Vitrine de Noël 2011 de Zadig et Voltaire avec des pingouins qui bougent
Publicité et marketing

Le lèche-vitrine : une opportunité toujours d'actualité

En ce 8 janvier, nous avons encore la chance de pouvoir admirer quelques vitrines de Noël. Cependant celles-ci vont être bien vite remplacées par celles des Soldes. Alors profitons-en pour jeter un dernier coup d’œil à un support si intégré dans notre quotidien qu’on en oublie que c’est un moyen de communication.
La vitrine est une des premières et plus anciennes formes de communication B-to-C apparues. Elle permet d’attirer le regard du consommateur, de présenter ses produits ou services, de créer un univers. Une vitrine réussie incite le passant à franchir la porte de la boutique. Une fois dans le magasin, c’est à la force de vente de prendre le relais. On peut donc considérer qu’un des principaux atouts d’une vitrine est la création de trafic. Celles de Noël sont un peu différentes car elles s’inscrivent (presque) toutes dans un univers similaire qui est celui des fêtes. On retrouve à la fois des contes avec de belles princesses hissées dans des traineaux, des crèches d’animaux fantastiques, et parfois, des pingouins (comme j’ai eu le plaisir de le découvrir hier chez Zadig&Voltaire) …

 
Marion Mons
 

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Affiche Renault 14
Publicité et marketing

La poire de discorde

Il n’est pas toujours facile de faire fortune grâce au pouvoir symbolique d’un fruit. Qu’il soit croqué ou non.
En ce début d’année, revenons sur une des campagnes publicitaires faisant figure d’archétype dans notre domaine favori. Un exemple qui fait encore l’unanimité quand à la clarté et la qualité, si je puis me permettre, de son flop.
Nous autres étudiants n’étions pas encore nés pour avoir la chance d’assister, devant nos postes de télévisions, à ce fiasco désormais célèbre. Heureusement, n’importe quelle personne d’une classe d’âge supérieure à la nôtre se souvient de cet échec et peut nous en transmettre sa propre vision.
Cet exemple de ratage se libère donc de toute forme d’obsolescence par le simple fait qu’il rassemble les générations et que l’on entend encore aujourd’hui parler de lui dans les chaumières, lorsque les discussions en viennent à porter sur les échecs communicationnels.
Il s’agit de la campagne de Publicis réalisée en 1977 pour la Renault 14, ayant acquis sa triste notoriété sous le nom de La poire.
La Renault 14 remplaçait à l’époque la R6 et le projet se voulait porteur d’innovation grâce à l’installation d’un moteur transversal à l’avant du véhicule. Face aux faibles ventes lors des mois suivant le lancement, la marque au losange a fait appel à Publicis en commandant une campagne audiovisuelle afin de relancer l’image et les ventes de la voiture. Cette dernière n’a fait que desservir la marque.
Voici ce que l’on pouvait voir :

« La Renault 14 c’est comme une poire. A l’avant, un minimum de place pour le moteur transversal. A l’arrière, un maximum de place pour le confort »
Bien que le procédé de comparaison soit ici extrêmement lourd, l’idée de départ n’est pas si mauvaise : mettre en avant la forme innovante de la voiture, fine sur le devant pour souligner l’économie de place d’un nouveau moteur et « ronde » à l’arrière pour mettre en exergue le confort du supposé large habitacle. On retrouve bien, par le changement de formes et le mouvement des courbes, cette sensualité que peut véhiculer la poire et qui renvoie à cette idée de confort, de douceur et de bien-être souvent utilisée à bon escient dans des publicités alimentaires  (cf. campagne Nestlé dessert).

Mais voilà, l’erreur de cette campagne se trouve malgré tout dans le choix du comparant. Il s’agit là d’une faute autant rhétorique que sémiotique car ni l’argument de la poire « pour convaincre » ni la codification du « signe-poire » comme porteur de sens ne sont réellement efficaces ici. Le fait de prendre la poire comme image première associée et explicitement comparée à la Renault 14  sous-estimait le poids symbolique et culturel du fruit en France et en Europe, qui contrairement à son cousin la pomme, est pétri de références péjoratives difficiles à dépasser, même avec le plus travaillé des seconds degrés.
Car si la sensualité prend le dessus lorsque la poire est enduite de chocolat fondant, c’est le ridicule qui triomphe quand on l’imagine en tant que voiture. L’incontournable fait de « passer pour une bonne poire », expression ancrée dans la culture et l’inconscient collectif français, est ici négligé. Personne n’a en effet envie d’être cette bonne poire, c’est à dire l’individu naïf qui peut se faire aisément manipuler (sans doute par la publicité et donc par la voiture). En conséquence, l’hypothèse d’être pris pour une poire a dû inconsciemment réfréner l’envie de posséder cette voiture chez de nombreux acheteurs.
De plus, la poire a été historiquement un outil graphique de satire. Au XIXème siècle, le roi Louis-Philippe fut la cible de nombreuses caricatures qui visaient à transformer son visage en poire faisant de lui un imbécile manipulable. Dans les années 80, le chancelier allemand Helmut Kohl fut aussi portraituré sous l’apparence d’une poire. Le fruit devint même son surnom, évidemment péjoratif.
L’histoire symbolique du fruit joue donc également en défaveur de son image. Il est vrai qu’hormis ses courbes sensuelles, la pomme n’a pas grand chose à envier à la poire surtout sur le plan culturel. Tout cela rend la poire bien plus difficile à utiliser dans les stratégies de communication que sa cousine sphérique.
Le serpent n’a pas poussé Eve à croquer dans une poire et les hommes n’ont donc pas de poire d’Adam. Tout comme aucune poire n’a jamais semé le trouble dans le royaume de l’Olympe. De même que Blanche Neige ne croque dans aucune poire empoisonnée, de même, aucun enfant n’est haut comme trois poires. Il est alors difficile de trouver des poires d’amour dans les fêtes foraines. Et tout comme Newton qui n’a pas inventé la loi de Gravitation universelle après avoir reçu une poire sur la tête, Steve Jobs n’a pas créé la marque Pear.

