Publicité et marketing

Les bloqueurs de pubs, sauveurs en toc ?

L’une des choses qui nous insupporte le plus lorsque l’on navigue sur Internet, outre les temps de chargement et les bugs, c’est la pub. Omniprésente, sa surabondance et son trop récurrent manque de pertinence ont conduit à un ras-le-bol généralisé des internautes. Des concepteurs de logiciels ont alors décidé de s’engouffrer dans la mode du do not track pour y proposer leurs services.
Le plus connu, Ad Block, créé en 2006 par Wladimir Palant, suscite la polémique. Accusé par certains de violer la propriété intellectuelle des producteurs de contenus gratuits en ligne en leur coupant leur unique source de revenus, il est encensé par d’autres le voyant comme un service pro-consommateur et libertaire. Mais où est la vérité dans tout cela ? Les bloqueurs de pub sont-ils réellement pro-consommateurs ou ne s’agit-il que d’une imposture ? Pour le découvrir, il nous faut d’abord comprendre comment circulent les publicités sur Internet.
La pub sur Internet : marchés automatisés et ciblage
Auparavant, deux grands problèmes contrariaient les affaires des annonceurs sur Internet : les modalités du dispositif d’achat et de vente d’espace publicitaire, et le manque de ciblage des annonces.
Le dispositif d’achat et de vente d’espace publicitaire
Avant 2010, le marché de la publicité sur Internet est entièrement calqué sur le modèle simple et institué des médias traditionnels, composé de trois acteurs : des éditeurs (un site d’information par exemple) qui vendent de l’espace publicitaire, des annonceurs qui achètent ces espaces, et des agences (telles que Havas ou Publicis) servant d’intermédiaire entre les deux parties. Ce modèle est encore utilisé sur Internet, mais concerne surtout les échanges entre éditeurs et annonceurs qui se connaissent bien, qui ont l’habitude de traiter ensemble.
Il a en effet le défaut d’être assez mal adapté au fonctionnement d’Internet. Sur le web, tout va plus vite, et l’audience d’un site internet proposant des contenus gratuits a moins de valeur que celle d’un média matérialisé, car on s’attarde plus sur un magazine ou une émission TV que sur une page Internet. C’est donc le dispositif de l’échange entre éditeurs et annonceurs qui doit être modifié, selon deux critères : l’instantanéité de la transaction et la faiblesse des coûts.
C’est pour cela qu’à partir des années 2010 est arrivé l’achat programmatique, appelé de manière générique Ad Exchange. Les ad exchanges sont des plateformes de marchés automatisés où s’achètent et se vendent des espaces publicitaires en moins de 120 millisecondes par page et par internaute, sous la forme d’enchères en temps réel. Dans ce système on retrouve le triptyque éditeur/agence/annonceur, mais s’y ajoutent d’autres intermédiaires, chacun spécialisé dans un type de format de publicité précis (vidéo, display, native advertising ou autre) : d’un côté les SSP (Supply-Side Platform), qui vendent l’espace publicitaire des sites, et de l’autre les DSP (Demand-Side Platform), qui offrent une interface pour gérer les campagnes des annonceurs.
En moins de 120 millisecondes, cinq opérations sont réalisées sur ces plateformes : l’internaute arrive sur une page web, l’impression de publicité pour cet internaute est mise aux enchères, des acheteurs proposent une enchère, l’enchère la plus élevée gagne l’impression, et le gagnant sert sa publicité.
Le succès de ces Ad Exchanges est tel que la plupart des grandes sociétés informatiques ont développé leur propre plateforme : Microsoft avec App Nexus, Yahoo! avec Right Media, ou encore Orange avec Ad Market. La rapidité et la faiblesse des coûts sont au rendez-vous, mais reste à proposer des annonces pertinentes, c’est-à-dire en adéquation avec les goûts de l’internaute présent sur la page.

Le ciblage des annonces
C’est Google qui a trouvé la solution – et ce bien avant la création des ad exchanges – avec une fonctionnalité permettant aux annonceurs d’afficher des publicités correspondant aux mots-clés tapés par les utilisateurs dans leurs différentes recherches : Ad Words. Grâce à cela, un internaute aura l’agréable surprise, après avoir visité un site commercial, de voir des petits encarts lui présentant des articles consultés ou bien en étroit rapport avec ceux-ci s’afficher sur tous les autres sites sur lesquels il se rendra.
Ces deux phénomènes concomitants – le ciblage des publicités pour chaque internaute et leur diffusion ultra-rapide et surabondante – ont pourtant eu un effet que les annonceurs, pris dans leur appétit insatiable de ventes et de notoriété, n’ont pas vu venir : un ras-le-bol généralisé. Les consommateurs, las d’être envahis de publicités, ont commencé à se plaindre, et ont été entendus par des sociétés proposant de bloquer les publicités intrusives. Reste à savoir si ces services sont aussi désintéressés et efficaces qu’ils prétendent l’être.
Les bloqueurs de pub, une imposture ?
La mode du blocage de pub a certes démarré avec la création d’Ad Block en 2006, et sa pérennisation en entrant dans le groupe Eyeo en 2011, mais c’est en 2013 qu’elle atteint une ampleur jusqu’alors inégalée en France quand Free annonce le blocage automatique de toutes les publicités Google pour l’ensemble de ses clients, à l’occasion de la mise à jour de sa Freebox Revolution. D’autres ont alors suivi, comme Microsoft avec une fonctionnalité dans Internet Explorer 10, et Mozilla Firefox, avant de se rétracter.
Cela peut sembler assez paradoxal pour ces groupes de bloquer la publicité, mais ce blocage est en réalité plus stratégique qu’éthique. Le vrai objectif de Free en faisant cette annonce est double : obtenir un accord de trafic payant avec Google, et renforcer son image de marque proche de ses clients, soucieuse de leur « expérience de navigation ». Les bloqueurs de pub ne sont donc pas désintéressés, encore moins Ad Block.

Le logiciel, dont le slogan est « Surfez sans désagréments ! », se positionne du côté des consommateurs, dont il veut améliorer les conditions d’accès aux contenus sur le web. Pourtant son action n’est pas tout à fait morale. En supprimant les publicités dites « intrusives », il supprime l’unique source de revenus des éditeurs et des producteurs de contenus en ligne, ce qui est potentiellement illégal. En effet, cela peut être assimilé à de la violation de la propriété intellectuelle puisqu’on considère que sur une page web la publicité fait partie intégrante du contenu, tant parce qu’elle y a sa place, délimitée spatialement, que parce qu’étant une source de revenus, elle permet au contenu d’être édité. Mais Ad Block n’informe à aucun moment ses utilisateurs de ce problème.
Le logiciel se défend pourtant de mettre en péril le modèle économique d’Internet, fondé sur la gratuité de l’accès aux contenus en échange du visionnage de publicité. Il ne filtre en effet que les publicités dites « intrusives », et laisse passer celles qui appartiennent à sa « liste blanche ». Cette dernière est quelque peu controversée, car c’est elle qui permet à Ad Block de gagner de l’argent : les pubs whitelisted ne peuvent rester sur cette liste que moyennant finance.
En outre, les critères permettant à une publicité d’intégrer la « liste blanche » sont assez indulgents pour laisser passer une grande partie de la publicité. Ils sont basés sur trois éléments : la position sur la page (une publicité ne doit pas interrompre la lecture), le fait qu’on les distingue clairement du contenu naturel de la page, et la taille. On arrive ainsi parfois à des situations où le bloqueur de publicité devient une vraie passoire. Pour exemple, sur la page d’accueil du site ask.com, la pub whitelisted représente 30% de l’espace, et le contenu de l’article lui-même 13%, ce qui revient à 2,3 fois plus de publicité que de contenu.

Les ennemis d’Ad Block lui reprochent ainsi deux choses. D’une part, d’effectuer une sélection hypocrite et arbitraire des publicités intrusives, et d’autre part de menacer le modèle économique d’Internet sans proposer de solution alternative. C’est ainsi que deux Français ont pris l’initiative en 2014 de créer un logiciel permettant aux sites de contrer Ad Block ayant pour nom Secret Media.

La publicité sur Internet est un vrai problème. Omniprésente et intrusive, il est normal de vouloir la bloquer, ou du moins la réguler. Mais cela remet en question le fonctionnement économique du web en bloquant l’une des uniques sources de revenus des éditeurs de contenus. Les pureplayers sont plus directement menacés, car les médias disposant également de formats physiques ont d’autres sources de revenus publicitaires. Dans tous les cas, le blocage de la publicité crée un manque à gagner pour des groupes médiatiques traversant actuellement une crise, et pourrait devenir un frein à l’innovation et au développement de petites structures web. La publicité sur Internet deviendrait-elle de plus en plus une question éthique ? Ce qui est sûr, c’est que dans notre monde ultra-connecté, elle ne laisse pas indifférent.
Clément Mellouet
Sources :
– Andréa Fradin, Rue89, « On a pisté la publicité sur Internet » (30/03/15). http://rue89.nouvelobs.com/2015/03/30/a-piste-publicite-internet-258354
– Jérémie Bugard,, Le Monde, « A qui profite le blocage publicitaire sur Internet ? » (30/05/14). 
– Frédéric Montagnon, frenchweb.fr, « Adblock Plus : ce qu’ils prétendent faire et ce qu’ils font réellement » (31/03/15). 
Crédits images :
1- SouthPark
2- Rue89
3- castle33.com
4- frenchweb.fr
5- secretmedia.com

Culture

#OscarsSoWhite: Black Artists Matter

Les Oscars blanchis ?
Tout a commencé avec l’annonce des nommés aux Oscars 2016, le 14 janvier 2016. 71.5% d’hommes blancs, 20% de femmes  blanches et 7% d’hommes de couleur, toute catégorie confondue. Pour la deuxième année consécutive, aucune présence de femmes et d’hommes issus de minorités n’est à noter dans les catégories reines que sont le meilleur réalisateur, meilleure actrice et meilleur acteur.
Quelques jours plus tard, des stars hollywoodiennes comme Michael Moore et Will Smith appellent au boycott de la cérémonie des Oscars, accusés d’être trop blancs, via le hashtag #OscarsSoWhite. Spike Lee en tête de file réclame l’instauration de quotas pour assurer plus de diversité parmi les nommés. Il met en accusation l’organisation qui préside aux Oscars, soit l’Académie des arts et des sciences du cinéma et ses 6 000 membres.

