President Barack Obama and Vice President Joe Biden, along with members of the national security team, receive an update on the mission against Osama bin Laden in the Situation Room of the White House
Politique

Le déclin du martyr escamoté

 
Cette image est, peu ou prou, la seule épitaphe visuelle sérieuse que les médias aient diffusé pour « célébrer » la mort du leader taliban, Oussama ben Laden. Cette retenue est curieuse compte tenu du désamour, probablement tant unanime que légitime, dont souffrait cet ordonnateur des attentats du 11 septembre 2001. Mais pour comprendre le contraste que les chargés de communication de la Maison Blanche ont orchestré, déléguant aux médias le soin de le répéter et de le propager, peut-être faut-il retracer la généalogie de cet assassinat. Car le mépris de la justice commune dont Oussama ben Laden a été victime, fut-ce au nom de la vengeance nationale, transforme cette mort en exécution sommaire. Rien de moins. Heureusement, la question de la morale en politique ne nous concerne pas.
Reprenons. Il faut se rappeler le paradoxe où se fonde la terreur dont les attentats talibans procèdent. En effet, Oussama ben Laden est wahhabite et représente par là même ce segment musulman aniconique, particulièrement réticent aux différentes formes de la représentation et, par extension, au culte du spectacle. Or, la puissance symbolique des attentats talibans – suicide ou non – réside moins dans le phénomène que dans la monstration médiatique qui les reproduit a posteriori. Le carnage est « toujours » distant et la terreur, si elle est effective chez les populations directement impliquées, contamine la conscience collective par voie de médiation, par écrans interposés. A ce titre, les médias jouent pleinement leur rôle de – osons la tautologie – médiateurs entre deux espaces étrangers, naturellement voués à se méconnaitre.
Le premier versant de ce paradoxe réside donc en ce que les terroriste talibans vont à rebours de leur doctrine iconoclaste. Pour que les revendications de leur guérilla atteignent le fameux inconscient collectif, ils exploitent judicieusement la fascination démesurée – cette puissance consacrée – que la société occidentale voue à la messe des images médiatisées. Cette forme de terrorisme est donc fondée sur la visibilité du carnage, sur sa répétition par les images et sur le climat que cette « arme retournée » installe.
Or, quand Oussama ben Laden vient à mourir, les images viennent à manquer. Le commando ayant participé à la défaite du terroriste ne délivre aucune image. Le trophée national est jalousement conservé, privatisé, retenu. Comme si, privée de démonstration visuelle, la déclaration de la mort du premier des ennemis publics devenait indubitable, irrécusable. Les chargés de communication de la Maison Blanche, prétextant le respect du défunt et de ses convictions religieuses, opèrent donc un renversement des valeurs traditionnellement accordées aux pôles du complexe « image-texte ». Car la déclaration verbale de la défaite du terrorisme est immédiatement placée, dans les imaginaires occidentaux, en concurrence avec la non-image qui en est dévoilée. Ou plutôt, la seule image qui ait filtré du crible de la Maison Blanche excite-t-elle ces imaginaires irrités par des années de traque et de haine – régulièrement entretenue par une actualité chargée de nouveaux attentats. Le soulagement est ainsi frustré par un triomphe modeste, un martyr judicieusement refusé, un voyeurisme interdit. En fait, la véritable image se trouve hors du champ – dans le contrechamp, précisément – de la photographie de presse, à la croisée des regards suspendus de B. Obama et H. Clinton. La photographie employée en tête de cet article est ainsi composée que son centre est invisible, ou donné à voir dans le miroir de ses spectateurs affectés. Cette illustration unanimement reprise par les quotidiens papiers et numériques illustre parfaitement le pouvoir de suggestion des images – décuplé par la dissimulation. Le résultat de cette situation est nécessairement ambigu puisque la photographie des « chefs de guerre » insinue que le document visuel existe bel et bien, mais sous-entend que certains jugent le public inapte à en disposer et décident en conséquence de le dissimuler. Avec cette image, il est donc question de dévoiler la censure par contraste, en mettant en scène ceux qui la commandent.
Le second versant de ce paradoxe tient alors en ce que les funérailles médiatiques de Ben Laden sont célébrées sans les images crues et sanguines que les vengeances assouvies exhibent traditionnellement. Comme si, dans un ultime pied de nez, la présidence américaine refusait à Oussama ben Laden son véritable statut de paria taliban. Comme si, en escamotant la photographie finale, les U.S.A. remportaient par la ruse la compétition médiatique engagée et dominée par les terroristes depuis une décennie – exploitant habilement la soumission occidentale au régime des images. Pied de nez subtile, ou censure discrète… Car ici, la censure est le prix de la concorde.
 
