Formats spéciaux

FastN fait peau neuve

 
Chers lecteurs, chères lectrices, nous sommes très fières de vous annoncer la rentrée des classes chez FastNCurious !
En ce début d’année scolaire l’ancien bureau s’est attelé à sélectionner et former cette nouvelle équipe afin de lui passer – comme il se doit – le flambeau du blog. Nous les remercions pour leur confiance et pour le temps qu’ils nous ont accordé, nous ferons de notre mieux pour en être dignes.
Après deux mois d’été, la famille FastN reprend du poil de la bête et vous présente une équipe toujours plus nombreuse avec 42 rédacteurs et deux nouveaux membres au bureau, pour être encore plus aux petits soins de nos lecteurs adorés.
En prévision : Bien entendu des articles sur l’actualité de la communication toujours aussi aiguisés et pertinents, la refonte de notre site, le retour des conférences BuzzOff (mais pas que…), de nouveaux partenariats en perspective, et enfin des formats innovants avec la création d’un pôle audiovisuel pour vous livrer un contenu transmédiatique et varié !
On vous tiendra au courant des évolutions sur le blog et sur les réseaux sociaux, alors on n’hésite plus : On like la page Facebook et on follow le compte Twitter !
Stay tuned,
Le pôle présidentiel : Marion Bieysse, Marine Aubenas et Inès Fière.

Société

Stéréotypes : sous-estime-t-on le rôle des médias dans la création d’idées préconçues ?

Une partie de l’équipe Fast’n’Curious a pu se rendre, le 8 juin dernier, au siège du Défenseur des Droits, à l’occasion de la cérémonie de remise de prix du concours Zéro Cliché pour l’égalité filles-garçons, organisé par le CLEMI (Centre pour L’Éducation aux Médias et à l’Information). En donnant l’opportunité aux élèves de primaire, collège et lycée de s’intéresser aux clichés qui façonnent les mentalités dès l’enfance, ce concours a été l’occasion pour nous de réfléchir sur le rôle des médias dans leur création et banalisation dans les esprits.

Médias et espace public : leur impact sur la création d’idées préconçues chez les jeunes

Nous sommes tous les jours confrontés aux messages médiatiques : dans l’espace publique via les panneaux publicitaires, affiches et kiosques à journaux; dans nos foyers, via Internet, la télévision, la radio, etc.; sur notre lieu de travail… Tous les canaux de diffusion d’informations nous atteignent, et sont susceptibles de véhiculer des idées qui n’ont, parfois, pour fondement, que leur notoriété, ou leur existence passée.
La publicité en est un exemple très concret. Les publicitaires raisonnent en termes de retombées potentielles, et surfent volontiers sur les stéréotypes pour arriver à leur fin : il faut attirer l’attention du consommateur, en l’approchant par l’évocation d’images, de faits ou de réalités quotidiennes susceptibles de résonner dans leur esprit. La technique publicitaire suivante, utilisée pour les produits de nettoyage, est récurrente, presque paradigmatique, mais surtout très évocatrice : il s’agit le plus souvent de mettre en scène une femme, chez elle, qui s’attache à nettoyer une partie de sa cuisine ou de sa salle de bain, en vain. C’est là que le produit en question intervient, enlevant tâches, saletés et autres ennemis de la bonne ménagère, lui redonnant sourire et énergie. Le publicitaire s’assure ainsi des retombées nombreuses, en s’appuyant sur un des piliers sociétaux les plus anciens : la femme est femme au foyer, récure, balaie et éponge. Naviguer sur les stéréotypes, c’est s’assurer que le contenu produit parle à tous, en faisant appel à une culture commune. Si du côté de la production, le mot d’ordre est « efficacité », le public instruit et averti pense « cliché », « archaïsme » et « misogynie ».
Le jeune public, lui, n’interprète pas ; il intègre juste l’image de la femme qui lui est donnée. C’est particulièrement flagrant en ce qui concerne les produits ménagers, associés à la femme, donc, mais aussi pour les produits de bricolage, dont l’utilisation est mise en scène par des hommes, ou encore pour les jouets.

Insidieusement, les petites filles apprennent qu’elles doivent jouer à la poupée, à la dinette, et se déguiser en princesse. Les garçons jouent aux super-héros, au docteur, ou bricolent. En somme, ils se familiarisent avec le rôle qu’ils seront amenés à jouer dans la société, une fois adultes. En surfant sur des idées préconçues et jugées pertinentes parce qu’historiques, les publicitaires agissent sur les mentalités des plus vulnérables et des plus influençables, les pérennisant.
Un des lauréats du concours Zéro Cliché, le Lycée Louis de Foix, à Bayonne, dénonce ces pratiques par une vidéo, déclarant sur fond d’images publicitaires : « à toi publicitaire, qui ne véhicules qu’une image sexy ou niaise de la femme. Toi qui la condamnes à nettoyer, balayer, cuisiner, à longueur de journée ». On redécouvre des publicités pour parfum ou pour produits ménagers bien connues, dont la misogynie a pu, pourtant, passer inaperçue : le consommateur, devant sa télévision, activité souvent associée à un temps de repos, se trouve en position de vulnérabilité.

Les médias, réellement fautifs dans la création des discriminations sexistes ?

La publicité n’est malheureusement qu’un canal de diffusion de ces clichés : la télévision ou Internet recèlent de multiples autres contenus (films, vidéo clips ou réseaux sociaux) eux aussi pétris de stéréotypes sexistes. Le Lycée Louis de Foix s’y intéresse également, en continuant : « à toi star de la pop qui prostitue ton image pour faire le buzz ». Shakira, Jennifer Lopez, ou Britney Spears, autant de stars mondialement connues, et références centrales dans la culture musicale des jeunes, déambulent dans leurs clips dans le plus simple appareil à coup de pauses lascives.

Emily Ratajkowski, que sa prestation dénudée dans le clip « Blurred Lines » de Robin Thicke a rendu célèbre, s’est paradoxalement attaquée à ces stéréotypes. Pour elle, qui a conscience des inégalités hommes-femmes et s’en estime être la victime, la discrimination ne se trouve pas tant dans l’usage que l’on fait du corps de la femme, mais plutôt dans la culpabilité qu’on l’incite à ressentir à la moindre mise en valeur de ses formes. Elle déplore que le terme « sexy » soit associé au terme « vulgaire » ; deux mots qu’elle positionne plutôt en antonymes. Une femme doit pouvoir s’afficher dans la tenue qu’elle veut, en bougeant son corps comme elle veut, sans se faire insulter ou juger. Partisane d’une désexualisation du corps de la femme, Emily estime que sa beauté doit pouvoir être exhibée sans être prise à parti. Etre sexy, c’est exprimer, d’une certaine façon, sa beauté, sa féminité. Au lieu de se dire « la prochaine fois, je mettrai un débardeur moins décolleté ! », elle pense que les femmes ne devraient tout simplement pas se sentir observées, épiées, objets de désir.
Ce discours féministe donne du fil à retordre aux conventionnelles ligne de combat adoptées contre les stéréotypes sexistes. Où placer la frontière entre liberté de la femme, et stéréotypes dégradants ? De plus, la vision d’Emily Ratajkowski, qui l’encourage à dévoiler sur ses réseaux sociaux des photos d’elles dévêtues, permet de relativiser la responsabilité des médias dans la création et la propagation des idées préconçues dans les mentalités. Internet par exemple devient alors une plateforme d’information, un moyen d’expression libre, permettant au contraire de dénoncer certaines injustices ou discriminations sexistes. En témoigne notamment le mouvement « free the nipple » (qui consiste à promouvoir l’exhibition des tétons sur les photos des femmes, dans l’idée de désexualiser la poitrine) qui s’est trouvé une place de choix sur Instagram. C’est également sur Internet que le nouveau blockbuster hollywoodien, Wonder Woman, réalisé par une femme, et mettant en scène une femme super-héroïne, a fait parler de lui et a été applaudi dans le monde entier en tant que succès mondial impliquant majoritairement des femmes.