 
Le 21 janvier, la présidente de l’Académie Cheryl Boone Isaacs, seule femme noire du comité de direction, annonce de nouvelles mesures prises dans ce sens. L’objectif est de doubler d’ici 2020 le nombre de femmes et de personnes provenant de minorités ethniques. Il faut en effet souligner que parmi les 6 000 membres, 93% sont des hommes blancs. Il s’agit donc d’une politique d’ouverture, qui se refuse à l’instauration de quotas ethniques.
La question de la discrimination ou non dans le processus de désignation des nommés fait depuis toujours débat malgré ces nouvelles mesures. Cette question fait lien avec celle de la représentativité des minorités et des femmes dans les productions culturelles et médiatiques américaines : concourent-elles à la persistance des clichés sur ces minorités et à leur exclusion des processus de création culturelle ?
Des clichés construits par les médias ?
Si la discrimination au sens de ségrégation a officiellement disparu aux Etats-Unis, c’est maintenant face à un phénomène de stéréotypie que doivent faire face ces communautés. Un phénomène relayé par les médias, notamment dans les films et séries. Concernant la représentation des minorités dans les séries américaines, Olivier Esteves et Sébastien Lefait (1), deux enseignants chercheurs, montrent qu’une logique quantitative est privilégiée par les producteurs et réalisateurs. Ils cherchent avant tout une représentativité de ces minorités en termes de nombre d’acteurs dans la série plutôt qu’une représentativité qualitative, qui échappe aux stéréotypes. Ainsi les représentations de musulmans assimilés à des terroristes (NCIS) perdurent sur le petit écran. Au-delà de la fiction, les reportages sur les arrestations et décès de membres de la communauté noire ont suscité des réactions sur les réseaux sociaux. Après la mort de Michael Brown en 2014, certains médias ont décidé de diffuser sa photo lors de sa cérémonie de diplôme, d’autres d’une photo le présentant dans une allure « gangsta ». CJ Lawrence, une avocate, lance alors le hashtag #IfTheyGunnedMeDown (s’ils m’abattaient) en montrant deux photos différentes d’elle : laquelle serait choisie par les médias ? Ce choix est déjà une prise de position : une défense ou une mise en accusation du policier responsable de sa mort.

Si dans l’inconscient américain et donc dans les médias, les minorités sont construites comme des types, il s’agit d’une construction également visible dans l’histoire du cinéma hollywoodien. Pour anecdote, la première actrice noire à être oscarisée en 1940, Hattie McDaniel, l’a gagné pour le rôle de la gentille bonne dans Autant en Emporte le Vent. Elle n’aura d’ailleurs joué quasiment que des rôles de domestique pendant toute sa carrière. Les femmes également subissent une certaine discrimination, fondée elle aussi sur le physique. En témoignent les très nombreux commentaires visibles sur les réseaux sociaux sur le physique vieilli de Carrie Fischer, de retour dans Star Wars 7. Sans s’attarder sur le nombre de rôles accordés aux uns et aux autres, l’industrie elle-même, c’est-à-dire tous les métiers du cinéma dits techniques, restent relativement hermétiques aux minorités et aux femmes, par manque de formation et de possibilité d’intégration.
Pour optimiser les profits ?
On observe aujourd’hui dans la production culturelle américaine actuelle l’émergence d’un certain communautarisme, en réaction à l’échec du Melting Pot. Il semble en effet qu’aujourd’hui les interactions ne suffisent plus pour désenclaver les communautés dans la société américaine. La notion de race existe toujours, et dans le vocabulaire, et dans l’inconscient américain et ce associé à un caractère et à un comportement, bref à un type de population. Ainsi, les chaînes de télévision, les émissions, la musique et le cinéma sont produits à destination d’un certain type de public, de communautés qui revendiquent leurs origines et leurs traditions. Les acteurs sont sélectionnés en fonction des publics visés et doivent y correspondre, que ce soit pour le secteur privé ou public (hôpitaux, supermarchés, écoles etc.). L’implicite de cette démarche étant que si l’on est noir, on connait les attentes de la communauté noire et on sera plus à même d’y répondre. L’objectif est bien sûr économique : maximiser les profits.
Dans le cinéma ainsi que dans les séries, on observe majoritairement que deux types de rôle majeur sont accordés aux acteurs et actrices noires. Tout d’abord les rôles où la couleur de peau noire est nécessaire, comme Chiwetel Ejiofor acteur principal de 12 Years a Slave, et puis les rôles secondaires auprès d’acteurs blancs, en tant que complice, comme Tyrese Gibson dans Fast and Furious. Dans l’industrie du cinéma prime en effet la rentabilité pour la majeure partie des films. L’acteur blanc est ainsi considéré comme plus bankable au détriment d’acteurs et d’actrices issus de minorités.
Ainsi, le cinéma, tout comme les médias, n’évitent pas cette stéréotypie inconsciente, même si de réels progrès sont à noter, notamment grâce à l’émancipation de la production de séries des grandes chaînes américaines (cf. Netflix). Nombre de contre exemples peuvent être trouvés. De même, la généralisation s’avère dangereuse sur ce type de sujet. Une réforme des structures de production culturelle – notamment cinématographique et médiatique – s’avère cependant nécessaire pour calmer les esprits et montrer que les médias peuvent être plus qu’un simple miroir de la société mais qu’ils peuvent également la faire avancer sur le terrain de l’égalité de tous, sans distinction de sexe ou de couleur de peau.

La question raciale dans les séries américaines (2014)

Julie Andréotti 
Sources :
http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18649968.html
http://ecrannoir.fr/blog/blog/2016/01/23/oscarssowhite-face-a-la-polemique-les-oscars-se-reforment-en-profondeur/
http://www.dailyherald.com/article/20160122/entlife/160129647/
http://www.dailymail.co.uk/news/article-3415127/The-entire-country-racist-country-Danny-DeVito-Don-Cheadle-latest-celebrities-wade-Oscar-s-race-row.html
http://www.atlantico.fr/decryptage/oscars-trop-blancs-derriere-polemique-racisme-realite-pas-moins-inquietante-segregation-fait-modes-consommation-culturelle-aux-2556572.html/page/0/1
http://www.lexpress.fr/styles/vip/star-wars-carrie-fisher-en-colere-contre-les-critiques-sur-son-physique_1749757.html
http://www.lesinrocks.com/2014/12/05/series/question-raciale-les-series-us-politique-quota-permet-den-faire-moins-possible-11539654/

#iftheygunnedmedown, le hashtag qui dénonce la représentation des Noirs dans les médias aux Etats-Unis


Crédits photos :
http://images.huffingtonpost.com/2016-01-25-1453753889-3241573-oscars.jpg

#iftheygunnedmedown, le hashtag qui dénonce la représentation des Noirs dans les médias aux Etats-Unis

Politique

La course aux livres chez Les Républicains

Cela fait quelques temps que les médias français nous « alertent » sur la baisse générale du niveau intellectuel de notre classe politique. Elle a beau avoir fait ses classes à Sciences Po et à l’ENA, nombreux sont les journalistes qui se demandent où sont passés les De Gaulle, les Pompidou, les Mitterrand : nos grands hommes de lettres quoi ! La nostalgie du « c’était mieux avant » est caractéristique d’une bonne partie du système médiatique et de l’opinion ; ne comptez pas sur Eric Zemmour et Alain Finkielkraut pour redresser la barre, il est beaucoup plus aisé de briser la coque du bateau quand il est déjà en train de couler.
Soyons optimistes bon sang ! Assez des Anglo-Saxons pour nous descendre, l’ « auto french-bashing » n’a rien de bon, alors lâchons du lest et regardons un peu vers l’avenir. Tiens ! Par exemple, Jean-François Copé qui nous parle du Sursaut français dans son nouveau livre, ça ne vous donne pas envie d’y croire ? Non ? Vraiment ? Je ne sais pas ce qu’il vous faut alors. Notre Jean-François national travaille pourtant d’arrache-pied depuis plusieurs mois à la réalisation de son ouvrage. Experts, anthropologues, tous y sont passés pour l’aider à « révolutionner le logiciel politique » et enfin mettre sur la touche le vieux Juppé et l’autre excité de Sarkozy comme il aime si souvent le dire lorsque les caméras sont rangées.
« Je suis devenu la caricature de moi-même. J’étais omniprésent, avec un style qui forcément agace […] J’étais incapable d’être absent d’un clivage. »

