LOUIS VUITTON
Publicité et marketing

La célébrité : l'arme secrète des marques ?

L’utilisation d’une célébrité par les marques pour véhiculer l’image d’un produit ne date pas d’aujourd’hui. Cependant, l’explosion des réseaux sociaux crée de nouveaux enjeux. Les stars malgré leur besoin de protéger leur intimité n’ont pas su résister à l’appel de Facebook, Instagram et autre. Les marques et les marqueteurs l’ont bien compris en intégrant le fil conversationnel des stars sur les différentes plateformes pour se faire de la publicité.
De l’endorsement…

L’endorsement est un mot d’origine anglaise qui est issu du verbe to endorse (s’appuyer, approuver). Il désigne le partenariat entre une célébrité et une marque. Cette dernière décide d’utiliser l’image d’une célébrité pour véhiculer l’image d’un de leurs produits. Le cas le plus célèbre est la collaboration de longue date entre George Clooney et la marque de café Nespresso. Cela permet un transfert de notoriété entre la célébrité et le produit qu’il représente. Aujourd’hui, les célébrités apparaissent de plus en plus dans des publicités. En France, lors du premier semestre de 2015, 7,3% des publicités dans la presse font ainsi appel à des célébrités, surtout dans les secteurs de l’habillement, de la beauté et du luxe selon l’observatoire du Celebrity Marketing de Brands and Celebrities.
… au micro-endorsement
Le micro-endorsement est une pratique d’endorsement qui consiste à promouvoir l’image d’un produit en utilisant le compte personnel d’une célébrité comme un média. Cette promotion est faite de manière ponctuelle et ne correspond pas à un accord entre la star et la marque sur le moyen ou le long terme. Le micro-endorsement ne relève pas d’une logique publicitaire. Il a vocation à créer un territoire pour relayer des informations, événements entre la marque, une ou des célébrités et leurs fans. Cela permet de générer une conversation sur une marque entre une célébrité et sa communauté.
Avec l’explosion des réseaux sociaux, le micro-endorsement devient de plus en plus fréquent. Les marques vont se servir du fil conversationnel d’une célébrité, souvent sur Twitter ou Instagram pour promouvoir un de leurs produits. En effet, la star va « vanter » les bienfaits du produit auprès de ses followers sur ses différents comptes personnels. Ainsi, en 2013, Oprah Winfrey la célèbre animatrice et productrice américaine vante sur ses comptes Twitter et Instagram les mérites de la friteuse « Actrify » de la marque Seb, faisant 1,3 million de vues. L’animatrice précise toutefois ne pas avoir été payée par la marque.

Un autre exemple célèbre de micro-endorsement est le fameux selfie des Oscars. En effet, lors de la cérémonie de 2014, Ellen Degeneres, la maîtresse de cérémonie et animatrice américaine, décide de prendre un selfie avec d’autres personnalités connues telles que Meryl Streep, Angelina Jolie, Brad Pitt… Ce selfie pris par le Samsung Galaxy Note 3 a été partagé plus de 3 millions de fois sur les réseaux sociaux et a explosé le record du nombre de « retweets ». Le cliché prétendument spontané est en réalité un beau coup marketing de la part de Samsung. Ce dernier était le sponsor de l’événement et aurait déboursé 20 millions de dollars pour promouvoir ces produits sur le « red carpet ».

Une efficacité variable
On peut se poser des questions quant à la réelle efficacité des techniques d’endorsement et de micro-endorsement. La clé d’une bonne stratégie de micro-endorsement est l’ignorance du grand public. En effet, il ne faut pas que les followers des célébrités sachent qu’il y a un contrat – certes ponctuel mais un contrat quand même – entre la star et la marque. Le grand public ne doit pas se rendre compte que l’opinion positive – sincère ou pas – d’une star au sujet de tel ou tel produit est un coup marketing. Il ne faut pas briser la confiance du follower en la star sinon il ne considérera plus son avis. Un exemple récent est le lancement du dernier smartphone de Samsung, le « Samsung S6 Edge + » avec le concert de Mika à la piscine du Molitor. Samsung a demandé à une trentaine de célébrités de relayer l’événement avec le hashtag #NewEdgeNight permettant à leurs fans de voir le concert en live. Cependant, tout cela a été mal reçu par les fans qui n’ont pas compris que les stars qui relayaient l’événement n’y assistaient pas. Les internautes se sont sentis trahis et ont mal réagi en détournant et en s’amusant des messages postés par les célébrités.

Pour l’endorsement, c’est un peu différent. Le plus important est que l’image de la star ne soit pas en décalage avec celle du produit ou de la marque concernée. En effet, tout le monde se souvient de l’échec de la publicité LCL avec Gad Elmaleh. L’image de l’humoriste ne collant pas vraiment à celle de la marque.
Hawa Touré
Sources:
Catherine Heurtebise. « De l’endorsement au micro-endorsement » in Influencia, mis en ligne le 18/12/15. 
« Définition : Micro-endorsement » in Definitions-marketing, mis à jour le 19/12/15. 
« Endorsement (soutien) » in e-marketing.  
« Les célébrités, les marques et la publicité »
« Celebrity marketing », in Wikipédia. 
Carole Soussan. « Publicité et célébrités vont de mieux en mieux ensemble », in CBNEWS, mis en ligne le 20/10/15.  
Géraldine Russell. « Oscars : Samsung s’est payé un selfie à 20 millions de dollars », in LeFigaro, mis en ligne le 05/03/14. 
Crédits images : 
http://www.grazia.fr/people/interviews-et-decryptages/articles/celebrons-les-54-ans-de-george-clooney-en-gifs-759266
Instagram Poppy Delevingne
Instagram Oprah Winfrey
Twitter Ellen DeGeneres
Twitter Gonzague Dambricourt

Enjoy Phoenix
Société

Et si les youtubeuses beauté ne savaient pas tout ?

Salut les filles ! Je suis super contente de vous retrouver aujourd’hui pour parler de l’influence de vos youtubeuses préférées et des dangers qui en découlent. Ne vous inquiétez pas, j’ai mis toutes les références en barres d’infos. N’hésitez pas à me laisser des commentaires, à liker si le sujet vous intéresse et à vous abonner à ma chaîne bien sûr !
Il est aujourd’hui difficile de passer outre les tutos beauté sur YouTube et leurs créatrices, ces nouveaux gourous du net que sont les youtubeuses beauté. Véritables influenceuses, elles partagent des conseils beauté avec leurs nombreux abonnés. Il semble néanmoins que leur champ de compétence ait aujourd’hui bien évolué. Mais où s’arrête la légitimité des youtubeuses beauté ? Quelles peuvent être les conséquences d’un amateurisme qui s’impose comme une référence ?
De la bonne copine à la professionnelle, il n’y a qu’un pas (et quelques milliers d’abonnés)
Rappelons tout d’abord que ce qui fait le succès d’une youtubeuse, c’est en partie sa proximité avec son public. Après tout, c’est une fille comme vous, comme nous, un peu comme la grande soeur qu’on n’a jamais eu. Une véritable relation se tisse et vidéo après vidéo, conseil après conseil, la confiance s’installe. Plus leur notoriété augmente, plus la part de confiance qui leur est accordée est importante.
Nous avons pu remarquer ces dernières années que ces youtubeuses tendent à se présenter comme des « professionnelles » de la beauté. La qualité visuelle de leurs vidéos, les partenariats avec des marques ou encore la participation à des émissions de télévision pour certaines (la célèbre EnjoyPhoenix est une habituée des plateaux et a même participé à Danse avec les stars récemment), véhiculent cette image professionnelle, alors qu’en réalité elles ne possèdent aucune formation en esthétique ou en coiffure pour la grande majorité. Autodidactes, elles s’en sortent souvent très bien. Et même dans les cas où leurs conseils seraient mauvais, un maquillage raté n’est pas un drame : on l’essaie devant son miroir et si ça n’est pas réussi, on se démaquille. Or, si leur non-expertise ne les empêche pas d’être très douées, voire même meilleures que certains experts, il semblerait que cela puisse devenir problématique quand elles tentent d’étendre leurs compétences à des domaines plus spécialisés et plus complexes.