Antoine Bonino

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Publicité et marketing

L'autre marque à la pomme croquée

Où suis-je ? A Paris, sur les quais de la station Motte-Picquet Grenelle, ligne 10. Voilà une affiche publicitaire avec un message clair et grand format qui attire forcément votre attention. Que ce soit pour approuver ou pour condamner, le résultat est le même : vous allez en parler.
Selon ses fondateurs, Gleeden répond avant tout à une demande. Un tiers des personnes inscrites sur les sites de rencontre habituels se déclarent célibataires mais seraient en réalité déjà mariées. Le site se targue donc de vouloir briser un tabou, et s’emploie à changer l’image de l’adultère en mettant à disposition un service qui ne répond en fin de compte qu’à un besoin de la société. Cet altruisme est bien trouvé puisqu’il est polémique et qu’il a permis au site de couvrir tous les médias, faisant beaucoup parler de lui depuis son lancement.
Pour ne pas se faire oublier, il faut ne faut pas hésiter à rajouter une petite couche de temps en temps : le 15 avril 2010, le site poste dans sa rubrique « Actualités » un article intitulé 10 bonnes raisons d’être infidèle, et c’est reparti pour un tour.
Gleeden est aujourd’hui le site de référence en matière de relations extra-conjugales. Depuis sa mise en ligne officielle le 1er décembre 2009, le nombre d’inscrits n’a cessé d’augmenter. Pour ses 2 ans, le site s’offre une petite campagne de publicité dans les couloirs du métro parisien qui n’est évidemment pas au goût de tout le monde. Depuis juillet 2011, date à laquelle la campagne a débuté, de nombreux blogueurs ont exprimé leur mécontentement face à ces images. Sur le site du parti politique Bloc Identitaire, on peut même trouver un article proposant aux citoyens de s’unir face à Média Transport (la régie publicitaire de la RATP) pour « exprimer, avec courtoisie, leur réprobation et demander l’arrêt immédiat de cette campagne d’affichage ». L’article du site de Bloc Identitaire est repris sur le site des Inrocks, dont l’article est à nouveau repris par Bloc Identitaire. Bref, on n’en finit plus.
Qui gagne dans l’histoire ? Gleeden. Le site se fiche amplement que la critique soit élogieuse ou non puisqu’ils ne donnent de toute manière pas dans un commerce que l’on pourrait appeler élogieux. Leur but est d’apparaître en quantité, non en qualité.
 
 Ainsi, il faut parfois laisser tomber les cris de guerre et savoir se taire.
Aujourd’hui, le site, dont l’interface est traduite en 5 langues (français, anglais, italien, espagnol, allemand), est présent dans 159 pays et compte plus d’un million de membres (40% de femmes et 60% d’hommes environ).
 
Justine Brisson
Merci à Gleeden pour sa coopération !
Photos : ©Gleeden

Affiche de la campagne Benetton représentant un baiser entre Nicholas Sarkozy et Angela Merkel
Politique

Kiss for peace

Benetton n’a pas froid aux yeux. La nouvelle campagne « Unhate » de l’agence italienne Fabrica fait polémique dans l’hexagone et au delà de ses frontières. En effet, quand l’agence italienne Fabrica, centre de la recherche sur la communication du groupe Benetton, lance une campagne choc, ça donne : une série de dirigeants de ce monde s’embrassant de manière improbable. La campagne déclinée en plusieurs visuels montrent des images de baisers sulfureux entre les plus hauts gradés de ce monde : le Pape Benoît XVI embrassant sur la bouche l’imam sunnite de l’université égyptienne Al-Azhar, Barack Obama et le président chinois Hu Jintao, le président de la Corée du Sud et de la Corée du Nord. Même notre cher président n’y a pas échappé : c’est son homologue allemand Angela Merkel qu’il a le privilège d’embrasser.
Le caractère controversé des campagnes Benetton n’est plus à prouver. Nudité, vieillesse, diversité, famine, autant de thèmes que Benetton met en scène de manière crue et dissonante. Quand il s’agit de faire parler d’elle, la marque d’habillement italienne excelle. Sa campagne Unhate est un message qui nous invite à considérer que l’amour et la haine ne sont pas des sentiments aussi éloignés qu’ils en ont l’air. Selon le site dédié à la campagne, ces deux sentiments antagonistes sont souvent soumis à un fragile équilibre.
 

