Société

They tried to make me go to rehab but I said no, no, no¹

Pour promouvoir le lancement du service à table chez McDonalds, la chaîne de fast food nous propose ce spot publicitaire qui fera plaisir aux fans des 80s (cover de Bonnie Tyler à l’appui). Ce dernier met en scène des technologies qui se lamentent d’avoir été délaissées par leurs usagers, joyeusement rassemblés autour d’un big mac. Le brave hamburger semble leur faire oublier l’existence de Snapchat, et du wifi gratuit à McDo. Surfant sur la tendance de la digital detox, la marque présente maintenant ses restaurants comme des lieux déconnectés, où les portables restent sagement dans les poches et les conversations vont bon train. Ces dernières années, les appels à la purification digitale sont de plus en plus nombreux, mais ont un succès assez faible et marginal, fonctionnant comme une mode face à laquelle la majeure partie de la population reste réticente.

Société

Donne ton RIB pour le meilleur des mondes

Polémique autour du réseau sélectif «Tinder-select » en 2016, et pourtant d’autres se tapissent dans l’ombre ! Qu’ont donc à offrir ces applications à leur clientèle fortunée ? Maintenir son prestige ou bien trouver l’âme-sœur ? L’épisode à succès de Black Mirror « Nosedive » aurait vu juste…
Entre le visible et l’invisible
Les sites de rencontres actuels s’inscrivent maintenant au sein d’une nouvelle polémique depuis la découverte de la face cachée de Tinder : Secret-Tinder. Site révélé par le Huffington Post en mars 2017 dans son article Select, la nouvelle version de Tinder destinée uniquement aux gens beaux et riches. Basé sur un système d’invitation et de parrainage, ce réseau demeure secret pour les utilisateurs lambdas, et ne sélectionne que des profils de « qualité », évalués par des critères esthétiques et de popularité sur les réseaux sociaux. Il existerait même un algorithme secret mesurant notre taux de désirabilité nommé Elo-Score.
Le problème n’est pas l’existence de ce réseau sélectif, mais le fait qu’il soit invisible, secret, dissimulé. La société actuelle souffrant déjà d’une stratification sociale à de multiples échelles, qui se traduit spatialement (au niveau de l’urbanisme, de l’aménagement de la ville ou bien de l’appropriation de certains lieux selon les classes sociales), on peut craindre une dématérialisation de ces frontières sociales, exacerbée par le déploiement de ce type de site de rencontres. Ces derniers, en plus de refléter une ségrégation sociale préexistante, tendraient-ils donc à la renforcer ?
Le parallèle avec le célèbre épisode de la saison 3 de Black Mirror « Nosedive » (Chute-libre) est indéniable. On y découvre une société qui se divise selon un système de notation virtuel allant de 1 à 5 et qui place les individus en haut ou en bas de l’échelle sociale selon leur note de popularité. Le plus flagrant dans cet épisode est l’aspect « dissimulé » et secret de l’élite sociale, qui constitue une communauté imperméable pour et grâce au réseau social. Le système de notation crée et institue alors de façon permanente les écarts de richesse entre individus, puisqu’il détermine le niveau d’emploi, l’accès au logement et aux espaces de loisirs que seule une classe « healfy » et populaire peut se permettre de fréquenter.

Puisque cet épisode présente une sélection invisible et dissimulée, les réseaux sociaux participeraient-ils à maintenir une frontière invisible entre les individus ? On peut penser au cas du réseau social The League, accusé d’élitisme par des internautes d’après l’article du site CNN tech de février 2016.
Sur la page d’accueil, la première photo-témoin qui apparaît est celle d’un jeune homme…

…Voici Conor S, le gendre idéal. Conor est beau, Conor est à la direction de Google, Conor fait du Kayak. Mais Conor ne vous verra que si vous êtes dans la League. L’application se télécharge à partir de l’espace « LinkedIn » répertoriant des offres d’emploi, de fait la sélection se fait par rapport à votre niveau d’études et à votre profession, en un mot selon votre place dans la hiérarchie.
Cette mise en scène d’une classe élitiste via un réseau social est également présentée dans l’épisode de Black Mirror, à travers le personnage de Naomi, cliché du lifestyle d’une classe privilégiée d’influenceurs sur les réseaux sociaux comme Instagram par exemple. Dans cet épisode, l’aspect amical et naïf de la plateforme interactive dissimule en réalité des enjeux de pouvoir et de domination. Le réseau The League propose à l’internaute des rencontres et des échanges qui cacheraient en réalité une conscience de classe qui se veut exclusive. L’article publié dans Elle sur l’application secrète Raya dénonce le mirage d’une plateforme de rencontres entre stars et personnalités de l’industrie culturelle. La fréquentation de ce site cache une volonté pour les utilisateurs de se constituer un réseau de célébrités, d’élargir leurs contacts professionnels.
Exigent internaute :

« Are you told your standards are too high ? Keep them that way . We’re not saying Tinder doesn’t have its uses (..) but why not spend your time a little more…intelligently ? » cf theleague.com #AreYouIn
Néanmoins, la réponse de la fondatrice de l’application The League, Amanda Bradford, publiée en octobre 2015, revendique la nécessité pour les utilisatrices de sélectionner leur partenaire via un site de rencontre exclusivement réservé à l’élite sociale pour que les « alpha woman » ne perdent pas leur temps avec des rencontres décevantes. Les 5 commandements de l’application mettent en lumière la capacité du site à protéger leurs utilisateurs face aux mauvaises rencontres et à la frustration :

No voyeurs
No random
No games
No fakes
No noises
No shame

(et un payement mensuel pour s’assurer du « sérieux » de la clientèle)
L’intérêt pour les utilisateurs serait simplement narcissique : fréquenter des personnes d’un milieu social élevé qui leur renverraient une image positive.
Cette volonté de s’éloigner de la « masse » modeste et médiocre s’illustre parfaitement dans la scène de confrontation entre Lacie et son frère :

Le plan oppose la volonté d’ascension de l’héroïne et son renoncement aux valeurs familiales, et  l’incrédulité et le mépris de son frère qui trouve ridicule ce goût pour la distinction bourgeoise. Le personnage de Lacie peut s’apparenter à la femme moderne « alpha » telle que le revendique la fondatrice de l’application qui énonce « yes we are selective », assumant la nécessité pour les femmes de jouer le jeu afin de trouver un partenaire idéal. Celui qui acceptera le partage des taches et les ambitions professionnelles de sa femme. La recherche d’un idéal de vie serait donc au cœur de ces applications hybrides. Nous promettre un réseau de connaissances correspondant à la haute image que nous nous faisons de nous-même…

Le choix d’un réseau social sélectif révèle en réalité une volonté de se protéger face à la trivialité des rencontres sur des plateformes virtuelles. Les principes du site The League reflètent parfaitement les angoisses contemporaines des clients. La peur d’être démasqué, ou humilié sur les réseaux sociaux par exemple. « No shame », indique que la fréquentation du site reste secrète dans le cadre du « respect de la vie privée », la plateforme n’ayant pas accès à nos réseaux sociaux ou à nos photos personnelles.
Aussi, « No noise » ou « No fakes » permet à l’internaute moderne et actif de ne pas perdre son temps via des faux profils, ou une rencontre révélant un manque d’affinités… La peur de perdre son temps reflète une catégorie de population active et économe de son temps, recherchant l’efficacité dans le travail ainsi que dans les relations. Pas le droit à l’erreur !
« No games » enfin édicte un principe faisant qu’un match est supprimé ’il n’y a pas de réponse de la part du « match », pour protéger son égo (« you’re only hurting yourself » assure avec bienveillance The League).
 