Les youtubeuses beauté sont-elles mauvaises pour la santé ?
Pour continuer à séduire leurs fans et pour ajouter du contenu à leur chaîne, les youtubeuses beauté donnent maintenant de nombreux autres conseils : lifestyle, santé, cuisine, vie privée… Tout y passe. Certaines donnent par exemple des conseils sur les problèmes de peau. N’étant pas diplômées en dermatologie, il semble naturel de remettre en question la légitimité de leur parole. Elles ne font, en effet, référence qu’à leur propre expérience, à d’autres vidéos qu’elles ont pu voir ou encore à des informations qu’elles ont elles-mêmes trouvé sur Internet. La fiabilité de leurs trucs et astuces peut donc être mise en doute.

 
En outre, le public des chaînes YouTube étant extrêmement large, leurs conseils ne peuvent s’appliquer à tous. Et ce n’est pas certaines abonnées d’EnjoyPhoenix qui diront le contraire. La youtubeuse star, dans une vidéo de masques DIY (“do it yourself”), conseille d’essayer un masque à base de cannelle et de miel qui donne une peau « toute belle, légèrement rosée parce qu’elle a pris des couleurs ». Comme l’explique un article publié sur marieclaire.fr le 20 octobre dernier à ce sujet, la cannelle est « une plante dermocaustique (qui entraîne des brûlures) et très allergisante ». Ainsi, certaines abonnées ont eu la sympathique surprise de retrouver leur visage brûlé après l’utilisation du masque. Bien sûr, l’erreur est humaine, mais lorsque l’on se porte garant devant des millions de personnes des vertus d’une recette, et que l’on a autant d’impact sur des millions de jeunes filles qu’EnjoyPhoenix, l’erreur prend une toute autre dimension. Si les youtubeuses se veulent professionnelles, elles doivent prendre les responsabilités qui accompagnent ce changement de statut.
Tous les conseils sont-ils bons à prendre ?
L’exemple est encore plus frappant dans le cas de Kelly Angelini, alias KayEhHey. Dans une vidéo sortie début décembre 2015, elle donnait des conseils concernant la première fois. Elle insistait sur l’importance de la tenue vestimentaire et du maquillage, ainsi que sur la nécessité de s’épiler pour « ne pas dégoûter son partenaire » et de se laver le sexe plusieurs fois « par respect». Une fois passés ces conseils misogynes, qui véhiculent une conception arriérée de la femme, la youtubeuse renchérit. Elle explique, en effet, qu’il faut parfois se faire violence et se forcer un peu pour sa première fois, car après tout, « tout le monde est passé par là ».

La vidéo a rapidement été supprimée par son auteure . Néanmoins, ces propos ne sont pas passés inaperçus auprès des internautes. Clarence Edgard-Rosa, blogueuse et journaliste féministe, conclut ainsi un article à propos de cette vidéo sur son blog pouletrotique.com: « Son ignorance crasse n’empêche en rien Kelly de se sentir légitime à distiller ses conseils à ses près de 250.000 abonnés, et grâce à YouTube, elle sera rémunérée pour ça. Récompensée financièrement pour avoir expliqué à des jeunes filles que le plus important dans une première relation sexuelle avec un garçon, c’est de se forcer un peu, de ne pas porter un décolleté trop plongeant et de se récurer l’entre-jambes par respect pour les garçons. J’oscille entre honte et colère. Je vais prendre les deux. » Comme le précise une rédactrice du site blastingnews.com, le public de ces youtubeuses est généralement un public jeune, manquant de confiance en soi et de repères. Ces jeunes accordent donc un grand intérêt au discours de leur youtubeuse favorite et dès lors, ces paroles deviennent un réel enjeu. Les propos de Kelly Angelini peuvent être nuisibles, en particulier pour les jeunes âmes qui parcourent YouTube à la recherche de conseils et de réconfort.

Ces exemples de dérapage made in YouTube nous montrent bien que ce média social soulève de nouveaux débats, notamment en ce qui concerne l’amateurisme sur Internet. L’importance accordée aux youtubeuses beauté, à la fois sur Internet et dans les médias dits traditionnels, ainsi que la professionnalisation entraînée par cette médiatisation nécessitent donc une réelle remise en question. Néanmoins, il semble clair que les youtubeuses beauté ont désormais une place prépondérante dans la consommation médiatique des jeunes publics, interrogeant également le futur des sacrosaints magazines féminins.
Clémence de Lampugnani
LinkedIn 
Sources: 
Marie-Claire, « POURQUOI ENJOYPHOENIX FAIT-ELLE LE BAD BUZZ SUR LA TOILE ? » de Lola Talik 
L’obs, « Première fois: une YouTubeuse conseille aux filles de se forcer. Une honte » de Audrey Kucinskas 
Blasting news, « YOUTUBEUSE BEAUTÉ: RÉEL MÉTIER, EFFET DE MODE OU VÉRITABLE STAR MODERNE? » par Lilylaura Devillers 
« Le pouvoir des Youtubeuses beauté » par Magali Heberard 
Crédits photos:
Joel Saget / AFP
Capture d’écran Youtube d’une vidéo de Michelle Phan
capture d’écran YouTube d’une vidéo d’EnjoyPhoenix
apture d’écran YouTube vidéo de KayEhHey alias Kelly Angelini
Twitter

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Publicité et marketing

Ça se sent, ça se sent…: odorat et branding

« L’odorat, le mystérieux aide-mémoire, venait de faire revivre en lui tout un monde ». Dans Les Misérables, Victor Hugo soulignait déjà les facultés mémorielles de l’odorat, sens souvent délaissé, pourtant si déterminant dans notre manière d’appréhender et de se représenter notre société. Alors que notre vue est sans cesse sollicitée, saturée voire brouillée par un flot d’images en tout genre, entreprises, organisations, marques et collectifs misent sur un nouvel appât : notre nez.
À la découverte du marketing olfactif
Qui n’est jamais entré dans une boulangerie après avoir senti l’odeur de pain chaud et doré qui en émanait ? Quel citadin n’a jamais éprouvé une sensation de profond dégoût dans le métro puant à 9h du matin ? Notre odorat guide inconsciemment nos humeurs, nos affects, certains de nos actes : les professionnels du marketing olfactif l’ont bien compris. Depuis les années 1990, les marques ont développé une nouvelle manière de promouvoir leur univers ainsi que d’attirer et de fidéliser leurs clients. Elles utilisent une véritable signature olfactive, générant une odeur qui leur est propre et qui renforce l’identité singulière de leur enseigne. Nous avons tous à l’esprit l’exemple de la marque Abercrombie&Fitch, qui diffuse jusqu’à l’écœurement son propre parfum (Fierce n°8) dans chacune de ses boutiques. Le but étant principalement d’euphoriser le client et de stimuler l’achat étant donné que « les gens dépensent de l’argent quand ils se sentent bien », faisait remarquer Walt Disney.
La rationalité est alors laissée de côté pour faire place à la perception et à la subjectivité de l’être humain qui est interpellé de manière intrusive par le biais de ses sensations. Parce qu’il met l’accent sur le vécu des individus, le marketing olfactif joue sur le déclenchement d’un processus émotionnel à des fins commerciales. Dans le cadre de ces expériences, le consommateur, qui réclame une offre de plus en plus personnalisée, intègre des informations affectives et développe plus facilement de la sympathie pour la marque en question.
Cette stratégie de marketing sensoriel est souvent utilisée pour favoriser l’expérience client. De nombreuses marques y ont recours pour se classer dans la top liste des « originaux ». En 2014, par exemple, Burger King créait la surprise en mettant en place sa première opération de street marketing, alléchant les babines des passants. L’odeur du hamburger Whopper était diffusée dans un abribus de Madrid par nébulisation (diffusion d’un nuage sec, volatile et écologique).