Qui aurait bien pu dire que le style de Copé était agaçant ? Tout le monde se souvient de sa fameuse histoire hilarante du pain au chocolat. Je suis sûr que les Français de culture ou de confession musulmane ont dû apprécier et qu’ils en rigolent encore à table en famille. Une chose est sûr Jean-François, c’est qu’eux aussi, ils sont « profondément choqués » ! 
Mais Copé est loin d’être le premier à sortir un livre dans cette course à la présidentielle. François Fillon, lui aussi dans une perspective de retour sur le devant de la scène médiatique, est le premier d’entre eux avec Faire. Alors si on m’avait demandé de parier sur lui il y a quelques temps, jamais je n’aurais sorti ne serait-ce qu’un centime de ma poche : force est de constater que son ouvrage a connu un certain succès en librairie. A croire que l’ex-Premier ministre a gardé une image solide et un intérêt auprès d’une partie des Français malgré la guerre fratricide qu’a connu l’ancienne UMP. Rares sont les ouvrages d’hommes politiques qui atteignent de tels niveaux de vente ; environ 50 000 exemplaires vendus, – sans vouloir rentrer dans la guerre des chiffres qui a déjà fait polémique -, alors que les experts parlent de 3000 exemplaires en moyenne pour ce type d’ouvrage. A ce moment-là, on se demande qui peut bien faire baisser la moyenne des ventes ? Une rumeur veut qu’il y ait plus d’exemplaires du livre de Jean-Christophe Cambadélis sur les étagères du Publicis Drugstore que d’exemplaires vendus… Mais petit lot de consolation pour le président du Parti Socialiste, puisque la palme d’or revient à Christine Boutin et ses 58 exemplaires de Qu’est-ce qu’un parti chrétien démocrate ? Contrat de lecture explicite ne rime pas forcément avec foule de lecteurs. A bon entendeur.
« Je suis le seul à offrir une vraie rupture avec un projet complet de transformation de mon pays autour d’un concept puissant qui est la liberté. »
Il est vrai que Fillon est clairement dans la rupture avec Faire. Sans lui donner tort ou raison, le projet qu’il avance est radicalement libéral. Un projet que Nicolas Sarkozy n’hésite pas à qualifier de fou, mais de folle aussi la personne qui pense un jour être élue avec. Mais en fin de compte, peut être que ce discours de rupture plaît à bon nombre de Français à en croire les ventes de son livre. Affaire à suivre donc.
Autre personnalité qui a un discours qui plaît à droite, à savoir Bruno Le Maire. Fort de ses 95 000 ventes avec Jours de Pouvoir paru en 2013, l’outsider , comme les médias se plaisent à le nommer, a repris la plume récemment et est sur le point de nous proposer un nouvel ouvrage : Ne vous résignez pas !. L’homme qui a réussi à faire 30% face à Sarkozy lors de l’élection à la présidence du parti ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Le Maire espère réellement incarner le renouveau qu’il prône depuis déjà quelques temps. Vous l’aurez compris, il n’ira pas de main morte avec les camarades de son parti qui sont installés depuis longtemps. L’avenir nous dira si le phénomène Le Maire prendra plus de place dans le cœur des Français.
Vient le tour d’Alain Juppé dans un registre toutefois assez différent des autres. Le maire de Bordeaux en est déjà à son deuxième livre programmatique sur une série de quatre. Le « septuagénaire de gauche », pour faire du Sarkozy-dropping, vient tout juste de remettre le curseur à droite avec Pour un Etat fort, qui traite notamment des problématiques sécuritaires liées au terrorisme. L’ancien Premier ministre a d’ailleurs réservé une partie entière à ces dernières suite aux attentats de Paris de novembre dernier.
« Les Français ont parfois l’impression que l’Etat est absent lorsqu’il devrait être présent, et présent lorsqu’il devrait être absent. Revenons à l’essentiel. »
Le message est clair : un Etat plus fort avec le renforcement des pouvoirs régaliens mais un Etat plus petit dans une perspective de réduction de la sphère d’influence des pouvoirs publics. Un délicat mélange entre Etatisme et Libéralisme qu’il continue de maîtriser et qui le place encore aujourd’hui en tête de tous les sondages. A 10 mois des primaires de la droite et du centre, et avec encore deux livres à paraître et une stratégie de large rassemblement, Juppé pense qu’il a sa chance. En tous cas, il sait que c’est sa dernière pour accéder aux plus hautes fonctions, si tant est que la bulle Juppé n’explose pas en plein vol. Les favoris dans cette même position n’ont jamais vraiment eu de chance dans l’histoire politique française…
Enfin. Nous y voilà. Notre chouchou à tous, le trublion de la politique française, le Racine des Temps Modernes : Nicolas Sarkozy ! Tout comme ses compères, l’ancien Président de la République a publié un livre. Un livre qui restera à jamais gravé dans les mémoires. Tout comme Phèdre à sa sortie, La France pour la vie a essuyé de nombreuses critiques par l’ensemble de la presse avec ses petits couacs historiques. Même Le Figaro, qui pourrait de prime abord être un journal plutôt docile envers Sarkozy, s’amuse à décompter ses aveux de fautes commises pendant son passage à l’Elysée.
« Je ne suis décidément pas très doué pour l’écoute de moi-même ou des autres. »

Ecouter les autres n’a jamais vraiment fait partie de ses qualités et c’est peut-être pour ça qu’il se retrouve de plus en plus esseulé au sein de son propre parti. Mais pour ne pas passer pour une mauvaise langue, rappelons que La France pour la vie est pour le moment le plus gros succès en termes de vente, ce qui nous montre bien qu’une partie non négligeable de l’électorat ne l’a pas encore lâché ; et que c’est cet électorat qui se déplacera massivement pour les primaires de novembre 2016.
Sarkozy est avant tout ici, dans un pur exercice de communication s’éloignant de l’exercice de style littéraire d’un Le Maire ou d’un Juppé. La France pour la vie ne propose d’ailleurs pas de véritable projet pour 2017 selon Jean-Pierre Raffarin, qui parle plutôt d’un immense mea culpa. Et l’auteur des maintenant fameuses raffarinades s’est adonné au plaisir de trouver un meilleur titre pour le livre de Sarkozy : « Désolé pour ce moment. » Du grand Mendès !
L’important quand un livre d’homme ou de femme politique sort en librairie, c’est d’analyser clairement le contrat de lecture qui est établi. Quels messages l’ouvrage veut-il nous faire passer ? A qui s’adresse-t-il ? Partant de là, il est déjà plus facile d’appréhender la stratégie qui sous-tend l’écriture.
Jean-François Copé tente de sortir de sa longue traversée du désert après avoir été contraint de quitter ses fonctions de président de l’UMP suite à l’affaire Bygmalion, en essayant de retrouver de la visibilité dans les médias grâce à la sortie de son livre. Mais cette volonté de retrouver le devant de la scène est accompagnée d’un désir de bousculer les habitudes de la classe politique en proposant une vision qui selon lui est complètement novatrice quitte à passer pour la condescendance en personne. François Fillon, qui est dans une meilleure position, cherche lui aussi à retrouver sa place dans les grands médias. Pour ce faire, il mise avant tout sur son projet politique pour 2017. En effet, son ouvrage est à mon sens le plus aboutit pour le moment en termes de propositions. Bruno Le Maire ne cherche pas vraiment une place médiatique puisqu’il est déjà dans une très bonne position, mais on pourrait dire qu’il tente de conserver ses avantages actuels tout en s’inscrivant dans la tradition politique littéraire. Alain Juppé quant à lui, développe une véritable stratégie de rassemblement. Il ratisse large en essayant de s’adresser à l’ensemble des Français mais sa dernière sortie littéraire nous montre qu’il a tout de même restreint sa cible « au peuple de droite », même si je n’aime pas cette expression, en envoyant un message sécuritaire fort afin de contrer la stratégie droitière de Sarkozy. L’ancien Président de la République pour finir, s’inscrit plutôt dans la même ligne que Copé dans le sens où tous deux essayent d’obtenir le pardon des Français pour leurs erreurs. Dans la vie, il y a deux types de personnes : ceux qui ont une vision et ceux qui s’excusent.
Quoi qu’il en soit, cet exercice d’écriture n’est pas réservé à Les Républicains puisque comme le rappelle Alain Duhamel, c’est un exercice quasi obligatoire dans l’optique d’une élection présidentielle dans un pays au lourd passé littéraire comme le nôtre. D’ailleurs, si l’on se penche sur les écrits politiques de ses vingt dernières années, la gauche (celle du Parti Socialiste) a été assez prolifique. Mais structurellement depuis quelques temps, cette même gauche est en panne d’idées, en panne de projets. En même temps, comment voulez-vous qu’elle véhicule des valeurs et des idées nouvelles avec un gouvernement qui s’est converti au social-libéralisme ? La gauche ne pense plus vraiment le monde de manière idéologique et la démission récente de Christiane Taubira est loin d’être une bonne nouvelle à mon sens pour la pensée socialiste peu importe ce que l’on en pense…
Antoine Gagnaire
@AntoineGagnaire
Sources :
http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/01/19/25001-20160119ARTFIG00061-j-etais-la-caricature-de-moi-meme-cope-sort-du-silence-sur-le-divan-de-fogiel.php
http://lelab.europe1.fr/jean-francois-cope-profondement-choque-davoir-ete-si-souvent-profondement-choque-2650189
http://www.liberation.fr/debats/2016/01/27/la-strategie-du-livre-politique_1429401
http://www.lesinrocks.com/2016/01/24/actualite/les-30-phrases-%C3%A0-retenir-dans-le-nouveau-livre-de-nicolas-sarkozy-11800358/
http://www.lejdd.fr/Politique/Exclusif-Alain-Juppe-detaille-son-programme-pour-un-Etat-fort-766657
 http://actu.orange.fr/france/fillon-lr-je-reste-le-seul-a-offrir-une-vraie-rupture-afp_CNT000000hPnfZ.html
http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/021668070274-70000-exemplaires-du-livre-de-sarkozy-ecoules-en-une-semaine-1197137.php
Crédits photos :
 AFP JEAN-SEBASTIEN EVRARD
AFP DOMINIQUE FAGET