Il s’agit donc d’un monde édulcoré et rassurant qui s’offre au client, en le conformant dans un narcissisme qu’il projette sur ses relations sociales, miroir de sa valeur et de sa notoriété. Les matchs n’ont pas d’importance dans leur dimension quantitative, mais qualitative, qui s’inscrit dans la perspective d’une réussite sociale tant dans son couple que dans sa carrière. C’est pourquoi les clients de ces sites cachés n’ont pas le même mode de consommation que ceux des autres sites. La plateforme devient une projection de soi-même dans une recherche de la perfection, et sur un ton très sérieux. Rien à voir avec le registre de Tinder, qui à travers son logo « flamme » invite à l’impulsivité au « coup d’un soir », à la surprise, sans laisser beaucoup de place à un rapport de séduction à long terme.
Le logo de « Tinder secret » par exemple, est bleu, non plus orange, donc plus calme, plus raffiné. L’essai De la séduction de jean Baudrillard publié en 1980 oppose à ce sujet la séduction à une culture pornographique de masse, qui tend à faire disparaître la séduction, le mystère, le secret au profit du dévoilement et de la consommation. Il peut s’agir dans ce cas d’une recherche pour les clients de se distinguer face au consommateur passif et obsédé, en sélectionnant et donc en devenant au contraire actif des relations. On se démarque face à la caricature du matcheur compulsif qui s’inscrit dans la norme, et surtout on évite de le rencontrer !
La ségrégation ici n’est pas que sociologique, elle est également psychologique car on ne recherche pas seulement du plaisir, mais un mode de vie à la hauteur de nos ambitions, nous maintenant sur un piédestal.
La tension insoutenable à la fin de l’épisode de Black Mirror durant la scène du mariage évoque une phobie de la contamination de son cercle et de son prestige par un individu vulgaire, raté, qui n’est pas à la hauteur. L’expression de haine de Naomi lorsqu’elle commande à son ancienne amie de ne plus venir à son mariage, car cette dernière est déchue de son rang, évoque l’angoisse d’être soi-même touché par l’autre. Une colère qui va aller au dégoût lorsque son amie parvient à s’infiltrer lors de la cérémonie. Nous prenons alors la place du témoin et nous nous sentons nous aussi mal à l’aise, car nous savons que l’héroïne n’est pas à sa place, qu’elle salit (au sens propre) la présentation immaculée de la réunion entre élite.

C’est une sécurité financière et sentimentale qui est offerte au client, grâce à un système de sélection HighTech. Mais dans le cas de ces applications ou la sélection se fait par l’argent, la valeur du capital financier devient condition et loi d’une relation satisfaisante et équilibrée. Le « bad buzz » qu’a connu The League révèle la ridiculité d’un mode de pensée suffisant, qui assume et revendique sa supériorité.
Les « alpha-woman » n’ont pas vraiment la cote…
Margaux Vinel
Sources :

Nathalie Doré « The league , un Tinder pour célibataires amitieux » les Echos , article du 20/02/2016
Amanda Bradford « I’m not an Elitist , I’m just an Alpha female » LikedIn , article du 20/10/2015
Michelle Toglia « Dating the League will now let you buy someone a drink or flowers » . bustle.com du 9/02/2016
Présentation du site « The league » sur linkedin.com #AreYouIn
Julien Neuville « On a infiltré Raya , l’appli de rencontre des stars » . Elle , article du 27/08/2017
Fitz Tepper « Bumble introduce VIBee , A verification feature independant of your social status » Article de Techcrunch.com du 10/08/2015
Jordan Crook « Tinder select is a secret member only version of the app » Article de Techcrunch.com du 7/05/2017
Visionnage de l’épisode 1 de la saison 3 de black Mirror « NoseDive »
Jean Baudrillard , De la séduction ed Folio Gallimard publié en 1980

 
Crédits photos :
 

Photo Netflix ep1 s3 de black Mirror
Captures d’écran de mon Iphone de l’ép1 s3 de Balck Mirror
Photographie de mon iphone de la page d’acceuil de TheLeague « meet Intelligently »
Capture d’écran de la page d’accueil TheLeague

 
 
 
 

Société

Kevin Spacey face au tribunal médiatique

Depuis le 30 octobre dernier, dans le cadre de « l’affaire Weinstein », l’acteur de House of Cards, Kevin Spacey, est accusé de harcèlement et de nombreuses agressions sexuelles. Aujourd’hui, une série d’articles bousculent toujours les rubriques de l’ensemble des médias internationaux afin de déchoir l’acteur oscarisé de Hollywood. Dès les premières semaines qui ont suivi le début du scandale, l’acteur a tenté de réagir à travers un semblant de mea culpa – dans lequel il expliquait ne pas se souvenir de son comportement inapproprié à cause de l’alcool. Aujourd’hui, Kevin Spacey tente de nouveau de rendre des comptes au peuple en assainissant son image, au travers d’un séjour en cure de désintoxication sexuelle aux côtés de Harvey Weinstein. Au même moment, Hollywood, en pleine tempête médiatique, se désolidarise in extenso de l’acteur en cherchant à le faire disparaître le plus rapidement possible de ses archives. Ainsi, alors que la réaction de la justice se fera sûrement attendre encore un moment, l’opinion publique se donne le rôle d’une cyberpolice dont les règles semblent être fixées selon le degré d’indignation morale que suscite chaque affaire.
Justice et médias : les « associés-rivaux »
Si on parle souvent du rôle joué par les médias pour rendre les procès médiatiques, on parle beaucoup moins des médias comme d’une véritable instance judiciaire. Professeur en sciences politiques, Yves Poirmeur dans son ouvrage Justice et Médias (2012), analyse les dynamiques et rapports d’interdépendances entre les deux principaux acteurs de la démocratie qu’il qualifie d’« associés-rivaux ». Il explique comment dans nos démocraties, chaque instance régule les excès de l’autre. Les tribunaux sont ainsi souvent convoqués afin de juger les excès médiatiques : diffamation, discrimination, atteinte à la vie privée, etc. A l’inverse, dans le cadre de l’affaire Spacey, la presse se donne pour mission de rétablir la justice. Il s’agit de dénoncer, à travers le cas de l’interprète de Frank Underwood, comment la justice n’est pas au service des victimes, mais au service de ceux qui ont les moyens de se défendre. En France, selon le Parisien, 93% des plaintes de harcèlement sexuel sont classées sans suite, soit par manque de « preuves concrètes », soit parce que la justice fait planer sur la victime le spectre du doute et de la remise en question, voire de la culpabilité. Les médias, représentants présumés du « vrai peuple », se sentent donc investis de cette mission sacrée : rétablir la justice, là où l’instance judiciaire n’est qu’injustice.
Le 4ème pouvoir : tribunal du XXIème siècle
Si les médias ont toujours été pionniers dans la révélation de scandales, ils tendent de plus en plus à jouer le rôle de juge dans les affaires médiatiques. Lorsque les révélations sur Kevin Spacey éclatent en octobre dernier, la presse ne s’est pas contentée d’adopter la traditionnelle posture du lanceur d’alerte ou du crieur public ; elle a aussi eu un rôle axiologique en condamnant le comportement du prédateur. On voit donc comment par son devoir d’information, la presse a aussi lancé une forme de procédure judiciaire dans laquelle l’opinion publique serait l’autorité suprême. Concrètement, c’est par tout l’emballement populaire autour des #MeToo aux USA et #BalanceTonPorc en France des réseaux sociaux, que les révélations ont directement eu des répercussions concrètes sur l’image de l’artiste et celle de Hollywood. Par effet boule de neige, Kevin Spacey s’est vu ‘cancelled’ par toute l’industrie du cinéma, jusqu’à être effacé du prochain film de Ridley Scott alors que le tournage était déjà achevé. Et ce, sans aucune intervention de la justice. Le cas Spacey nous permet donc de démontrer que le 4ème pouvoir n’est pas mort mais plus fort que jamais depuis l’avènement des réseaux sociaux.

Tribunal médiatique ou populisme médiatique ?
Le 3 juillet, lors de son discours au Congrès de Versailles, Emmanuel Macron glissait la recommandation suivante :
« J’appelle à la retenue, à en finir avec cette recherche incessante du scandale, avec le viol permanent de la présomption d’innocence, avec cette chasse à l’homme où parfois les réputations sont détruites. »
Il introduit alors malgré lui deux éléments de réflexion intéressants au sujet du tribunal médiatique : d’abord, sur son accusation à l’égard des médias, à constamment chercher le scandale ; mais aussi dans son analyse purement judiciaire du viol de la présomption d’innocence.
Il semble avant tout pertinent de rappeler l’intérêt des médias de masse à créer le scandale et à susciter l’indignation morale de l’opinion : faire du profit. C’est justement ce que théorise le philosophe Eric Deschavanne dans un article pour le journal en ligne Atlantico. Pour lui, la logique est simple : plus l’indignation est grande, plus il y a de buzz et plus il y a de bénéfice. C’est le « populisme médiatique ». Ainsi, tous les médias dits moralisateurs ne sont en ce sens, guidés que par un impératif de rentabilité, dont le scandale people est le principal carburant. L’affaire Kevin Spacey est donc une aubaine pour la presse internationale, puisqu’elle est l’exemple-type de ce qui marche le mieux : la mort médiatique d’un privilégié vivant dans l’aisance.