 
Cette campagne au-delà de son aspect polémique nous pousse à ne pas haïr. Avec Benetton, encore une fois, la communication est au service de la défense de valeurs. Le discours publicitaire s’adresse à l’inconscient et sort du seul discours rationnel. Ici le mécanisme du discours du surmoi vise à modifier les comportements pour les rendre conformes aux intérêts supérieurs de la société. La marque érige ses valeurs en idéal à atteindre. Elle s’efface, délaisse son identité de marque de mode et laisse place à son combat pour les valeurs.
Même si la démarche est habile, et que beaucoup applaudissent le succès de Benetton, tous ne regardent pas d’un œil clément cette singulière campagne. À commencer par les personnes concernées. La maison Blanche désapprouve l’utilisation du nom et de l’apparence physique du président, et le Vatican, quant à lui est très « fâché » également. Le Saint Siège a pris les mesures nécessaires pour bloquer la diffusion de l’affiche considérant ces clichés comme une atteinte à la dignité.
En somme, pari réussi pour Benetton qui a fait parler de lui mais cela demeure un exemple criant de l’éternelle ambigüité que suppose la liberté d’expression !
 
Rébecca Bouteveille
Merci à Benetton pour leur coopération !
Photos : ©Benetton

Culture

Jacques a dit d’aller voir Intouchables

 « Pas de bras, pas de chocolat » ça vous dit quelque chose ? Si non, c’est sans doute que vous vivez dans un monde parallèle sans le moindre média, voire sans personne. En effet,  puisque Jacques l’a dit, ce sont plus de 10 millions de français qui ont gagné les salles obscures pour voir ce « phénomène ».
Impossible d’y échapper, le film d’Eric Toledano et Olivier Nakache est omniprésent  dans les médias. Ainsi, Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou, les personnes ayant inspiré le film, font l’objet de « portraits » tandis que leurs interprètes dans le film sont les invités de plateaux télé tels que le JT. Ces apparitions sont bien sûr relayées dans les réseaux sociaux. Par exemple ce tweet de ‘20hLFerrari’ : « Omar Sy et François Cluzet seront les invités mercredi 30 nov du 20H de TF1 pour les  10 millions d’entrées d’intouchables ». La page facebook du film compte actuellement plus de 200 000 « j’aime » et la presse écrite n’est pas épargnée (double page consacrée au film dans Libération).
Pourquoi un tel succès ? Tout d’abord, un sujet grave traité sur un ton léger plaît en ces temps de crise et de pessimisme. Le film cherche à délivrer un message de tolérance puisqu’il relate l’amitié inattendue entre un riche tétraplégique et un jeune de banlieue repris de justice. Stéréotypes me direz-vous ? Sans doute, mais le fait que le film est inspiré d’une histoire vraie ajoute une touche d’émotion et de compassion qui suscite l’adhésion des spectateurs. Ainsi, personne ne s’indigne lorsque Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou expliquent que les courses- poursuites avec les forces de l’ordre sont réellement arrivées, le regard porté sur eux est au contraire indulgent et bienveillant.
Comme tous les films français sortis récemment, Intouchables a bénéficié d’une promotion avant sa sortie en salle. Et le résultat est là. Cependant, contrairement aux autres films sortis à cette même période, la promotion s’est largement poursuivie, voire amplifiée après sa sortie. Alors, à la manière de l’œuf et de la poule, une question relative à la communication faite autour du film se pose : Est-ce la bonne promotion qui a attiré autant de  spectateurs ou est-ce au contraire l’incroyable succès du film qui a provoqué une telle médiatisation ? Autrement dit, lequel est arrivé le premier entre l’hyper-promotion du film et l’adhésion du public ? Désormais, lorsqu’on interroge une personne pour savoir si elle a ou non vu Intouchables, les réponses se répartissent souvent entre un « oui » enthousiaste et un « non, pas encore ». Pas encore, comme s’il était indispensable et évident qu’elle ne tardera pas à y aller.
Ce succès inattendu provoque également des débats dépassant (peut-être) le cadre du film. Le handicap est ainsi devenu un sujet très en vogue dans tous les médias. Alors que Le Parisien publie un supplément spécial handicap, le Petit Journal de Canal + interroge Mickaël Jérémiasz, le tennisman paraplégique, afin de connaître son avis sur le film, et au micro d’Europe 1, on demande à Dominique de Villepin s’il l’a vu. Le film pose également, dans une moindre mesure, la question des inégalités sociales. Autant de sujets mis ou remis au goût du jour grâce à un film, reste à savoir si la parenthèse sociale qui s’est ouverte ne va pas se refermer dès que le nombre d’entrées en salles s’essoufflera.
 