Cette histoire nous montre qu’en publicité, il peut s’avérer salvateur d’interroger la langue et l’environnement d’accueil d’une campagne afin de pouvoir, en cas d’incompatibilité entre le message et la culture des récepteurs, couper la poire en deux.

Ambroise 

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Shame
Culture

SHAME, ou comment raconter l’indicible ?

Parler de la honte est un pari difficile à relever. Par définition la honte semble être ce qui ne se raconte pas, ce que l’on tait, ce qui ronge de l’intérieur et qui malheureusement sans que l’on puisse l’éviter, finit toujours par s’extérioriser, se manifester physiquement : on rougit de honte, on sue, on tremble, on évite les regards. C’est bien parce qu’il est difficile de parler de la honte que la première parole prononcée dans Shame n’intervient qu’après un bon quart d’heure, que la plupart de la communication est corporelle, violente, bestiale. En effet, si on analyse brièvement la manière dont les deux protagonistes (Brandon et Sissy) dialoguent, une bonne partie se fait dans les cris, les hurlements, les coups portés à l’autre et à soi-même.
C’est ainsi que pour son deuxième film, Steve McQueen a décidé de mettre en scène un sujet qu’on qualifie aisément de tabou : l’addiction sexuelle (ou peut-être simplement la sexualité). L’affiche donne à voir un drap bleu recouvrant le corps nu du héros dont la main tend à se glisser au-dessous. Le drap cache ce que l’on ne saurait afficher et qui pourtant ici est à l’affiche, et la couleur bleue vient jouer le rôle de vernis de civilité. C’est la bienséance affichée, c’est la vie cliniquement approuvée : l’appartement de Brandon est bleu, gris, sobre, impeccablement rangé, presque inhabité ; Brandon s’habille dans les mêmes tons, avec une apparence soignée, insoupçonnable. Le drap, le bleu agissent donc bien comme une carapace opaque. A l’inverse, la couleur ocre, jaune, lumineuse intervient dans toutes les séquences où le héros perd sa maîtrise et entame sa ronde de coïts infernaux.
L’affiche met également l’accent sur le titre, court, sans appel. Certes il reste dans la tonalité de Hunger (premier film du réalisateur) mais est problématique puisqu’il convoque immédiatement la morale dans le traitement de la sexualité. Car le problème est bien là : pas de honte sans morale, pas de fou, de malade, de taré, de sexopathe sans jugement normatif, c’est-à-dire socialement établi. En somme pas de honte sans sentiment de faute, et pas de faute sans instance morale pour distinguer le bien du mal. Or s’il y a un domaine qui est normé, c’est bien celui de la sexualité. Dans le film, on distingue très clairement la sexualité saine de la sexualité maladive, perverse, animale. Il y a l’adultère bourgeois du patron de Brandon, propret, qui se fait à porte fermée. Et à l’opposé, la sexualité monstrueuse, pathologique, sans âme ni sentiment, qui annihile toute part d’humanité, qui confère à Brandon un regard lubrique, des gestes primaires et une bestialité mécanique. Mais là où Steve McQueen est fort, c’est qu’il montre déjà que le premier type de sexualité est tordu, Sissy (la sœur de Brandon) et le patron copulent allègrement dans le lit du frérot qui, dans la pièce à côté, entend tout et en est excité. L’adultère bourgeois nourrit la bête et semble, par procuration, ouvrir la porte à l’inceste de tragédie grecque.
Parler de la monstruosité au cinéma, de la perversité, de l’anormalité n’est pas nouveau. On peut penser aux Freaks de Tod Browning, à l’assassin pédophile de M Le Maudit, à l’adolescent perverti d’Orange mécanique. Mettre en scène la monstruosité est un exercice de style pour les cinéastes, mais qui s’est toujours accompagné d’un discours sur le jugement moral. Le pire des freaks, c’était bien la belle Cleopatra qui épousa un nain pour son argent ; le héros de Fritz Lang hurle que personne ne peut comprendre ce qui se passe dans la tête d’un monstre, que personne n’est habilité à condamner sans comprendre ; les soins administrés au jeune Alex de Stanley Kubrick semblent aussi barbares que ses virées nocturnes entre droogs. Si on retrouve dans ces films un double discours, c’est parce que, quand la morale traditionnelle n’est pas contestée, quand on ne sent pas le besoin de la renouveler, la réflexion languit. Et c’est le problème de Shame. A aucun moment on ne doute que la libido encombrante de Brandon soit une maladie et que, pour cela, il doive être puni. Ce qui pourrait être simplement considéré comme un handicap, au même titre que n’importe quel handicap, est ici moralement condamné. Soit que Steve McQueen semble mettre justement le doigt sur la tendance du public à condamner, juger la sexualité ; soit que Steve McQueen lui-même soit incapable de sortir d’une approche du sexe teintée d’une religiosité irritante. Un corps nu recouvert d’un drap rappellera toujours la représentation du Christ. Tout au long du film, ce corps se vit dans la souffrance, les coups, les blessures, les scarifications. Sissy, au physique de madone angélique, incarne le martyr qui expie les tares de son frère en se tranchant les veines : on la retrouve baignée dans son sang, les bras en croix, rappelant les stigmates. Enfin, à la fin du film, Brandon regarde le ciel qui vient apporter sa miséricorde et laver par la pluie les péchés du héros. Pour finir, la seule explication fournie pour expliquer la perversité de Brandon est donnée par sa sœur : « Nous ne sommes pas mauvais, nous venons d’un endroit mauvais », ce qui n’est pas sans rappeler les origines de l’Homme perverties par Adam et Eve.
Steve McQueen décide donc de parler de ce que l’on tait généralement : la honte liée à une sexualité vécue dans une société moralisatrice. Mais, s’il brise ainsi un silence encombrant et dépassé, il n’ouvre pas le dialogue et ne fait pas avancer la réflexion morale. Il ne ferme pas la bouche aux prétendus « améliorateurs de l’humanité » qui départagent les sains d’esprit des tarés pervers. Steve McQueen finit donc par transformer un sujet que les médias se plaisent à qualifier de brûlot, de subversif en une fable consensuelle et convenue. La nudité affichée des protagonistes n’est qu’une vulgarité artificielle utilisée afin que le film semble provocant, c’est-à-dire d’un genre que seuls les génies décomplexés peuvent se permettre. Et, le fait que Shame soit qualifié de « provocant » atteste que l’idée selon laquelle le cinéma, comme toute forme d’art, doit déboussoler l’ordre du bien pensé est, à notre époque, sclérosée.
 