L’éducation aux médias : la solution ?

Cette ambivalence du rôle des médias (instigateurs de stéréotypes et de préjugés, créateurs d’inégalités, ou moyen d’expression pour s’engager contre leur propagation ?) pose la question de l’attitude à adopter vis-à-vis de l’appréciation que l’on doit en faire.
« Le CLEMI s’efforce de donner aux médias un sens, un message, une portée, qui soient conformes à l’intérêt général, et surtout aux valeurs que nous portons, et aux principes juridiques que nous défendons tous. Le Défenseur s’est donc associé à cette première remise de prix Zéro clichés », a déclaré Jacques Toubon, alors qu’il s’exprimait devant l’audience réunie à l’occasion de la remise des prix.
Le Défenseur des Droits, qui désigne et l’institution dont la vocation est de « défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés » et de « permettre l’égalité de tous et toutes dans l’accès aux droits » (https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/institution/organisation/defenseur), et son fondateur, Jacques Toubon, compte parmi les acteurs principaux de l’éducation des plus jeunes au développement d’un sens critique vis-à-vis des médias.
« Quand un droit existe, il est proclamé », explique Jacques Toubon, que nous avons pu rencontrer lors de l’évènement organisé par le CLEMI. Mais il arrive que ce droit ne soit pas rendu effectif. Le rôle du Défenseur des Droits est donc d’essayer « de mettre la réalité de notre vie quotidienne en conformité avec le droit », ajoute-t-il. « Ceci est particulièrement vrai sur un sujet très important pour une société comme la nôtre : les discriminations. Il y a beaucoup de situations dans lesquelles des personnes sont traitées de manière inégale, sont victimes d’inégalités de traitement, parce qu’elles présentent certaines caractéristiques qui entraînent la discrimination dont elles sont victimes. L’une de ces discriminations les plus fréquentes et massives, c’est l’inégalité qui existe dans le traitement qui est fait au détriment des femmes par rapport aux hommes. »
Si le Défenseur des Droits œuvre pour la condamnation de ces discriminations, et leur sanction, il s’attache également à combattre le problème à sa racine : « Lutter contre les discriminations par la loi et par l’application du droit, ça n’est pas suffisant », explique Jacques Toubon. « Ces discriminations viennent (…) des représentations, des stéréotypes, des idées que nous avons sur les autres, ou sur la manière dont existent les rapports, par exemple entre les femmes et les hommes. » poursuit-il. « Par les moyens du droit, on ne réussira jamais à lutter contre les discriminations véritablement. C’est parce qu’on se mettra à penser autrement, parce qu’on aura des réflexes différents, qu’on pourra dire que les discriminations reculent. (…) Ce que fait le CLEMI sur Zéro Cliché participe à ça ».

« Il faut que l’éducation qui est donnée [aux jeunes] soit une éducation qui systématiquement s’efforce de détruire ou déconstruire les stéréotypes et les préjugés. », conclut-il.
Alors, faut-il inculper les médias pour leur rôle dans la diffusion de stéréotypes sexistes, ou louer la liberté d’expression dont ils sont garants ? Le débat n’est pas tranché ; mais il éclaire sur la nécessité d’aider les jeunes à s’armer d’un sens critique vis-à-vis des informations qu’ils diffusent.
Alice DOMINE
Sources :
http://www.lennyletter.com/life/a265/baby-woman-emily-ratajkowski/
http://www.clemi.fr/fr/evenements/concours/concours-zerocliche-egalitefillesgarcons/palmares-2017.html

Formats spéciaux

Edito de remerciement

C’est à l’aune de ce mois de juillet, après une saison dont nous ne pouvons qu’être très fiers, que nous profitons de ces quelques lignes pour remercier toute l’équipe de FastNCurious.
A toutes nos rédactrices, à tous nos rédacteurs, à nos secrétaires de rédaction : MERCI. Merci pour vos articles de qualité, merci pour vos choix audacieux et votre originalité, merci pour votre rigueur et votre confiance.
A notre bureau, merci pour votre sérieux, votre envie de faire et de bien-faire tout au long de l’année.
A toutes nos lectrices, à tous nos lecteurs, nous sommes très heureux de vous voir chaque jour plus nombreux à nous suivre. Nous apprenons de vos critiques et votre soutien nous fait chaud au cœur.
Un grand merci également à Olivier AÏM, Thierry DEVARS, Yves JEULAND, Mathieu SLAMA et Isabelle LE BRETON pour l’édition 2017 de notre Buzz Off.
Enfin, nous remercions le CELSA et toute l’administration, ainsi que notre BDE, qui nous ont soutenus cette année.
FastNCurious fait sa rentrée le 11 septembre. En attendant, restez curious !
Charlotte Trodet, Antoine Heuveline, Irina Stasula

Politique

Quand l’armée de terre recrute

Lancée en mars 2016, la campagne de l’armée de terre 2016-2018 est un véritable phénomène : trois spots télévisés, de nombreuses affiches, une nouvelle présence sur les réseaux sociaux, un meilleur suivi des candidats, rien n’est laissé au hasard pour atteindre les objectifs d’un recrutement en hausse constante (16 000 soldats recrutés en 2016 contre 10 000 en 2013), résultat immédiat des lourdes périodes que nous endurons depuis quelques années… Zoom sur cette sublime campagne signée Insign.
 
Les jeunes, cœur de cible de cette nouvelle campagne
L’objectif est clair : parler aux jeunes. Mais comment s’adresser à cette jeune génération aux noms si divers qu’on ne les comprend plus ? Millenials, génération Y, web natives, les jeunes Français sont de véritables adeptes du zapping et se lassent très vite, ce que l’on peut aisément constater au vu de la vitesse à laquelle les buzz se créent puis disparaissent. Cette campagne multicanaux et multi-supports détourne ce problème issu de l’entrée dans un nouveau paradigme. Certes, les jeunes sont de moins en moins sensibles à la publicité mais une campagne 360° semble avoir été une solution efficace. Pour se placer comme employeur de référence, l’armée de terre a compris qu’il fallait savoir entrer dans les codes de la nouvelle génération, et ce en terme de présence, de contenu et de forme.
Revenons ainsi sur le traitement de ces trois points dans cette campagne 2016-2018.
Avant tout, il faut saluer l’omniprésence de l’armée de terre sur cette campagne. Ils ont su s’adapter aux contraintes imposées par leur cible : Twitter, Facebook, Instagram, Snapchat mais aussi s’appuyer sur une refonte du site, la création d’une application mobile et une simplification de la démarche administrative… Tant d’éléments neufs qui forment les prémisses d’un processus de communication réussi. Simplifier la procédure et suivre de plus près les potentiels candidats sont des innovations primordiales que l’armée de terre a su s’approprier.
Pour sensibiliser un jeune public, il faut savoir comprendre ses attentes. L’un des trois spots TV nommé « Fraternité » est ainsi un exemple parfait de cette exigence :