Manon Levavasseur

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James Natchwey en pleine action
Politique

Les images et la spontanéité forcée

Avant la guerre du Vietnam, pour des raisons surtout techniques, les images mettaient plus de temps à arriver devant les yeux des citoyens occidentaux que maintenant. Certaines étaient mêmes censurées par les autorités.
Depuis, et ce de manière toujours plus affirmée, les images débordent et s’offrent à la vue des citoyens en même temps qu’à celle des gouvernants.
Pendant  la guerre du Vietnam, les autorités n’ont pas pu museler les appareils de presse comme elles l’avaient fait dans les guerres précédentes. Les photos et les reportages effectués in situ ont embarrassé le pouvoir et provoqué bien des émois dans les populations du monde entier. La photo d’une petite fille en larmes fuyant dans l’ardeur des flammes est gravée dans les mémoires et imprimée sur tous les livres d’Histoire. Cette photo avait été prise par un journaliste professionnel de l’agence Assiociated Press, elle avait ensuite été transmise par avion au bureau de l’agence pour être publiée dans les journaux.
Faisons un saut dans le temps. Au début de l’année 2004, l’opinion publique mondiale est choquée par les photos d’humiliations infligées aux prisonniers d’Abou Graïb par des soldats américains. La diffusion de ces clichés repose sur un tout autre ressort. Ce sont les tortionnaires eux-mêmes qui produisent les images et décident de les partager avec leur famille (via CD ou Internet) et c’est un citoyen comme un autre qui a augmenté leur diffusion à l’ensemble de la population et des médias. La diffusion est alors beaucoup plus rapide.
Avec les réseaux sociaux et tout ce que permet Internet, les gouvernements n’ont plus les images et les informations les premiers. Pire : ils n’ont plus de « moment tampon » pour réfléchir et ils doivent réagir aux productions médiatiques au moment-même où les lecteurs de journaux et les internautes les découvrent.
Quelques exemples ? Et bien, rappelez-vous de la gêne occasionnée par la circulation des images de la pendaison de Saddam Hussein. Ou bien cette année, une heure après la mort de Kadhafi, le fait que l’on ait pu voir sa dépouille pleine de sang relayée sur un nombre incalculable de sites en a gêné plus d’un.
Comment réagir à ce genre d’images ? Difficile à dire, quoi qu’il en soit, les informations circulent librement dans la plupart des pays occidentaux, et les médias d’aujourd’hui ainsi que notre manière de les utiliser forcent à plus de spontanéité dans la communication des gouvernants.
 
Thomas Millard
Sources :
Rémy Rieffel, Que sont les médias ?, Folio, p 115
Jaquette du film sur James Nachtwey « War Photographer » par Christian Frei

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Formats spéciaux

Bref, j'ai écrit mon premier édito

 
Nouveau look, nouveaux rédacteurs, nouvelles rubriques – même détermination ! FastNCurious reprend le flambeau d’Infrason avec des idées plein la tête, énergie et audace !
Cette rentrée est aussi celle du lancement de « Bref », la nouvelle mini-émission de Canal+. « Bref » c’est l’histoire d’un type d’une trentaine d’années, célibataire, ni riche, ni pauvre, vivant seul dans une ville que l’on suppose être Paris. Dit comme ça, « Bref » ne bénéficie pas d’un pitch exceptionnel. Alors pourquoi aimons-nous tous cette nouvelle émission ? J’aimerais comprendre ce buzz ! « Bref » compte déjà 1 468 989 like sur Facebook en seulement 3 mois, alors que Vie de Merde n’en est qu’à 1 050 404 depuis sa naissance en janvier 2008. Doit-on parler d’un effet de mode ? Ou tout simplement d’une nouvelle tendance ?
 
Est-ce parce qu’on y croit ?
 