Lola Kah

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Annonce de la mort de Kim Jong II à la télévision par une présentatrice en pleurs
Politique

L'art des médias nord-coréens

Le dictateur Nord Coréen Kim Jong Il est mort le 17 décembre dernier à la suite d’une crise cardiaque à l’âge de 69 ans. Après 17 ans d’un règne sans partage, c’est son plus jeune fils Kim Jong-eun qui prendra sa place en tant que « Dirigeant Suprême de la République populaire démocratique de Corée».
L’annonce en direct de la disparition du « Cher Dirigeant » par la télévision d’état KRT a donné lieu à  une nouvelle démonstration du puissant appareil de propagande nord-coréen. A l’écran, la mort de Kim Jong Il est présentée comme un véritable drame national. La présentatrice,  mise en scène en tenue de deuil sur fond de montagnes et de forêt, peine, à grand renfort de pathos, à annoncer la nouvelle : le soleil de la nation est mort. D’un ton grave et solennel, elle déclame fastidieusement ses quelques lignes tout en ravalant ses larmes : « nous faisons cette annonce avec une grande tristesse ». On s’attend presque à la voir s’effondrer de désespoir. Au regard des conditions de vie catastrophiques des Nord-Coréens, il est difficile de ne pas se demander si la jeune femme pense réellement ce qu’elle clame. En tout cas, sa prestation médiatique ne doit rien laisser paraître.
Le choix de l’arrière-plan n’est non plus pas anodin puisqu’il s’agit du mont Paektu, décor de nombreuses légendes coréennes, notamment la légende officielle qui raconte la naissance du dirigeant nord-coréen. Ce jour-là, un grand glacier du mont Paektu aurait émis un son mystérieux, pour ensuite se briser et laisser échapper un double arc-en-ciel. Puis la plus haute étoile du ciel serait apparue. Tout un symbole donc : éternité et immortalité d’un dirigeant et d’une dynastie qui veille, qu’ils le veuillent ou non, sur tous les coréens. Le dirigeant est mort mais son pouvoir reste immuable tout comme les forces de la nature.
Un arrière-plan unique, immobile, standard comme sur beaucoup de chaînes d’Etats totalitaires. Il n’y aura rien de plus à voir que ce que l’on nous donnera à voir, c’est-à-dire rien. Rien du quotidien du peuple nord-coréen qui meurt de faim. Rien de la misère et rien de la répression. Malgré les images de coréens hystériques à l’annonce de la mort du dictateur qui ont circulé sur les médias étrangers, on peut imaginer une réalité bien différente de ce fond immobile et de cette présentatrice éplorée.
Cette mise en scène ne change en rien des thèmes habituellement abordés sur KRT qui, comme tout bon média de propagande, traite essentiellement et glorifie tous les faits et gestes du « Dirigeant Bien-Aimé ». Il n’est donc pas absurde de supposer une  annonce réglée comme du papier millimétré. On aurait pu espérer un relâchement dans l’appareillage médiatique de l’Etat mais cette mise en scène et l’ensemble des images que nous avons pu observer nous prouve que la mort de Kim Jong Il ne menace pas pour autant la stabilité de ce régime dictatorial. Ce qui est sûr c’est que même après son décès, l’ombre de Kim Jong Il plane toujours sur la Corée du Nord.
 
C.D.
 