On peut ainsi y entendre : « Je porte l’uniforme d’une vie » ou encore « On cherche tous l’aventure et on y trouve des frères ». Le rêve d’aventure, le besoin de se sentir utile, de trouver sa place en société ainsi que celui de vivre entouré d’amis sont des réalités dont ils ont su tirer les mots justes. En effet, en 2016, l’organisation Générations Cobayes lançait une étude sur le bonheur des jeunes français. On découvrait alors que 73 % des sondés jugeaient indispensable d’exercer une activité professionnelle dans laquelle ils se sentent utiles aux autres et à la société. Ce sont donc des valeurs engageantes et simples qui parlent immédiatement à des jeunes en quête d’identité qui pourront trouver une deuxième famille dans l’armée. Et c’est justement ce travail sur l’identité que l’on retrouve de manière récurrente dans la communication de l’armée de terre qui avait nommé sa campagne précédente « Devenez vous-mêmes ». Jouer sur la carte de l’émotion et de la fraternité est ainsi un très bon premier levier.
Mais l’acte de communication ne peut se réduire au message transmis. On ne s’intéresse pas seulement au « quoi » mais aussi au « comment ». Les visages filmés ainsi que les voix enregistrées sont ceux et celles de jeunes soldats ce qui permet l’identification directe du spectateur à la recrue. Pour un public qui s’est lassé des publicités et qui est devenu hostile aux communications commerciales, la durée des spots compte également. Il faut rendre cela simple dans un souci d’efficacité : leurs spots sont courts, dans un style minimaliste qui va à l’essentiel de manière fluide, comme pour mettre au second plan l’aspect publicitaire et montrer plutôt le côté « témoignage ». Et c’est ce jeu sur la proximité qui fait de cette campagne de recrutement un succès : elle clôt le fossé entre le vrai monde et la publicité.
 
La corde de l’authenticité
C’est justement cette authenticité qui fait la force des campagnes de l’armée de terre. En communication, réaliser un spot publicitaire sans acteur, ni décor, est une technique souvent utilisée dont le nom « Real Life Advertising » parle de lui-même. Lorsque l’on analyse un autre spot de cette campagne nommé « opération extérieure » on comprend alors tout l’enjeu de cette technique :

Une vraie peinture de l’héroïsme qui nous fait comprendre le nom donné à cette campagne
« Votre Volonté. Notre Fierté ». Et qui dit peinture, dit images : ainsi, celles que nous apercevons dans ces différents films sont l’œuvre du photographe Thomas Goisque, lui-même ancien militaire ! Question authenticité, difficile de faire mieux. Ce dernier a suivi des soldats lors de véritables opérations, on ne parle donc pas de mise en scène mais bien de photo-reportage. Il est également celui qui a su capturer l’expression des visages des jeunes soldats que l’on retrouve sur les différentes affiches de la campagne :

Ces soldats témoignent réellement devant l’objectif, provoquant une sensation de véracité supplémentaire qui est elle-même accentuée par l’usage du « je ».
Ainsi, le pouvoir de l’image, du témoignage et du message de fierté sont les leviers de cette neuvième campagne. Ajoutons à cela une présence crossmédias ainsi qu’une bonne dose d’authenticité et cela nous donne un résultat incroyable, reconnu également par de nombreuses institutions : Effie 2016, Grand Prix Stratégies de la publicité 2016, Communication et entreprise 2016…
 
Steffi Noël
@SteffiiNoel sur Twitter
 
Sources :
• Dossier de presse digital, L’armée de terre. Publié en 2016, consulté le 27/05/17
• « Votre volonté, notre fierté » l’armée de terre lance sa nouvelle campagne, Laurent Lagneau, Opex 360. Publié le 09/03/16, consulté le 01/05/17.
• L’armée de terre cherche ses nouveaux héros, Sandrine Bajos, Le Parisien. Publié le 14/03/16, consulté le 01/05/17.
 
Crédits photo :
• L’armée de terre
• 1ere photo :
https://www.recrutement.terre.defense.gouv.fr/sites/sengager/files/styles/big_teaser_content_respcustom_user_desktop_1x/public/thumbnails/image/espacecomm_sengager.fr_2.jpg?itok=a9w_BK8b
• 2eme photo :
http://www.orientation-pour-tous.fr/IMG/jpg/campagne_adt_2016.jpg

Société

Blanc sinon rien

Votre peau de couleur vous dérange ? Pas de problème ! Grâce aux comprimés Snowz de Seoul Secret, votre peau sera blanche comme neige. Plus rapide encore, rendez-vous sur l’application FaceApp qui vous fait un ravalement de façade en quelques secondes. Quant à Nivea, il y avait de quoi affoler la Toile en mars dernier avec son slogan « White is purity ». Entre badbuzz, incompréhension culturelle et véritable tendance — le blanchiment de la peau inquiète.
 
« Être blanc, c’est être un gagnant »
Avoir une peau claire est un critère de beauté répandu depuis des siècles parmi les aristocraties japonaise et française qui se distinguaient ainsi des paysans travaillant en plein air. Aujourd’hui encore, les ombrelles se multiplient en Asie dès les premiers rayons de soleil. Le culte de la blancheur est aussi visible dans certains pays d’Afrique depuis le XVIIIème siècle, période où les colons ont diffusé les canons de beauté européens. Ce symbole de succès et de beauté pousse les femmes à éclaircir leur peau au plus grand plaisir des marques et de leur portefeuille.
La marque Snowz a fait beaucoup de bruit lors de la sortie de son spot publicitaire en janvier 2016 avec le slogan “Être blanc, c’est être un gagnant”. Cette publicité jugée raciste par les internautes et qui a fait scandale en France semble en revanche n’avoir pas fait de vague en Thaïlande, pays d’origine de l’égérie de Snowz. Certes, les critères de beauté sont différents d’une culture à l’autre, mais aller jusqu’à dire qu’avoir la peau noire relève d’un manque d’hygiène, cela ne relève plus seulement de spécificités culturelles mais de racisme. Il y a ici de véritables enjeux sociétaux et sociaux relatifs au respect de soi et d’autrui dans un monde globalisé où toutes les différences sont des richesses.

 
“White is purity”
Le 31 mars 2017, on a pu penser – peut-être à tort – que Nivea voulait s’emparer de la tendance du blanchiment de la peau avec sa dernière promotion sur Facebook. Néanmoins, on s’interroge sur la véritable intention de la marque au vu du slogan plus qu’explicite « White is purity ». En voulant promouvoir son déodorant « Invisible for Black & White » au Moyen-Orient, la marque Nivea a fâché nombreux consommateurs qui se sont indignés sur les réseaux sociaux jusqu’à accuser la marque de racisme.

Ce sont les suprématistes blancs qui ont salué la publicité en commentant la publication par des images d’Hitler ou de Pepe the frog.
 
Nivea has chosen our side and the most liked comments are glorious. »
Nivea a choisi notre bord et les commentaires les plus aimés sont glorieux. »
 
Cela dit, contrairement à Snowz, Nivea s’est empressée de retirer la publicité en présentant ses excuses pour cette publication « trompeuse ».
“Nous sommes profondément désolés que quiconque ait été choqué par ce post. Après avoir compris que ce post était trompeur, nous l’avons immédiatement retiré. La diversité et l’égalité sont des valeurs fondamentales de Nivea.” Porte-parole de Nivea, site de la BBC.
 
