas. Changez de téléphone. » Telle la Suisse proposant une alternative à ces disputes sempiternelles et lassantes.
Un petit peu d’air frais dans les publicités de Smartphones
Stratégiquement, Microsoft a très bien joué. Car comment attirer l’attention sur ce podium où l’on ne remarque que l’or et l’argent ? l’Iphone et le Samsung Galaxy S3 sont les deux smartphones les plus vendus au monde, et leur rivalité fait souvent le buzz (cf l’article de Pauline Legrand) Et bien, se servir de la notoriété de ces deux marques est une technique payante. Dans un combat qui ne se joue qu’à deux depuis de nombreuses années, Microsoft réussit une percée remarquable. Le challenge reste osé car sur une minute de spot, 45 secondes sont réservées aux produits des concurrents… Mais les spectateurs ont bien compris l’enjeu de cette publicité et sa créativité puisque, depuis sa publication sur Youtube le 29 avril dernier, la vidéo montre un nombre de vues et commentaires très satisfaisant. Et cette note humoristique détone dans les publicités de smartphones souvent très minimales et portées sur la modernité technologique. Ici le 
Nokia Lumia 920 est jaune ou rouge, et la vidéo mise sur l’action et l’énergie. Chez Windows, on ne se prend pas au sérieux, et ça fait plutôt du bien.
 