Crédits photo : ©20 minutes

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Affiche et initiative du mouvement Occupy Wall Street
Politique

Révolte 2.0

“The Whole World is Watching”
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’année qui vient de se terminer fut mouvementée. Nous n’avions jamais vu autant de gens indignés dans la rue mais aussi sur nos écrans. Ils nous ont obligés à les regarder et à les écouter, faisant du web un allié précieux. Cet acharnement a payé puisqu’ils sont devenus le symbole de cette année 2011 à en croire le Times Magazine qui a décerné aux manifestants le titre tant convoité de « personnalité de l’année ».
Si ces manifestants ne forment pas un ensemble homogène, il semblerait qu’ils se rejoignent dans l’usage qu’ils ont fait du Web et des nouveaux médias. Il ne paraît en effet pas pertinent de les mettre tous dans le même sac. Comparer la situation de Whael Ghonim, un des chefs de file de la révolution égyptienne et celle d’un manifestant à Wall Street serait assez vain tant leurs revendications sont différentes, tout comme les risques auxquels ils se sont exposés. On peut cependant remarquer la place qu’a prise Internet dans les révolutions, s’érigeant en instrument d’émancipation et en faiseur de démocratie. Même s’il nous faut éviter de sombrer dans une utopie digitale, il est important de rendre à César ce qui est à César en admettant que le Web a joué un rôle central. Facebook, Twitter, Youtube, n’ont pas remplacé le face à face et l’interaction mais ont permis aux manifestants de communiquer ensemble et avec nous, « d’occuper » l’espace médiatique.
En Tunisie et en Egypte, les réseaux sociaux et Internet se sont d’abord dessinés comme un espace de liberté que les médias traditionnels n’offraient plus depuis longtemps. Ces nouvelles plateformes ont donc rapidement été vues comme des menaces, échappant aux modes de régulation habituels. Tout au long de l’année, elles ont porté les indignés, les aidant à gagner en visibilité, et en organisation au grand désarroi des gouvernements. On se rappelle qu’en août, David Cameron, à court de solutions pour mettre un terme aux émeutes et aux pillages qui secouaient la Grande Bretagne, proposa une idée brillante, celle de « fermer » les réseaux sociaux. Peut-être s’imaginait-il qu’il suffisait d’appuyer sur un bouton ou de couper le courant.
On a pu observer le sentiment que pour les manifestants, les médias traditionnels n’avaient pas leur place dans cette nouvelle dynamique qu’ils essayaient d’instaurer. Avec un certain talent, ils ont pris en main leur communication. Le mouvement Occupy Wall Street par exemple n’a rien voulu laisser au hasard dans la gestion de son image et a massivement investi la sphère internet. Leur site occupywallstreet.org avait en une semaine plus de 4.7 millions de visiteurs. Leur compte Twitter et Facebook ont connu le même succès. Des outils qui leur ont servi de canaux officiels d’information mais aussi à être réactif afin de ne pas laisser n’importe qui parler du mouvement à leur place. Ainsi, quand Jay Z lance une ligne de T shirt Occupy All Streets, l’idée ne plaît pas au groupe qui accuse aussitôt le rappeur de surfer sur le mouvement afin de renflouer son compte en banque.
Les vidéos prises pendant des moments clés et relayées ensuite sur Youtube par les manifestants ont aussi été de précieux témoignages et ont permis de sensibiliser l’opinion publique. On se rappelle de la vidéo postée par le jeune Khaled Saïd où l’on peut voir la police égyptienne en plein délit de corruption. Ces images ont mis le feu aux poudres et Khaled Saïd est vite devenu un martyr et un symbole de la révolution égyptienne. On se souvient aussi de la vidéo du Brooklyn Bridge, où on peut voir la police new-yorkaise perdre son sang froid devant des milliers de manifestants qui scandent en cœur «  the whole word is watching ». Un slogan déjà entonné par les manifestants anti Vietnam à Chicago en 68, qui promettaient ainsi que tout serait filmé, tout serait raconté.
L’utilisation systématique du Web et des réseaux sociaux a conduit beaucoup de gens à qualifier ces soulèvements populaires aussi divers soient ils de révolutions numériques ou de révolutions facebook. Une idée à nuancer car la vague d’indignation n’a pas seulement été virtuelle mais s’est bel et bien jouée dans la rue, avec des issues souvent fatales dans les pays de la révolution du jasmin. De plus, on peut voir dans cette critique une façon d’accuser les manifestants d’avoir privilégié la forme plutôt que le fond. On a beaucoup reproché aux manifestants du mouvement Occupy par exemple de ne pas avoir joué le jeu de la politique en refusant systématiquement de désigner un représentant, et de se définir selon une idéologie précise (non il ne faut pas forcément être communiste pour planter sa tente au Zuccotti Park). On est donc venu à la conclusion qu’ils n’avaient pas de projet précis et que leurs revendications étaient trop floues. On peut cependant admettre que s’ils ne sont pas toujours parvenus à émettre un projet concret, les manifestants ont été assez clairs concernant ce qu’ils ne voulaient plus subir.
L’année 2011 ne nous a bien sûr pas appris l’existence des réseaux sociaux et du Web participatif, mais c’est probablement sous un aspect plus politique que nous les avons redécouverts et avec un impact que naïvement nous ne soupçonnions peut-être pas. Il nous reste donc à voir ce que cette nouvelle année nous propose et on se retrouve l’année prochaine pour faire le bilan.
 