Le marketing olfactif joue non seulement la carte de l’étonnement, mais aussi celle de l’interaction. L’individu n’est plus le simple spectateur de ce qui lui est donné à voir mais devient l’acteur même de la mise en situation du produit. Ce n’est pas uniquement son esprit mais bien son corps qui est intimement appelé à prendre part au processus communicationnel. En témoigne la création d’un guide touristique olfactif par la ville de York (Angleterre), qui recense les parfums emblématiques de la région. Chacun est invité à découvrir des senteurs de thé, de chocolat, de champs de lavande de rues ou encore de crottin de cheval en plongeant son nez dans le livret.

Le cas du parfum
S’il existe un secteur qui a su mettre à profit notre sens olfactif, c’est bien celui de la parfumerie. Tantôt accessible, tantôt hors de prix, le parfum est associé à un produit de luxe dans l’imaginaire collectif. Il renvoie le plus souvent à un idéal fascinant, que chaque consommateur est désireux d’approcher. Guerlain a su jouer sur cette ambivalence et cerner son client, tiraillé entre volonté d’affirmation de soi et désir de ressembler à cet autre qui n’existe pas.

Dans ce cas précis, le marketing olfactif est la condition même de l’existence du produit et se mêle jusqu’à notre peau. La diversité des flacons, des senteurs, des appellations pourrait nous faire croire qu’un des produits peut correspondre à notre identité et renvoyer aux autres le caractère unique de notre personnalité. Or, la seule odeur qui ne soit vraiment nous, c’est la nôtre.
Kalain, une entreprise normande, s’est emparée de ce constat afin de produire des parfums qui porteraient des odeurs corporelles uniques. L’idée est née du manque que la créatrice a éprouvé, suite au décès d’un être cher. Sur son site, la start-up propose des coffrets pour « combler une absence temporaire » ou bien « définitive ». La commercialisation de nos propres odeurs (le flacon est vendu à la modique somme de 560 euros) semble en dire long sur notre rapport au temps.
Nos sens sont alors quelque part instrumentalisés au profit d’actions communicationnelles et commerciales. Les marques ne vont-elles pas trop loin lorsqu’elles font de notre corps un nouvel outil marketing ? Gare à votre nez !
Émilie Beraud
LinkedIn
Sources :
France Culture, La Philosophie de l’odorat, 2010
Marketing Professionnel, Branding sensoriel, le nouvel atout des marques, 2009
Midis, Burger King diffuse l’odeur de son Whopper dans un abribus, 2015
http://www.visityork.org/first-smellyork.aspx
Huffington Post, Reconstituer l’odeur d’une personne décédée ou absente sous forme de parfum, le projet d’une entreprise normande, 2015
Crédits photo :
http://www.guerlain.com/fr/fr-fr
http://www.visityork.org/first-smellyork.aspx
http://www.midis.com/blog/burger-king-diffuse-odeur-de-son-whopper-dans-un-abribus
 

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Publicité Adopte un mec
Société

Sites de rencontre: "y en aura pour tout le monde"

Un site web comme lieu de rencontre ? C’est la métaphore utilisée par les sites de rencontres, qui proposent d’optimiser les rencontres amoureuses. Après le temps des bals et des bars, le site permet de faire sa propre sélection. Et si l’analyse de Tinder, application mobile de rencontre, par Le Sociologue est implacable, il nous paraît néanmoins nécessaire de revenir sur les stratégies que mettent en œuvre ces sites pour inciter à leur utilisation et satisfaire les acteurs de ce lieu virtuel.
« Le truc c’est que j’ai trop honte… ça craint ! »
Sur le forum jeux-vidéo.com, un utilisateur vient demander de l’aide aux autres membres. Il veut s’inscrire sur un site de rencontre mais n’ « ose pas » : « le truc c’est que j’ai trop honte, j’ose pas m’inscrire sur un site de rencontres ça craint ! ». C’est que nous avons une image péjorative du site de rencontre, c’est un double aveu : celui de l’échec, ne pas avoir rencontré quelqu’un « en vrai » et celui, si rencontre il y a, de s’être rencontrés grâce à un clavier et une souris, plus difficile à avouer que le légendaire coup de foudre.

Toutefois, il s’avère plus facile d’avoir recours à ce genre de site que de faire des rencontres réelles. Pour le sociologue Norbert Elias (1897-1990), nos interactions dans le monde sont régies par des règles de pudeur. Or, bien que le sociologue n’ait pas connu l’ère des sites de rencontre, ces règles de pudeur paraissent être mises entre parenthèses dans un monde virtuel tel que celui de ces sites. Les interactions, c’est le sujet phare d’Erving Goffman, sociologue qui développe la notion de face dans son ouvrage Les rites d’interaction, paru en 1974. La face est la ligne de conduite d’une personne, qui se structure et prend son sens dans son rapport à autrui. Lorsque l’on est déphasé par rapport au monde social qui nous entoure, on « perd la face ». La rencontre via un site internet permet de « préserver la face » puisque l’image est contrôlée et nos actions se font de manière cachée, derrière un écran, imperceptible pour les autres personnes en ligne, qui n’ont de nous que des informations minutieusement choisies.
Rendre le lieu virtuel légitime
Pour les sites de rencontre, l’enjeu est de légitimer leur usage. Pour cela une première approche est celle du désenchantement de la rencontre dans la vraie vie : les rencontres ne sont pas celles que nous choisissons, nous pouvons êtres abordés sans le désirer et tomber sur beaucoup de mauvaises surprises. Pour en finir, les sites de rencontres proposent d’avoir le choix, de pouvoir faire le tri : prendre le pouvoir sur la rencontre et ne pas laisser le hasard ruiner nos relations. Le pouvoir attribué par le choix serait ainsi l’atout du site de rencontre, notamment pour les femmes, qui sont placées au centre des publicités, poursuivies par des hommes aux attitudes grotesques, se réfugiant sur les sites de rencontre pour s’assurer une certaine qualité de relation et éviter ce type d’homme.

Le site Meetic insiste lui sur sur la crainte de la solitude du célibataire moderne : aller sur le site de rencontre au lieu d’attendre que l’amour nous tombe dessus, puisque Cupidon ne semble pas de la partie.
Indiquez vos critères
Marie Richeux résume clairement la situation des sites de rencontres dans son émission Les Nouvelles vagues sur france culture : « y en aura pour tout le monde ». En effet, entre histoire d’un soir, nouveau départ, recherche d’une communauté spécifique avec des exigences spéciales etc., la demande sur les sites de rencontre est très variée. En observant les différents sites, la variabilité des publics saute aux yeux : des jeunes sur Tinder aux « célibataires exigeants » d’Attractive World : chacun sa stratégie, basée sur un agencement de l’offre et de la demande.
La sociologie s’est intéressée aux modalités des choix des conjoints et, depuis La Distinction de Bourdieu, elle tend à montrer que les rencontres se font sur le mode d’une reproduction sociale, c’est-à-dire dans le cadre du maintien d’un certain niveau de vie. Cette endogamie peut être aujourd’hui l’argument de certains sites, notamment à travers l’expression « célibataires exigeants » d’Attractive World. Sur Meetic également, s’il paraît simple de s’inscrire, il est en réalité difficile de passer toutes les étapes, ce qui réserve en quelque sorte l’accès au site à une certaine communauté. Une fois le compte créé, le site nous propose de rajouter plus de critères : « SOYEZ EXIGEANT(E), indiquez vos critères et trouvez des célibataires qui vous correspondent ». S’il a été reproché à Meetic d’être devenu un « supermarché du sexe », le site a créé « Meetic Affinity », nouveau site ciblant une population plus sérieuse et plus âgée.
 