Marie-Hortense Vincent
 
Sources :
La réclame.fr

Société

Pour TF1, c’est Naoëlle avant l’heure

 
La recette de Top Chef 2013: Des plats gourmands, des spoilers piquants pour une finale au goût amer
Si la dernière saison de Top Chef se composait de candidats moins charismatiques que Norbert Tarayre ou Jean Imbert, elle avait tout de même commencé sur des chapeaux de roues en surprenant son public chaque semaine avec des épreuves toujours plus inattendues. Mais malgré un sponsoring de marques telles que Paul ou Auchan qui avait du rendre jaloux TF1 et son programme Masterchef, et des audiences plus que satisfaisantes, la fin de saison a laissé un goût amer dans la bouche de plus d’un spectateur, un comble pour une émission culinaire qui se décrit comme « gourmande » par « ses chefs ». Le programme a été victime de plusieurs ratés : en premier lieu, la fuite du nom du vainqueur sur Twitter une semaine avant la finale qui a « spoilé » beaucoup de fidèles sans le vouloir, mais ensuite l’annonce en direct du vrai vainqueur de Top Chef, Naoëlle d’Hainaut, qui en a refroidit plus d’un.
C’est même la première fois que la victoire d’un candidat a été aussi contestée puisqu’une page Facebook a même été créée pour que les téléspectateurs puissent exprimer leur mécontentement et y déverser leur haine. Un mouvement sur les réseaux sociaux qui n’est pas passé inaperçu puisque la page a récolté en moins d’une semaine plus de 77 000 likes, pas étonnant puisque déjà, le soir de la finale, les tweets et commentaires fustigeant Naoëlle défilaient sur chacune de nos timeline. Ainsi, cette communauté anti-Naoëlle continue d’augmenter et ne compte pas s’arrêter là puisqu’elle appelle tous ses membres à boycotter le duel entre Jean, le vainqueur de Top Chef 2012, et Naoëlle, diffusé lundi sur la chaîne M6 qui pour le moment n’a fait aucune déclaration.
La haine du public envers Naoëlle d’Haignaut dépasse sa personne pour atteindre la chaine de télévision M6. Il ne s’agit plus d’un règlement de compte entre le grand public et un candidat mais d’une cabale contre la production: “SVP, ne regardez pas le duel entre Jean et Naoëlle lundi, c’est notre SEUL ET UNIQUE moyen de toucher la production et de faire passer notre message.” Ce qui est reproché à M6? Se faire de l’argent sur le dos des spectateurs, ne pas prendre en compte l’avis des téléspectateurs pour les délibérations et être manipulé par un complot entre chefs étoilés et la production.
Redéfinir les programmes culinaires, un défi qui ne concerne cette fois pas Jean et Norbert
Ce que cela veut aussi dire c’est que le type d’émissions qui confère au public une position passive ne correspond plus aux attentes des téléspectateurs. Fini le temps où l’on regardait des concours de beauté ou des matchs de foot sans intervenir dans les délibérations. Les armes du téléspectateurs sont désormais nombreuses: télécommande, smartphone, tablette, ordinateur, téléviseur connecté. Plus question de rester devant son poste sans rien dire !
Sans en un faire tout un plat, il s’agirait de savoir si cette polémique annonce la fin d’un certain modèle d’émission culinaire. Depuis quelques années, le public a eu le temps de se construire un savoir relatif autour de la cuisine et son milieu. Pendant des années, le téléspectateur a accepté de recevoir les conseils des chefs, les idées recettes… Il y avait les chefs étoilés puis le jury puis les candidats puis nous. Cette position passive touche peut-être à sa fin.
Le public ne goûte pas les plats mais il connaît par cœur ce que la télévision lui donne à connaître: le jargon de la cuisine, le florilège d’adjectifs qui rend un plat « gourmand », « croquant » ou « intelligent ». Avec cinq émissions quotidiennes par semaine (Un Dîner presque parfait), deux émissions culinaires annuelles (Top Chef et Master Chef), le public s’est doté d’une culture culinaire télévisuelle et non d’une culture culinaire : qui saurait nous répéter le nom des 56 variétés de tomates qui ont dérouté les candidats l’an dernier ? Qu’en est-il des fromages et des desserts ?
Le cas Naoëlle n’est peut-être qu’un prétexte pour se rebeller contre la production. N’oublions pas que le même pays s’amuse à envoyer des tomates à Naoëlle et porter Nabilla en triomphe pour ses nombreux talents. Le téléspectateur pensait connaître les valeurs et les qualités à avoir pour remporter le concours de Top Chef jusqu’à la victoire de Naoëlle où il s’est trouvé à la fois trompé et vexé. Il a appris que le gagnant de Top Chef peut être un robot antipathique qui découpe ses gousses d’ails avec l’agilité d’une gazelle et le coup de patte d’un guépard. Le public n’est pas content et le fait savoir. La télévision d’aujourd’hui n’est décidemment plus horizontale, il faut de l’interaction, du combat. Le public crie pour exister, pour que ses choix ne soient pas oubliés. L’année prochaine à la même heure, nous mettons notre main à couper que ce public pourra voter à propos de plats dont la saveur leur restera à jamais mystérieuse. D’ailleurs bien que la chaîne ne se soit toujours pas prononcée sur cette page Facebook anti-Naoëlle, elle a tout de même pris la décision que le duel qui ferait s’affronter Naoëlle et Jean ferait participer le public qui pourra voter pour le candidat de son choix sur la base du visuel de ses plats. Est-ce une remise en cause totale de ce genre de programmes culinaires ou seulement un moyen pour la chaîne de noyer le poisson et faire en sorte que Naoëlle ne gagne pas de nouveau si le public la déteste? Le temps seul nous le dira avec les prochaines saisons de Top Chef ou Masterchef.
 
Steven Clerima & Sabrina Azouz

Politique

Jacques a dit : Morale pour tout le monde !