Pauline Legrand

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Pub parfum Miss Dior Chérie avec Natalie Portman en 2011
Publicité et marketing

Jacques a dit que les stars sentent bon

Parmi les succès de ces cadeaux de fin d’année, il en est un indémodable qui s’est trouvé au pied de nombreux sapins. Je veux bien entendu parler des parfums, produits luxueux que l’on se plaît à offrir, et encore plus à se faire offrir. Les publicités pour ces parfums attirent particulièrement les consommateurs que nous sommes. En effet il est désormais de coutume de faire figurer les personnalités les plus reconnues du cinéma, de la mode voire de la musique pour nous vendre ces produits.
Ces publicités semblent avoir peu de choses en commun avec celles des objets plus classiques. Évidemment, promouvoir un parfum à la télévision ou sur le net ne peut pas se faire en vantant les aspects techniques du produit comme cela se fait pour une voiture ou un téléphone. Et même s’il est désormais possible de regarder un film en 3D dans son salon, on ne peut pas (encore ?) sentir les odeurs à travers l’écran de sa télévision ou de son ordinateur. C’est pourquoi l’accent est porté sur un autre aspect important du parfum: son imaginaire. Le pari porte maintenant sur l’image glamour et sensuelle des célébrités.
De nombreuses actrices se sont ainsi prêté au jeu de la publicité. Le charme de Natalie Portman a représenté Miss Dior, Nicole Kidman Chanel n°5 et Keira Knightley a associé son image à celle de Coco Mademoiselle de Chanel. Ces messieurs ne sont pas non plus épargnés. On a pu voir récemment Jared Leto dans la publicité du parfum Just Different de Hugo Boss ou Jude Law dans celle de Dior Homme.
Cette dernière publicité a par ailleurs été réalisée par Guy Ritchie, à qui l’on doit notamment le film Sherlock Holmes. Une version longue de celle-ci est visible sur internet et dure plus de 5 minutes. On peut également relever la publicité du Bleu de Chanel réalisée par un autre pilier du cinéma : Martin Scorsese.

Aujourd’hui, ces publicités relèvent plus du court métrage réellement artistique que du simple spot destiné à faire vendre. Noir et blanc, costumes, musique : tout est là pour créer un véritable film et tout se doit d’être symbolique.
La présence d’une célébrité est donc devenue indispensable pour fabriquer l’image d’un parfum et par là même, les conditions de son succès. A l’inverse, si l’actrice d’une publicité n’est pas vraiment connue, cette apparition permet souvent de devenir enfin une célébrité. Ainsi Florrie Arnold, qui apparait et chante dans la publicité de L’Elixir de Nina Ricci se fait aujourd’hui connaître en tant que musicienne. Une véritable attente est créée  par ces marques qui aiment former un suspense autour de leur prochaine « égérie », terme qui à l’origine désigne en fait l’inspiratrice d’une personne mais qui aujourd’hui désigne ces femmes célèbres vendant leur image  au profit de ce produit. Il semblerait donc presque que ces stars soient à l’origine du parfum. Cela révèle bien le fait que ces personnalités sont au cœur des publicités pour les parfums, faisant presque passer au second plan le produit lui-même.
Il ne fait plus de doute qu’un parfum doit avant tout refléter une image, une symbolique, un imaginaire. Sans connaître l’odeur du parfum, il est possible de se souvenir de la célébrité figurant dans la publicité. Reste à savoir si le prix de vente de ces produits résultent de leur qualité effective ou du coût de la création de ces courts-métrages publicitaires.
 
Manon Levavasseur
 
Crédits photo et vidéo : ©Dior – ©Chanel – ©Hugo Boss

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Micro et chronomètre
Politique

Le CSA comme arbitre des joutes médiatiques de 2012

2012 ! La rubrique Asymétrie vous souhaite une très bonne année ! Profitez bien de ces trois centaines de jours à venir, on entend certains dire que ce sont les derniers… Mais avant la fin du monde, les citoyens prendront le temps d’élire celui ou celle qui présidera la  France jusqu’en 2017. Le pays ne prendra pas tant de temps que ça puisque le scrutin a lieu dans moins de cinq mois maintenant !
Dans un souci de démocratie et de représentation du pluralisme politique, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) a défini les règles de la campagne de 2012. Elles sont entrées en vigueur hier !
 
Les règles* 
 
Pour les quelques temps à venir, l’opposition n’a donc plus seulement le droit à 50-70 % du temps de parole de la majorité (N. Sarkozy + UMP) :
• Jusqu’au 20 mars, les candidats « déclarés » et « présumés » doivent avoir un temps d’antenne (c’est-à-dire une visibilité médiatique) et un temps de parole (c’est-à-dire d’expression directe de leurs messages dans les médias) équitables (« en rapport avec leur notoriété et leur influence, leur représentativité et leurs activités de campagne » selon les mots de l’ancien président du CSA, Dominique Baudis).
• Ensuite, jusqu’au 9 avril, les candidats ayant obtenu au moins 500 signatures devront disposer de temps d’antenne équitables et d’un temps de parole égaux.
• Enfin, le 10 avril s’ouvre officiellement la période de campagne officielle pendant laquelle temps d’antenne et temps de parole devront être rigoureusement identiques. Les conditions de programmation devront évidemment être comparables (pas de candidat à 3h du matin pour compenser un prime time sur un autre candidat…).
Cette équité se fait au sein de chaque chaîne sur des périodes bien délimitées. En somme, ce sont les mêmes règles que pour la campagne de 2007 à cette différence près que ces règles avaient été appliquées un mois plus tôt lors du précédent scrutin présidentiel.
Ah non, il y a un changement !
 