Comme dit plus haut, ce jeune homme n’a rien de particulier – et c’est ce qui fait sa particularité. Il symbolise une version améliorée de « Monsieur Tout Le Monde » qui relate des joies et des galères du quotidien. Ce qui lui arrive nous est arrivé et permet à chacun de s’y retrouver. L’expression employée par le héros est même devenue très à la mode car personnalisable à souhait. On peut voir de plus en plus de statuts Facebook du type « Bref, je me suis fait larguer par ma tortue » ou bien « Bref, mon patron pense que je suis un pervers ». Cette tendance se rapproche de celle de Vie de Merde et d’une tendance plus générale qui consiste à tenter de spectaculariser son quotidien. Raconter sa vie en direct sur des réseaux sociaux, c’est en quelque sorte un moyen d’exister, de se rendre intéressant et ainsi de se sentir moins seul. L’information, aussi banale soit-elle, peut déclencher une déferlante de commentaires. Ainsi, on peut donner son avis sur tout et sur tout le monde, quitte à perdre la notion de vie privée.
 
Est-ce car cela nous change ?
 
Ce protagoniste n’est ni beau, ni riche, ni tombeur, ni vaillant… Il ne réussit pas plus que les autres, n’a pas toutes les réponses et ne sauve pas le monde. Notre héros n’est en fait qu’un anti-héros avec tous ses défauts – qui font de lui un être humain au même titre que vous et moi. Ce personnage est original par sa non-originalité et c’est pour ça qu’il nous plait.
 
Est-ce la brièveté qui nous a conquis ?
 
Cette mini-série ne dure en moyenne que deux minutes. Comme le montrent et le démontrent les études Médiamétrie, le temps de cerveau disponible diminue de plus en plus avec la tendance au cross-média. Chez le jeune en particulier, ce temps est estimé à 0h, ce qui constitue aujourd’hui un vrai défi pour les annonceurs. Une émission comme « Bref », par son format court, réussit à capter l’attention du jeune téléspectateur et ça, Orangina l’a vu venir avant tout le monde. La marque a fait un achat d’espace particulièrement futé en se plaçant en pré-roll sur quasiment toutes les vidéos virales de l’émission. Ainsi, l’annonceur profite de la grande visibilité et notoriété de l’émission qui vit aujourd’hui plus sur le web qu’à la télévision.
Serait-ce pour une toute autre raison dont l’évidence m’échappe encore ? Quoi qu’il en soit, il convient d’observer ce soufflé de près car à un moment donné, il va bien finir par retomber. Quelle véritable espérance de vie peut-on donner à ce concept ?
 