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Culture

Petite apologie du mainstream

Combien de fois avez-vous croisé une personne habillée de façon tellement excentrique, qu’il était impossible de définir si elle était à la pointe de la mode ou complètement ringarde? Combien de fois vous êtes-vous sentis coupables en écoutant du Maître Gims? Depuis quelques années, notre société est prise dans une course effrénée à l’audace et à l’individualité. Mais une brise mainstream vient peu à peu rafraîchir les participants à bout de souffle. Et si l’originalité avait atteint son climax? Allez, on retourne à la normale.
Les hipsters c’est trop mainstream
A l’origine, le terme de hipster désigne, dans les 40’s, de jeunes américains fans de jazz et de bebop qui en reprennent les codes vestimentaires. A l’aube du second millénaire, il fait référence à un individu qui cherche à se démarquer des modes de consommation de son époque. En 2001, le hipster est presque un révolutionnaire : ses pratiques de consommation se veulent transgressives, tantôt nostalgiques, tantôt futuristes. Ainsi, il se moque du citadin cliché – à la limite du métrosexuel (bronzé, musclé – mais pas trop –, chemise parfaitement cintrée). Le cheveu aussi hirsute que la barbe, il lui fait des pieds de nez en chemise bûcheron et tennis, remet au goût du jour des quartiers mal réputés (à l’instar de Brooklyn ou Barbès) et se délecte de son individualité. Le journaliste Matt Granfield écrit dans son essai HipsterMattic : «Surtout, ils voulaient être reconnus comme étant différents — qu’on n’aille pas les confondre avec la masse, eux qui cherchaient à se forger une petite niche culturelle singulière.»
La suite, vous la connaissez. Alors qu’ils n’étaient que quelques centaines, la tendance se répand et explose, pour devenir aux alentours des années 2010 d’une banalité sans nom. Alors qu’ils cherchaient à vivre selon leurs goûts personnels, et non selon des diktats sociaux ou de consommation, les hispters en étaient finalement arrivés à créer leurs propres codes et leurs propres règles. C’est une belle ironie : le mouton qui voulait quitter le troupeau avait fini par devenir berger.
 

Le mainstream, c’est chic (et démocratique)
Il existe une sorte d’idée implicite mais bien ancrée dans notre société actuelle selon laquelle qualitatif et quantitatif sont antinomiques. Ainsi, dans le monde de l’art et de la culture, les œuvres-produits qui connaissent un très fort succès commercial sont souvent très peu valorisées. Si l’on vous demande quel est le dernier album que vous avez acheté, il vaut mieux répondre qu’il s’agit d’un vinyle de flûtistes péruviens (ça détend après les pilâtes) plutôt que celui de Kendji Girac.
Pourtant, un succès commercial, c’est toujours un succès. Cela signifie que les consommateurs y ont trouvé une certaine valeur (peut-être autre que celle du concept, de la valeur intellectuelle). En matière de goûts, surtout culturels, l’émotion est un argument d’achat très important : on raisonne en terme de «j’aime» ou «je n’aime pas». Alors qu’importe si vous êtes fan du dernier blockbuster au scénario pauvre, à la réalisation clichée et aux dialogues dignes de deux élèves de CP.
Et c’est sûrement ça, être transgressif aujourd’hui : assumer ses goûts, qu’ils soient encensés par la critique ou démontés par les Inrocks. Le mainstream, finalement, c’est la voix du peuple qui s’exprime.
 

Le cas Stan Smith et la normcore
Il y a deux cas possibles dans cette affaire : soit vous en portez actuellement une paire, soit vous avez juré de ne jamais en acheter parce que tout le monde en a. Les Stan Smith connaissent un succès fou parce qu’elles sont pratiques, jolies, et possèdent une histoire. Tellement jolies et pratiques qu’elles ont été adoptées par tout le monde. Leurs qualités n’ont pas changé, c’est la vision qu’en a la société qui est modifiée. Elles étaient au début considérées comme une opportunité de remettre au goût du jour un produit mythique de façon moderne, mais ne sont plus désormais qu’un symbole de conformisme aux tendances.
Pourtant, la Stan Smith fait de la résistance. Malgré un article de Slate qui se demande s’il faut interdire les Stan Smith, elles continuent de fouler les pavés.
Le mainstream ne serait donc plus un tabou, et nous sommes même passés à une nouvelle ère, celle du normcore (normal + hardcore). Le bureau de tendance K-Hole affirme dans un rapport de 2013 qu’adopter un style des plus banals était paradoxalement très à la mode. Jean, t-shirt blanc et baskets : être lambda est devenu carrément hype.

Nous nous quittons en musique (OutKast, c’est connu mais tout de même très bien), en espérant que la vague du mainstream vous emporte vers une contrée merveilleuse, où « Venez comme vous êtes » n’est pas qu’un argument pour vendre des frites.

Sana Atmane
Sources : 
« Faut-il interdire les Stan Smith », Slate 
« Youth mode: a report on freedom », K-Hole
« Normcore: Fashion for Those Whor Realize They’re One in 7 Billion », The Cut (NYMag)
Crédits images : 
K-Hole
wearenormcore
Désencyclopédie
zanachin.blogspot.fr

Société

Twitter, de liberté à despotisme ?

Natifs des années 90, sommes-nous déjà dépassés ? C’est l’impression que bon nombre d’entre nous pourrait ressentir face à Twitter. Pour nous, ce réseau social n’a longtemps été qu’une alternative sans intérêt à Facebook, utilisée principalement par nos petits frères de l’an 2000 qui y écrivaient sans retenue ce qui leur passaient par la tête. Pourtant, si en ce début 2016 toutes les entreprises, marques et personnages publics sont sur Twitter, c’est que son pouvoir d’influence est reconnu. A l’heure où même le gouvernement s’exprime en tweets, une question mérite d’être posée : Quelle place occupe Twitter dans le développement de l’identité des marques ? Focus sur sa puissance infinie.
Un réseau social décomplexé
Les « twittos » expriment leur avis sur tout, de la météo aux programmes télé, n’hésitant pas à être moqueurs ou à montrer leur désaccord sur tel ou tel sujet. Sujet qui se situe le plus souvent dans l’actualité de masse, du moins en ce qui concerne les tweets qui font le buzz. Là se cache d’ailleurs le secret du pouvoir dangereux de Twitter : la liberté totale, sans aucun scrupule, d’expression. En 140 caractères et sans autre forme d’analyse, les utilisateurs lambda n’hésitent pas à donner leur avis sur le dernier discours du premier ministre, ou encore la dernière campagne publicitaire de telle entreprise. D’ailleurs, le but de Twitter est initialement de pouvoir partager rapidement les derniers faits d’actualité : les twittos cherchent ainsi à faire le buzz en écrivant avant les autres le jeu de mots, la réflexion, la tournure de phrase qui collera parfaitement avec une situation du quotidien, ou bien le tout dernier scoop.
Un tweet qui réussit à faire le buzz, c’est un tweet qui fait rire par son sarcasme, auquel les utilisateurs du réseau social s’identifient. Un bon tweet réunit les twittos autour d’une pensée générale, dans la logique du « on est tous dans le même panier et on se serre les coudes ». Les entreprises ont vite compris comment exploiter cette tendance, de sorte que nous pouvons être certains que chaque grande entreprise, soucieuse de maîtriser son identité de marque, possède aujourd’hui son compte Twitter géré par une équipe de community managers. En twittant, l’entreprise interagit en effet directement avec ses potentiels clients ou collaborateurs, et renvoie ainsi une image d’entreprise moderne et soucieuse de répondre aux besoins de ceux-ci. En plus de mieux cibler ses consommateurs et leurs attentes, être active sur Twitter permet également à l’entreprise d’y contrôler son image…

Cauchemar des entreprises
Le problème, c’est que les twittos n‘hésitent pas à râler s’ils ne sont pas satisfaits, et que certains hashtags créés deviennent rapidement viraux, ternissant ainsi devant la twittosphère entière l’image de telle ou telle entreprise. Voulant alors re-fidéliser leurs consommateurs et redorer leur image, les entreprises suivent de très près les hashtags populaires les concernant, et s’en inspirent directement pour modifier une campagne, un produit, et même leur politique. Pensons au récent énorme scandale, sous le nom du hashtag #wheresrey, qui s’est produit sur Twitter. Suite à la sortie du film Star Wars VII, de nombreuses photos des rayons jouets ont circulé sur le réseau social. La raison ? Parmi tous les produits dérivés du film, presque aucun d’entre eux ne fait référence à la nouvelle héroïne de la saga, Rey. L’exemple le plus frappant est l’absence de Rey dans le jeu de Monopoly produit par Hasbro.