Une nouveauté importante
 
Jusqu’à hier, les temps de parole des soutiens  des candidats n’étaient pas comptabilisés s’ils n’appartenaient pas au parti du candidat. Maintenant : si ! Toutes les expressions d’opinion, toutes les analyses exprimées qui sont « manifestement favorables » à un candidat, que celles-ci émanent d’un spécialiste politique ou non sont comptabilisées.
Cette règle peut contribuer à améliorer la visibilité des « petits » candidats qui ont moins de soutien de grande notoriété que les principaux candidats. Le CSA espère peut être ainsi rééquilibrer la visibilité de tous les candidats.
 
Les choses sérieuses démarrent
 
Jusqu’au scrutin, la distribution du temps de parole va être surveillée avec plus de précision par le CSA, et ce de manière accrue à mesure que l’on approchera des échéances. On peut donc espérer que les candidats tenteront de rationaliser leur temps d’apparition médiatique en jouant moins le jeu des petites phrases -parfois amusant, certes, mais dont l’aspect guéguerre est indigne de l’importance du scrutin à venir- et en insistant d’avantage sur les questions de fond. Autrement dit, avec l’arbitrage du CSA qui vise à plus d’équité puis à plus d’égalité, un candidat ne peut plus s’en tenir aux phrases futiles pour se démarquer. En ces temps de crise, peut-être faut-il mieux briller par les compétences plutôt que par le succès lors des joutes verbales parfois superficielles et enfantines.
 
Thomas Millard

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JWT Trends pour 2012
Société

Retour vers la future année 2012

 
Pour débuter cette nouvelle année, je vous propose, une fois remis de votre cuite d’hier soir, de découvrir les prévisions en matière de tendances pour l’année 2012. C’est la période vous me direz ! Tout le monde y va de son petit rapport, de sorte que l’on ne sait plus à quel saint se vouer. Après avoir procédé à un choix quasi cornélien, je me suis penché sur celui de l’agence américaine JWT.
En effet cela fait près de 7 ans que l’agence publie chaque année un cahier développé par  leur bureau de recherche JWT Intelligence à l’aide d’études quantitatives et qualitatives tenues durant l’année.  C’est donc début décembre que le rapport annuel a fait son apparition, à la fois en print et en digital avec un slideshare et une vidéo teaser de 2 minutes que je vous invite à visionner ci-dessous :
 

 
Parce que tout le monde n’est pas bilingue en anglais et que la synthèse d’idées, parfois complexes, n’est pas toujours accessible, je suggère de se prêter à une petite réflexion sur chacun des concepts abordés dans cette animation.
 
Navigating the new normal // Chérie j’ai rétréci les gosses
Restons sur le sujet de l’accessibilité avec cette première tendance et sa signature pas si évidente.  Loin de moi l’idée de vous en fournir une traduction exacte, cependant il semble pertinent d’y associer l’ouverture. Celle-ci s’opèrera au niveau de l’entrée de gamme grâce à des marketeurs prêts à jouer sur des mini prix et des mini tailles. Autant dire que l’on aura bientôt tout en miniature dans notre cuisine. De quoi reconstituer une vraie maison de poupées !
 
Live a little // Un peu de « laisser-aller » n’a jamais tué personne
Les consommateurs trouveront leur compte dans le tout miniature, car en cette année 2012 difficile, ils vont s’accorder plus de plaisir mais à petites doses. Marre de se serrer la ceinture, de courir le matin, de manger sain et d’être un saint !
 
Generation go // La génération entrepreneuriale
Pendant ce temps, les jeunes, contrairement à ce que l’on peut penser, ne vont pas se tourner les pouces. Face à un marché du travail gelé et bouché, ils n’ont plus d’autre choix que de créer leurs propres opportunités. Cette année va voir fleurir des start-up qui vont peut être, à leur façon, relancer l’économie. Qui sait ?
 
The rise of shared value // Synergie et valeurs pour tous
Avant de s’inquiéter de la montée en puissance des start-up, les entreprises vont surtout s’inquiéter de leur image citoyenne. Renflouer les associations ne suffit plus, il faut maintenant intégrer des problématiques sociales à son business model.  Mais si les entreprises doivent sauver le monde, qui va sauver les entreprises ? Super-État ?
 
Food as the new eco-issue // Manger mieux pour dormir mieux
Les entreprises ne seront pas les seules à mettre la main à la pâte. Les consommateurs vont faire plus attention à leurs choix de nourritures et à ce qu’ils peuvent entrainer comme conséquences pour l’environnement. Les marques vont trouver de nouveaux moyens d’inciter à une consommation toujours plus responsable.
 
Marriage optional // Le mariage, c’est en option ?
Plus responsables en matière d’alimentation mais pas forcément quand on en vient à l’engagement suprême. Des femmes, de par le monde, redéfinissent le concept du « happily ever after » a.k.a.* « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». De toute façon, depuis que la valise à roulettes existe à quoi bon se marier ?
 