Marion Mons

 
Merci à Canal+ pour sa coopération !
Photo : ©Canal+/Maxime Bruno

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Société

Facebook : un colosse sous la mitraille

 
Rappelez-vous le 5 novembre dernier. Nombre d’entre-nous frissonnions, mi-incrédules, mi-fascinés, devant nos écrans dans l’attente d’une hypothétique apocalypse numérique. Un type portant un masque de Guy Fawkes avait annoncé la mort de Facebook pour ce jour.
Rien ne se passa et l’on parle beaucoup désormais de franc-tireur ou d’extrémiste isolé. L’homme avait été rapidement démenti, il est vrai, par d’autres membres du collectif Anonymous. Néanmoins, certaines de ses critiques, comme « tout ce que vous faîtes sur Facebook reste sur Facebook, indépendamment de vos paramètres de vos confidentialité », ne peuvent être ignorées et sont d’ailleurs reprises par des activistes bien plus sérieux.
Max Schrems, par exemple, l’étudiant devenu célèbre pour avoir déposé 22 plaintes contre Facebook, les a faites siennes. Il a lancé avec des amis le site Europe-v-Facebook.org, où sont exprimés ses griefs. Il y reproche notamment à l’entreprise de Marc Zuckerberg son manque de transparence quant à l’utilisation des données des utilisateurs, et l’impossibilité pour eux de vraiment choisir ce qui est divulgué les concernant.
Le monde politique s’intéresse également à la question. Facebook devrait être prochainement attaqué en justice par les autorités allemandes à cause de sa fonction de reconnaissance faciale, et la Commission Européenne vient d’être saisie sur la conformité du réseau au droit européen.
Aux Etats-Unis, on est en avance. Un accord devrait être conclu dans les prochaines semaines avec la Federal Trade Commission, rendant impossible pour Facebook de changer le degré de publicité des données sans l’accord des utilisateurs. Il devra également se soumettre à des audits réguliers sur la vie privée pendant 20 ans.
Ce pas en arrière n’est en vérité pas le premier. En 2007 déjà, Zuckerberg avait dû revoir à la baisse ses ambitions pour Beacon, un système rendant publique la consommation de chacun sur le web. Sous la pression de milliers d’internautes, Beacon était passé de l’opt-in à l’opt-out. Autrement dit, l’accord préalable de l’utilisateur était devenu obligatoire.
L’intérêt d’un tel dispositif est immense, Zuckerberg l’explique bien : « La référence de quelqu’un en qui ils ont confiance influence plus les gens que le meilleur message télévisé. C’est le Saint Graal de la publicité. » Beacon était un calice, que Facebook a craint de boire jusqu’à la lie.
En effet, le site de social networking existe et génère du profit en donnant à voir à des entreprises les échanges des utilisateurs dans le cadre de communication qu’elle fournit, et en accordant à ces entreprises des espaces, dans ce même cadre, pour proposer des publicités aux membres qui les intéressent. Si les utilisateurs se défient du réseau, ils le fréquenteront moins, y produiront moins de contenu, donneront moins d’informations sur eux et y seront donc moins exposés à la publicité et moins bien. La reculade se comprend aisément.
Derrière elle, moins visible, est la contradiction, ou asymétrie, inhérente à Facebook, entre la nécessité de bonnes relations avec les usagers et la tentation omniprésente d’aller contre leur besoin de vie privée, défendue désormais par les institutions politiques.
Ainsi, au-delà des risques terroristes ou judiciaires, toujours plus ou moins maîtrisables, est celui majeur de la fuite des utilisateurs. L’ambitieux Google + ou l’alternatif Diaspora ne demandent qu’à accueillir des masses de migrants numériques indignés. Impensable diront certains. Il fut un temps où Myspace dépassait Facebook de quelques têtes leur répondra-t-on.
 
Romain Pédron

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Publicité et marketing

Curb, ou comment les anglais réinventent l'affichage

 
Le dernier coup de pub de l’agence Curb ; un « viral billboard » qui a fait le buzz ces dernières semaines sur internet. En cause, un panneau entièrement composé par des bactéries et autres sémillants germes qui dévoileront au terme de leur pourrissement… le titre d’un film. La Warner a en effet décidé de frapper fort pour promouvoir le film Contagion de Steven Soderbergh.

Les non-initiés penseront certainement à une blague de mauvais goût, une campagne anglaise « so yucky » ! Mais pourtant derrière ce petit buzz (twitter, facebook, et youtube relayent l’opération !)  qui  fait son chemin se cache une agence de pub londonienne qui n’en est pas à son premier coup d’éclat. Vous noterez évidemment la totale cohérence du plan de com’ (contagion-germes-bactéries)  sur cette campagne. Toutefois le but de l’agence n’était pas de marquer les esprits avec une campagne choc et isolée, mais bien d’affirmer, au moyen de cette campagne, sa philosophie.
C’est en effet dans ce créneau qu’a décidé de s’engouffrer l’agence Curb en créant des publicités qui respectent au maximum l’environnement ! Intéressant donc quand on sait que la publicité est un milieu hautement énergivore. Curb s’emploie à prendre le contre-pied de ces excès et rompt avec l’imaginaire des boîtes à lettres débordantes de prospectus, de brochures et autres  panneaux lumineux en innovant toujours davantage vers le respect de la nature.
Celle qui se définit comme « The Natural Media Company » propose de réenchanter notre environnement avec par exemple le premier billboard vivant pour la publicité de la société Banrock (cet été en Angleterre) qui voulait promouvoir son action en faveur de la préservation de la nature.
Une nouvelle forme de publicité participative aussi puisqu’il est demandé au passant d’arroser l’installation, pour que cette dernière survive et histoire de donner, concrètement, un petit « coup de main » à la planète…
Pour voir en images, en vidéos les actions de l’agence : direction le site qui explique en détail les initiatives de l’audacieuse petite anglaise => L’agence Curbmedia
 