Une libération de la parole au détriment de la présomption d’innocence
De plus, pour le Président de la République, le dévoilement de scandales s’apparente à une chasse à l’homme qui violerait la présomption d’innocence. Il est clair que le rôle de tribunal médiatique endossé par l’opinion publique pose avant tout un problème éthique sur la privation du droit à la présomption d’innocence. Si les médias disent prendre des pincettes dans la divulgation d’informations au travers d’Unes de journaux comme « Kevin Spacey : présumé-agresseur » ou « Kevin Spacey accusé d’agressions sexuelles sur mineurs », ces expressions journalistiques sont en réalité tout à fait oxymoriques. En effet, une fois cette formule de précaution mentionnée, le reste de l’article s’attache à démontrer la véracité des accusations et incarne le catalyseur de vagues de tweets dénonçant le comportement de l’acteur, jugé de fait comme coupable.
Pourtant, si ce problème éthique sur la présomption d’innocence peut effectivement faire débat, il ne s’agit pas de tomber dans une réflexion réac’. Que la démarche entreprise par le 4ème pouvoir soit populiste ou non, n’oublions pas qu’elle permet avant tout une libération de la parole et qu’elle incarne une arme de taille dans la lutte contre les injustices et les abus permis par le système. En somme, le phénomène du tribunal médiatique ne peut être caricaturé comme une chasse aux sorcières ou apparenté à un simple lynchage médiatique de name and shaming. Il incarne au contraire la forme la plus pure d’une forme de démocratie selon laquelle la parole serait reconquise par les oubliés, au détriment des plus privilégiés mais au profit d’une communication sociale plus juste.
Thibault Grison
Sources :
Podcasts

Podcast, Le débat de midi sur France Inter, « Médias et justice : je t’aime, moi non plus ? », Dorothée Barba, 25 juillet 2017

Ouvrages

Yves Poirmeur, Justice et Médias, 2012, ed. L.G.D.J.

Sites web 

France Info, « Accusé d’agressions sexuelles, Kevin Spacey est définitivement écarté par Netflix de « House of Cards » », franceinfo avec AFP, novembre 2017
Elysée.fr, Discours du président de la république devant le parlement réuni en congrès, 3 juillet 2017
Atlantico, « Pourquoi il faut résister au populisme médiatique », Eric Deschavanne, Février 2017
Le temps, « «Fillongate» ou «tribunal médiatique»? Ces questions qui minent la droite française », Richard Werly, Janvier 2017

Crédits images :

Image 1 (photo de couverture) : Scoop Whoop, “16 Badass House Of Cards Quotes That You Can Use Everyday”, Mai 2015
Image 2 : Pascal Lachenaud pour l’AFP, Emmanuel Macron assailli par les journalistes, avril 2017
Image 3 : Photo-montage de captures de titres d’articles (Les Inrockuptibles, Konbini, Le Monde)

Publicité et marketing

Le phénomène « raffle », un nouveau marketing ?

Un phénomène au cœur de l’écosystème de la mode
« Raffle » signifie en anglais « tombola », communément traduit par « tirage au sort ». Ce système a été créé dans le domaine du streetwear, qui connaît depuis plusieurs années une reconnaissance mondiale, notamment chez la génération connectée, addict de nouveautés. Une offre inférieure à la demande est au cœur de la stratégie marketing, dans le but de provoquer chez le consommateur une frustration et, de fait, une demande toujours plus croissante. Ce principe de sélection a d’abord été démocratisé par la marque Supreme, principal inventeur de cette stratégie. La marque somme ses clients de s’inscrire au préalable pour obtenir un numéro relatif à l’ordre de passage en boutique, c’est à dire, concrètement, à leur position dans la file d’attente. Ce principe a ensuite été décliné pour les « sneakers », lors de la collaboration entre Kanye West et Adidas pour les « Yeezy ». Ce système qui mise sur une sélection aléatoire a été inventé dans le but d’éviter les rassemblements intempestifs des consommateurs au moment des « cops », c’est à dire les jours de sortie d’un modèle. Cela sert aussi à désamorcer l’économie parallèle qui s’est constituée, notamment avec la revente des produits, souvent à des collectionneurs, dont le prix peut atteindre jusqu’à cinq fois le prix initial. Une des plus grosses « raffles » organisées fut celle de novembre 2017 à l’occasion de la collaboration entre Nike et le designer Virgil Abloh, créateur de la marque Off-White. 8000 paires de chaussures (THE TEN) ont été commercialisées à Paris dans plusieurs boutiques. Cela a suscité un vrai engouement. L’inscription se faisait exclusivement en ligne par le biais de plateformes créées pour l’occasion. Pour donner un ordre de grandeur, la boutique Nike Lab, à elle seule, a notifié 80 000 inscriptions.
Ce « jeu concours » n’a rien d’une tombola comme on l’entend communément, dans le sens où le consommateur ne gagne pas l’objet en lui-même, mais le droit de l’acheter dans une des boutiques partenaires (une paire de chaussures coûte, selon le modèle, entre 120€ et 250€). A travers un système horizontal qui se veut égalitaire, l’amateur a autant de chance d’acheter sa paire que le passionné. A cette logique, se substitue en filigrane un système vertical, qui n’est autre qu’une stratégie marketing.
Un dispositif « inédit »
Ce système complexe de tirage au sort répond tout d’abord à l’impératif de commercialisation de ces modèles. Cette étape s’articule autour d’un dispositif médiatique (la plateforme d’inscription), ce que Olivier Bomsel appelle des « protocoles éditoriaux » c’est-à-dire l’ensemble des opérations « servant à faire passer dans le réel, dans le public, dans le marché, les objets dont l’existence était jusqu’alors fermée, muette, invisible ». Il distingue alors deux phases : « l’accumulation » relative à la fonction d’ « auteur », que l’on peut appeler  la phase de pré-commercialisation, initiée par Virgil Abloh et Nike. Ces derniers ont communiqué sur l’événement par le biais de plusieurs campagnes, en profitant du rôle de nombreux influenceurs sur Instagram, notamment dans le milieu du rap américain. La seconde phase est celle de « la monstration » qui correspond à la fonction d’ « éditeur ».  Dans ce cas, les boutiques partenaires se servent de la plateforme et participent à l’étape de « dévoilement » qui a pour objectif de « dessiner une aura, un environnement qui charge le produit de significations ». Il y a nécessité pour les marques et les boutiques de faire événement à travers un dispositif « exceptionnel ». Dans le cas de cette collaboration, c’est la symbolique de la rareté qui est mise en avant au travers d’un ensemble de signes.

Une orchestration de la rareté
Cette stratégie marketing a pour principal but de ritualiser l’achat grâce à un processus en plusieurs étapes. Il y a d’abord l’inscription en ligne qui nécessite de saisir dans les champs correspondants, le nom, le prénom, l’adresse mail, le numéro de téléphone portable, la date de naissance et enfin la pointure du potentiel acheteur. On note ensuite, l’envoi d’un mail de confirmation, le résultat du tirage au sort envoyé par mail ou par appel téléphonique, et enfin le déplacement en boutique où le client doit être muni d’une pièce d’identité pour acheter le produit.
L’achat du produit est d’autant plus ritualisé que l’inscription en ligne est limitée dans le temps et apparaît, pour chaque modèle, sous la forme d’un décompte à la 24h Chrono. Alors qu’une séquence commerciale (en ligne ou hors ligne) s’étend sur une  période plus ou moins longue, la première étape du processus engage le consommateur à suivre toutes les étapes, et accélère ainsi la logique de l’achat. Bien que le dispositif mobilise ponctuellement des actions rapides, l’inscription pour chaque modèle s’étend sur une période d’un mois environ et est balisée par un calendrier d’inscription et de retrait.