« Pour le fun »
Pour passer outre la honte ressentie au fur et à mesure des étapes d’inscriptions, les sites plutôt dédiés aux jeunes dédramatisent leur recours par plusieurs biais.
La première option est celle de la simplicité, qui s’applique particulièrement au cas Tinder. En effet, l’application mobile lancée en 2012 par quatre Américains, repose sur un fonctionnement simplifié au maximum : il suffit de créer un compte à partir du compte Facebook – ce qui oblige à en avoir un – puis d’ajouter une à cinq photos, éventuellement une description libre, l’« à propos ». L’application repère les membres aux alentours et fait apparaître leur profil, il suffit de faire glisser le profil sur la droite ou sur la gauche suivant si l’on veut le garder ou non. S’il y a un accord des deux côtés, il y a alors « match » et il est possible de se parler sur un chat. La simplification fait passer l’imaginaire du site de rencontre d’un lieu dans lequel il faut rentrer après plusieurs étapes à une simple activité sur son téléphone, souvent justifiée par « c’est pour rire » ou « c’est pour le fun ».
Une autre manière de dédramatiser est l’humour. Et c’est le biais que propose le site français Adopte-un-mec, qui se présente comme le « supermarché des femmes », et la métaphore est filée dans chaque élément : « notre sélection régionale », « nos clientes », « nos offres à la une », « boutique ouverte 24/24 7/7 », « livraison rapide », « mise en panier illimité » etc. Tout le dispositif est construit autour du principe du supermarché, de manière volontairement insistante, pour dédramatiser en donnant le pouvoir aux femmes. Mais si cette stratégie fonctionne c’est parce qu’elle renverse les rôles, un site avec les sexes inversés serait vivement critiqué car il relèverait de beaucoup plus de la réalité. Et pourtant ici, ce sont les femmes qui font les courses…

 
Dédramatiser une utilisation honteuse, c’est le défi que se donnent les sites de rencontre. Ce phénomène participe de l’économie de la captation. La sociologue Pascale Trompette l’utilise, quant à elle, à propos du marché des défunts : trouver le biais pour vendre dans le secteur funéraire sans paraître irrespectueux face à la situation délicate des clients.
Dans notre cas, les sites de rencontres contournent leur situation délicate si bien que leur recours est devenu fréquent, et leur notoriété leur permet maintenant de faire de la publicité sans évoquer leur nom, comme le fait Adopte-un-mec dans sa toute dernière campagne.

La notoriété des sites de rencontre ne se mesure pas seulement à la reconnaissance de leur logo dans le métro, mais également en chiffres. En effet une étude Ifop de juin 2015 sur la rencontre en ligne,  dévoile une pratique de plus en plus répandue : « quatre Français sur dix (40%) se sont déjà inscrits au moins une fois sur un site de rencontre, soit une proportion qui a doublé en l’espace de 5 ans (20% en 2010) ». Seulement, l’étude remarque aussi que la pratique paraît plutôt correspondre à des « coups d’un soir » qu’à de sérieuses relations, une affaire à suivre.
Adélie Touleron
@AdelieTouleron
Sources:
Etude Ifop juin 2015: “L’essor des rencontres en ligne ou la montée de la culture du « coup d’un soir »
Emission Culture pub du 16 février 2009 sur les sites de rencontre depuis leurs débuts
Pascale Trompette, Le marché des défunts, sur la sociologie de la captation
Crédits photos:
Forum jeux-vidéo.com
Site Adopte-un-mec.com
Pub Adopte-un-mec.com
Site Meetic.fr
 
 

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YOUTUBE SCIENCE
Société

5 minutes dans la peau d'un scientifique

Étaler sa science sur YouTube ? Les vidéos à ce sujet ne cessent de se multiplier sur la plateforme, réalisées pour la plupart par de simples passionnés. L’idée séduit : pourquoi parler de science ne serait réservé qu’à un petit groupe de chercheurs enfermés dans leurs laboratoires ? Mais cette tendance soulève de nombreuses questions notamment quant à la crédibilité et à la légitimité de leurs explications.
Youtubeuse végétalienne vs politiques de santé publique
Lorsque Erin Janus veut nous prouver que les produits laitiers sont tout simplement « f**king scary » selon ses propres termes, elle n’y va pas par quatre chemins. La jeune femme, qui se décrit comme « une activiste et végétalienne passionnée », choisit alors de poster une vidéo sur YouTube nous expliquant en 5 minutes top chrono en quoi consommer des produits laitiers, dans les faits, contribue à « l’exploitation sexuelle et à l’épuisement émotionnel et physique » des vaches. Tout y est : brièveté, humour (noir), images dures et choquantes, sentiments… Enfin, Erin sort l’argument ultime. Un panel de captures d’écrans d’études scientifiques défile alors rapidement sous nos yeux. Les personnes consommant le plus de produits laitiers seraient les plus exposées aux fractures. Vous l’aurez donc compris, 3 produits laitiers par jour, les produits laitiers sont nos amis pour la vie (ça y est vous l’avez dans la tête, ne me remerciez pas), tout ça, ne serait que du blabla orchestré par un très puissant lobby, affirme la youtubeuse. En 5 minutes, Erin Janus, qui n’est a priori ni médecin, ni une grande spécialiste du sujet, a réussi à convaincre ou du moins à interpeller les consommateurs invétérés de fromage que nous sommes et à (presque) décrédibiliser toutes recommandations médicales à ce sujet, au nom d’un complot parfaitement organisé.
Dose de savoir dans un monde très occupé
Bien qu’elle n’ait aucune légitimité à évoquer les bienfaits ou les méfaits des produits laitiers sur notre santé, la vidéo d’Erin Janus aura immanquablement un impact beaucoup plus important que toutes les études scientifiques sur le sujet. En effet, même si la youtubeuse ne cite pas ses sources et qu’ils sont inconnus du grand public, certains travaux ont bel et bien démontré que les produits laitiers pourraient avoir un effet néfaste sur notre santé. C’est le cas, notamment, d’une étude réalisée en 2014 par des chercheurs suédois. Pour autant, ces derniers ne remettent pas en cause des années de politique de santé publique ; qu’Erin Janus, elle, écarte en 5 minutes. Ils appellent même à prendre leurs résultats avec beaucoup de précaution en attendant la validation par la communauté scientifique. Nous voilà donc confronté à deux temporalités distinctes : le temps long de la communauté scientifique afin qu’une étude acquiert de la légitimité, opposé à la brièveté de la vidéo sur YouTube qui s’empare d’un sujet en un temps éclair, comme le propose Erin « parce que tout le monde est très occupé en ce moment ». Et cela ne rate pas ! En effet, rien qu’en 2 semaines, sa vidéo a été visionnée plus de 249 000 fois, soit autant que la diffusion de Sciences et Avenir, le 2e magazine français spécialisé en sciences. Malgré l’absence de sources et de sérieux doutes sur sa légitimité, ce contenu a obtenu autant de visibilité qu’un article publié dans une revue scientifique reconnue, voire plus, étant donné que le mensuel est consulté, dans la majorité des cas, toujours par le même cercle d’abonnés, alors que la vidéo va toucher un public très varié, notamment grâce aux réseaux sociaux. Elle est même arrivée jusque moi qui suis ni végétarienne, ni végétalienne. D’où le paradoxe : sur des sujets qui nécessitent pourtant une véritable expertise, nous prêtons finalement plus l’oreille aux messages portés par des non-spécialistes, ces derniers étant de fait médiatisés, qu’à ceux de scientifiques, qui restent, au contraire, peu médiatisés ou seulement auprès d’un cercle très restreint. La preuve : essayez de citer le nom d’un seul chercheur un tant soit peu connu (Non, les frères Bogdanov, ça ne compte pas). Vous n’y arrivez pas ? Moi non plus. Pour pallier cette réalité, il existe aujourd’hui un véritable essai de médiation de la parole scientifique : on pensera, notamment, aux conférences TED. Pourtant, cette tentative n’en est qu’à ses débuts, puisque, pour reprendre l’exemple précédent, ces conférences sont encore loin d’être connues du grand public. « Attends TED, c’est le film avec l’ours en peluche graveleux ? »