Marie Latirre

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Publicité et marketing

La Déesse et le métal

De l’art du flop
 
La communication n’est pas quelque chose d’acquis, et encore moins quelque chose de certain. Le message, quel qu’il soit, n’arrive pas toujours à son destinataire comme son émetteur l’aurait souhaité. Cela peut parfois donner lieu à d’agréables surprises et créer diverses interprétations du signal, qui ne font que le nourrir tout en le modifiant. Néanmoins, l’isomorphisme communicationnel (termes donnant un certain crédit à ce qui va suivre)  demeure quelque chose de précieux en ce bas monde. Il arrive que, dans bien des cas, le message passe complètement à côté de son but premier, qu’il ne prenne pas, ou qu’il se vautre lamentablement pour souvent finir dans les oubliettes des SIC, auprès des bides, flops et autres navets.
Pourquoi ?
Cette question sera l’âme même de notre rubrique. Mes camarades et moi-même ne sommes pas ici pour donner une note au plongeon, savoir si les jambes étaient assez tendues au moment de l’impact dans l’eau ou si les courbes étaient assez élégantes dans l’air. Bien au contraire, nous sommes ici pour envisager et analyser le plat, le fracas retentissant du corps contre l’eau, le moment où la nature reprend son droit sur l’homme qui n’arrête pas de la violer. C’est bien ici que cela se passe : l’échec du plongeon communicationnel dans toute sa splendeur. Le navet, à côté d’être un légume indigeste à mon goût, est un objet complexe qui renferme bien des mystères. Tout en restant relatif, il peut nous décevoir, nous faire rire, nous choquer, nous perturber, nous inspirer, nous énerver mais ne nous laisse jamais indifférent, à part peut-être quand il est trop gros pour qu’on ne le remarque même pas. Vous nous voyez ici, chers lecteurs, à votre service dans cette quête universelle qui tente de comprendre le  naze, d’analyser le nul ou de redorer le blason de l’incompris. Car pour nous le « contre-communiquant » et la maladresse voire la bêtise des messages font sens. Et c’est bien là le plus important.
 

La Déesse et le métal
 

 
« Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique. »
Roland Barthes, Mythologies
Ce week-end a vu naître la nouvelle campagne publicitaire pour la petite dernière de la gamme DS de Citroën, la DS 5. Amis métalleux veuillez m’excuser d’avance mais Marilyn Manson ne m’a pas convaincu.
« Changez d’époque » nous dit le slogan pour une voiture « hybride et diesel ». Changer d’époque , pourquoi pas, mais alors pour ne pas finir dans n’importe laquelle. Le mécanisme est simple, ce qui peut, dans bien des cas s’avérer payant, mais ici trop lourd et mal choisi. Reconnaissons tout de même la bonne idée du choix de l’oxymore comme ressort communicationnel dominant, lui aussi hybride car à la fois visuel et sonore. Néanmoins, l’idée est à mon sens mal exploitée.
Premièrement la publicité nous donne à voir un orchestre philharmonique en train de jouer, et à entendre un morceau de métal de Marilyn Manson. Mais nous voyons directement que ce n’est pas l’orchestre qui joue le morceau. Aussi évident que cela puisse paraître, ce choix, à visée peut-être humoristique ne contribue au final qu’à enfoncer dans la lourdeur un contraste alors flouté par l’irréalité flagrante du son sur l’image.
De plus, l’erreur fondamentale de cette publicité est d’avoir considéré à notre époque , d’une part la musique classique comme une musique obsolète et d’autre part le fait que l’énergie, à terme exaspérante, du métal pouvait jouer le rôle d’ambassadrice d’une nouvelle « époque » au sens où Barthes l’entend, complètement différente par son dynamisme.
Dans le cas présent, les flèches n’atteignent pas leurs cibles. La personne adulte voire senior qui ne connait en rien Marilyn Manson et qui apprécie plus ou moins la musique classique est exclue, le jeune qui vient d’avoir son permis et qui compte s’en servir pour aller en boîte ne supporte en général pas ou plus le métal et enfin l’adolescent qui lui s’enivre des douces harmonies du hard rock est encore loin d’avoir le permis. L’élément musical n’est donc ici pas adapté à l’antithèse mise en place. A moins, qui sait, si les anciens clients de DS sont aujourd’hui devenus de sombres quinquagénaires ayant troqué leurs 45 tours des Beatles contre des téléchargements de compilations de métal.
Pour conclure, rendons à la musique, ce qui revient à la musique : j’eus écouté un jour Manson, à l’âge ou je balbutiais la Lettre à Elise au piano. Mais après plusieurs années d’écoute, il me semble possible d’affirmer que Beethoven ou encore Mozart envoient tout autant du lourd que ce dernier, si ce n’est plus, quand ils étaient en grande forme…
 