Les twittos ont dénoncé un sexisme rétrograde de la part des industriels du jouet et ceux-ci, ayant pris conscience de l’ampleur des dégâts, se sont emmêlé les pinceaux dans des excuses et des explications qui ne tiennent pas la route. Hasbro a finalement annoncé qu’une nouvelle vague de jouets, notamment de Monopoly, serait bientôt disponible avec, cette fois-ci, Rey bien présente (ce qui serait la moindre des choses).

Lucasfilm a d’ailleurs retardé la sortie de Star Wars VIII à mai 2017 afin de pouvoir y développer davantage l’importance du rôle de l’héroïne… Ainsi, si les twittos ont le pouvoir de faire plier Lucasfilm, on peut penser qu’ils ont un certain pouvoir de décision sur n’importe quelle entreprise.
Les bourreaux des plus grands, 53% d’adolescents ?
Plus de la moitié des utilisateurs de Twitter sont des adolescents. Des enfants de 12-13 ans dirigeraient alors le monde du business ? Pas exactement. Très actifs en matière de tweets et de création de hashtag viraux, les adolescents de Twitter ont une influence énorme sur ce dont ils sont consommateurs, comme certains programmes télé ou les producteurs de jeux vidéo. C’est ainsi qu’après avoir en septembre 2014 dit que ceux qui jouaient aux jeux vidéo « n’avaient rien d’autre à foutre de leur vie », l’animateur de Canal+ Antoine de Caunes avait dû trois jours plus tard s’excuser publiquement d’avoir tenu de tels propos. Ou alors que Microsoft a dû en 2013 revenir sur certains aspects de la Xbox one (notamment la connexion obligatoire à Internet) après sa commercialisation.
Alors les twittos, des despotes 2.0 ? Le terme est un peu fort, surtout qu’ils seraient plutôt des despotes inversés puisque ici, c’est la masse qui réussit à influencer et faire changer d’avis les « puissants » que sont les grosses entreprises. Sur Twitter, la démocratie a atteint son paroxysme : la masse fait peur et a le dernier mot. Les marques n’imposent plus leur produit à un public passif, mais s’adaptent aux caprices de ce public. Cependant, ne nous réjouissons pas trop vite : nous parlons là d’entreprises ou de personnages publics qui s’inspirent de Twitter pour construire leur identité de marque. Les vrais despotes, eux, n’ont que faire des hashtags les concernant, aussi viraux soient-ils.

Camille Pili
LinkedIn
Sources :
L’Obs, Xbox one: le grand cafouillage de Microsoft, 23/05/2013 
XboxFrance.com, XBOX one: la polémique sur les jeux d’occasion, 20/09/2013 
Le Figaro, Xbox one: face à la colère des joueurs, Microsoft fait marche arrière, 20/06/2013
Vidéo YouTube: CRUSOE 3 – Ep.18 : L’AVIS D’INTERNET ! – Fanta et Bob dans Minecraft
Syfantasy.com, Du Where is Rey au report de Star Wars VIII: Lucasfilm aurait-il sous estimé ses personnages ? 

Société

État d'urgence… atmosphérique

Que diriez-vous d’un monde où la conversation avec la voisine de palier ne porterait plus sur le temps qu’il fait, mais sur le taux de particules polluantes dans l’air prévu pour la journée ?
Ce scénario, qui semblerait post-apocalyptique pour un Français non-averti, est pourtant en train de se dérouler juste de l’autre côté du continent eurasiatique. Chaque matin, nombreux sont les Chinois qui consultent l’application « Air Quality China », indiquant le taux de PM 2,5 dans l’air, c’est-à-dire la quantité de particules polluantes mesurant moins de 2,5 micromètres de diamètres.
1, 2, 3…soleil ?
Cette habitude n’est pas qu’une nouvelle lubie originale et exotique, mais nécessaire à la survie des citadins chinois, quand on sait que des centaines de milliers de morts* sont, chaque année, imputées à la pollution en Chine. Ironie du calendrier, c’est pendant la COP 21 que Pékin a dû lancer, pour la première fois, une « alerte rouge » à la pollution atmosphérique. La densité de PM 2,5 avait atteint plus de 500 microgrammes par mètre cube, alors que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recommande un plafond moyen de 25 microgrammes par mètre cube pour 24 heures. En d’autres termes, la capitale chinoise avait un taux de ces petites particules particulièrement dangereuses pour la santé près de 20 fois supérieur à la quantité tolérée.

Même si l’urgence de la situation est bien visible dans une ville où le soleil n’apparaît plus, l’accoutumance au phénomène est un véritable danger. Comment faire prendre conscience à la population chinoise qu’il est temps de réagir ?
(Fausse) bonne idée n°1 : utiliser la variable « prix »

Soldes : pour tout masque de protection acheté, une bouteille d’oxygène offerte !
La théorie économique néoclassique repose sur une théorie de la « valeur-utilité »**. En d’autres termes, tous les biens qui subissent une utilité et une contrainte de rareté, possèdent une valeur, donc un prix. Aussi quantité et prix sont-ils fortement corrélés : grossièrement, plus un bien est rare, plus le prix est important.
Dans un pareil contexte où l’air, élément nécessaire à notre survie, vient à manquer, quelques acteurs ont pu flairer l’opportunité. C’est ainsi qu’un restaurant de la ville de Zhangjiagang (Chine) ajoute une taxe d’un yuan par consommateur (environ 15 cents) pour l’air pur respiré. Vitaly Air, quant à elle, est une entreprise canadienne qui met en vente des bouteilles d’oxygène sur le marché chinois. Ces bouteilles d’air pur et frais de montagne auraient pour vertu de « booster la vitalité » (Enhancing Vitality) de ses utilisateurs.

Si on suit la logique néoclassique, le fait même de taxer ou de mettre en vente l’oxygène devrait mettre la puce à l’oreille des Chinois sur la raréfaction de l’air. Bien que des doutes sur l’efficacité de la communication par le prix semblent légitimes.
Bonne idée n°2 : le docu qui s’indigne, classique mais efficace
« Crie-le bien fort, use tes cordes vocales ! »***
Chai Jing, connue en tant qu’animatrice et reporter d’investigation phare pour la télévision d’État chinoise, quitte son poste de journaliste en 2013 après qu’elle a appris que l’enfant qu’elle portait devait être opéré d’une tumeur dès sa naissance, en grande partie à cause de la pollution atmosphérique. Elle décide de réaliser et d’autofinancer un documentaire pour attirer le regard de millions d’internautes sur le problème.
Le 28 février 2015, elle met en ligne son documentaire « China’s Haze : Under the Dome » (« La Chine dans la brume, sous le dôme »), qui mêle discours scientifiques, preuves statistiques, et anecdotes personnelles.

En l’espace de 24h, la vidéo est visionnée plus de 30 millions de fois**** et donne lieu à une vive agitation sur les réseaux sociaux chinois (en particulier WeChat, le réseau social le plus populaire en Chine). Outre l’inquiétude due à la pollution atmosphérique, cet engouement pourrait bien être significatif de la perception des Chinois sur les médias traditionnels. La réception du documentaire semble montrer que les Chinois cherchent sur Internet des informations que les médias traditionnels traiteraient de façon tempérée.
Mais le documentaire n’aura échappé à la censure du gouvernement que pendant trois jours de diffusion. Faut-il déplorer cette prohibition étatique ? N’a-t-elle pas justement, paradoxalement, permis de toucher un plus large public en faisant réagir les hautes instances gouvernementales de manière si radicale ?
Bonne idée n°3 : la créativité pour communiquer
D’autres voix émergent, à travers une communication originale et surprenante, pour dénoncer les conditions environnementales du pays. Ainsi, non loin de Shanghai, un collectif d’artistes et de militants s’est insurgé contre une pratique agricole répandue et évitable, qui génère une grande quantité de fumées noires. Si la paille peut avoir de nombreuses utilités (nourriture, engrais, matériau de construction), les agriculteurs ont l’habitude de la brûler à la fin des moissons, ce que le groupe d’artistes déplore par des œuvres créées à partir de ces « déchets » de paille.

Dans le même sens et bien qu’elle s’inscrive peu ou prou dans la tendance du greenwashing, la campagne de communication Breathe Again (Respirez à nouveau) lancée par une entreprise de systèmes de purification d’air, vise également à dénoncer la pollution en Chine. Les fumées d’usine qu’elle dénonce servent de support pour projeter des visages d’enfants, suffocants ou en pleurs.

Certes ces dénonciations sont prenantes et décalées, mais c’est une fois encore le relais des réseaux sociaux qui permet de rendre ces communications efficaces en touchant un large public.
Bonne idée n°4 : on n’demande qu’à en rire !
Juste pour le plaisir, la publicité pour les chauffe-eau écologiques de la marque Sakura, pointe le problème de pollution…de manière légère et décalée !

Sakura Musle 0514 from J. Walter Thompson Asia Pacific on Vimeo.