 
Qui pour légitimer sur YouTube ?
Malgré tout, cela ne signifie pas qu’il soit impossible de livrer un contenu aussi rigoureux que ludique sur YouTube en 5 minutes top chrono. De nombreuses personnes, d’abord aux Etats-Unis et, très récemment, en France, ont d’ailleurs très bien compris l’opportunité que représente la plateforme en termes de vulgarisation scientifique. « Sur YouTube, on peut atteindre très rapidement une audience même sur les sujets de niche comme la science », fait valoir la plateforme. Docteurs en sciences ou le plus souvent de simples passionnés, ils veulent faire part de leurs connaissances au grand public. Cette forte médiatisation des youtubeurs pose la question de la crédibilité de leurs explications. Qui prend en charge la validation des contenus dans le cas des youtubeurs ? La plateforme elle-même ? Il est peu probable que ses employés soient à même de juger de la véracité ou non d’un exposé sur la relativité restreinte. YouTube laisse donc soin à la communauté de se saisir du sujet si les internautes se rendent compte que l’auteur de la vidéo dit des énormités. Encore faut-il s’en rendre compte, me direz-vous. Nous n’avons donc plus qu’à lire les commentaires et à espérer qu’un scientifique aguerri en valide le contenu. Ou que l’auteur de la vidéo soit aussi exigeant sur le contenu que ne l’est une Florence Porcel, créatrice de « La folle histoire de l’Univers », une chaîne YouTube spécialisée en astronomie : « Comme je ne suis pas spécialiste, je suis obligée de tout vérifier, chaque mot, chaque phrase ». Du fond du cœur, merci Florence ! Beaucoup encore, il nous reste à apprendre.
Héloïse Bacqué
Sources :
Sciences et Avenirs (AFP) : http://www.sciencesetavenir.fr/sciences/20150917.AFP9998/des-youtubeurs-depoussierent-les-sciences.html
OJD : http://www.ojd.com/Chiffres/La-Presse/La-Presse-Payante/Presse-Magazine
Les décodeurs, Le Monde.fr par Ania Nussbaum : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/02/12/faut-il-boire-du-lait_4574590_4355770.html
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Canoe.ca
Bizbash

OBAMA POLITIQUE PLEURER
Politique

Pleure si t'es un homme (politique)

D’aucuns s’amuseraient à constater que nos hommes politiques aiment la transparence… Pas celle qui les oblige à répondre du nombre de zéro sur leurs factures, évidemment, mais désormais la mode est à l’émotion ; on laisse voir, on laisse transparaître. Beaucoup de choses se bousculent sur le visage de nos représentants : l’anxiété, la colère, le soulagement – on se souvient du long soupir de Xavier Bertrand après sa victoire aux Régionales, par exemple. Mais surtout, en politique, on pleure.
Aux larmes citoyens !
Lorsque l’on sait comment les utiliser, les larmes peuvent être un redoutable outil de communication, et Barack Obama est le maître incontesté du maniement lacrymal. Le 5 janvier 2016, alors qu’il présente son plan de contrôle des armes à feu et évoque les trop nombreuses victimes de fusillades, il essuie une larme, puis une autre … « Every time I think about those kids, it gets me mad / A chaque fois que je pense à ces enfants, ça me met en colère », avoue-t-il avant d’enchaîner finalement sur la nécessité de construire une société plus sûre. L’instant est bref, le symbole est fort, les médias s’emballent. Les heures suivantes, on s’évertue à analyser ce comportement. Après tout, Obama n’en est pas à son premier coup d’essai. Lors de sa réélection ou pendant un concert d’Aretha Franklin, on a souvent vu le président américain avec les yeux humides. Alors s’agit-il cette fois d’une manipulation ou d’un véritable élan de chagrin ? Sincere or not sincere, that’s the question. Mais qu’il s’agisse d’une manœuvre politique ou d’un sentiment authentique, les pleurs d’Obama sont efficaces, au point que Donald Trump lui-même déclare sur Fox News croire en la sincérité du président.
Une vieille tradition
En France aussi on pleure, et depuis longtemps. Sous la Révolution, les députés essuyaient des larmes de ferveur lorsqu’ils prêtaient serment à la Constitution. Pendant la Restauration, elles étaient dotées d’une valeur curative, voire expiatoire face aux crimes de la Terreur. Cependant, dans la seconde moitié du XIXème siècle, elles deviennent une caractéristique spécifiquement féminine et il est ordonné aux hommes de pouvoir de savoir se maîtriser en public. Pleurer devient une affaire privée et seul le deuil autorise un peu plus d’épanchement.
Aujourd’hui, bien que ces occasions restent très ponctuelles, il n’est pas si rare de voir une personnalité verser quelques larmes. Mais il est de bon ton de les verser comme il se doit, sans se laisser submerger. Ainsi, les sanglots de Ségolène Royal lors de la défaite de la gauche aux élections législatives de 1993, pudiquement filmés en contre-jour, ont-ils fortement marqué les esprits ?

 
A larmes égales ?
Pour bien communiquer, il faut donc bien pleurer, mais pas seulement. Il faut savoir choisir sa cause. Les larmes sont à double tranchant et peuvent facilement susciter rires ou agacement plutôt qu’empathie. Les joues mouillées d’un Poutine ému après sa réélection a eu moins d’impact que la voix vacillante de Laurent Fabius pendant la COP21 lorsqu’il déclarait : « J’ai une pensée particulière, enfin, pour tous ceux, ministres, négociateurs, militants, qui auraient voulu être là, en cette circonstance probablement historique, mais qui ont agi et lutté sans pouvoir connaître ce jour ». L’émotion du ministre devient l’expression de son engagement pour une cause collective. De la même façon, le visage défait de François Hollande lors des attentats de janvier, ou sa voix cassée lors de ceux de novembre traduisaient d’une manière impressionnante les sentiments d’horreur et de stupeur qui s’étaient emparés des Français.
Girls don’t cry
Malgré tout, l’exercice n’est pas aisé pour tout le monde. Le fait de pleurer étant profondément féminisé, le journal Le Monde remarque que les femmes politiques « doivent constamment balayer les critiques sexistes qui font rapidement des larmes féminines un aveu de faiblesse ». Une femme essuyant ses larmes ne bousculera pas tant les esprits que s’il s’était agi de l’un de ses homologues masculins. Celle-ci étant moins soumise au diktat de la maîtrise de soi, ses pleurs seront perçus – visuellement autant que symboliquement – comme moins spectaculaires. Pourtant, comme le remarque Yann Barthes dans le Petit Journal, les femmes sont plus enclines à pleurer pour « des causes assez profondes et humaines ».
Pleurer donc, n’est pas si rare en politique. Mais il s’agit d’un acte de communication non-verbal strictement codifié. La transparence des émotions est finement élaborée et si les larmes peuvent être authentiques, la manière de les mettre en scène – sans effusion – nécessite sans doute quelque entraînement.
Marie Philippon 
Sources :
« Les larmes politiques », Le Petit Journal du 06/01/16 – http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-petit-journal/pid6515-le-petit-journal.html?vid=1348093
Fanny Arlandis, « Larmes politiques », Le Monde, 14/01/16 –  http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2016/01/14/larmes-politiques_4847620_823448.html
Emilie Laystary, « Duflot, Royal, Fillon : les larmes des hommes et femmes politiques », RTL, 17/07/2013 – http://www.rtl.fr/actu/politique/duflot-royal-fillon-les-larmes-des-hommes-et-femmes-politiques-7763204606
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MANUEL VALLS ON N'EST PAS COUCHES
Politique