Le consommateur est accompagné durant tout le processus et ne cesse d’être considéré avec bienveillance. En effet, il est tout à fait intéressant de s’arrêter sur la sémantique et le ton utilisé. On note des expressions exclamatives comme « Bonne chance ! », ou « Bon courage ! », un langage classique pour charmer le consommateur en le galvanisant. Le dénouement, s’il est positif, annonce : « Félicitations ! » comme s’il s’agissait d’un don. L’intérêt des boutiques partenaires est ainsi de mobiliser pour chaque « release », chaque sortie, l’attention du consommateur en le poussant à « tenter sa chance ». Chaque sortie fait l’objet d’une publication singulière qui est elle même relayée par les utilisateurs, ce qui engendre ce que Olivier Bomsel appelle l’effet de « résonance » qui résulte « de mécanismes d’écho, de reprise, de réverbération de l’effet de sens de la première apparition ». Le tirage au sort provoque un certain plaisir d’avoir été choisi parmi la multitude des candidats en amplifiant l’effet d’exclusivité. Le consommateur est ainsi élevé au rang de privilégié, exacerbant alors la logique d’appartenance à un groupe : celui des amateurs de chaussures, voire des gagnants.
En plus d’une ritualisation, on observe aussi une personnalisation du potentiel élu. Le résultat est souvent annoncé par téléphone, média éminemment personnel, et le numéro est souvent inconnu ce qui multiple le suspense. De plus, l’objet est réservé au nom de l’acheteur pendant une courte période, une manière de dire que l’objet n’attend que son propriétaire légitime.
Cette campagne tente ainsi d’infléchir la logique commerciale en y incorporant une logique du don, dans le sens où Marcel Mauss l’entend dans son Essai sur le don. Un don n’est pas gratuit, mais pris dans un ensemble d’obligations et de contraintes. L’une de ses obligations est la réciprocité, car un don est avant tout une intention à laquelle il faut répondre. En réponse à ce « privilège » accordé au consommateur, le client ne peut ainsi qu’acheter le produit. Cette stratégie marketing feint donc un échange proprement humain (notamment par le ton et les politesses utilisées) pour y substituer une logique commerciale. Même si nous vivons dans un monde économique, on ne peut, selon Mauss, éradiquer la réalité première de l’implication du lien humain. Bien vendre c’est entretenir cette illusion. Nike et Virgil Abloh l’ont bien compris.
Mathias Breteau
LinkedIn : Mathias Breteau
Sources :

Sneakers Addict 
Bomsel Olivier, Protocoles éditoriaux, qu’est ce que publier ?, Paris, Armand Colin, 2013
Citton Yves, Médiarchie, Paris, Seuil, 2017
Mauss Marcel, Essai sur le don : Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques dans Sociologie et Anthropologie, PUF, Collection Quadrige, 1973

Crédits photos :

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Guillaume Meurice : L'humour comme média

Fin août, l’équipe de Si tu écoutes, j’annule tout, émission quotidienne qui traite de l’actualité avec humour, feint de ne pas reconduire le programme pour l’année suivante. Le canular ne dure que quelques jours, jusqu’à l’annonce de leur nouvelle émission : Par Jupiter!, mais l’émoi provoqué chez les auditeurs de la chaîne est bien révélateur du succès rencontré.
Parmi les chroniqueurs de cette émission-phare diffusée sur France Inter, on compte Guillaume Meurice. Devenu une figure médiatique adorée par certains et détestée par d’autres, il est bien un des emblèmes de ce que l’on pourrait appeler l’information par l’humour, qui fleurit depuis quelques années. Essayons donc de comprendre les ressorts d’un tel phénomène.
Le « comique d’investigation »
Contrairement à ses acolytes, Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek, Guillaume Meurice n’a pas de formation de journaliste. Son domaine, c’est le théâtre, l’humour, avant d’être celui de l’information.
Meurice, c’est tout d’abord un genre bien particulier : celui de la chronique, de quatre à cinq minutes, composée d’entretiens entrecoupés de commentaires. Le caractère quotidien de ces chroniques instaure une notion de rendez-vous avec ses auditeurs, rendez-vous qui peut même être différé grâce aux podcasts et à YouTube.
Les entretiens sont recueillis sur le principe du micro-trottoir et traitent d’un point d’actualité bien précis. Meurice arpente salons, marchés, magasins…pour interroger les Français sur des sujets aux titres aussi variés que « La haute couture connectée », « Raquel Garrido, l’insoumise aux impôts », ou encore « Hamon nous vivant ». Si les sujets choisis ne sont pas drôles en eux-mêmes, c’est la façon dont Guillaume Meurice décortique le raisonnement des gens interviewés qui fait rire. Il pousse leurs logiques jusqu’au bout en posant des questions souvent absurdes, qui amènent des réponses qui le sont d’autant plus. Ainsi, lorsqu’il demande, dans sa chronique du 11 octobre 2017, enregistrée sur le marché de Grenelle, dans le 15ème arrondissement de Paris, si faire des compliments à une femme deux fois par jour sur sa poitrine, c’est du harcèlement, il se voit répondre que non…
Est-ce méchant ? Non, selon lui : c’est caricatural. Le but n’est pas de ridiculiser les gens, qui ne sont pas nommés ni montrés lorsqu’ils ne sont pas des figures politiques, mais bien de mettre en évidence certains problèmes de notre société. Ses chroniques sont des enquêtes de terrain présentées à la manière d’un édito comique qui n’ont d’autre but que de nous interpeller.
Le phénomène Meurice
La force de Guillaume Meurice, c’est aussi une très grande présence sur internet. On lui compte 106 000 followers sur Twitter et plus 300 000 likes sur Facebook, mais aussi un site internet, qui contient sa biographie, ses chroniques, ses dates de spectacle. Toutes ses publications sont innervées d’une bonne dose d’humour. Même dans la rubrique « Biographie » de son site, on peut voir une photo de lui nourrisson, avec, en légende, « 14 juin 1981. Naissance. Date de victoire électorale de la gauche (à l’époque représentée par le Parti Socialiste) ». Comme si rien n’était sérieux : l’informatif est toujours drôle.
Mais cette forte présence sur la toile lui permet également de bénéficier d’une grande visibilité et d’entretenir un rapport assez particulier avec ses auditeurs. Car si, en commentaires de ses chroniques, on trouve des posts encourageants, reconnaissants et enthousiastes, on trouve également de nombreuses critiques négatives. Meurice raconte également recevoir de nombreux messages d’insultes en messages privés.
L’idée d’un homme avec lequel on puisse interagir, débattre, et donc finalement assez proche de nous participe grandement de la popularité du chroniqueur.

L’humour comme média
Guillaume Meurice déclare lui-même « Mon média, c’est l’humour, c’est mon moyen d’expression ». A la fin d’une chronique de ses chroniques, on a certes bien ri, mais l’on a également appris des choses. Il s’agit de déposer un filtre comique sur la réalité, pour la rendre plus supportable, en quelque sorte. C’est un autre regard que l’on pose sur l’actualité, qui n’a plus rien à voir avec les formats traditionnels de l’information.
Il nous fait rire de ce qui devrait nous faire « pleurer », ou en tous cas nous attrister, et donc, a priori, nous rebuter : la corruption des élus, le nationalisme, le sexisme…
Mais Guillaume Meurice, c’est aussi une vision, presque une philosophie de vie. Rire coûte que coûte. Même dans les moments les plus graves. Ainsi, on peut réécouter sa chronique « Reporter de guerre en terrasse », enregistrée le 16 novembre 2015, où il demande notamment à un « Jean Moulin de caféine », c’est à dire à un « résistant » qui continue de fréquenter les terrasses malgré les attentats, si, « se faire assassiner en terrasse », ce n’est pas finalement payer son café 2,60 euros…
 
Guillaume Meurice, on aime ou pas. Mais on ne peut nier l’importance de figures comme lui dans le champ médiatique français, totalement libres de leurs paroles, exprimant leurs opinions avec conviction tout en étant ouvertes au débat.
Juliette Jousset
Sources : 

Bruno Denaes, Invités politiques « coupés » et humour « sélectif » ?, Le rendez-vous du médiateur, 26/05/2017.
Rossana Di Vincenzo, Charlie Hebdo, Restos du coeur… Avec Guillaume Meurice, on peut rire de tout sur France Inter, 07/072015.
Biographie Guillaume Meurice
Audrey Kucinskas, France Inter : Guillaume Meurice, le « Bisounours » de l’humour noir, 23/09/2017.
Audrey Kucinskas, Comment l’équipe de « Si tu écoutes, j’annule tout » a affolé France Inter, 23/082017.