 
Aline Nippert
@AlineNimere
* D’après Les Echos
** Théorie subjective de la valeur chez les marginalistes (Walras, Jevons, Menger)
*** Issue de « L’hymne de nos campagnes », de Tryo
****D’après  Rue 89
Sources: 
– Mr Mondialisation

Des chinois utilisent la fumée des usines comme écran géant pour dénoncer la pollution


– Konbini
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/chine-oxygene-luxe-commercialise/
– L’ADN
http://www.ladn.eu/actualites/pour-reduire-emissions-co2-prenez-vos-douches-2,article,27801.html
Crédit images: 
 
Vitalyair.com 
Mr Mondialisation 
France TV Info 

Société

Les réseaux sociaux: le Panthéon 2.0 ?

Janvier 2016…Hécatombe parmi les célébrités. Personne n’a pu échapper au calendrier funèbre de ces dernières semaines : 12 morts en deux semaines !
La musique perd l’incontestable ponte, David Bowie, mais aussi des membres de groupe de rock tels que Lemmy Kilmister (Mötorhead), et Glenn Frey (The Eagles), ainsi qu’une figure nationale avec Michel Delpech. Le monde de la mode s’émeut du décès d’André Courrèges et la littérature française de celui d’Alain Tournier. Le cinéma salue les carrières de Michel Galabru, acteur français populaire, du réalisateur italien Ettore Scola, et de l’acteur anglais Alan Rickman (Severus Rogue dans Harry Potter). La presse people, quant à elle, rend hommage à René Angelil, célèbre époux de Céline Dion.
D’ores et déjà, l’énumération de ces décès implique une typologie forte que l’on retrouve sur les réseaux sociaux, articulés autour de deux valeurs évidentes : la proximité et la notoriété. Elles déterminent toutes deux l’importance de la couverture médiatique. Plus un artiste est ancré nationalement, plus les médias nationaux vont relayer son décès. Et plus un artiste est mondialement connu et reconnu, plus sa mort va susciter de fortes réactions. La mort d’une personnalité célèbre peut donc être perçue comme un tremblement de terre médiatique dont les répliques sont essentiellement visibles sur les réseaux sociaux.
Le buzz médiatique
La mort d’une personnalité publique a, depuis que les médias existent, une importance sociale majeure. Les médias se chargent de l’annonce du décès et saturent les espaces médiatiques d’articles, de reportages et de témoignages en tout genre. Fort de leur étymologie, ils assurent le relais entre l’audience et les hommages rendus par les personnalités publiques. Un deuil national est comme amorcé par les médias au moment-même où l’information du décès est catapultée au sein de la population. Il y a quelques années encore, le buzz médiatique était provoqué par les journaux et la télévision (on se souvient de la retransmission à la télévision d’enterrements spectaculaires, comme celui de Claude François)

Les obsèques de Claude François – Archive INA par ina
 
De nos jours, les nouvelles technologies et les réseaux sociaux poursuivent cette trajectoire d’interpénétration entre public et intime, en faisant du décès des célébrités un évènement collectif dont on ne peut échapper et auquel tout le monde peut participer. Deux chercheurs américains, Horton et Wohl, ont dans les années 1960 tenté d’expliquer la relation privilégiée créé par le média (télévision notamment) entre la célébrité et l’audience grâce à la théorie des « interactions parasociales ». Les réseaux sociaux n’ont fait qu’amplifier ce phénomène puisqu’à travers le profil faussement spontané des stars, nous avons l’impression d’entretenir avec eux une relation de face-à-face. Il n’est donc pas étonnant que leur mort suscite un trouble chez certains. Mais l’effet de buzz est intéressant car l’émotion est rapidement déplacée de l’annonce du décès aux réactions engendrées par ce décès. On est touché de voir les autres touchés. Il y a comme une injonction dans ce tapage médiatique : « Toi aussi, tu dois te sentir concerné ! » La mort engendre une amplification de l’échange et du social sur un même thème commun. La facilité avec laquelle on peut liker, approuver, partager un hommage ou une pensée sur les réseaux sociaux conduit inévitablement à un buzz médiatique important. Ainsi, les réseaux sociaux, Facebook en tête de liste, ont permis aux internautes de n’être plus
seulement spectateurs mais aussi acteurs de ce buzz. Les hommages affluent, les Fandoms (communautés de fans) produisent de la matière médiatique et la population se fait auteur de l’information. La viralité des trois sigles « R.I.P. » (Rest In Peace/Repose En Paix) témoigne de cette nouvelle forme de deuil collectif, apparemment consensuel. Pour David Bowie, ce n’est pas moins de 3 millions de tweets comptabilisés en 4h !
Le tweet ou l’épitaphe 2.0


«Je n’ai jamais imaginé un monde sans lui. Il est monté dans le cosmos, d’où il venait. Au revoir David Bowie»
Des nouveaux héros collectifs
Il semblerait que le décès d’une personnalité publique conduise à une résurgence de l’Histoire : dans un premier temps parce que l’on prend conscience que, non, cette célébrité de mon enfance n’était en fait pas immortelle et dans un second temps, parce que sa mort s’immisce dans notre temporalité intime à travers un passé désormais consacré comme souvenir. La mort d’une personnalité semble donc secouée nos repères et peut-être est-ce l’une des raisons pour laquelle le buzz émotionnel paraît consensuel. La mort d’Alan Rickman a suscité de vives émotions, essentiellement pour son rôle de Rogue dans Harry Potter qui est non seulement la source de multiples Fandoms mais aussi la fiction de toute une génération. Les réseaux sociaux, à travers les hommages rendus, paraissent intronisés unanimement la personnalité décédée en vantant ses mérites et ses qualités aux yeux de tous. On assiste à la création de nouveaux mythes par les médias et par les internautes, chacun se relayant l’un l’autre. Libération a, par exemple, pointé du doigt l’emballement médiatique autour de prétendus dons posthumes de David Bowie à un organisme contre le cancer. Il s’est avéré que c’était une fausse information née du buzz médiatique. Le réseau social apparaît alors comme un nouveau Panthéon 2.0 dans lequel la personnalité publique est louée par une communauté nouvelle et universelle.
Une démocratisation de l’hommage ?
Cette nécrologie et cette cérémonie funèbre 2.0 reprend ainsi les codes des rites funéraires qui entouraient déjà les célébrités (2 millions de Parisiens avait suivi le cortège funéraire de Victor Hugo en 1885 !), c’est un mouvement de foule systématisé et amplifié sur les réseaux sociaux. Elle donne l’illusion d’une cohésion autour du deuil dont internet se fait l’exutoire. Mais, pourtant, les internautes ne sont pas tous touchés au même degré, ils ne sont même pas forcément tous touchés, simplement l’adhésion est en quelque sorte forcée ou induite par le « réseau ». Via le buzz, il pousse à jouer de l’émotion, mais il donne aussi la parole aux hommages plus privés et personnels. En cela, l’hommage est fortement démocratisé. Mais démocratisation ne rime pas nécessairement avec unanimité, ainsi, les hommages ne touchent véritablement que les initiés, et bon nombre de gens échappent au buzz médiatique engendré par le décès. D’autres profitent de ce buzz pour s’en amuser, comme un retour du réseau social sur lui-même. L’hécatombe de Janvier, puisque quasi absurde, a ainsi amusé beaucoup d’internautes :


On le savait : la vie d’une personnalité publique appartient un peu à tout le monde. Désormais sa mort aussi, puisqu’elle crée un consensus médiatique plus important encore que lorsque la célébrité était en vie. Exposé à tous, le décès devient une nouvelle et dernière occasion aux internautes de commenter, saluer, critiquer, examiner l’existence d’une personne qu’ils auront souvent admiré. Peut-être est-ce en connaissance de cause que la mort de David Bowie a été annoncée en premier sur sa page Fan Facebook, comme si lui-même s’adressait une dernière fois directement à ses fans du monde entier.
Emma Brierre
Linkedin
Sources :
http://communication.revues.org/3530
https://questionsdecommunication.revues.org/2631?lang=en#tocto2n2
http://www.topito.com/top-tweet-hecatombe-people
 
 

Euronews
Société

Muselière obligatoire pour médias dangereux

Après s’être attaqué au tribunal constitutionnel, réduisant à quasi néant ses pouvoirs, le gouvernement polonais en place depuis le 25 octobre dernier s’est trouvé une nouvelle cible: les médias. Le but ? Museler les contre-pouvoirs en place en Pologne, au grand dam de Bruxelles et du modèle européen de démocratie libérale.
Quand repoloniser rime avec coloniser
Au pouvoir depuis le 16 novembre dernier, le parti conservateur PiS “Droit et justice”, emmené par Jaroslaw Kaczynski, ne perd pas de temps. En effet, deux réformes, hautement controversées ont vu le jour en l’espace de deux mois: l’une concerne le Tribunal constitutionnel, l’autre se lance à l’assaut des médias. Le 30 décembre, le président Andrzej Duda a promulgué une loi qui se décline en trois points: la nomination des dirigeants des médias publics par le ministre du trésor, la suppression du principe de mandat à durée déterminée et enfin la suppression des concours ouverts pour désigner les patrons des médias.
Le PiS suit tout simplement son programme de “repolonisation” de la presse, qui consiste à arracher les médias publics à leurs financeurs étrangers, notamment allemands. Ces mêmes médias publics deviennent alors des institutions culturelles nationales, soumises au contrôle des autorités gouvernementales.
La Pologne opère un glissement vers une démocratie autoritaire, sans pour autant que l’on puisse qualifier la prise de pouvoir du PiS de “coup d’état”, puisque le résultat émane des urnes. Le message sous-jacent est limpide pour les opposants: les médias sont maintenant les petits soldats du gouvernement.
Sous prétexte de libérer la Pologne d’un vieux joug allemand, qui se manifeste aujourd’hui par le financement des médias, le PiS au pouvoir s’autorise à franchir les limites. Pour l’intérêt de tous à long terme, le gouvernement n’hésite pas à bafouer les principes à la base du modèle de démocratie libérale. Ainsi, le PiS et son programme de “repolonisation” est parvenu à gagner le coeur de ces électeurs qui souffrent de la pauvreté et d’une industrie qui peine à s’imposer sur la scène européenne.
Touche pas à mes médias