 
Le 24 avril, François Hollande a présenté son projet de loi sur la moralisation de la vie publique. Au programme : transparence, contrôle du patrimoine des élus et lutte contre la fraude fiscale. Quelques semaines auparavant, c’était Vincent Peillon qui agitait la sphère médiatico-politique avec sa morale laïque. A l’heure où les scandales s’enchainent, cette notion semble être sur toutes les lèvres et employée à toutes les sauces. Mais pourquoi utiliser ce terme plutôt qu’un autre ? Pourquoi parler de morale plutôt que de déontologie ou d’éthique par exemple ? Une communication efficace passant avant tout par le poids des mots, on comprendra que celui-ci n’est certainement pas anodin.
Un choix de vocabulaire plus symptomatique qu’anecdotique
Il semblerait que le gouvernement ait ici choisi délibérément un mot à forte portée symbolique, chargé d’un impact émotionnel important. Le Petit Robert définit la morale comme la science du bien et du mal. On comprend dès lors l’importance du terme pour un président en mal d’autorité face à un électorat qui réclame des sanctions exemplaires à l’égard du pouvoir corrompu. Réaffirmer une morale, c’est implicitement reconnaître qu’il existe des valeurs fondamentalement positives, auxquelles s’opposent des actions négatives. On balaye ainsi toute ambiguïté : en politique comme ailleurs, il existe de « Bons » comportements et de « Mauvais » comportements, et ces derniers doivent être punis. Et c’est justement cet aspect catégorique qui divise : on applaudit l’initiative ou on dénonce une régression simpliste (certains vont jusqu’à déplorer des relents pétainistes). Cependant, dans l’ensemble, l’initiative reste très majoritairement approuvée (un sondage IFOP pour Dimanche Ouest-France révélait la semaine suivante que 91 % des Français étaient favorables à l’initiative, dont 48 % « très favorables »). Etonnant, pour un peuple si prompt à monter au créneau à chaque nouvelle proposition gouvernementale ? Pas tant que ça.
Retour aux sources ?
Pour l’intellectuelle Julia Kristeva[1], la civilisation européenne est la seule qui a rompu avec la tradition religieuse, et qui a, dans le même temps, négligé le besoin de croire. En somme, la laïcisation des sociétés a laissé un vide difficile à combler. L’idéalisme n’étant plus encadré par des valeurs religieuses, il serait devenu nihilisme, d’où un climat de désillusions et de pessimisme quasi-permanent, exacerbé ces dernières années par la crise. En ce sens, l’approbation générale de ce retour à une nouvelle morale n’est pas étonnant. Au-delà d’un simple ras-le-bol face aux excès de quelques hommes de pouvoir, cet engouement exprime peut-être dans une certaine mesure une forme de soulagement face à ce retour aux certitudes. Ce qui profite bien entendu au gouvernement qui peut se draper d’une autorité nouvelle et noble, qui se veut au service non seulement d’un bien commun (orienté vers une classe dirigeante idéale du fait de la moralisation de la vie politique) mais également de chaque individu (via une incitation à devenir meilleur grâce à la morale laïque).
Moralité : entre coup de com’ et véritable changement, la frontière est parfois plus mince qu’on ne le croit.
 
Marine Siguier
[1] Conférence «Europe ou chaos » du 28/01/13

Société

Et si Yahoo! avait racheté Dailymotion…

 

Aujourd’hui, le 6 mai 2013, la France est en deuil. Un an jour pour jour après l’élection de François Hollande, la page Wikipédia de Dailymotion a disparu. Et lui avec.
L’aigle, ou plutôt la Pygargue à tête blanche, a dévoré le coq gaulois. Voilà que la charmante petite église d’un village français que représentait (presque) le logo de Dailymotion se transforme, bien malgré nous, en gratte-ciel de Wall Street ! Le rachat de Dailymotion par Yahoo! signe la fin de la culture française chuchote-t-on.
Adieu les Matinales de RTL rediffusées avec la tendre voix de Stephane Bern , notre monarque radiophonique préféré ?
Adieu les interventions d’Alain Duhamel dans sa rubrique « Fait Politique » ?
Adieu l’humour français « démocratisé » dans les retransmissions des sketches de nos meilleurs (ou pas) humoristes ?
Adieu les témoignages pertinents de jeunes adolescents (ou pas) à propos de leur libido, comme dans cette vidéo publiée cette semaine « C’est marrant la vie presque puceau » ?