Manuel Valls dans "On n'est pas couché" : le triomphe de l'infotainment

L’annonce a surpris et suscité de nombreuses réactions : Manuel Valls invité de Laurent Ruquier samedi 16 janvier dans « On n’est pas couché ». Le talk show à succès de France 2 (l’émission réunit régulièrement plus d’un million de téléspectateurs), a beaucoup fait parler ces derniers temps. On lui a notamment reproché ses thématiques identitaires et ses chroniqueurs peu sympathiques à l’égard des invités. Beaucoup d’entre eux, excédés, ont d’ailleurs déjà quitté le plateau en pleine émission. Mais que vient donc y faire le Premier ministre ?
Une pratique ancienne mais qui surprend toujours
L’infotainment définit un programme mêlant information et divertissement. C’est le cas de l’émission médiatique et politique de Laurent Ruquier. En effet, l’émission suit le modèle du talk show à l’américaine. Elle est le lieu de débats entre les invités et les chroniqueurs Yann Moix et Léa Salamé.
La présence de personnalités politiques dans des programmes tels que « On n’est pas couché » n’est pas nouvelle. On a déjà pu constater l’attrait des politiques pour ce type d’émissions moins formelles. On se souvient de Valérie Giscard d’Estaing jouant de l’accordéon pour séduire la miss météo du « Grand Journal », ou encore, de Ardisson demandant à Michel Rocard si « sucer c’est tromper » dans son émission «Tout le monde en parle ».
Si la pratique n’est pas nouvelle, elle étonne encore en France. Beaucoup ont en effet, été surpris d’apprendre que pour la première fois, un Premier ministre en fonction allait se prêter au jeu de l’infotainment. Si la pratique surprend encore l’hexagone, elle est parfois banale à l’étranger, notamment aux États-Unis. C’est pourquoi personne ne s’est vraiment étonné d’entendre Barack Obama parler sous-vêtements avec Jerry Seinfeld.
Le choix de l’infotainment
On cerne vite les raisons du succès de l’infotainment. Ce type de média permet en premier lieu de cibler un public particulier. Un public assez large, qui ne regarde pas forcément les émissions politiques. Pour le politique, il s’agit alors d’une occasion en or pour tenter d’améliorer son image.
Pour Manuel Valls, les enjeux sont multiples. La figure du Premier ministre est contestée dans l’opinion. Il a l’image d’un homme dur, souvent tendu et sur les nerfs. Dans « On n’est pas couché », Manuel Valls aura du temps. Il disposera d’un temps plus long et moins formel que celui du discours pour tenter de créer un lien avec le public.
Séduire par le biais de l’infotainment n’est pas chose facile. On pourrait dire à celui qui s’y prête que c’est à ses risques et périls. Il est vrai que beaucoup ont péri. Citons le cas tristement fameux de Nadine Morano, punie de régionales par son propre parti, après avoir affirmé que la France est un  « pays de race blanche » dans l’émission de Ruquier. Les risques de l’infotainment sont grands. Il faut prendre garde à ne pas se laisser déstabiliser et encore moins ridiculiser, notamment par les chroniqueurs féroces d’ « On est pas couché ».
Pour séduire, il faut trouver à Manuel Valls beaucoup de prudence, mais également, de l’humour et de l’aisance. Un faux pas dans une émission pouvant coûter cher.
Désacralisation de la politique
Certains politiques refusent de prendre part aux émissions d’infotainment. Ils estiment que le politique n’a pas sa place dans ce média. C’est par exemple le cas de Nicolas Sarkozy qui estime que le politique doit porter une « parole plus solennelle ». On peut comprendre cette position. D’autant plus, lorsque l’on connaît les risques que ce média entraîne et la liste des personnes qui s’y sont brûlées les ailes.
Toutefois, dans le contexte actuel de crise de la démocratie qu’évoque Pierre Rosanvallon dans son ouvrage La contre-démocratie, la désacralisation induite par l’infotainment est-elle forcément négative ? Certains voient dans l’infotainment une réponse à la volonté de renouveau du discours politique qu’ont les français. Auquel cas, désacralisation ne rimerait pas forcément avec dévalorisation. Au contraire, cela contribuerait à réduire la distance entre le politique et ses électeurs.
Nous sommes face à un dilemme, le dilemme de l’opinion. Les français veulent des politiques plus proches d’eux, plus à même de les comprendre, mais pas trop non plus. Un politique trop comme nous devient risible, il perd tout prestige, toute hauteur. On ne peut que constater à quel point la stratégie d’ « homme normal » de François Hollande n’a pas fonctionné.
Seul le temps montrera si la prestation de Manuel Valls a convaincu. Nous espérons en tous cas qu’il s’est préalablement prêté à un excellent média-training.
Yasmine Guitoune
Sources :
Perrine Mouterde. Manuel Valls à « On n’est pas couché » : quand les politiques font le pari de l’infotainment, 14/01/16. Consulté le 15/01/16.
Simon Auffret. « On n’est pas couché », passage obligé pour les politiques ?, 07/10/15. Consulté le 10/10/2015. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/10/07/on-n-est-pas-couche-est-elle-vraiment-une-emission-polemique_4784242_4355770.html
Raphaëlle Bacqué. « On n’est pas couché », arène hétéroclite toujours plus orientée, 07/10/15. Consulté le 10/10/15. http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2015/10/07/le-fiel-du-samedi-soir_4784575_3236.html
Nicolas Berrod. Valls chez Ruquier : quand les politiques osent l’ « infotainment », le 15/01/16. Consulté le 15/01/16. http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/021623270952-valls-chez-ruquier-quand-les-politiques-osent-linfotainment-1192850.php
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Photo de une : France 2

Politique

DSK – 20 kilos

Nous sommes en mai 2011, la France et le monde sont secoués par une affaire qui aura des répercussions au sein des plus hautes institutions et auprès d’hommes politique haut placés : vous l’aurez deviné, c’est l’affaire DSK.
Les médias s’en saisissent à l’aide d’image de surveillance, d’images de “reconstitutions” (souvent floues, couleur sépia comme dans un épisode d’Enquêtes Impossibles sur NT1). Mais un média s’est fait connaître à ce moment-là pour avoir entièrement recrée la scène en animation, j’ai nommé le média taïwanais Next Media Animation.
Next Media Animation : le futur de l’info ?
La première fois que NMA s’est fait connaître à l’international, c’était effectivement avec l’affaire DSK en 2011. Malgré la gravité de l’affaire, la reconstitution réalisée par ce média est extrêmement comique. Le premier détail étonnant que nous pouvons relever a trait à la femme de chambre, censée représenter Nafissatou Diallo : son avatar a la peau blanche. Il est peu probable que NMA veuille faire preuve de racisme. Ils ont surement juste des avatars pré-établis qu’ils réutilisent pour chaque animation. Ou peut-être n’ont-ils pas considéré ce détail come important. Autre détail, DSK semble étrangement bien plus mince que d’ordinaire. C’est amusant mais cela montre encore une fois un manque flagrant de réalisme.

Mais ces animations révèlent quand même un fait nouveau : les reconstitutions de la sorte sont un nouveau média. D’ailleurs le nom “Next Media Animation” met en avant d’un point de vue sémiotique annonce l’aspect futuriste du studio par le mot “next”. NMA serait une nouvelle source d’information.
“C’est une autre culture”
Prenons un évènement, plus récent, aussi reconstitué par NMA : l’attentat évité de justesse dans le Thalys, le 21 août 2015. À en croire la vidéo, le tireur était torse nu, Mark Moogalian se serait pris (et aurait survécu à) une balle dans la tête et le tireur aurait fini ligoté comme une paupiette. En somme, l’animation simplifie et fausse considérablement les faits.
Les faits sont d’autant plus échenillés qu’ils sont accompagnés de textes colorés avec des effets “pop”, voire même cinématographiques à vocation de parodie de blockbuster. Par exemple, Spencer Stone, un des soldats ayant désarmé le terroriste est renommé en toute simplicité “GI Joe” avec un effet chromé.