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Politique

Communimacron : Enfermer les journalistes et jeter la clef par la fenêtre

Il l’a dit, il le fait. Emmanuel Macron a averti l’ensemble des journalistes : « un président préside et j’aurai cette distance avec la vie médiatique. La trop grande proximité avec les journalistes a été le problème des derniers quinquennats. Quand on préside, on n’est pas le copain des journalistes », en avril dernier dans l’Emission Politique sur France 2. Bim, prends ça François (et les autres). Après avoir été porté aux nues par les médias, Emmanuel Macron amorce un bras de fer inédit avec l’ensemble de la profession. Petit condensé d’une gueule de bois journalistique.
La « transparence organisée » des deux derniers quinquennats
Cette volonté de mise au ban de la presse française trouve ses fondements dans la gestion médiatique des deux derniers présidents. Nicolas Sarkozy maintenait une proximité certaine avec la meute des éditocrates : textos mielleux, visiteurs du soir et tutoiement : Sarkozy gambadait main dans la main avec les barons des médias. Exemple : cette séquence, relevée dans Les Nouveaux Chiens de Garde, elle illustre les relations incestueuses qu’entretiennent médias et politiques.

F. Hollande pour sa part, se délectait des petites accointances avec les journalistes, de ses ‘off’ et autres confidences. Dans les couloirs du Parti Socialiste, on le surnommait « le petit rédacteur en chef du Canard ». Mal lui en a pris puisque beaucoup considèrent que le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Un Président ne devrait pas dire ça, fut le dernier clou du cercueil du président sortant. Epanchements à la tête de l’Etat ? Seulement soixante-et-une rencontres, souvent chez les journalistes, pour plus d’une centaine d’heures d’entretiens, et ce pendant 5 ans. Une broutille.
La volonté d’Emmanuel Macron de rester le « Maître des horloges » à l’heure de l’information en continu puise sa source dans un autre quinquennat : celui de Jacques Chirac. Le Grand Jacques avait pour conseiller spécial en communication Jacques Pilhan, théoricien de la « parole rare ».
L’influence des influenceurs
L’entourage proche d’Emmanuel Macron peut ainsi justifier sa vision ascendante de la communication. Il est principalement composé d’anciens DSK-Boys (& Girl) avec entre autres Benjamin Griveaux, Ismaël Emelien et Sibeth N’Diaye. Après avoir sué sang et tripes pour positionner leur champion en vue de l’élection présidentielle de 2012, ils ont assisté à la mise en charpie médiatique du trublion du Sofitel. Qualifiée par les journalistes de « mormons » ou de « control freaks », cette dream-team partage avec Emmanuel Macron une méfiance incurable à l’égard de la presse.

Les premiers mois de ce quinquennat ont donc été marqués par une volonté de « mettre de la distance, être dans l’économie de la parole », selon Arnaud Benedetti, co-auteur avec Dominique Wolton de Communiquer c’est Vivre. Il y décèle un ardent désir « d’écrire le récit présidentiel et d’éviter la cacophonie gouvernementale ». Le tintamarre s’oppose donc à un unique émetteur de message, en vue de verrouiller la communication et éviter la prolifération. Barack Obama semble inspirer cette stratégie, le pape du cool, bénéficiait d’une communication cadenassée et léchée comme un blockbuster hollywoodien. Il n’est pas impossible que l’ombre du fils de pub Jacques Séguéla plane sur la start-up nation, celui pour qui le ‘off’ était un « poison mortel. » Celui qui a suivi plus de vingt campagnes internationales ajoute, d’humeur taquine :  « Le pouvoir est une œuvre solitaire. Un président normal, ça ne peut pas exister. »
Trigger Warning : La France est le 37ème pays du classement RSF sur la liberté de la presse
Cette distanciation médiatique a souvent pris la forme de méthodes dignes du bon vieux temps de l’ORTF. Un chapelet d’incidents sont venus renforcer l’image autoritaire de Jupiter, petit florilège. L’impétueuse Sibeth N’Diaye a ainsi contacté un redchef pour lui expliquer les règles du journalisme à la sauce macron : « c’est pas du journalisme, c’est du travail de sagouin », à propos d’un titre qu’elle jugeait peu flatteur. Yann Barthès s’est fait agonir de « gros connard » par l’attaché de presse de Macron Man. La raison ? Paul Larrouturou, journaliste à Quotidien, avait eu l’outrecuidance de géhenner Jupiter lors de l’entre-deux tours en lui demandant « La Rotonde, c’est votre Fouquet’s ? » Au premier Conseil des Ministres, les plumes et les caméras, qui captent traditionnellement les premiers pas du gouvernement ont été évacués manu militari de la Cour de l’Elysée. Le torchon (l’expression, pas Libé) brûle déjà entre les deux camps lorsqu’à la suite dudit Conseil, le Château annonce qu’à l’avenir les journalistes seront triés sur le volet pour suivre les déplacements du Président. C’est la goutte d’eau pour les canards qui se fendront d’une lettre ouverte intitulée « Monsieur le président, il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes ». En fait si.

Agence France Elysée Presse
Stéphane Fouks, vice-président de Havas, livre son analyse : « ils ont compris que ce qui comptait, c’était l’offre, c’est-à-dire de prendre la main sur le contenu, les messages, l’image ». C’est ça la nouveauté : cette façon d’être à l’origine des images, en les fabriquant soi-même.

Deux piliers soutiennent cette stratégie. Le premier, une équipe dévouée de stakhanovistes, qui enchaine les Facebook Live, bénéficiant d’accès que les médias n’ont pas. Lors de la visite des Invalides avec Donald Trump, BFM TV avait dû reprendre, déconfite, les images fabriquées par la team com. La systématisation de la pratique du pool, laquelle est habituellement utilisée pour des raisons pratiques, comme la visite d’un sous-marin. Avec Manu, c’est pool party. En aout, une visite présidentielle a fait grincer les dents des journalistes les plus chevronnés : « Là, sur une base de loisirs, le pool, c’est n’importe quoi, il y a de la place, ce n’est pas un lieu sensible, mais c’est comme ça, avec Macron. » L’avantage de court-circuiter les médias c’est que l’on réduit le bruit de Shannon et Weaver et on élude la nécessaire séduction des gatekeepers de Lewin. Le second pilier, plus insidieux, est le « contrat d’exclusivité moral » passé pendant la campagne avec Bestimage, l’agence photo de Mimi Marchand, la reine des paparazzis. Ses photographes sont omniprésents dans les pools constitués et suivent à la trace le couple présidentiel pour assurer le storytelling. De la sorte, l’avant dernier numéro de Paris Match n’a consacré que 18 pages (19 avec la Une) au couple présidentiel. La matière première photographique étant fournie par Bestimages. Le cadenassage se poursuit de jours en jours : le 15 novembre, c’est une équipe de C à Vous qui s’est vue blackbouler loin du président après avoir essayé de poser une question. La raison invoquée ? La veille, ils avaient couvert le rassemblement d’Insoumis qui accueillaient le Président avec des casseroles. On attend le retour sur Terre de Jupiter.
S’il n’applique pas les préconisations de Bourdieu, Emmanuel Macron en suit la pensée : « Le pouvoir symbolique exceptionnel confère aux grandes autorités de l’État la capacité de définir, par leurs actions, leurs décisions et leurs interventions dans le champ journalistique (interviews, conférences de presse, etc.), l’ordre du jour et la hiérarchie des événements qui s’imposent aux journaux. »
Anonyme
Sources : 

Balbastre Gilles, réal. Les Nouveaux Chiens de Garde. JEM Productions, 2012. DVD, 104 minutes
Bourdieu Pierre. L’emprise du journalisme. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 101-102, mars 1994. L’emprise du journalisme. pp. 3-9
Lewin, Kurt. « Forces behind food habits and methods of change ». Bulletin of the National Research Council. 108: 35–65
Claude E. Shannon,, « A Mathematical Theory of Communication », Bell System Technical Journal, vol. 27, no 3,‎ juillet 1948, p. 379-423
« Com’ verrouillée, médias critiqués… Macron force les journalistes « à avaler leur chapeau » », par Antoine Rondel, LCI, rubrique Elections, le 24 mai 2017
« Culture du secret et papier glacé : la communication selon Macron » par Par Zineb Dryef et Laurent Telo, M le Magazine du Monde, rubrique Reportage/Actu, le 18 mai 2017
« Emmanuel Macron et sa communication : « Il est passé d’une séduction intense à « Je traite les journalistes comme de la m*rde » » par Sasha Beckermann, Closer, rubrique Politique, le 20 août 2017
« Macron, l’emploi des mots, le toc des photos », par Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, Les Jours, rubrique In Bed With Macron, le 23 novembre 2017
« « Monsieur le président, il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes » », par 15 rédactions françaises, Le Monde, rubrique Idées, le 18 mai 2017