Mais heureusement, nous ne sommes plus « la risée mondiale de l’Internet », comme avait pu le déclarer Pierre Kosciusko-Morizet, le frère de Nathalie et le cofondateur de Price Minister, au moment où les négociations entre le gouvernement et Yahoo se révélaient un peu tendues. Grâce au rachat par le géant américain de la plateforme française de vidéos en ligne, il est désormais possible d’envisager la « croissance mondiale » de la start-up française (enfin, nord-américaine, ce qui pour beaucoup semble être la même chose). « La notion de “France” n’est plus économiquement pertinente. Les capitaux sont mondiaux aujourd’hui », revendiquait l’auto-entrepreneur avec un optimisme patriotique incroyable. Mais n’ayez crainte, Pierre Kosciusko-Morizet sera bientôt le prochain ministre du redressement productif, et remplacera Monsieur Montebourg, idéaliste socio-démocrate qui a foi en un dynamisme économique national anachronique.
A Bercy, comme dans la Rue de Vallois, on ne parle plus de « défense de l’exception culturelle ». La rhétorique de la croissance a fini par triompher. Désormais, Deezer reste le seul site tricolore qui s’est fait une place en dehors du web hexagonal. Arnaud Montebourg, après avoir figuré en première de couverture du Parisien pour défendre le « Made in France », ne pouvait que s’opposer au rachat de Dailymotion, vecteur majeur de l’influence culturelle et numérique française dans le monde. Mais il n’a visiblement pas été insensible à l’ambition de la charmante patronne américaine de Yahoo! Marissa Mayer qu’il a préférée à la préservation de « l’intérêt de la France ». Le rachat de Dailymotion par Yahoo! signe la défaite du « Made in France », avant qu’il n’ait pu atteindre sa maturité.
Yahoo! a rapidement changé le nom de l’entreprise française pour « Mouvement Quotidien », traduction littérale de Dailymotion pour séduire un public étranger sensible aux sonorités francophones. Chacun saura apprécier la portée humoristique de ce choix.
Rien de mieux pour illustrer ce rapport de force « politico-économico-numérique » que les fables du conteur français Jean de la Fontaine. Dans Le Renard et la Chèvre, le lecteur assiste à la défaite de cette dernière face à l’espièglerie du renard, qui répond à la chèvre bien embêtée :
« Tâche de t’en tirer, et fais tous tes efforts :
Car pour moi, j’ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d’arrêter en chemin.
En toute chose il faut considérer la fin. »
 
Margaux le Joubioux
Sources :
-France Culture : Dailymotion devrait rester Français…. Pour le moment
-Rue 89 : Pierre Kosciusko- Morizet : « Dailymotion va mourir »
-Le Figaro : Yahoo! repart à l’offensive et lorgne Dailymotion
-Les Fables Jean de La Fontaine