Mais cette abondance de typographies ne nous est pas étrangère. Elle est en effet très fréquente dans tout type d’émissions de télévision au Japon, à Taïwan, en Chine ou encore en Corée du Sud. Ces pays ont une forte culture de l’image accompagnée d’idéogrammes colorés et animés. À l’inverse, les Européens prennent le parti de la sobriété. Nous pouvons prendre l’exemple de BFMTV dont le code couleur est relativement sobre et ne change pas : des lettres blanches sur une bannière bleue située en bas de l’écran. La culture occidentale sous-tend donc une autre sémiologie de l’information et de l’image. Mais dans le cas de NMA, il ne s’agit plus uniquement de sémiologie, il s’agit d’une toute nouvelle façon d’informer.
Divertir vs. Informer
Dans le cas de Next Media Animation, il s’agirait donc peut-être d’une nouvelle forme d’information, le studio taïwanais a passé des accords avec TomoNews, une chaîne Youtube qui se présente comme étant la chaîne réunissant “les nouvelles les plus divertissantes d’internet”. Ils accolent donc des micro-faits d’information avec des évènements qui changent la face du monde. De plus, l’idée de “nouvelle divertissante” semble peu adéquat, surtout quand cela traite de sujet très sensibles, tels les attentats de Paris, le 13 novembre.
TomoNews US relaie dorénavant toutes les vidéos d’informations de NMA et les attentats de Paris n’y échappent pas. Ils ont donc publié “Paris terror attacks : woman played dead over an hour survive Bataclan theater shootout” (Les attentats de paris : femme joue la morte plus d’une heure survivre fusillade du théâtre Bataclan). La reconstitution est plus que sortie et tout aussi erronée. Selon la reconstitution, deux des terroristes seraient arrivés par la scène : une information complètement fausse. Ensuite les images donnent une tournure presque mélodramatique à l’évènement. La musique, un morceau de piano digne de scènes de tromperies dans un soap opera, aspire la dernière once de réalisme.
L’horreur est mise à distance, voire supprimée, nous passons à une reconstitution 3D digne du jeu vidéo Desperate Housewives. Pourtant, la notion de “news” y est affichée. La frontière entre l’information et le divertissement est effacée : ils ont bel et bien la vocation d’informer. Néanmoins, il dénaturent l’information, notamment à cause de la scène de fin.

Cette image est pour le moins extravagante, la Mort tient une glace à la fraise et prend un selfie avec un obèse en chemise léopard, pendant qu’une sorte de géant vert tape la pose, allongé sur le logo de TomoNews.) De quoi retirer toute crédibilité aux faits que le média prétend reconstituer.
Colombe Courau
Sources :
Chaine Youtube TomoNews US
Crédits images :
Captures d’écrans de vidéos de Next Media Animation

Publicité et marketing

Les singes: les meilleures égéries ?

En novembre dernier le groupe américain Coldplay révélait le clip de son dernier single « Adventure of a Lifetime ». Cette vidéo est issue d’une collaboration avec la marque Beats, qui promeut ici son dernier modèle d’enceintes. Le clip et la publicité représentent d’ailleurs la même séquence, une spécialité de la marque qui effectue régulièrement des partenariats de la sorte avec des artistes musicaux. Réalisé en motion capture, on peut y voir des singes danser sur le titre de Coldplay. Si ce choix de figurants a beaucoup fait réagir les internautes et les fans du groupe sur le web qui se sont amusés à démasquer derrière chaque singe un membre, il n’en demeure pas moins nouveau. En effet, nos confrères les primates sont bien loin de leurs premiers pas dans la pub.
Des primates mythiques
Dans les années 1990, la marque de lessive Omo introduit dans ses publicités des singes habillés de vêtements humains. Elle se démarque des autres vendeurs de lessive en mettant en scène des animaux, qui ne sont par ailleurs pas réputés pour être très propres, et invente également son propre langage : le « poldomoldave ». C’est du jamais vu et le succès est immédiat. Même sans comprendre la totalité des phrases prononcées par les singes, les récepteurs – quelque soit leur âge – saisissent le message. Car, avec cette publicité décalée, le but d’Omo est aussi de toucher un public plus large que les simples ménagères : elle amuse les plus grands comme les plus petits.
On joue ici sur l’humour et l’autodérision, on ne parle plus de l’efficacité du produit.
Sébastien Genty analyse pour Le Figaro : « Les concepteurs-réalisateurs de la saga des chimpanzés ont été les premiers à avoir créé un territoire et un langage induisant un attachement à la marque. »
Mais pourquoi des singes ? Car prononcé par des humains, le poldomoldave donnait un ton moqueur à la vue du public lors des tests, les publicitaires ont alors inséré les primates, qui rendent insolite une scène très ordinaire de la vie quotidienne.
Les singes d’Omo et leur poldomoldave deviennent mythiques et donnent à la marque une réelle identité. Mais en plus d’avoir fait rire des générations avec ses petits personnages, Omo a aussi grâce à eux rajeuni son image, gagné en notoriété et augmenté ses ventes de 25%.

Outre manche on peut citer deux exemples devenus légendaires : PG Tips et Cadbury.
Les chimpanzés de PG Tips ont placé leur marque au premier rang des vendeurs de thé en Grande Bretagne pendant plus de 30 ans. Même si derrière ces publicités se cachent des campagnes de communication de dizaines de millions de livres, les petits singes devenus Al et Monkey (un homme et une singe en peluche) en 2007 y sont pour beaucoup en ayant fait l’unanimité dans le cœur des consommateurs pendant plusieurs décennies.  
 

Pour Cadbury, son Gorille a aussi été le sauveur de la marque qui souffrait, avant le lancement de cette publicité en 2007, d’une importante perte de vitesse à cause d’un scandale de salmonelle. Avec ce singe plus vrai que nature, la marque joue la carte de l’entertainement sans aucune référence au produit. Le succès est immédiat : des centaines de milliers de personnes intriguées par l’agilité de l’animal, qui joue dans ce spot de la batterie au son de Phil Colins (« In the Air Tonight »), se ruent sur internet pour en percer les secrets se demandant même s’il s’agit d’un réel gorille.
Augmentation des ventes de 9% par rapport à l’année précédant le lancement, hausse de 20% d’opinions favorables quant à la marque, première place au « Gun Report 2008 » (un classement annuel des campagnes, des réseaux de communication et des agences les plus primés au monde)… Bref encore un singe qui fait le boulot.

Dans ces trois exemples les singes sont personnifiés en étant mis dans des situations humaines ou assimilés à des personnes réelles. Le singe étant l’animal qui se rapproche le plus de l’homme, il est donc facile de le faire passer pour une personne le temps d’un spot. Il est aussi un animal amusant, attendrissant et attachant tout comme insolent et malin, qui est donc susceptible de conquérir le public rapidement.
Mais il n’apparaît pas toujours ainsi à l’écran. Les publicitaires utilisent aussi de vrais animaux, comme lors d’une publicité Ikea lancée en 2015 où, au milieu de leur environnement naturel, des singes testent la fonctionnalité d’une cuisine. En s’amusant avec les meubles et les ustensiles, les petites bêtes incarnent le slogan employé par l’enseigne suédoise, « Redécouvrez les joies de la cuisine ».
Pour la publicité Peugeot 308 GTi, c’est le célèbre petit singe du film à succès Very Bad Trip qui est mis au centre d’une course poursuite tout au long de la réclame.
D’autres égéries animales
Mais les singes ne sont pas les seuls animaux utilisés dans les publicité, on connaît également les animaux sauvages aux formes humaines d’Orangina, ceux utilisés pour représenter des marques de céréales, les lapins Duracell ou bien la Vache qui rit.
Alors pourquoi utilise-t-on les animaux en publicité ? Pourquoi une marque peut-elle s’appuyer sur l’un d’eux pour en faire son image dans le temps comme la vache Milka ?
L’utilisation d’animaux est un basic, parfois même une valeur sûre pour assurer le succès ou la sympathie d’une annonce. Outre une raison économique, car l’emploi d’un animal coûte souvent moins cher qu’un figurant, il est parfois plus facile de faire passer un message avec un animal par exemple pour des messages délicats ou controversés qui seraient mal perçus venant d’une personne.
Aussi, le spectateur peut avoir une meilleure confiance en un animal, qui serait un être fidèle et honnête.
Selon le ton du message et de la publicité, les annonceurs qui souhaitent jouer la carte de l’émotionnel peuvent y arriver plus facilement avec un animal, par exemple des hommes s’occupant de bébés animaux pour le site adopteunmec.com en 2013, ou des histoires d’amitiés entre des animaux d’espèces différentes pour Samsung et Android en 2015.
Ce n’est donc pas un hasard si selon le classement des publicités les plus virales de 2015 réalisé par Unruly, les quatre premières vidéos arrivant en tête mettent en scène des animaux.