Plus beau, plus blanc
Dans un autre registre, l’application FaceApp tout juste lancée en janvier 2017, a aussi été accusée de racisme. Elle devait simplement rendre les utilisateurs “beaux” en les faisant sourire, vieillir ou rajeunir mais l’ajout d’un filtre “hot” (sexy) a fait le buzz puisque ce dernier blanchissait la peau. La blancheur de peau a effectivement été assimilée par l’application comme un signe naturel de beauté.

Le fondateur de FaceApp, Yaroslav Goncharov, s’est excusé face aux médias et a qualifié l’incident de « problème sérieux ». Pour apaiser les tensions en vue d’une rectification de l’application, le filtre a été renommé « spark » (étincelle).
 
Oups, je n’ai pas fait exprès, …
Ces exemples font état d’une tendance inquiétante qui continue de croître et où le type caucasien devient la norme de beauté dans le monde. Des femmes vont même jusqu’à enduire sur leur visage des préparations maison contenant de l’eau de javel.
Des marques comme Seoul Secret, Nivea, FaceApp et bien d’autres qui suivent cette tendance essaient de répondre à un besoin alimenté par la mondialisation et l’industrie audiovisuelle mais cautionnent par la même occasion ces pratiques contre nature et racistes.
Les marques sont de plus en plus proches de leurs consommateurs et ont donc, par leur pouvoir d’influence et de prescription, une véritable responsabilité notamment en matière de santé. Ainsi, les followers des blogueuses beauté n’hésitent pas à se couvrir le visage de produits conseillés par les youtubeuses. Néanmoins, en octobre 2015 les fans d’EnjoyPhoenix ont fait les frais d’un masque recommandé par la blogueuse, à base de cannelle qui causait des brûlures. Suite à ce scandale, beaucoup de youtubeuses ont pris conscience de cette responsabilité qui les incombe envers leurs fans, qui sont pour la plupart des adolescent(e)s.
Par ailleurs, au vu des valeurs de Nivea, qui promeut toutes les formes de beauté féminines, il était très étonnant de retrouver la marque au cœur d’un pareil scandale de racisme. Lapsus ou réelle erreur de communication? La question demeure car ce n’est pas la première fois que Nivea est accusée de la sorte. En 2011, la marque de cosmétiques incitait déjà les américains à se « reciviliser » en abandonnant barbe et coupe afro.

Buzz ou badbuzz, on parle des marques et elles s’en réjouissent. De plus, il semble que, dans ce contexte d’alerte permanente, la véritable catharsis a lieu à travers le scandale. Celui-ci devient le défouloir de toute une société avide de mouvement, d’intolérable et de diversion face au morne quotidien. Les foules peuvent prendre les marques comme boucs émissaires de leur violence et surtout de leur liberté d’expression quand elles ne les considèrent pas comme leurs plus proches amies.
Le badbuzz est généralement craint par toute entreprise, cependant on se demande parfois s’il n’est pas voulu. Dans certains cas, cette exposition médiatique semble même révéler les fantasmes cachés des marques. Chassez le naturel, il revient au galop.
 
Voiry Flore
 
Crédits :
http://nofi.fr/2015/09/le-blanchissement-de-la-peau-un-complexe-dinferiorite/23216
Capture d’écran compte Twitter Nivea
Capture d’écran compte Twitter FaceApp
Publicité Nivea
 
SOURCES :
• LEFRANÇOIS Carole
Publié le 02/03/2016
“Sur les docks” : la mode du blanchiment de la peau auscultée par France Culture »
 
• DUVAL Jean-Baptiste
Publié le 20/04/2017
Comment les grands groupes se transforment en machines à bad buzz malgré eux »
 
• BAPAUME Virginie
Publié le 16/03/2017
« Beauté noire : les dangers du blanchiment de la peau »
 
• La rédaction de France TV
Publié le 06/04/2017
« »Le blanc, c’est la pureté » : accusé de racisme, Nivea retire une publicité »
 
• La rédaction Il était une pub
Publié le 12/01/2016
« Scandale : la pub thaïlandaise raciste pour Snowz »
 
• La rédaction Le Monde
Publié le 25/04/2017
« L’application à succès FaceApp, qui rend les gens « sexys », accusée de racisme »
 
• LORRIAUX Aude
Publié le 19/08/2011
« Nivea retire une publicité accusée de racisme »

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Politique

Fake news et autres perlimpinpineries

Les fake news (ou littéralement fausses nouvelles) : qui n’en a pas entendu parler ? Elles ont déterminé et requalifié le vote de nombreux électeurs, que ce soit durant les présidentielles américaines ou durant la campagne du Brexit.
Mais la véritable question n’est pas tant de savoir si nous sommes tous individuellement égaux face à ces fake news que de comprendre pourquoi celles propagées lors de la campagne présidentielle française n’ont pas su trouver prise. Pourquoi n’avons-nous pas mordu à l’hameçon comme des millions d’électeurs avant nous ailleurs dans le monde ? Est-ce une question de culture, ou bien d’autres paramètres d’ordre technique sont-ils à prendre en compte ? D’où vient cet écart entre la perception de l’information américaine ou britannique et la perception française, si tant est que nous puissions définir l’information selon une pseudo-identité culturelle ?
 
Internet, cette nouvelle tyrannie ?
Ces fausses nouvelles sont notamment le résultat connexe de plusieurs causes. Spirale du silence, tyrannie des agissants, audiences invisibles et filter bubbles (« bulles de filtre ») en sont les principales composantes qui, lorsqu’elles sont mises bout à bout, font d’Internet un espace de liberté, certes, mais où toutes les opinions ne sont pas également percevables.
Si la théorie sociologique et de science politique de la spirale du silence* est assez connue et a façonné dans les années 1970 l’idée que nous nous faisons de ce que l’on nomme les « mass-médias », il peut sembler intéressant ici de s’intéresser à la notion de « tyrannie des agissants ». Dominique Cardon, qui a développé le concept, décrit le phénomène en ces termes : « On est tous égaux a priori, mais la différence se creuse ensuite [ …] entre ceux qui agissent et ceux qui n’agissent pas. Internet donne une prime incroyable à ceux qui font.
Et du coup, il peut y avoir une tyrannie des agissants. » Pendant l’élection de Trump, on a pu se rendre compte des effets néfastes du phénomène de la tyrannie des agissants dans la mesure où ceux qui se sont le plus exprimés sur les réseaux sociaux sont ceux proférant des propos racistes ou misogynes. Cette tendance ne fait que renforcer la force des fausses nouvelles et de la désinformation car ces individus « agissants » gagnent en visibilité tandis que les tentatives de ré-information des médias traditionnels sombrent dans une partie silencieuse des électeurs qui, sans être agissants, ne relaient ces informations qu’avec leur propre audience.
 
Prise de conscience réelle ou indifférence manifeste ?
Lors de la campagne en faveur du référendum pour quitter l’Europe, les « Brexiteers » (ceux qui souhaitaient voir le Royaume-Uni sortir de l’UE) ont eu recours à un certain nombre de ces fausses nouvelles sur lesquelles ils sont ensuite rapidement revenus**.