Société

TF1 fait du n’importe quoi

 
L’anecdote n’aura échappé à personne, c’est même passé dans Le Petit Journal. Le 16 avril, l’émission Confessions Intimes de TF1 était la victime d’un trucage fomenté par le célèbre Rémi « N’importe Qui » Gaillard, et un couple d’amis. Lui s’est fait passer pour un fanatique – oui, autant ne pas abréger le mot pour le coup – de la star du Web. Elle a occupé 48 heures de tournage à l’ensevelir sous les reproches devant les caméras, dévastée qu’elle était par les ravages que la passion de son petit ami causait dans leur couple.
On peut comprendre que la première chaîne soit tombée dans le panneau avec tant d’éclat, puisque ce genre de tableau est exactement ce qui fait le fond de Confessions Intimes. Et il est tout aussi compréhensible qu’elle ait réagi en se drapant dans une dignité bafouée, lorsque les piégeurs ont révélé la supercherie.
Mais le public trouve nettement moins d’excuses à TF1 lorsque l’on en vient aux révélations faites par N’importe Qui et ses amis. Car – grands dieux – ils ont offert aux Français la vérité crue : les reportages de Confessions Intimes sont scénarisés !
Pas de quoi faire une attaque, évidemment. Depuis son lancement en 2001, l’émission manie trop de scènes pathétiques pour que tout puisse être vrai et le public n’a pas attendu d’entendre parler de Scripted Reality pour s’en douter. Mais c’est ce qui fait le succès de ce genre d’émission, un contrat somme toute classique avec le téléspectateur, qui doute et discute de ses doutes sur la véracité de ce qu’il voit, pour finalement être au rendez-vous la semaine suivante. Le mensonge peut être aussi énorme que possible tant que l’on a la courtoisie de n’en laisser aucune preuve solide. Les diverses interventions de Rémi Gaillard depuis le canular et notamment le making-of qu’il a diffusé, ont réduit ce dernier point à néant.
Sale époque
Or, la chaîne n’en est pas au premier ternissement de sa réputation cette année. La mort accidentelle de Gérald Babin, candidat à Koh Lanta, puis le suicide du médecin qui l’avait jugé valide, occupaient déjà l’actualité du Web depuis la fin du mois de Mars, comme nous l’avons développé ici. Quel rapport entre ces deux cas me direz-vous ? La dignité du diffuseur, bien sûr.
Les révélations de la famille de Mr Babin, exposant l’attitude pour le moins basse des représentants de la chaîne à son égard, ont fait momentanément redescendre la réputation de TF1 à un niveau qui rappelle ses débuts dans la téléréalité – l’ennui, c’est que cette fois-ci, il n’y a pas de gigantesque succès commercial à la clé. Rien de dramatique pour autant : début avril, la communication de crise de la chaîne était suffisamment succincte et cohérente, jouant sans surprise sur l’abattement de ses cadres devant le mal qu’ils avaient involontairement causé, pour la dédouaner à terme. Denis Brogniart y laissait quelques plumes, mais l’honneur était sauf.
Mais voilà qu’en sus d’un parfum de cupidité dangereuse, la chaîne apparaît coup sur coup comme amatrice dans ses prises de décision et malhonnête dans sa production de contenu ! Dès lors, l’argumentaire des belles valeurs blessées marche nettement moins bien que deux semaines auparavant : le communiqué de TF1 a beau reconnaître honorablement son erreur, s’offusquer, rejeter la faute du mensonge sur Rémi Gaillard, il est bien difficile de passer pour l’innocente victime d’un seul homme lorsque l’on pèse plus d’un milliard et demi d’euros. Et c’est sans parler de la chasse, prévisible mais peu glorieuse, qui a été donnée aux uploads du reportage du 16 Avril : Youtube, et même maintenant Rutube pour ne citer qu’elles, ont été priées de retirer tout leur contenu fâcheux.
Y’a plus de valeurs, ma bonne dame
Il en faut cependant bien plus pour abattre un tel colosse. Malheureusement, le « bien plus » se rapproche progressivement depuis quelques années : M6 continue l’assaut sur les publics de sa première rivale et gagne petit à petit une aura qui n’a plus grand-chose à voir avec la Trilogie du Samedi et son public exclusivement jeune. Désavantagée en termes de dynamisme et de réactivité, la meneuse a toujours pu se reposer sur un ancrage historique et moral, qui n’a que peu à envier à celui du service public, pour lui assurer des parts d’audience relativement constantes, même récemment. Mais même un tel atout ne protège pas indéfiniment contre la lassitude du spectateur, lorsque deux émissions phares sont menacées de mort presque simultanément.
Google arrive, M6 persiste. Le colosse pourrait-il voir ses pieds se muer en argile ?
 
Léo Fauvel
Sources :
Le Plus du Nouvel Obs
PcInpact
The Huffington Post
Le Gorafi