Capucine Olinger
Sources :
Le Figaro, 20 ans de spots TV: Omo singe la pub, 14/10/2007
Ionis Brand Culture, Cas n°46: Omo « les singes »
La libre, Un gorille au secours de Cadbury, 3/12/2007
Le Figaro, Pub:  » le gorille » de Cadbury emporte tous les suffrages, 12/11/2008
Planète GT, Peugeot 308 GTi: la pub qui va vous surprendre !, 15/12/2015
La Réclame, Des singes se déchaînent dans une cuisine IKEA en pleine jungle
Capital, Publicité: pourquoi les animaux font vendre, 10/04/2014
La Réclame, Musique de la pub Beats Pill 2015 
Crédits images :
Tuxboard.com
Dailymail.co.uk
The Guardian
Lareclame.fr

Publicité et marketing

Amnesty International, 50 ans de campagnes choc

Depuis plus de 50 ans, l’ONG Amnesty International dénonce les attaques à l’encontre des droits de l’homme dans le monde, et cherche à avertir le public  par le biais de campagnes de communication violentes et dérangeantes sur des sujets aussi variés que graves. Dans un contexte d’hypermédiatisation et d’hyper-information, le message en lui-même ne suffit plus malgré un message porteur de sens et doit s’accompagner d’une stratégie de communication parfois plus évènementielle. Comme chaque année, le 10 décembre, journée mondiale des droits de l’homme, l’ONG lance des campagnes pour inviter les citoyens du monde à réagir face aux libertés bafouées.
Un contexte et une démarche particulière
Afin de faire connaitre leurs actions, sensibiliser le public aux causes qu’elles défendent mais aussi récolter des fonds, les ONG doivent s’assurer une vaste couverture médiatique, on remarque cependant depuis plusieurs années différents facteurs qui viennent impacter leur communication : elles font face à une multiplicité des associations défendant des causes locales aussi diversifiées que complexes. Par ailleurs, les médias avec lesquels elles travaillent sont de plus en plus internationalisés et contribuent à une augmentation de la vitesse de diffusion et de réaction de l’audience de plus en plus fragmentée. Alors que quelques années auparavant, un spot de 20 à 30 secondes au moment des pics d’audience suffisait pour convaincre, aujourd’hui il leur faut se démarquer à travers des choix stratégiques et théoriques.
Amnesty International a décidé d’utiliser une stratégie de communication spécifique pour chaque pays : chacun des 80 bureaux relaie les informations transmises par le siège de l’organisation. Une politique globale est mise en place et diffusée au travers de moyens de communications modernes et novateurs.
Les choix stratégiques et créatifs
L’ONG s’illustre par son utilisation du « street marketing » une stratégie marketing qui utilise la rue et le paysage urbain pour surprendre les gens et ainsi bénéficier d’une meilleure diffusion dans l’opinion. L’exemple le plus emblématique fût la campagne « It happens when nobody is watching » en 2009, qui sensibilisait aux violences conjugales : un panneau d’affichage d’abribus équipé d’une caméra eye tracking* diffusait le visuel d’un homme battant sa femme. Dès lors qu’un regard se posait sur celui-ci la scène de violence s’arrêtait et laissait apparaître l’image d’un couple d’apparence paisible et serein. L’association donne ainsi un aspect événementiel à sa campagne en créant le buzz et en générant de nombreuses retombées presse. C’est cette étrangeté choquante et puissante qui créé l’impact auprès des médias qui vont alors démultiplier son importance en en parlant.

Malgré des campagnes similaires au fil des années, le shockvertising (stratégie de communication qui par le biais du choc vise à accroitre l’attention du destinataire et la mémorisation du message dans le but de provoquer une réaction) initialement destiné aux politiques et aux publics, est de plus en plus tourné vers les médias et la volonté non masquée de faire parler.
Les nouvelles technologies permettent de faire le buzz, et Amnesty International ne cesse de les utiliser pour réinventer sa communication et toujours être à l’avant-garde. Tous les supports sont bons à utiliser pour sensibiliser. Ainsi, en 2011 lors de son 50ème anniversaire, l’association lance une application nommée « Bulletproof » pour sensibiliser les utilisateurs d’iPhone à la défense des droits de l’homme, le but est d’arrêter les balles lancées par un peloton d’exécutions sur l’accusé – le joueur.  Conçue par l’agence La Chose, le but de la vente de cette application est de rappeler la cause principale de l’association : la lutte contre la peine de mort.
L’audace marketing de l’association semble porter ses fruits puisqu’à plusieurs reprises les publicités de l’ONG ont été récompensées par des prix, c’est le cas en 2011 avec la campagne « La peine de mort est destinée à disparaitre » récompensée du grand prix de la campagne citoyenne (ayant pour but de promouvoir les campagnes de communication dont la vocation est d’améliorer un comportement individuel ou collectif), et primée lors du grand prix de la publicité presse magazine. C’est de fait une des preuves de l’efficacité du shockvertising quand il mêle impact et justesse des propos.
Les lendemains
Amnesty International continue sur cette lancée, et se fait notamment remarquer en 2014, lorsque le siège belge dévoile sa campagne pour dénoncer la torture. Déclinée sous forme de triptyque  représentant Iggy Pop, Karl Lagerfeld et le Dalai Lama le visage tuméfié à la suite de torture proférant des propos chocs tels que « l’avenir du rock’n roll c’est Justin Bieber », « Un homme qui n’a pas de Rolex à 50 ans a raté sa vie » avait pour message principal de dire « torturez un homme, il vous racontera n’importe quoi ». Valérie Michaux, la directrice du bureau de la communication Belge s’est félicitée de ce buzz « La campagne a eu un succès fulgurant dans les médias et sur les réseaux sociaux. On a pu atteindre 2 millions de personnes et les médias du monde entier nous ont relayés. »**

Le public est sans cesse sollicité et pris à parti, c’est le cas dans une campagne contre les mariages forcés pour laquelle Amnesty International a utilisé et détourné les sites de rencontre tels que Tinder, l’association a créé son propre compte le 8 mars (la journée mondiale de la femme) et a posté des photos avec l’idée que certaines personnes n’ont pas toujours le choix, la liberté de choisir ou non son partenaire n’étant malheureusement pas un choix pour bon nombre de femmes dans certains pays. Cette sollicitation se retrouve plus récemment dans la campagne de décembre 2015 nommée « 10 jours pour signer » et qui vise à mobiliser l’opinion publique sur 10 situations emblématiques de violation des droits humains. Dans une vidéo traitant de la torture le public se retrouve à la place du spectateur qui détient entre ses mains le pouvoir de faire changer les choses et de stopper la séance de torture qui se passe face à lui.   

Cette stratégie de communication choc semble avoir porté ses fruits puisqu’elle permet de faire parler de l’ONG et ainsi de diffuser au plus grand nombre ses messages  et ses combats. Elle permet de diffuser un message cohérent face à des médias de plus en plus diversifiés. Ce choix du shockvertising n’est pas seulement utilisé par les ONG mais aussi par des grands groupes tels que Benetton dont les publicités sont souvent l’occasion de dénoncer des problèmes de société, telles que l’anorexie et les violences faites aux femmes. En cherchant à se démarquer et à créer du buzz Amnesty International semble avoir frôlé certaines limites. En effet la campagne contre la torture utilisant des photographies de personnages publics a provoqué une vague de contestations de la part de leurs agents, dans la mesure où les personnes représentées n’avaient pas été informées de l’utilisation de leur portrait dans une campagne de communication. Malgré les excuses d’Amnesty International, on peut se demander si son statut d’association agissant pour la bonne cause lui permet de repousser les limites tolérées dans le monde de la communication et par l’opinion publique.
Notes :
*: Technique utilisée pour repérer où se pose l’œil du consommateur lorsqu’il regarde un message publicitaire. Ainsi le message principal pourra être placé là où il convient. (définition de Linternaute)
**: Réaction suite à l’utilisation des images de célébrités et réponse de Valérie Michaux:
Le soir, Même sous la torture Iggy Pop veille à son image, 26/06/2014
Arianna Delehaye
 
Sources : 
Le Monde marketing, La nouvelle campagne de sensibilisation d’Amnesty International, 8/12/2015 
Ionisbrandculture.com, Étude de cas Amnesty International 
Crédits photos: 
Puretrend.com
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