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Culture

Grave : quand le cannibalisme féministe s’impose au cinéma

Le Pitch
Réalisé par Julia Ducourneau et sorti en mars 2017, Grave est un film d’auteur qui relate l’histoire de Justine, interprétée par l’actrice Garance Marillier, une jeune surdouée qui intègre la même école de vétérinaire que sa soeur Alexia. Végétarienne comme le reste de sa famille, Justine refuse de consommer de la viande. Mais voilà, après avoir été forcée à manger un rognon de lapin lors de son bizutage, elle se découvre une passion pour la chair humaine. A travers ce tout nouveau désir, Justine s’initie aux plaisirs naissants du corps et de la sexualité.
Un film cru et organique qui bouleverse les moeurs de la société
Grave est un film de genre qui dérange, transgresse les codes et surtout se détache de l’image habituelle que l’on attribue à la femme au cinéma. En effet , la femme est représentée comme un sujet inférieur à l’homme et surtout comme un objet du désir masculin. « Dans les rapports sexués, l’humiliation est toujours du côté des femmes », déclare la réalisatrice Agnès Varda pour le journal Le Monde.
C’est pourquoi Julia Ducourneau va à l’encontre de ces stéréotypes en faisant de Justine et Alexia des personnages en charge de leur destin, qui vont au devant de l’action. Dans le film, Justine est celle qui désire un corps masculin de manière innocente et primaire à la fois. Sa transformation identitaire va de pair avec un changement physique radical. Lorsque sa sœur souhaite la rendre plus féminine en lui épilant le maillot et la blesse, Justine affiche un réel rejet pour ce carcan social dans lequel on tente de l’enfermer et embrasse sa véritable nature, quitte à montrer au grand jour sa bestialité dans l’environnement animal qui l’entoure.

La réalisatrice inscrit son film dans un contexte social où la question du genre est hautement d’actualité. La dernière campagne H&M a par exemple mis à l’honneur plusieurs femmes d’origines ethniques et de styles différents. On y voit par exemple une femme qui assume ses formes ou une autre qui n’est pas épilée sous les bras. Dans cette campagne, H&M vise à rompre avec un modèle de féminité stéréotypé tout en permettant à chaque femme se reconnaître dans la marque.
Ainsi, Grave bouleverse aussi la question du genre en attribuant aux personnages féminins des caractéristiques présupposées masculines. Alexia , la soeur de Justine est celle qui provoque un accident de voiture afin de se nourrir de sa victime. Les deux soeurs sont loin du topos de la « demoiselle en détresse » et s’apparentent plus à des prédatrices cannibales insatiables.
Le cannibalisme : dégoût ou fascination?
Le cannibalisme est un sujet controversé qui inspire une certaine forme de dégoût dans notre société occidentale. Manger son prochain relève d’un acte inhumain, voire monstrueux. Mais pourquoi ?
Tout d’abord, dans le Christianisme, l’homme est à l’image de Dieu, de ce fait son corps est sacré, il s’agit donc d’une hérésie que de se nourrir d’un semblable. De plus, la société oppose nature et culture, la première renvoyant à l’époque primitive , la seconde à l’ère civilisée. L’ethnologue Georges Guille-Escuret, auteur de Les mangeurs d’autres, nous explique que le tabou de l’anthropophagie dans nos sociétés remonte à l’antiquité : c’est lorsque Zeus met fin au rituel cannibale de Cronos qu’il devient possible de construire la cité. « Le mythe grec dit que finalement, la culture naît quand le cannibalisme cesse ». Par conséquent, le cannibalisme s’inscrit parmi des rites s’opposant à notre vision de la société car renvoyant à des comportements primitifs .
Malgré tout , cette pratique mystérieuse attise notre curiosité car elle est souvent associée à un fantasme orgasmique infini. En mangeant certaines parties du corps de leurs victimes, les cannibales comblent un désir sexuel inassouvi. Anne Laffeter, rédactrice en chef du magazine Les Inrockuptibles , relate qu’Albert Fish, tueur en série et cannibale surnommé « le vampire de Brooklyn » « entrait dans « un état d’orgasme perpétuel » quand il mangeait le sexe, les reins et les fesses de ses petites victimes. »

Est-ce si Grave d’être inclassable ?
Julia Ducourneau s’évertue a dire que Grave n’est pas un film d’horreur mais un film crossover, à la croisée du body horror, du drame, et du comique. Parce que oui, représenter des cannibales et faire rire dans un même film est ici rendu possible. Elle qualifie même son oeuvre « d’hybride et mutante », à l’image du personnage de son héroïne, Justine. Mais voilà, le film est d’une telle singularité que même les médias s’y perdent. C’est le cas du magazine d’actualité l’Express qui intitule son article: « Grave, le film d’horreur qui fait le buzz.». L’hebdomadaire Le Point quant à lui le nomme : « Jusqu’où ira Grave, le film d’horreur qui terrifie les festivals ? ».
Cette confusion du genre pose problème, car à partir du moment où le film est sorti de son contexte et mal défini, il est difficile, voire impossible pour les spectateurs de comprendre le message sous-jacent émis par la réalisatrice. A savoir, Grave est un film de genre , qui brise les codes sociaux en luttant contre le déterminisme et qui prône l’intégration d’une identité aussi singulière soit-elle au sein d’un collectif d’individus. De ce fait, les médias, vecteurs d’information, ont échoué dans leur processus de communication en attribuant au film une caractéristique erronée.
Un accueil mitigé du film
« Ce premier film s’approprie avec une originalité détonante les codes du film de genre, Grave explore la découverte du corps et de la chair, l’affirmation d’un désir animé de pulsions animales » confie Charles Tesson, critique et historien français du cinéma au magazine 20 Minutes. Si les professionnels du cinéma ont salué le film en lui attribuant plusieurs récompenses dont quatre nominations à la semaine internationale de la critique à Cannes, ainsi que le grand prix du Festival du Film Fantastique du Gerardmer 2017, Grave a tout de même suscité des réactions virulentes sur les réseaux sociaux. Il est notamment qualifié d’« immoral » et de « décadent .» Bien qu’interdit aux moins de 16 ans, certains internautes l’accusent d’être un mauvais exemple pour les individus vulnérables et sensibles, notamment les adolescents.

Grave malaisant
Lors d’une interview pour ORTBF, Julia Ducourneau affirme avoir voulu créer le malaise chez le spectateur en s’adressant au corps et non à l’esprit afin de provoquer des réactions naturelles et spontanées chez le public. Un pari plus que réussi ! Puisqu’à Toronto, deux personnes se sont évanouies pendant la projection et ont été évacuées de la salle de projection « car ils se sentaient mal » d’après Ryan Werner du Hollywood reporter. Une réaction qui avait été suscitée la dernière fois par Antichrist , de Lars Von Trier en 2009.
Les même péripéties se sont reproduites à Cannes, lors de la dernière édition de la semaine de la critique. Le film a créé une telle polémique que des sacs en papier on été distribués à l’entrée du cinéma !

Djéné DIANÉ
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Crédits d’images: 
Image 1 : Capture d’écran du film Grave
Image 2 : Capture d’écran du film Grave
Image 3 : Capture d’écran du site lepoint.fr rubrique cinéma
Image 4 : Capture d’écran : Capture d’écran du site Allociné
Sources :
Guillemette Odicino, Julia Ducourneau : “Dans ‘Grave’, le geste cannibale est de l’ordre du punk“ , Télérama rubrique Cinéma publié le : 15/03/2017, consulté le : 14/11/17
Philippe Guedj, Julia, Grave et les cannibales , Le Point Pop. Publié le : 21/03/ 2017, consulté le 14/11/2017
Cathy Immelen, L’interview de Julia Ducourneau pour « Grave », RTBF, publié le 17/03/2017, consulté le 14/11/2017
Elena Scappaticci , Grave, le film produit par Julie Gayet mal digéré par les spectateurs. Le Figaro rubrique culture. Publié le 15/09/2016, consulté le 14/11/2017
Marine Girard, Cinéma à Toronto, le film de Julie Gayet crée le malaise… VSD, publié le 15/09/2017 , consulté le 14/11/2017
Célia Sauvage , Grave. Le genre et l’écran, publié le 14/04/2017 consulté le 14/11/2017

 Philippe Guedj , Jusqu’où ira Grave, le film d’horreur qui terrifie les festivals ? Le Point Pop. Publié le 30/01/2017, consulté le 14/11/2017

Marianne Kuhni , Le « test de Bechdel » ou la représentation des femmes dans le cinéma. Marianne Kuhni, publié le 8/12/2013, consulté le 14/11/2017
Thomas Baurez, Grave: itinéraire sans faute d’un film qui ébranle le monde du cinéma. L’Express, publié le 15/03/2017, consulté le 14/11/2017
Stéphane Leblanc, Festival de Cannes : La Semaine de la Critique promet (entre autres) du rire et du sang. 20 Minutes , publié le : 18/04/2016, consulté le 14/11/2017
Laurent Carpentier,Agnès Varda : « Les féministes ont raison de gueuler ! » Le Monde, publié le 10/11/17, consulté le 19/11/17
Fabien Trécourt : Le rejet du cannibalisme au fondement de la politique. Le Monde des religions. Publié le 7/06/12 consulté le : 19/11/17
Hélène Combis Schlumberg , Manger son prochain : pourquoi le cannibalisme nous fascine ? France Culture. Publié le 26/09/2017. Consulté le 19/11/2017
Jean Baptiste Bonaventure , Cannibalisme : mais dans quelles conditions mange-t-on son voisin ? atlantico.fr Publié le : 7/05/13 consulté le : 19/11/17

 Anne Laffeter, Cannibalisme: le nouvel eldorado du sexe extrême? Les Inrockuptibles. Publié le : 5/08/12 Consulté le : 19/11/17

Publicité et marketing

Uber contre-attaque ?