Ambroise

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Culture

La vague française

 
Je n’aime pas les films français (surtout les comédies). Peu subtils, et souvent envieux des productions d’outre atlantique, ils se retrouvent rapidement dans la catégorie « films que je n’irai jamais voir au cinéma ». Pourtant, cette rentrée 2011 fait office d’exception dans mon avis tranché et renfrogné. Les quatre derniers films que je suis allée voir ces deux derniers mois étaient français, et je les ai tous aimés.
Cette nouvelle saison a commencé en beauté, tous genres et nationalités confondus : « Drive », « La guerre est déclarée », « The Artist », « Les marches du pouvoir »… comme à l’accoutumée dans la dure loi qui régit le calendrier cinématographique, les films présumés bons sortent tous en même temps. Or, alors que les américains avaient une offensive de choix avec la super production spilbergienne, la consécration du sexy Ryan Gosling et la suite de la saga Twilight, le cinéma français d’habitude mauvais élève, devient premier de la classe, et éclipse les productions hollywoodiennes, tant sur le nombre d’entrées que sur la couverture médiatique. Dans le Top 10 du Box-Office France, huit sont de « chez nous » : devant des résultats si éloquents, je sens poindre chez les français une petite fierté nationale. La palme revenant évidemment au fameux « Intouchables », détrônant du même coup, « Tintin et le secret de la licorne ».
Beaucoup d’interrogations gravitent autour de cette vague, que dis-je, ce raz de marée français : Pourquoi est-ce que ces films, de genre différents marchent ? Y-a-t-il un renouveau du cinéma français ? Cette question nous intéresse particulièrement et nous replonge au cœur de la problématique d’un marketing cinématographique qui promeut des objets hybrides, entre produit de grande consommation et œuvre artistique : est-ce que la stratégie marketing sert ou dessert la promotion d’un film ?
 

 
L’exemple : « Tintin et le secret de la licorne »
Budget : 135 millions de dollars
Tout l’été nous avons été, et ce jusqu’à sa sortie, bombardés par une promotion proportionnelle au budget de tout blockbuster qui se respecte : à l’instar de notre Martine, Tintin, lui aussi peut tout faire: Tintin fait ses courses chez Carrefour, Tintin va au McDonald, Tintin roule en Peugeot, Tintin prend le Thalys etc…
En plus de cette stratégie commerciale massive, les distributeurs du film, Paramount et  Sony Pictures, ont bien travaillé leurs relations avec la presse, très partiale : pas moins de douze quotidiens ont réservés leurs Unes au reporter à la houppette.
 
Le contre-exemple, plus subtil : « Intouchables »
Budget : 9,6 millions d’euros.
Pour ce qui est de la promotion, une simple présence Facebook, une campagne d’affichage et surtout une couverture médiatique importante… après la sortie. Tous les médias s’intéressent à ce nouveau film événement : le bouche à oreille est lancé. Ce succès a même réussi à éclipser deux films américains très bien partis : « Drive » et « Les marches du pouvoir », tous deux menés par Ryan Gosling. Le film devient un phénomène de société, tout le monde en parle, tout le monde veut le voir et on se voit refoulé d’une séance déjà complète pour attendre la suivante en faisant la queue pendant 45 minutes. Intouchables est d’ores et déjà sacré « plus grand succès de l’année au Box Office français » – plus de 7 millions d’entrées oblige.
 
Ma conclusion est prévisible : nous avons ici une preuve que ce n’est pas la campagne marketing qui fait le succès du film. Comme tous produits mercantiles, le cinéma n’échappe pas à la règle de qualité : le produit doit être bon. Mais pas que. C’est également la rencontre de l’offre et de la demande, donc la réponse à un besoin particulier : les français auraient envie de rire. Pourtant, le succès des derniers films français de la rentrée ont des genres et des sujets différents : drame, comédie, film muet ! Cette diversité nous pose donc d’autres questions. Est-ce que la très bonne réception des films français a préparé un terrain favorable à « Intouchables » qui aurait alors bénéficié d’un élan d’affection pour les productions françaises – d’affection, ou de chauvinisme. Concernant le cas Tintin, est ce que finalement, cette stratégie marketing très agressive n’a pas desservit le film, provoquant habitude et lassitude avant même sa sortie en salle ?
C’est la fin de l’année. Espérons que les prochaines enquêtes et analyses sur cet intriguant sujet aideront à répondre aux interrogations soulevées par ces succès français !
 
Marine Plagne