Pour ce qui est des présidentielles américaines – bien que les experts de la CIA, du FBI et de la NSA ne se prononcent pas encore sur les potentiels effets de cette campagne de désinformation sur l’élection de D. Trump – il est certain que la divulgation d’informations compromettantes pour la candidate démocrate via le site Wikileaks à quelques jours de l’élection présidentielle n’a pu jouer qu’en sa défaveur. Mais en France, cela n’a pas entraîné de tournant majeur dans la campagne présidentielle. Car le candidat de En Marche !, bien qu’il ait lui aussi dû faire face à une massive et soudaine campagne de désinformation, et ce à quelques jours de l’une des élections les plus importantes de notre Vème République, est aujourd’hui président. En effet, l’évocation de l’existence d’un compte offshore (relayée sur Twitter et lors du débat par des membres de l’alt-right US, Jack Posobiec et William Craddick), ainsi que le hacking par des partisans du régime russe et la fuite (encore via Wikileaks) de documents de campagne, parfois en provenance de Macron lui-même, aurait pu nuire à son élection – mais il n’en fut rien. Aussi, en dépit du MacronGate et de la naissance du hashtag #MacronLeaks sur Twitter, l’impact a été considérablement moindre.

La période de réserve pré-élection*** a empêché les journaux français de s’emparer de l’affaire et réduit l’effet de tyrannie des agissants. Cette période de réserve ne s’étend cependant pas au reste du monde (notamment à la presse belge et suisse) qui ont pu, en s’exprimant, jouer de l’impuissance des candidats à se défendre. Mais cette période, qui aurait pu défavoriser des candidats incapables de se défendre, n’a finalement rien changé. En outre, des dispositifs avaient été élaborés par les membres de campagne de Macron pour parer à ce genre d’éventualité de hacking, membres tout aussi avertis que n’importe lequel des citoyens face au risque de surgissement des fake news dans la mesure où les dernières élections avaient été polluées par ce genre de scandale (The New York Times, pour n’en citer qu’un), et c’est probablement ce qui joué en notre faveur à tous… Mais pouvons-nous vraiment blâmer les Américains et leur reprocher d’être tombés dans le piège des fake news ? Non ; pas plus que nous pouvons nous croire plus malins pour avoir su le contourner. Ainsi, nous pouvons donc légitimement penser que c’est uniquement cette prise de recul, mêlée à d’autres paramètres encore indistincts (comme peut-être des critères plus sociologiques et peut-être culturels ), qui a permis une certaine lucidité sur le phénomène, lucidité que les Américains, face à la brutalité de ce surgissement nouveau des fake news, n’avaient pas encore pu acquérir.

L’égalité face aux fake news : le vrai cœur du problème ?
Comme le souligne The New York Times, le contraste est particulièrement frappant avec les Etats-Unis : l’annonce du hacking des documents de campagne de Macron n’a été accueillie que par « silence, dédain et mépris ». S’il est sûrement trop tôt pour pouvoir savoir si nous sommes tous soumis au même régime face au phénomène de la désinformation, cela a le mérite de soulever un autre problème. A ce sujet, une citation de Hannah Arendt fait particulièrement sens : « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce qu’il vous plait ». Alors il peut paraître bon de rappeler, comme un avertissement, que l’indifférence dont nous avons fait preuve est peut-être bien plus dangereuse que ces fake news en elles-mêmes.
 
Lina Demathieux
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/lina-demathieux-775745135/
 
*développée par la sociologue allemande Elizabeth Noelle-Neumann
**contrairement à ce qu’on a répété pendant toute la campagne par exemple, Londres ne versait non pas 350 millions de livres par semaine à Bruxelles, mais 136 millions.
***: selon la CNCCEP (Commission nationale de contrôle de la campagne électorale), pendant deux jours, « toute activité à caractère électoral doit cesser » . En effet, la CSA explique que durant cette période, «il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale». « La campagne s’arrête pour que les citoyens aient un temps de réflexion et ne reprend qu’au moment où les votes sont clos.»
 
Sources :
MOULLOT Pauline, « Fausses informations, vraies conséquences », Libération http://www.liberation.fr/planete/2017/02/17/fausses-informations-vraies-consequences_1549282 Paru 17/02/17, consulté le 12/05/17
DONADIO Rachel, « Why the Macron Hacking Attack Landed With a Thud in France », The New York Times https://www.nytimes.com/2017/05/08/world/europe/macron-hacking-attack-france.html?_r=0 Paru le 08/05/17, consulté le 12/05/17
SHLINDER R. Robert, « Putin Declares War on the West », Observer http://observer.com/ 2017/05/vladimir- putin-kremlin-wikileaks-france-germany-election-interference/ Paru le 08/05/17, consulté le 12/05/17
KOTELAT Didier, « Les « Macron Leaks », itinéraire d’une opération de déstabilisation politique », RTS INFOS https://www.rts.ch/info/monde/8599552-les-macron-leaks-itineraire-d-une-operation-de-destabilisation-politique.html Paru le 06/05/17, consulté le 13/05/17
MATHIOT Cédric, « Fake news, retournez d’où vous venez ! », Libération http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/05/10/fake-news-retournez-d-ou-vous-venez_1568574 Paru le 10/05/17, consulté le 13/05/17
NOSSITER Adam, SANGER E. Davaid and PERLROTH Nicole, “Hackers Came, but the French Were Prepared”, The New-York Times https://www.nytimes.com/2017/05/09/world/europe/hackers-came-but-the-french-were-prepared.html Paru le 06/05/17, consulté le 13/05/17
ALBERT Eric, « Les approximations des partisans du « Brexit » sur la contribution du Royaume-Uni à l’UE », Le Monde http://www.lemonde.fr/referendum-sur-le-brexit/article/2016/06/04/les-approximations-des-partisans-du-brexit-sur-la-contribution-du-royaume-uni-a-l-ue_4935129_4872498.html Paru le 04/06/16, consulté le 13/05/17
DEBORDE Juliette, « Ce qu’on peut dire (ou pas) sur les réseaux sociaux ce week-end », Libération http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/05/05/ce-qu-on-peut-dire-ou-pas-sur-les-reseaux-sociaux-ce-week-end_1567279 Paru le 05/05/17, consulté le 16/05/17
Comment la presse veut survivre face aux « fake news », Challenges https:// challenges.fr/media/presse/comment-la-presse-veut-survivre-face-aux-fake-news_460190 Paru le 13/03/17, consulté le 13/05/17
Z, « A Lire Absolument. Comprendre le phénomène des « fakes news » – Spirale du silence, tyrannie des agissants et Pensée tribale : « La langue des dictateurs » (comment les élites bernent le peuple) » , Le blog de la résistance https://resistanceauthentique.net/2017/02/17/comprendre-le-phenomene-des-fakes-news/ Paru le 17/02/17, consulté le 13/05/17
https://fr.wikipedia.org/wiki/Spirale_du_silence Consulté le 15/05/17
BELAICH Charlotte, « «Période de réserve» : de quoi peut-on parler ce week-end ? », Libération http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/21/periode-de-reserve-de-quoi-peut-on-parler-ce-week-end_1564254 paru le 21/04/17, consulté le 18/05/17
 
Crédits photos :
Photo de couverture : http://www.snopes.com/2017/04/24/fake-news-french-elections/
Car de déplacement des pro-Brexit lors de la campagne : https://static.independent.co.uk/s3fs-public/styles/article_small/public/thumbnails/image/2017/02/08/09/ gettyimages-576855020-0.jpg
Tweet de Jack Posobiec: http://md1.libe.com/photo/1019546-posobiec.png? modified_at=1494051841&width=750
Infographie : https://visionarymarketing.fr/blog/wp-content/uploads/2017/04/new-piktochart_22000118_3ad8a8beb17567d28f1b9f95e2a2d6f88b3e09b1.png

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Société

Touché… Coulé !