Les conséquences n’ont pas tardé à pointer le bout de leur nez: Kamil Dabrowa, patron de la radio publique polonaise Radio Jedynka, s’est vu être destitué de ses fonctions pour avoir contesté la série de réformes sur les médias publics. Il avait en effet pris le parti de diffuser l’hymne européen sur son antenne, afin de dénoncer la politique restrictive du pouvoir en place.
Il n’est pas le seul à avoir fait les frais de cette nouvelle loi, Jacek Tacik, reporter sur la première chaîne de télévision publique polonaise, n’a pas tardé à recevoir sa lettre de licenciement. Le motif ? Sur le papier, un renouveau de la télévision publique dans lequel il n’a pas son rôle à jouer. Dans les faits, Tacik est l’auteur d’un reportage sur les migrants en Hongrie, suite auquel il avait été agressé par la police hongroise, le sujet étant plus que sensible dans le pays. Seulement voilà, avec le nouveau parti au pouvoir, la Pologne s’est faite l’alliée de la Hongrie, et Tacik en subit les conséquences.
Le gouvernement considère que les médias ne répondent plus aux attentes de la population polonaise. Le ministre de la culture, Krzysztof Czabanski, explique que ceux-ci ne se sentent plus en phase avec les journalistes, qui arborent souvent un ton moqueur. Comble de l’ironie, l’objectivité des médias publics est elle aussi remise en cause, par ce gouvernement qui veut avoir le contrôle de l’information. Le contrôle serait meilleur garant de l’objectivité que la liberté ? C’est en tout cas ce que veut nous faire croire le PiS.
Ces licenciements abusifs constituent une atteinte directe à la liberté d’expression, qui était pourtant l’un des plus gros succès de l’après 1989 dans le pays. La transmission des savoirs et de l’information en général, pour laquelle les médias sont missionnés, est maintenant biaisée par la mainmise de PiS sur ceux-ci.
Plusieurs manifestations pour lutter contre la réforme sur les médias publics ont déjà eu lieu à Varsovie, et si elles ne semblent guère avoir stoppé les ultra-conservateurs au pouvoir, elles peuvent se targuer de s’être faites entendre à Bruxelles, siège des institutions de l’Union européenne.
L’Union Européenne comme dernier rempart
Cette atteinte à l’une des libertés fondamentales n’a pas manqué de faire réagir l’Union Européenne, qui en a même profité pour redorer une image un tant soit peu écornée ces derniers temps. L’instance apparait pour les contre-pouvoirs polonais comme le symbole de la démocratie et de la liberté. Bruxelles a convoqué le Président polonais en grande pompe ce 13 janvier afin qu’il s’explique sur les dernières lois promulguées dans son pays. Le leader du parti a du, lui, défendre sa politique le 19 janvier. L’union européenne estime que le respect de l’Etat de droit, et donc de la démocratie, est directement remis en question par les gouvernants polonais.
Si pour l’instant aucune sanction n’est tombée, Bruxelles pourrait bien mettre en marche une procédure pour atteinte à l’Etat de droit.
Pourquoi alors une réaction si rapide et parfois jugée trop dure? D’abord, parce que la Pologne marche sur les pas de la Hongrie. En effet, le président hongrois Viktor Orbàn a lui aussi muselé la presse dans son pays, et l’Union européenne a trop tardé à réagir. Maintenant, elle se trouve face à deux alliés et est donc dans l’impossibilité de priver la Pologne de son droit de vote au sein de l’organisation. Mais encore, Bruxelles sait que les défenseurs de la liberté des médias publics en Pologne comptent sur elle, preuve en est que les manifestants arboraient les couleurs du drapeau européen dans les rue de Varsovie. Aujourd’hui menacée par les aspirations nationalistes de certains pays de l’Europe de l’Est, l’Union européenne redore son blason et s’approprie des valeurs de liberté et de démocratie qui lui avaient presque été retirées.
L’Europe saura-t-elle remettre ses petits soldats sur le droit chemin ?
Manon DEPUISET
LinkedIn 
@manon_dep
Sources:
Le Figaro, La rue polonaise manifeste pour « des médias libres », 10/01/2016
Le Monde, Tribunal constitutionnel, médias: les réformes controversées menées en Pologne, 18/01/2016
France TV Info, Pologne: les conservateurs au pouvoir mettent les médias au pas, 19/01/2016
Crédits photos:
Euronews
La Croix

Christine and the Queens
Politique

"She wants to be a man, a man … She wants to be born again, again"

Ce n’est pas l’histoire d’une femme qui aurait aimé être un homme, comme le chante Christine and The Queens, mais celle d’un homme qui souhaite devenir une femme. Dans The Danish Girl sorti en janvier 2016, Tom Hooper retrace la vie de la pionnière du mouvement transsexuel, l’artiste danoise Lili Elbe. Et comment ne pas avoir eu vent de Bruce Jenner, le beau-père de Kim Kardashian devenu il y a peu Caitlyn Jenner ? Si les transsexuels et transgenres – oui, il y a une différence – sont remis à l’honneur et tentent de légitimer leur choix, leur style de vie, qu’en est-il dans la réalité ? En parlons-nous tant que cela et les connaissons-nous vraiment si bien ?
The Danish Girl ou l’ode à la transsexualité et à la féminité
Ce début d’année commence fort avec un film qui risque d’être l’un des plus marquants de 2016 : The Danish Girl. Le film raconte la vie de Einar Wegener, un artiste danois qui en se travestissant en femme pour servir de modèle à sa femme Gerda Wegener, devient Lili Elbe. Prenant goût aux costumes et à l’attitude féminine, Lili se sent prisonnière de son corps masculin et décide de changer de sexe. Nous sommes en 1930 et la première femme transsexuelle est née. 86 ans plus tard, ce film nous interroge sur notre connaissance et notre position face aux transsexuels : Tom Hooper met en exergue la difficulté pour un homme ou une femme d’oser assumer sa véritable identité sexuelle et force est de constater que le sujet a encore une résonance terriblement actuelle en 2016.

Sa sortie fait également écho au tapage médiatique qui n’a de cesse depuis l’été 2015 autour de Caitlyn Jenner et de la couverture de Vanity Fair. Résonance médiatique d’autant plus forte que Caitlyn, ancien athlète, fait partie du clan extrêmement médiatisé des Kardashian. Rappelons tout de même que même s’il lui a fallu de l’audace pour s’assumer aux yeux du monde, Caitlyn ne s’est pas reposée sur ses lauriers et a lancé sa propre émission : I am Cait… diffusé sur E ! News, qui, malgré une faible audience, aurait permis à Caitlyn de toucher plusieurs millions de dollars. Alors, volonté de démocratiser l’image des transsexuels ou promotion de soi à la Kardashian ?
Précisons d’ailleurs que, bien évidemment, Caitlyn possède des mensurations parfaites : alors que de nombreux sites de mode vantent la diversité des femmes et non l’existence d’un type idéal, un homme qui décide de changer de sexe prend soin de ressembler à « la femme parfaite ». Pourtant, la volonté des transsexuels est d’être en adéquation avec leur corps et leur identité, et pas nécessairement avec un stéréotype. Le débat est sans fin…

L’art et la musique : refuge de ces oiseaux de nuit ?
Bien que le cas de Caitlyn Jenner soit l’expression –très médiatique et controversée- d’une volonté de normaliser les transsexuel(le)s, il n’en demeure pas moins que les mentalités ont toujours semblé méfiantes quant aux transgenres, les associant bien souvent aux bas fonds des grandes villes.
Toutefois, remercions 1968 qui a permis la libéralisation des mœurs et quelques années plus tard le développement du mouvement punk à New York, Londres et Paris, où se mélangent à la fois artistes, jeunes, homosexuels et transsexuels. Les chansons se veulent antihomophobies et antitransphobies. Des artistes comme David Bowie jouent eux aussi sur le côté androgyne de leur personnage, ou sur le flou autour de leur sexualité : ni homme, ni femme, juste soi. Christine and The Queens reprend ces idéaux dans, par exemple, sa chanson « Paradis Perdus », qui raconte sa rencontre avec des drag queens à Londres.
D’autres au contraire, conscients du malaise qui gravite encore autour de la transsexualité, décident de se cacher : c’est le cas de Caroline Cossey qui en 1981 joue une James Bond Girl dans Rien que pour vos yeux. Un tabloïd américain dévoilera des années plus tard que Caroline était en réalité un garçon à la naissance. Après cette révélation, l’actrice reconnaît avoir envisagé le suicide.
 