La récente décision de la justice anglaise vis-à-vis d’Uber, célèbre service de mise en relation de chauffeurs VTC, oblige l’entreprise à attribuer à ses chauffeurs le statut de salariés sous contrat.
Cette nouvelle mise en lumière de différents entre la justice et Uber rappelle comme la marque est souvent au centre de polémiques concernant son fonctionnement.
Mi-septembre 2017, Uber lance en France une campagne publicitaire comprenant son premier spot publicitaire destiné à la télévision. Celle-ci, réalisée par l’agence DDB met en avant la relation qu’Uber tient à conserver avec ses clients, en balayant le passé pour aller de l’avant.
#AvancerAvecVous en marche arrière ?
La campagne est portée par le slogan #AvancerAvecVous. Uber souligne l’importance de ses clients, et cherche à prouver que c’est grâce à ses utilisateurs qu’ils progressent – ainsi l’inclusion du client est dominante. L’entreprise San-Franciscaine semble faire son mea-culpa . L’évocation des « milliers de routes différentes, des bonnes, des mauvaises, des risquées » illustre les erreurs qu’Uber a pu commettre, sans pour autant donner plus de précisions. Ici est ressenti le reproche que l’on peut faire au géant du service VTC. Certes, les promesses annoncées dans la campagne sont prometteuses, mais le refus de communication sur les différentes polémiques dont l’entreprise est sujette pose problème. Uber compte vraiment résoudre les problèmes du passé ou met de la poudre aux yeux à ses utilisateurs ? La catchline « Nous avons aussi appris à écouter » laisse à penser qu’auparavant le dialogue était fermé.

 
 

 
 
 
 
 
Cette situation de « mea-culpa » n’est pas nouvelle en terme de stratégie communicationnelle. Cette situation de « mea-culpa » n’est pas nouvelle en terme de stratégie commun
Cette situation de « mea-culpa » n’est pas nouvelle en terme de stratégie communicationnelle. En 2016, Samsung avait du faire face à une crise majeure : celle des batteries de son Galaxy Note 7. Mal fabriquées, certaines d’entre elles avaient implosé dans la poche de leur utilisateur, provoquant un bad buzz mondial. Afin de se défendre et de regagner la confiance de ses clients, Samsung a sorti un spot publicitaire mettant en exergue le contrôle qualité sur les batteries, en amont de la sortie du smartphone succédant au Galaxy Note 7. Cela a permis à la marque de regagner des points sur le BrandIndex de YouGov
Le dialogue dans la souffrance
Il semble que l’unique possibilité de dialogue entre les institutions étatiques et Uber soit l’interdiction et la violence. En effet, mi septembre 2015, le service UberPop a été interdit en France, donnant suite à de nombreuses manifestations, notamment entre les taxis parisiens et les chauffeurs Uber se voyant retirer le droit d’exercer. Outre les affrontements directs, l’entreprise est suspectée de ne pas payer ses impôts en France, ne déclarant qu’une partie de ses revenus.
Plus récemment, la fermeture du service Uber dans la capitale anglaise illustre l’impossibilité communicationnelle. Alors qu’on s’attendrait à ce qu’Uber mette en place une communication de crise pour expliquer les raisons de l’interdiction du service, l’entreprise fait profil bas et semble ne pas faire fi des problèmes qu’elle rencontre. Le problème reste en interne et les utilisateurs ne sont pas tenus au courant de l’avancée de la résolution du problème. En contrepartie, la récente campagne a été dévoilée lors d’un événement réunissant un grand nombre de chauffeurs dans les locaux en banlieue parisienne de l’entreprise pour créer une plus grande cohésion. Mais qu’en est-il des clients ?
A cela, il a été révélé ce mardi 21 novembre que les données de 57 millions  d’utilisateurs ont été piratées en octobre 2016, par deux hackers. Ces données auraient été détruites en échange d’une rançon. Révélation après un an de silence de la compagnie, alors que la loi américaine force les compagnies à révéler aux autorités et aux clients ce genre d’informations. Encore un faux pas pour Uber, dont le nouveau PDG, Dara Khosrowshahi, assure n’avoir été informé que “très récemment” du piratage. Que ce soit sous le “règne” de M.Khosrowshahi ou sous celui de son prédécesseur Travis Kalanick, l’éthique de la firme reste à questionner.

#AvancerAvecVous mais sans nous ?
Contrairement à la précédente campagne où le choix était de faire des jeux de mots liés à des situations dans un Uber – côté client («Uberdumat’ », «Uberassurée », « Uberge de jeunesse », etc.) et côté chauffeur (« Uberman », « Uberdanslesépinards », « Uberwoman ») – la nouvelle stratégie communicationnelle est plus sobre et plus épurée.

 
 
 
 
affiches. Celles-ci sont dépersonnalisées et insiste sur le paysage et/ou l’architecture. Quant au spot destiné à la télévision, il s’apparente à ceux des marques de voiture et d’entreprise d’éner
Le client, bien que présent dans les catchlines et le script du spot, disparaît des affiches. Celles-ci sont dépersonnalisées et insistent sur le paysage et/ou l’architecture. Quant au spot destiné à la télévision, il s’apparente à ceux des marques de voiture et d’entreprise d’énergie.
#AvancerAvecVous, oui, mais communiquer avec nous serait encore plus bénéfique. Aucun compte twitter d’Uber ne mentionne la décision de justice londonienne du 10 octobre 2017. La stratégie de la dernière campagne évoque les erreurs passées, mais les passent sous silence. L’entreprise continue d’avancer, mais semble faire la sourde oreille. Ce manque de réactivité se sent à la fois dans la stratégie communicationnelle et dans la gestion d’événements imprévus. Lors de l’attentat à Londres début juin, les courses ont été majorées automatiquement par l’algorithme répondant à la loi de l’offre et de la demande avant de retrouver leurs coûts habituels.
So, let’s take a ride ?

Jules de Senneville
LinkedIn.

Sources :
Le Parisien avec AFP, Londres : Uber perd son procès et devra payer ses chauffeurs au salaire minimum, 10/11/2017, consulté le 14/11/2017
L’ADN, Uber dévoile sa première campagne TV en France, 18/09/2017, consulté le 14/11/2017
La Reclame, Campagne de communication – Uber – agence DDB Paris, consulté le 14/11/2017
Myriam Berber, Ariane Gaffuri, Le service UberPop interdit en France, 23/09/2015, consulté le 16/11/2017,
Sarah G., La 1ère campagne d’Uber France pour ses 4 ans, La Réclame, 09/03/2016, consulté le 16/11/2017
Le piratage massif d’Uber en sept questions, 22/11/2017 
Jamal Henni, Comment Uber échappe à l’impôt, BFM Business, 30/06/2015, consulté le 20/11/2017
Guillemette Petit, Galaxy Note 7 : le mea-culpa de Samsung, 12/05/17, consulté le 20/11/2017,
 
Crédits photos et vidéo :
Agence DDB Paris
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Société

Le malaise des villes chinoises de contrefaçon

En 2000, la ville de Shanghai décide de faire construire des villes nouvelles dans sa lointaine banlieue pour se désengorger. Le projet de faire sortir une ville de terre est plutôt exaltant : quel urbaniste ne rêverait pas d’avoir ainsi les coudées franches pour donner libre cours à son imagination ? A Shanghai, c’est plus sur l’imitation pure et dure que sur la créativité qu’on a compté.