Si les bad buzz de Touche Pas à Mon Poste font bien souvent le buzz, celui du 18 mai s’abat tel une épée de Damoclès sur l’émission phare de C8 et en particulier sur le présentateur Cyril Hanouna. L’affaire secoue les médias, les annonceurs, les associations LGBT, les téléspectateurs, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)… posant ainsi la question de la survie de l’émission ou du moins de la légitimité du présentateur à garder sa place. Il n’est pas ici question d’entrer dans le débat de savoir si oui ou non le canular de Cyril Hanouna était homophobe mais bien d’adopter une vision communicationnelle des faits.
« J’aime charrier, c’est même devenu ma marque de fabrique » Cyril Hanouna
Comme le confie le présentateur, la provocation est emblématique de TPMP. Malgré son succès que l’on évalue à 1,5 million de téléspectateurs chaque soir, les limites sont trop souvent franchies, ce qui confère à l’émission une réputation de plus en plus controversée. Un des faits les plus marquants fut le baiser (forcé) du chroniqueur Jean-Michel Maire sur les seins de Soraya Riffi. Mais pourquoi l’émission continue-t-elle à jouer avec le feu vous demandez-vous ? C’est en partie parce que cette « prise de risque » demeure un moyen efficace de maintenir l’audience pour une émission dans laquelle le contenu n’a pas de réel fondement.

Quel mécanisme se cache derrière tout ça ? Ce modèle s’inscrit dans une stratégie bien construite, qui rappelle notamment celle de la télé-réalité et qui consiste en la mise en scène du clash. En effet, le scandale, le voyeurisme ou encore le croustillant sont autant d’éléments qui attirent les téléspectateurs et qui incitent par la même à la critique. TPMP ne cherche pas l’adhésion de tous mais bien au contraire la confrontation, les élans médiatiques ou encore le bouche-à-oreille ; et c’est en cela que l’émission est alimentée jour après jour comme si de rien n’était. Ce mécanisme participe d’une forme d’économie du remplissage incarnée par l’omniprésence du commentaire que l’on retrouve également dans les émissions de télé-réalité.
 
L’heure est grave !

Lu, Chanel, EasyJet, DisneyLand, Petit Navire, Bosch, Décathlon, Pringles, Guerlain, Orange, SFR, et bien d’autres encore ont ancré sur Twitter dès le lundi 22 mai leur volonté de retirer leurs publicités du créneau horaire de l’émission. Une des questions que l’on se pose est : l’émission phare de C8 va t-elle survivre ? Le monde médiatique est orchestré de telle sorte que sans l’apport financier des annonceurs, il est compliqué de survivre.
Pour avoir un ordre d’idée, TPMP coûte à la chaîne 80 000 euros par jour et les rentrées quotidiennes des investissements publicitaires s’élèvent d’ordinaire à 150 000 euros (selon les chiffres du journal Le Monde). Suite à l’annonce mercredi 24 mai de la régie publicitaire de Canal +, Touche Pas à Mon Poste a été diffusée sans aucune publicité. Cyril Hanouna prend la situation avec le sourire. Néanmoins, comme le soulève Pierre-Jean Bozo, directeur général de l’Union des annonceurs, « les marques vont demander des engagements du producteur et de la chaîne pour qu’il n’y ait plus ce genre de dérapages » avant de revenir.

 
Un déferlement médiatique

 

Si lors des précédents scandales le malaise était déjà présent, la donne n’est pas de la même ampleur pour celle du 18 mai. Les articles fusent dans la presse généraliste, les internautes se déchaînent sur les réseaux sociaux, le CSA intervient sur Twitter, les youtubers n’hésitent pas à manifester leur avis cinglant sur les faits, les associations LGBT suivent l’affaire de près, les chroniqueurs radio rebondissent sur le scandale… Vous l’aurez compris, le monde médiatique (au sens large) a les yeux rivés sur cette affaire.
Il suffit simplement de se rendre sur l’outil Google Trends pour se rendre compte statistiquement que le l’intérêt pour le sujet a subi une montée faramineuse.
Si à première vue l’émission semble être au plus bas, il est possible que la médiatisation massive de ce bad buzz serve finalement la promotion de l’émission et permette une rétention des plus fidèles téléspectateurs.

 

Un rythme d’accusation contrasté
Le contraste entre les délais d’instruction du CSA et les réactions sur les réseaux sociaux, ainsi que le retrait massif des publicités des annonceurs est frappant. Dans un monde où l’information passe par une oreille et ressort immédiatement par l’autre, une mise en cause tardive de TPMP aura nécessairement un impact moindre que si elle était effectuée à « chaud ». Le CSA n’a pas attendu d’utiliser Twitter pour diffuser un message de redirection vers sa page destinée aux plaintes mais désormais les 25 000 individus veulent des résultats.

 

Nous observons alors une contradiction temporelle entre la viralité que permet le réseau social et les moyens d’actions du CSA. En effet, comme nous pouvons le constater sur le communiqué de presse du 23 mai, il ne peut agir sans l’intervention d’un rapporteur indépendant.
 
Une tentative d’apaisement ?
La lettre ouverte de Cyril Hanouna publiée dans Libération le 23 mai a été tardive mais entendue, de même que les excuses de la patronne de la régie, Francine Mayer, auprès des annonceurs. La nouvelle secrétaire d’État, Marlène Schiappa, a de son côté annoncé vouloir rencontrer Cyril Hanouna : « au lieu d’appeler à sa démission, je souhaite être dans un dialogue avec lui » affirme t- elle. Marlène Schiappa considère que devant une audience composée en grande majorité de jeunes, l’homme a une grande responsabilité à tenir.
À suivre…
 
Pauline Baron
www.linkedin.com/in/pauline-baron-45826a136
Sources
Joël Morio, « C8 à la merci de Cyril Hanouna », Le Monde, 26/05/17, http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/05/26/c8-a-la-merci-de-cyril-hanouna_5134483_1655027.html

Cyril Hanouna : «Ce sketch n’avait pas lieu d’être», Libération, 23/05/17, http://www.liberation.fr/futurs/2017/05/23/cyril-hanouna-ce-sketch-n-avait-pas-lieu-d-etre_1571758
Marin Chassagnon & Anthony Berthelier, « La liste des annonceurs qui lâchent Hanouna et TPMP s’allonge, C8 essaye de sauver les meubles », Huffington Post, 23/05/17, http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/23/la-liste-des-annonceurs-qui-lachent-hanouna-et-tpmp-sallonge-c_a_22105066/
« Affaire Hanouna, que fait le Conseil supérieur de l’audiovisuel ? », Le Monde, 27/05/17, http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/05/27/affaire-hanouna-que-fait-le-csa_5134727_3232.html
Jamal Henni, « La publicité dans les émissions de Cyril Hanouna suspendue « pour un temps » », BFM Business, 25/05/17 http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/la-publicite-dans-les-emissions-de-cyril-hanouna-suspendue-pour-un-temps-1171788.html
« Homophobie dans TPMP : la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa veut rencontrer Hanouna », Le Parisien, 27/05/17, http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/homophobie-dans-tpmp-la-secretaire-d-etat-marlene-schiappa-veut-rencontrer-hanouna-27-05-2017-6988647.php
 