Une transsexualité à la mode ?
Aujourd’hui encore, les transsexuels souffrent d’une image de marginaux et les témoignages douloureux sont nombreux. Néanmoins dans la mode, lieu de culte de la beauté et de la tendance, les créateurs tentent d’afficher une certaine ouverture d’esprit en prenant comme mannequins des femmes transsexuelles : c’est le cas d’Andreja Pejic qui pose pour le magazine féminin Vogue, ou encore de Léa T pour Givenchy. Mais encore une fois, on peut interroger la sincérité des créateurs et des magazines : s’agit-il vraiment d’affirmer son soutien à la cause des trans en les faisait défiler et en leur permettant de s’assumer dans leur nouveau corps et identité, ou bien s’agit-il de faire la promotion de sa marque en montrant au monde entier que l’on est ouvert à ces pratiques qui sont récusées par beaucoup ?

En toute honnêteté, ne voyons-nous pas des femmes qui défilent ? Pour la majorité, il est impossible de savoir qu’elles étaient des hommes à la naissance, et nous ne pouvons qu’admirer leur beauté.
Et si la mode joue de plus en plus sur le non-genre et l’aspect unisexe de ses collections et qu’on pourrait penser qu’elle serait un moyen pour les transsexuels de libérer leur image et ainsi de « normaliser » leur choix, ne soyons pas dupes. On s’aperçoit bien vite qu’en dehors des projecteurs, cette acceptation est moins évidente et que l’on a davantage tendance à admirer un mannequin transsexuel, parfait, que ceux que l’on croise dans la rue jugés fantasques.
Si l’art et la mode permettent aux transsexuels de trouver grâce aux yeux du public et de faire accepter une certaine différence, les taux de suicide élevés et le mal-être lié au rejet de ces personnes nous prouve qu’il ne suffit pas de quelques stars et coups d’éclats médiatiques pour faire accepter pleinement la transsexualité, et qu’un travail de fond doit être réalisé par la société sur ses préjugés.
Ludivine Xatart
Sources :
Vanity Fair : http://www.vanityfair.fr/timeline-transgenres-popculture#a1950 : « Une histoire des transgenres dans la pop culture ».

Télérama : http://www.telerama.fr/musique/christine-and-the-queens-j-adorerais-etre-une-icone-gay,111590.php
Konbini : http://www.konbini.com/fr/tendances-2/avenir-mode-non-genre/ : « L’avenir de la mode réside-t-il dans le non-genre ».
MetroNews: http://www.metronews.fr/info/suicide-depression-une-premiere-etude-sur-les-souffrances-des-transsexuels/mnks!NHjNLWE0wAAlM/
Crédits images :
The BRCW Reviex
Boston Globe
planettransgender.com
www.hapersbazaar.com

Société

(1) Nouveau message de Dieu

Non, ceci n’est pas une énième intervention des témoins de Jéhovah,  je ne chercherai pas à influencer un quelconque point de vue religieux, j’ai bien trop peur de toute représaille miraculeuse. Mais parce qu’aujourd’hui religion rime avec communication, il semble que la modernité technologique touche directement la foi. Nos réseaux de partage se présentent alors comme un outil éminemment pertinent dans une logique de mise en relation, d’échanges et même d’évangélisation. Mais est-ce toujours en accord avec l’éthique inculquée par la morale religieuse souvent basée sur la discrétion ? Tour d’horizon des cieux 2.0.
I believe i can tweete
Sœur Nathalie Becquart, spécialiste des réseaux sociaux pour l’Eglise de France, affirme que ce serait dans la nature de la religion catholique de communiquer, Dieu étant trinitaire donc communication en Lui-même. Les versets courts de la Bible, sont parfaitement appropriées et adaptables aux modalités d’expression propre à Twitter.
Hervé Giraud, 54 ans, décrit son métier d’évêque comme le fait « d’annoncer l’Evangile et de le commenter ».  Très actif sur le réseau social, ses « tweet-homélies » nourrissent ses 1091 fidèles followers. « Autrefois, on était sur la place publique, aujourd’hui il faut habiter l’arène numérique », explique Monseigneur Giraud. « L’idée est de semer une goutte spirituelle sur les réseaux sociaux, en proposant une pensée incisive, incitative mais pas impérative. »
Le débat fut le même pour le media prédécesseur d’internet, la télévision. Si regarder la messe par retransmission télévisuelle était d’abord destiné aux personnes invalides et malades, aujourd’hui cela touche bon nombre de croyants . A ce sujet, le pape Benoît XVI était clair : “… celui qui assiste à ces retransmissions doit savoir que, dans des conditions normales, il ne satisfait pas au précepte dominical. En effet, le langage de l’image représente la réalité, mais il ne la reproduit pas en elle-même. » (cf. Exhortation post-synodale sur l’Eucharistie, 2007).
Si Benoit XVI pouvait apparaître quelque peu archaïque dans sa réticence au monde 2.0, il n’en est pas de même pour le dit évolutionniste François. Quand Benoît XVI prônait le silence et le recueillement pour une communication réussie, le nouveau pape accueille avec bienveillance ses alliés Facebook et Twitter qui participent amplement à sa popularité actuelle. François, de son nom twittos @pontifex, s’adonne donc à l’apprentissage de ces nouveaux langages dans une perspective d’innovation. Oubliez Pôle Emploi et postulez au poste de Community Manager pour le Vatican, il paraît que ce domaine est en pleine expansion.

St Facebook, priez pour nous
Les réseaux sociaux sont donc le fer de lance de la Nouvelle Evangélisation. Ils permettent aux croyants de se réunir, de s’exprimer et de se confier sans contrainte.
L’avenir est aux réseaux sociaux dans leur dimension communautaire, d’ou la multiplicité de groupes Facebook pour des événements comme les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) qui réunissent à ce jour plus de 120 000 membres. Les réseaux sociaux s’affichent aussi comme le support idéal pour partager des causes qui tiennent à cœur, le sort des Chrétiens d’Orient par exemple, en mettant en photo de profil le symbole du noun par solidarité chrétienne.

 

Tout comme le fameux #PrayforParis avait suivi la mise en place d’une photo de profil aux couleurs du drapeau français. A ce propos nous avons interrogé Domitille, jeune croyante catholique connectée :  « Evidemment, on est sur des groupes de prières, c’est un peu le mode 2.0 pour se retrouver, et oui on participe à des événements via Facebook (messe des Etudiants à Notre-Dame de Paris, JMJ, messe en l’honneur de quelqu’un en particulier, etc), cela permet de lier l’utile à l’agréable. On peut également suivre des blogueurs cathos (du type Koz Toujours, Padreblog) qui ont souvent des pages Facebook, ou des assos religieuses. Les cathos sont des jeunes comme les autres, et donc utilisent les réseaux sociaux comme les autres. Le monde se modernise, et la religion s’adapte du coup ».

Catho Style par Spi0n
 
 
Dieu débarque également dans votre AppStore, avec notamment cette toute dernière application Hozana. Comment ça, vous ne connaissez pas ? Cette application chrétienne se donne pour vocation d’utiliser le web comme un réseau de prières.

 
 
Une autre application se distingue sur le web : Praywithme.com qui permet de donner des prières et d’en recevoir à travers le monde entier. 

 
On pourrait également évoquer concernant la religion musulmane, les divers groupes de soutien pour le Ramadan. Car si les savants religieux préfèrent les canaux de communication traditionnels, les mises en réseaux de musulmans sont multiples. Tout comme le catholicisme, l’islam s’est d’ailleurs clairement développée avec les réseaux sociaux, elle incarne d’ailleurs d’autant plus l’avant-gardisme de la pratique de la foi concernant l’utilisation d’internet. A cet effet, UmmaUnited, le réseau social premium du monde musulman se présente comme « une fenêtre ouverte sur l’universalité fraternelle », selon Zouhair Amri son cofondateur. On y trouve aussi bien des groupes de travail, de discussions en ligne, que des vidéos de recherche d’emplois, de logements mais aussi… des plateformes pour trouver l’âme sœur ! Ce qui distingue ce réseau de Facebook ou Twitter est son caractère confidentiel : les écrits et photos sont garantis non visibles sur les moteurs de recherche. Cette discrétion plaît aux musulmans connectés car elle est en accord avec le principe de réserve de l’éthique religieuse musulmane.
Au final, il semblerait que les réseaux sociaux représentent tout de même des outils de l’immédiateté tandis que la religion au contraire prône la prise de temps, la maturation.
Pourtant selon Sœur Nathalie Becquart, un phénomène contraire aux préjugés est à observer : plus on utilise ces outils, plus les gens sentent qu’il faut remettre de l’incarnation. La visée de ces contacts virtuels reste donc la rencontre en direct en amont ou en aval. On te laisse le temps de méditer tout cela. En attendant, lève toi et tweete.
Ségolène Montcel
Sources :
Geneviève Delrue. « Les religions et les réseaux sociaux », in RFI, mis en ligne le 16/12/12  
Stéphanie Le Bars. « Les tweets-homélies de Mgr Giraud, évêque de Soisson », in LeMonde, mis en ligne le 23/12/11 
Pray with me
« L’appli Hozana – Coming soon, prie avec tes amis ! »
 
Crédits images : 
http://ethique-tic.fr/2013/habemustweetum/index.html
https://www.bakchich.info/international/2013/06/07/arabie-saoudite-twitter-c-est-perdre-son-ame-62497
Spiritualité 2.0 : les médias sociaux une nouvelle religion? Mange-réseaute-aime!