Reengineering randomness // Laisser le hasard faire les choses
On contrôle tout, si bien que plus rien ne nous étonne. On se constitue un monde personnalisé pour marquer notre individualité. On se renferme sur soi jusqu’à devenir soi-même plus étroit d’esprit. Cette année sera celle de l’ouverture à une vie faite de découvertes aléatoires et de points de vue divergents, synonymes de « nouveau souffle ».
 
Screened interactions // Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle ?
L’écran s’incrustera partout ! Dans les tables de restaurants, dans les murs, dans les panneaux publicitaires… Le tactile prendra le pouvoir en faisant de chaque écran un pur outil interactif afin de découvrir, commander, acheter, et cela partout, sans oublier, tout le temps.
 
Celebrating aging // L’âge rend plus sage
C’est officiel, on vit plus longtemps qu’avant ! Les mentalités vis à vis de l’âge vont s’en trouver changées. Nous allons y voir les bons côtés et redéfinir à quel moment on devient véritablement « vieux ». Quand vieillir devient « cool »…
 
Objectifying objects // L’objet « objet »
Dans un monde de plus en plus digital, des objets de tous les jours comme les cartes de vœux (c’est la saison) ou les cartes postales disparaissent au profit de leur équivalent numérique. Cependant, les consommateurs sont en demande de matérialité. Un objet que l’on puisse toucher, faire tourner et, pourquoi pas, coller à son frigo.
 
Maintenant vous savez à quoi vous en tenir pour 2012 !
 
Marion Mons
 
Sources :
JWTIntelligence
Slideshare Trends 2012
*c’est-à-dire.

La Barbe au Petit Journal de Canal+ en décembre 2011
Société

Des féministes à barbe, une communication barbante

Le 9 décembre dernier, le collectif La Barbe était invité sur le plateau du Petit Journal. La Barbe est un groupe de féministes dont le but est de dénoncer « la domination des hommes dans les hautes sphères du pouvoir, dans tous les secteurs de la vie professionnelle, politique, culturelle et sociale »*. Pour cela, La Barbe préconise l’action : leurs activistes (des femmes, donc) se rendent dans des lieux majoritairement occupés par des hommes, en arborant une barbe. Leur but est de déranger et de rendre visible l’inégalité sexuelle qui réside encore dans bien des domaines.
Une action pacifique et plutôt louable, donc, car basée sur une vraie constatation : l’égalité hommes-femmes est encore loin d’être établie !
Pourtant, lorsque deux activistes du groupe La Barbe sont invitées sur le plateau du Petit Journal de Yann Barthès, cela se conclut par un échec médiatique et communicationnel évident.
Retour sur l’interview du 9 décembre :

Pas besoin d’être un génie en communication pour remarquer que Céline et Amélie, les deux représentantes de La Barbe ce jour-là n’étaient absolument pas préparées, et qu’en matière d’image, elles ont plutôt raté leur coup.
Pourquoi ?
Tout d’abord parce qu’elles sont visiblement mal à l’aise, face à un Yann Barthès que personnellement j’ai pourtant trouvé assez accueillant. Ensuite, en plus d’être agressives et sur la défensive, leurs arguments ne sont pas convaincants : elles utilisent des statistiques fausses, se montrent évasives lorsque Yann Barthès leur demande ce qu’elles attendraient d’un cabinet de la République constitué de 83,3 % de femmes, au lieu  de répondre que les féministes ne souhaitent pas obtenir une majorité de femmes, mais une égalité 50/50 entre les sexes. Quand Yann Barthès leur demande pourquoi elles ne s’attaquent pas au Front National qui, à l’exception de sa présidente, est constitué exclusivement d’hommes, elles se rétractent et parlent d’un « non-sujet », nous laissant sur notre faim. Qu’est-ce qu’un non-sujet ? Pourquoi La Barbe ne s’intéresse pas au Front National ? Le doute flotte. Enfin, elles citent le rapport Reiser sur la place des femmes dans les médias sans l’expliquer, ce qui aurait pourtant permis de prouver qu’elles ne se basent pas que sur du vent pour justifier leurs actions.
A la fin de l’interview, Yann Barthès leur demande « Pouvez-vous dire [aux hommes] que vous n’avez rien contre eux ? », leur donnant ainsi l’occasion d’expliquer qu’elles demandent simplement que l’inégalité hommes-femmes soit réellement reconnue et que quelque chose soit fait, l’occasion de se montrer enfin sous un jour positif. Mais non, rien n’y fait, la question obtient une réponse une fois de plus agressive, digne d’un enfant de 5 ans qui rétorquerait « j’te cause plus » ou « même pas vrai » à une question qui le dérange.
Bref, les personnes qui ont vu cette émission et qui n’étaient pas sensibilisées aux idées du féminisme ont dû se dire que c’était une bande de filles agressives, qui se battent contre du vent et sans un fond de réflexion. Ce n’est évidemment pas le cas. Il suffit de jeter un coup d’œil au site internet de La Barbe pour comprendre que leur action est justifiée et fondée (elles y expliquent notamment pourquoi elles ne veulent pas s’attaquer au Front National).
Ce petit évènement médiatique nous montre combien un communicant peut faire du tort à ce qu’il représente. Les deux interviewées ont en effet donné une mauvaise image de leur collectif, à un moment d’audience et de visibilité nationale élevée, idéal pour montrer posément leurs idées, leurs revendications, pour faire parler d’elles d’une bonne manière.
Cela prouve une fois de plus à quel point la communication est nécessaire et doit être un élément pensé, qu’on ne peut pas laisser au hasard. Quelque soit la structure, l’entreprise, la marque ou l’association, qu’elle ait de bonnes idées ou non, elle n’est rien si elle n’est pas accompagnée d’un discours positif et valorisant qui la rend visible et appréciable.
Depuis le 9 décembre, cette interview a fait couler beaucoup d’encre, notamment sur les réseaux sociaux, et le collectif a eu l’occasion de s’expliquer sur plusieurs blogs. Il est simplement dommage que La Barbe n’ait pas su montrer un visage positif plus tôt, et on espère qu’elles auront retenu la leçon : qu’on le veuille ou non, on n’est rien sans communication.
 