Crédits photo
http://www.lexpress.fr/actualite/medias/hanouna-et-l-homophobie-l-animateur-multiplie-les-sequences-jugees-humiliantes_1909903.html
http://images.midilibre.fr/images/2017/05/23/1511371_772_une-hanouna_667x333.png?v=1 Capture d’écran Twitter Orange France https://twitter.com/Orange_France/with_replies Capture d’écran Twitter Guerlain, https://twitter.com/Guerlain/with_replies

Capture d’écran Google Trends, https://trends.google.fr/trends/explore?date=today%203-m&q=%2Fm%2F0h96rwf
Captures d’écran Twitter CSAudiovisuel, https://twitter.com/csaudiovisuel

Société

Les eldorados contemporains : voyage en terre inconnue

À l’ère de l’abolition de la notion de distance, voyager est une activité facile. Grâce à Internet, réserver un billet d’avion ou un logement devient un jeu d’enfant. Mais qu’est-ce que voyager après tout ? Du simple séjour touristique à l’expatriation prolongée, tout un imaginaire du voyage se déploie, jusqu’à doter certains pays étrangers d’une aura particulière, en les hissant presque au rang d’eldorados. Certaines destinations semblent pourvues d’une réelle force d’attraction touristique, jusqu’à devenir le graal du voyageur.
Le voyage est mis en scène, non plus comme une simple activité touristique mais comme mode de vie, véritable catharsis du monde contemporain. Cette communication autour de destinations prétendument rêvées est incontestablement un appel à partir. Proposition de vie meilleure ou e-tourisme ?
 
Voyager avec les yeux
En tant qu’internautes, nous sommes sans arrêt sollicités par de nombreuses images. À l’heure de l’hypermédiatisation, le partage des photos de vacances est une pratique courante. Les réseaux sociaux sont l’écrin parfait pour cela : par exemple, Instagram, en tant que média de l’image, permet de raconter photographiquement une aventure vécue. S’instaure alors une sorte de storytelling du voyage : il s’agit de montrer l’ailleurs pour sortir de son quotidien, tout en magnifiant le lieu photographié et ainsi effectuer un voyage d’abord visuel. De nombreux bloggeurs partagent leurs périples sur les réseaux sociaux, devenus les guides touristiques 2.0.

Les réseaux sociaux sont alors les instigateurs d’invitation au voyage virtuel. Des sites web spécifiques au voyage font leur apparition, afin de partager un imaginaire commun. C’est le cas du site web « Topito Voyage », qui se présente sans prétention avec la formule « L’expertise de Topito pour parler aux voyageurs. Des listes pour sourire, découvrir, et tuer le temps dans le train (dans l’avion, ce n’est pas prudent) ». Le mouvement de scroll voulu par le principe de la liste permet de faire défiler toutes les destinations éventuelles et ainsi d’ouvrir le champ des possibles. Le site web nous fait voyager en 10 ou 20 points, et toujours avec humour. Topito Voyage n’a pas de vocation touristique mais adopte un autre ton pour parler à tous les férus de voyage.

Voir c’est bien, mais faire c’est mieux. Quand on est invité à voyager virtuellement, comment passer de l’image à la réalité ?
 
L’expatriation enchantée
La communication autour de destinations lointaines n’est pas seulement affaire de quelques photographies : c’est un appel au rêve, et parfois à l’exil. Les paysages présentés dans les photographies des agences de voyage, dans les guides touristiques, ou encore sur les réseaux sociaux, sont souvent idylliques. On nous glisse sous les yeux des paysages grandioses, épurés et souvent sans signe de présence humaine. Cette situation contraste grandement avec nos cadres de vie, urbanisés, désenchantés par la quotidienneté. Au centre du discours, la photographie parle d’elle-même et suscite un fort désir d’évasion.

Cette photo vous fait rêver ? Ce paysage vous dit quelque chose sans jamais y avoir mis les pieds ? C’est normal. Cette photographie reprend tous les codes de la destination idéale : éloignement géographique, pureté du paysage, couleurs resplendissantes, sans aucune trace de passage humain. En outre, certains pays ont la côte, et pour cause : leur situation souvent littorale en fait des lieux paradisiaques dans l’imaginaire commun et participe de notre représentation de l’exotisme. Considérées comme idylliques de par leur décor, certaines destinations prennent une dimension d’idéal dans l’inconscient collectif. Ainsi, cette idéalité visuelle façonne un imaginaire de l’expatriation positive et même bénéfique. L’expatriation apparaît alors comme enchantée, bénéfique pour le voyageur. Celui-ci est appelé à partir, et à vivre une expérience unique.
C’est ce sur quoi Airbnb s’appuie pour communiquer : en promettant une « expérience » singulière, le site web prône des valeurs de partage et de solidarité en dépouillant presque son discours de valeur marchande. Le voyageur n’est plus un consommateur ni un touriste mais un jeune explorateur de type « backpacker » en quête d’expériences de vie. Airbnb dépasse la notion de tourisme pour proposer des savoir-faire individualisés, petits morceaux de vie partagés généreusement.

Expériences de vie narrées, témoignages, tout est réuni pour appeler le voyageur à s’expatrier pour son bien. Quand certains rêvent de tout plaquer et partir, d’autres le font réellement.
 
Pourquoi pas vous ?
Certaines destinations, comme la Nouvelle-Zélande, semblent idéales pour s’expatrier. La force d’attraction touristique de ce pays vient du fait qu’il semble éloigné des problèmes politiques et sociétaux contemporains que nous vivons aujourd’hui. L’émission 66 minutes s’est concentrée sur les expatriés français en Nouvelle-Zélande dans un reportage intitulé « Grand format : Auckland, Nouvelle-Zélande, le nouveau rêve français ». Par le biais de récits de reconversions réussies et de nouveaux départs féconds, le pays apparaît comme un renouveau pour les Français venus s’y installer.
Rien n’y semble difficile et tout y semble possible. À travers différents profils tels qu’une jeune fille d’une vingtaine d’années, un couple qui attend un enfant, une famille nombreuse, le reportage dévoile un programme de vie dont le slogan pourrait être « un nouveau pays pour une nouvelle vie ». Ces personnes lambda démontrent qu’au-delà de l’image d’eldorado de la Nouvelle-Zélande, une autre vie vous attend peut-être ailleurs.
L’imaginaire du voyage est prégnant sur Internet et les réseaux sociaux. Entre rêve et réalité, le voyage apparaît comme un moyen de se détacher de son quotidien désabusé et d’embrasser la diversité qu’offre le monde. Comme le dit le dicton « L’herbe est toujours plus verte ailleurs ».
 