Copier les choses en grand.
Sur les neuf villes envisagées, quatre sont construites comme des parodies de villes européennes, des parcs d’attraction où les shanghaïen.nes sont censé.es vouloir emménager. Ainsi, Gaoqiao singe une ville hollandaise, avec ses maisons en brique rouges et son moulin à vent, quand Antig mime la ville allemande, style Bauhaus à l’appui. Pourquoi les urbanistes chinois n’en ont-ils pas profité pour innover ? Les contrefaçons chinoises, tristement célèbres pour les produits de luxe et les marques de renom, se mettent aussi à toucher les villes. La culture chinoise est millénaire, alors pourquoi subit- elle encore à ce point l’influence nord-européenne ?

Gaoqiao, province de Shanghai
L’imitation la plus éhontée revient cependant à la ville nouvelle de Songjiang, sobrement surnommée « Thames Town », référence discrète au charme londonien. A dix-neuf kilomètres au sud de la métropole, on peut déambuler dans des rues pavées entre des cabines téléphoniques rouges et des bâtiments victoriens.

 

Songjiang, province de Shanghai
La ville d’Hangzhou, à quelques deux-cent kilomètres au sud-ouest de Shanghai abrite elle aussi une enclave à l’européenne. Le quartier de Tianducheng, grand comme la ville de Bastia, imite si bien Paris que les photos qu’on en voit peuvent tromper l’œil peu attentif. La contrefaçon est éhontée, et semble parfaitement assumée. On a voulu faire de Paris un concentré de beaux points de vue, le rêve du touriste aux pieds fatigués.

Tianducheng, quartier d’Hangzhou
A l’instar des cabines téléphoniques rouges de « Thames Town », Tianducheng peut se targuer d’avoir copié les choses en grand, avec une Tour Eiffel de 108 mètres (soit un tiers de l’originale), des jardins à la française bordés d’immeubles haussmanniens et même une réplique grandeur nature de la fontaine des Quatre-Parties-du-Monde de l’avenue de l’Observatoire en face du jardin du Luxembourg.

Mauvaise cible et mauvaise pub 

Malgré l’audace dont ces projets ont fait preuve, le succès n’est pas au rendez-vous : ces villes sont très largement vides. En 2013, Tianducheng n’accueillait que 2000 des 10 000 habitants pour lesquels elle était construite. Les villes nouvelles qui ont poussé autour de Shanghai sont aussi presque désertes. En revanche, elles sont assidûment fréquentées par des touristes chinois qui viennent y confirmer (et renforcer) leurs idées reçues. Les jeunes mariés qui ne peuvent s’offrir un aller-retour Beijing-Paris peuvent toujours se prendre en photo dans les rues pittoresques de Tianducheng, vieilles d’une dizaine d’années.
Si ces villes mettent l’œil européen si mal à l’aise, c’est qu’elles parviennent à imiter l’aspect occidental sans savoir en capter l’âme, d’où une tenace impression de décor de cinéma, de trompe l’œil. Les Européens eux-mêmes finissent par en faire des destinations touristiques : la Thames Town de Shanghai cumule 89 avis sur Trip Advisor. Elle y est décrite comme une curiosité qui vaut le coup d’œil pour qui passe par Shanghai. Tianducheng attire aussi les Européens, tant la dimension « parc d’attraction » est nette, mais son éloignement de Shanghai fait qu’elle attire surtout les touristes chinois. Sur Trip Advisor à nouveau, la ville-nouvelle est comparée à un « Disneyland abandonné ».

Ces objets urbains étranges ont complètement raté leur pari : au lieu d’être des quartiers résidentiels huppés, ils sont devenus des destinations touristiques en vogue.
On assiste alors à Tienducheng ou Thames Town à une récupération pure et dure par les Chinois des codes urbains à l’européenne. Pourtant, l’idée n’est pas de vivre comme des Parisiens, mais bien au contraire de s’émoustiller de l’exotisme de leur style de vie.
     
Tianducheng, quartier d’Hangzhou

Villes sans âmes au charme étrange

Toute l’âme d’un village autrichien ou d’une rue parisienne vient de son épaisseur historique, de la mentalité des villageois, du mode de vie des Parisiens. Les immeubles haussmanniens fidèlement imités sont des coquilles vides, aussi loin des habitudes françaises que des coutumes chinoises, ce qui peut expliquer pourquoi ces villes-nouvelles restent vides. Dépouillées de la vie qui anime leurs grandes sœurs et modèles, ces villes ne sont même pas l’ombre de celles qu’elles imitent. Les Chinois ne sont pas plus dupes que ne le sont les Européens face à ces projets de promoteurs immobiliers qui voulaient tirer profit de l’attrait qu’exerce notre vieille Europe sur l’imaginaire est-asiatique.
L’erreur centrale vient peut-être d’une mauvaise compréhension des aspirations chinoises, qui ne voudraient profiter de ces villes nouvelles que pour leur exotisme.
Elles sont donc des échecs assez cuisants pour les promoteurs chinois, puisqu’elles ne sont souvent consommées que comme des objets touristiques. Les Chinois viennent y confirmer leurs idées reçues, les Européens viennent s’ébahir des copies de leurs villes. Et les plus in d’entre tous viennent y tourner des clips. C’est ce même exotisme que viennent y chercher les touristes européens : ces copies de villes ressemblent si bien aux leurs qu’elles n’en ont l’air que plus fausses.

     

Capture d’écran du clip réalisé par Romain Gavras à Tienducheng pour Jamie xx
Mais comment expliquer cet étrange malaise dont nous sommes saisis face à ces villes sorties de terre ? C’est qu’elles semblent flotter, sans être attachées nulle part par de vraies racines. Pourquoi les Shanghaien.nes n’ont pas voulu créer des villes selon leurs propres modèles culturels ? Le soft- power de notre vieille Europe est-il encore tellement fort qu’il parvient à influencer si profondément la première puissance économique mondiale ? Les contrefaçons chinoises ne s’en tiennent plus aux sacs à main de luxe, mais cette constatation ne prête pas à sourire. Pourquoi le leader de l’économie mondiale ne donne-t-il pas libre cours à ses propres idées ? Le peuple chinois donne pour sa part une réponse nette, en boudant ces villes-nouvelles qui semblent au mieux être vues comme des curiosités, au pire comme des non-lieux glaçants. Notre soft-power nord-européen ne serait donc pas si fort que ça : il importe des fantasmes et de marques de luxe, certes. Mais les Shangaïen.nes ne lui font appel à lui que pour l’exotisme qu’il apporte. Si nos immeubles haussmanniens sont contrefaits, notre mode de vie parisien n’est pas imitable. Fort heureusement, personne ne souhaite l’imiter.

Réplique de la fontaine des Quatre-Parties-du-Monde à Tienducheng, quartier d’Hangzhou

Sources :
COURTIN Sébastien, « En Chine, des villages sont des copies de villes européennes. », gentside.com, publié le 5 juin 2012, consulté le 19 novembre 2017.
CLEMENT Pierre, « Chine / Entretien : Les nouvelles trames de l’espace chinois : campagnes, villes et métropolisation », publié le 11 octobre 2013, consulté le 19 novembre 2017.
PELLETIER Benjamin, « Quand les Chinois copient les villes européennes », publié le 22 mai 2012, consulté le 17 novembre 2017.

 Crédits images :

Photo 1 : via Business Insider
Photo 2 : gestion-des-risques-interculturels.com
Photo 3 : voyage-chine.com
Photo 4 : Le Figaro, « Paris et ses façades haussmanniennes téléportées en Chine »

Publicité et marketing

Which life matters ?

En avril 2017, le dernier spot publicitaire de Pepsi a très rapidement déclenché un « bad buzz » ou un « gros fail », pour reprendre les expressions utilisées par les titres de l’actualité à ce sujet. Le court-métrage de 2 minutes 40 mettait en scène l’instagrammeuse Kendall Jenner partageant une canette de Pepsi avec des policiers, au cœur d’une manifestation organisée par le mouvement afro-américain « Black Lives Matter » : militant contre la violence et le racisme systémique envers les Afro-Américains aux Etats-Unis. Il n’en a pas fallu pas davantage aux internautes pour déclencher une vague de critiques et pour faire comprendre à Pepsi que les suggestions de cette publicité ne sont pas acceptables.