Claire Sarfati
Sources :
Site internet du collectif La Barbe
Canal+
Crédits photo :
Site internet La Barbe

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Affiche du film L'exercice de l'Etat sorti en 2011
Politique

La politique m'a tuer

Intouchables  vs.  L’Exercice de l’État
 
Pourquoi les gens sont-ils tous allés voir Intouchables plutôt que L’Exercice de l’État ? La mauvaise langue que je suis dirait d’abord qu’il faut arrêter de considérer le succès du film d’E.Toledano et O.Nakache comme une surprise. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde agit comme s’il n’y avait pas eu une énorme campagne médiatique AVANT sa sortie ? Personnellement j’ai entendu parler d’Intouchables pour la première fois en août, et le film était déjà présenté comme le coup de cœur de la rentrée 2011. Un film à Césars, me suis-je alors dit. Attention, pas de méprise : ce n’est pas une critique. Bien au contraire. Le film est non seulement très réussi, mêlant avec subtilité comédie et film social ; mais mérite son succès, dans le sens où il relève l’un des paris les plus difficiles du cinéma : atteindre un large public, donc divers. En revanche, le pari du large public est perdu pour Pierre Schoeller. On peut comprendre le relatif échec de L’Exercice de l’État  au box-office (le film a fait 26 fois moins d’entrées qu’Intouchables).
En même temps il faut avouer que Bertrand Saint-Jean, ministre des transports, tenant l’affiche avec un autre quinqua quasi chauve; ça attire moins que la bonne bouille de Driss, sourire parfait ressortant blanc sur noir. Le contraste, ça marche vachement. Surtout quand il n’est pas subtil, bizarrement. Parce que du contraste, dans L’Exercice de l’État , il y en a. Le personnage public est tiraillé entre ses convictions et une vie simple ; entre ses fonctions et son appartenance au gouvernement. Il y a même de la réflexion. Mais c’est finalement peut être pas le plus important dans un film. Ce que le public cherche, on le sait, c’est avant tout l’émotion. Il ne faut pas que j’oublie que le cinéma est un divertissement, jamais…
 
La politique m’a tuer
 
…Ce qui semble exclure d’emblée les films politiques ! Dans le cinéma français, on hésite à plonger directement dans les coulisses du pouvoir et dans les dilemmes des gouvernants ; on utilise plutôt les thèmes de la justice (Omar m’a tuer), de l’armée (L’Ordre et la Morale) de manière détournée. C’est certainement plus confortable. Non pas que ces sujets soient moins délicats, mais ils sont plus dramatiques et appellent un certain imaginaire qui semble difficilement permis par le réalisme du quotidien, disons, de l’hémicycle…
Pourtant, certains sont arrivés à nous faire fantasmer. A l’exemple : Le Nom des gens, de Michel Leclerc qui met en scène les tribulations d’une jeune femme qui s’amuse à convertir par le sexe des hommes de droite en gauchistes convaincus. Mais peut-on vraiment parler de film politique ? Il relève quand même plus de la jolie fable amoureuse…Avec la sortie, inattendue pour le public français, en 2011, de trois films politiques: La conquête,de Xavier Durringer qui retrace l’ascension de Nicolas Sarkozy à la fonction présidentielle, Pater, d’Alain Cavalier mettant en scène la relation d’un présidente et son premier ministre, et l’Excercice de l’Etat; nombreux critiques cinéma ont émis l’hypothèse d’un « renouveau » du cinéma politique. Néanmoins, aucun de ces films n’a bénéficié d’un réel succès auprès du public. Pourquoi?
Est-ce un thème trop éloigné de notre quotidien? Pourtant, non, la politique nous touche tous les jours. Justement, l’élément déclencheur du film de P. Schoeller, c’est l’éventuelle privatisation de la SNCF… Qu’on ne vienne pas me dire que cette préoccupation ne concerne pas tous les niveaux de la société. Seulement voilà, si le film ne parle pas du clivage gauche droite (Ma part du gâteau, de Cédric Klapish, une histoire pseudo-amoureuse entre un trader et une femme de ménage), ou d’une personnalité publique en particulier (La conquête pour Nicolas Sarkozy, Le Président pour Georges Frêche), la fiction politique ne retient pas l’attention et ne crée aucun buzz. Un peu comme la vie politique française. Finalement, le cinéma est fidèle à la Société dont il s’inspire…
 
 
C.P

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