Diane Nivoley
https://www.linkedin.com/in/diane-nivoley/
 
Sources :
http://www.6play.fr/66-minutes-p_825/grand-format-emission-du-09-avril-c_11674396
Crédits :
Compte Instagram de « travelmehappy »
Photographie de Promovacances
Topito Voyage
Airbnb

Politique

Le président Duterte, boucher des Philippines

Lundi 8 mai 2017, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a officiellement lancé un avertissement au Président philippin, Rodrigo Duterte, condamnant ses représailles sanglantes lancées contre les trafiquants de drogue. Pas moins de 7000 personnes ont été victimes de cette politique depuis son commencement en juillet 2016. Cette prise de conscience à l’échelle internationale constitue un premier pas très attendu par des ONG telles qu’Amnesty International ou Human Rights Watch, qui n’ont cessé de souligner la violence des exactions commises au sein de la population philippine.
Duterte attire de plus en plus l’attention des médias à cause de sa guerre contre les drogues. Il a aujourd’hui sur la scène internationale l’image d’un dictateur fou, tant pour sa politique anti-stupéfiants, que pour ses relations avec les instances mondiales. Une facette de l’homme qui, si elle est indéniable, pourrait cependant en cacher une autre encore plus imprévisible.
La guerre des drogues, le prétexte à une démonstration de force
Rodrigo Duterte sait jouer de son image pour s’affirmer en personnage autoritaire et dissident. En effet, le Président n’hésite pas à s’asseoir ostensiblement sur les droits humains. Les premiers mois qui ont suivi son élection, il enclenchait une lutte anti-drogue violente par cette allocution à l’égard des citoyens : « Sentez-vous libre de nous appeler, nous la police, ou de le faire [tuer un criminel] vous-mêmes si vous êtes armés… vous avez mon soutien ». Le Président n’hésite donc pas à appeler au meurtre au sein de la population, jusqu’à proposer des mises à prix allant de 3 millions de pesos (57 000€) pour un dealer tué à 5 millions de pesos (95 000€) pour un chef de gang ou un grossiste.
En réponse aux inquiétudes des grands chefs d’Etats étrangers, le Président avait gratifié l’ONU d’un « Je les emmerde » en même temps qu’il envoyait « se faire foutre » l’Union Européenne. Sa politique violente « d’épuration » des drogués, comme il aime à l’appeler, a attiré l’attention des médias qui lui ont attribué le surnom « Shérif Duterte ».
Les actions anti-drogue servent au Président philippin à se forger une personnalité forte en faisant passer un message autoritaire et en instaurant un climat de peur. Rodrigo Duterte n’est pas le premier dans le monde asiatique à mettre le fléau des drogues au service de sa communication. On peut notamment citer l’Indonésie, pays qui n’a aucune indulgence envers les individus liés à la drogue. La lutte contre les problèmes de stupéfiants aux Philippines, bien qu’ils soient réels et dramatiques, est un prétexte à la mise en place de processus anti-démocratiques. En prétendant combattre la corruption, Duterte produit l’effet inverse. D’abord ses déclarations encouragent la formation de milices, responsables d’exécutions sommaires (environ 4 049 personnes depuis juillet 2016).
D’autre part, les policiers en fonction sont souvent payés pour tuer, allant parfois même jus- qu’à obtenir une rétribution d’organismes d’obsèques en échange de cadavres. Michael Siaron, une victime parmi d’autres, était chauffeur de cyclopousse. Toxicomane, il a été abattu en pleine rue en juillet 2015. La photographie de la jeune femme tenant son compagnon contre elle, est devenue le symbole de l’horreur que subissent les Philippins.

Celui qu’on nomme aussi The Punisher (ou « Le Punisseur ») a récemment reconnu la corruption qui régnait au sein des forces de l’ordre. Dans le respect de son état d’esprit, il a néanmoins certifié qu’il maintiendrait sa campagne anti-drogue dévastatrice jusqu’en 2022. Duterte manie d’ailleurs l’art de la mise en scène, annonçant la remise d’une médaille, forme de reconnaissance nationale, pour quiconque exécuterait des cibles ayant un lien avec la drogue; consommateur ou vendeur, dangereux ou inoffensif.
Une bataille d’interprétation
Avec l’appel lancé par l’ONU, les représentants de plusieurs pays dont le Canada, la France, le Brésil ou encore le Ghana demandent la mise en place d’enquêtes sur ces exécutions. Amnesty International dénonce aussi dans un rapport récent les incitations au meurtre, tandis que des centaines d’ONG invitent le Président Duterte à adopter des méthodes de lutte plus démocratiques, comme l’instauration de procès ou la suppression de la peine capitale, rétablie alors qu’elle était abolie depuis 2006.
Face à ces injonctions, le sénateur philippin Alan Cayetano, proche du président, remet en cause une « campagne des défenseurs des droits de l’homme et des médias pour déformer la politique anti-drogue du gouvernement », allant même jusqu’à affirmer qu’il n’y a pas eu de récentes vagues d’exécutions. Pour sa défense, le gouvernement philippin n’hésite pas à accuser les institutions internationales de vouloir empêcher la lutte anti-drogue.
La face insoupçonnée du « Punisher »
Les médias se concentrent à juste titre sur les massacres perpétrés aux Philippines. Pour autant, la guerre anti-drogue prend source dans un projet réformiste surprenant. Le but du Président est d’engager un progressisme social dans un pays qu’il sait très en retard en la matière. Ses réformes ne sont pas du goût de tous. La Conférence des évêques catholiques des Philippines critique sévèrement Duterte, officiellement pour les actions violentes qu’il mène, mais surtout parce qu’elle est une opposante farouche à son programme social. La vision sociale du Président vise étonnement à accorder le droit au divorce, à financer les plannings familiaux, et même à instaurer le mariage pour tous. En matière de réforme économique, le chantier envisagé n’est pas non plus des moindres, et repose sur l’idée d’industrialiser le pays.
Le projet de Duterte est de faire entrer les Philippines dans la modernité. Le Président est conscient que la corruption et le trafic de drogue gangrènent le pays et le plongent dans l’immobilisme. C’est pourquoi il considère que l’élimination de ce fléau est un préalable nécessaire à toute réforme en profondeur.
Si cet élan progressiste ne devrait pas être tant éludé par les médias internationaux, on leur pardonne de le faire passer au second plan, derrière le problème de la lutte anti-drogue. L’un dans l’autre, le jeu est loin d’en valoir la chandelle.
Déborah Malka
Crédits photos :
• Couverture et Michael Siaron : Noel Celis / AFP
Sources :
• BONNET François-Xavier, « Crimes et réformes, les multiples visages », Le Monde Diplo- matique, publié en mai 2017, consulté le 11/05/2017.
• CAILLART Théo, « Philippines : la chasse aux consommateurs et aux trafiquants de drogues et ouverte », Newsweed, publié le 04/08/2016, consulté le 11/05/2017
• GUIEN Thomas, « Rodrigo Duterte : un an déjà ! Le meilleur du pire de ses sorties », LCI, mis en ligne le 07/05/2017, consulté le 12/05/2017.
• SCHAEFFER Frédéric, « Cette nuit en Asie : aux Philippines la guerre sans fin du président Duterte contre la drogue », Les Echos, mis en ligne le 30/01/2017, consulté le 11/05/2017.
• THIBAULT Harold, « Aux Philippines, une pause dans la sanglante guerre contre la drogue », Le Monde, publié le 31/01/2017, consulté le 11/05/2017.
• VAULERIN Arnaud, « La macabre lutte anti-drogue de Duterte aux Philippines, Libération, mis en ligne le 19/07/2016, consulté le 12/05/2017.
• « Cette photo raconte l’horreur de la guerre contre la drogue aux Philippines », L’OBS, mis en ligne le 05/08/2016, consulté le 13/05/2017.
• « La lutte anti-drogue aux Philippines sur la sellette à l’ONU », VOA Afrique, mis en ligne le 08/05/2017, consulté le 11/05/2017.